jeudi 15 mars 2012

Urbaine 12 - 03 (cours 5)

Précédemment : Urbaine 05 - 03


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Pour répondre au commentaire : l'enseignant ayant mobilisé cette photographie n'a pas cité sa source. Ce blog visant à rendre ces cours accessibles à tous (cela visait initialement les autres étudiants), nous n'avions pas l'information sur l'origine de cette image et nous en excusons. Nous respectons le travail intellectuel et nous vous remercions de nous laisser utiliser votre travail.

L'économie des Retraités



« Circulation invisible des richesses » et nouvelle économie urbaine


Dans la plupart des manuels sur le développement économique local, une ville qui veut se développer économiquement doit produire des richesses. Cela impose que la région doit produire et vendre des biens et des services au marché intérieur et extérieur. L’acteur clé est alors l’entreprise compétitive qui doit s’acquitter de cette tâche en vendant bien et en réinvestissant dans la région les bénéfices des profits fait à l’extérieur. On fait donc une analogie entre la ville et l’entreprise, puisque sous un certain angle, la ville serait une super-entreprise.

Le développement économique local possède une analyse dominante depuis les années 1970. Le contexte serait devenu très favorable aux plus grandes villes et aux métropoles et donc se serait plus difficile pour les villes locales. On a donc eut des visions alarmistes qui menaient à un risque de fracture territoriale où des métropoles prospèrent mais où les zones non-métropolitaines (petites et moyennes villes ainsi que les campagnes) seraient menacées.
Cela reste hautement discutable parce qu’une telle analyse est incomplète. Cette théorie ne réduit le développement économique qu’à deux notions : l’attractivité du territoire ou la création d’entreprises. Cette vision est réductrice et il existe d’autres voies pour se développer.


I.                   Conception dominante du développement économique local : la ville entreprise

Dans la conception dominante du développement de l’économie local, une ville serait dépendante de la taille et de la compétitivité de son système productif. Plus une ville compte d’entreprises, plus ces entreprises sont compétitives, plus la ville se développe économiquement et devient prospère. Ainsi seule l’entreprise compétitive serait l’élément clé de cette formule.
En découle alors deux stratégies de développement. On peut tenter de séduire les entreprises en les faisant venir sur son territoire qu’on rend attractif. C’est la voie exogène, tournée vers l’extérieur. On peut sinon tenter de mettre l’accent sur des entreprises locales qu’on crée de toute pièce. On parle de la voie endogène, celle qui s’appuie sur les ressources locales. La clé devient alors le soutien fourni aux entrepreneurs locaux.

Forcément les années 1970 et ce qui s’en ait suivi à renforcer la compétitivité des entreprises tant en exogène qu’en endogène. Dans cette période de 1970, favorable aux métropoles, les entreprises cherchent des attributs plus abondants dans les grandes villes (externalités relationnelles). Ce qu’elles cherchent, se retrouve de plus en plus dans les métropoles. De plus, l’accumulation de moyens et de savoir-faire pour soutenir les entrepreneurs locaux sont plus faciles dans les grandes métropoles. On parle donc d’un cercle vertueux des métropoles : le développement va vers le développement. Dans le cas du territoire non-métropolitain, on est dans un cercle vicieux.


II.                Une conception élargie : se développer en attirant des revenus

Le développement économique local ne tient pourtant pas seulement à une question d’entreprises que l’on attire ou que l’on crée. Il y a d’autres solutions. En particulier, la plus ancienne théorie qui porte sur ce sujet se nomme la théorie de la base. Le développement économique local dépend de la capacité à attirer des revenus venus de l’extérieur. La base économique ce sont les revenus capté de l’extérieur. Cet argent doit alors être réinjecté dans l’économie locale via la consommation de biens comme la consommation de services. On parle aussi d’économie domestique, de services rendus aux ménages.

La conception dominante souligne que cet argent vient des entreprises compétitives qui vendent à l’extérieur. Or il y a là deux erreurs. D’une part les revenus tirés de l’extérieur ne viennent pas seulement des entreprises revendant à l’extérieur, d’autre part les revenus des entreprises sont supposés être au bénéfice local et ce n’est pas toujours le cas.

Pour faire entrer de l’argent dans un territoire il y a d’autres méthodes. Ainsi un patron qui travaille à Paris la moitié de l’année et qui pour des raisons diverses, est à Avignon le restant de l’année, se déplace avec les revenus obtenus à Paris. Les revenus de ce patron utilisés à Avignon sont des richesses créées à Paris, donc extérieures. Ainsi un individu du Libéria actionnaire d’une entreprise californienne va toucher des dividendes et donc le Libéria a des revenus extérieurs. Un retraité qui habite à Bayonne va toucher sa retraite venu d’une grande entreprise parisienne. Pareil pour les fonctionnaires qui habitent en province et touchent de l’argent venu de Paris. Idem pour les revenus du tourisme. Par ce biais des ménages résidents on a donc une nouvelle source de revenus extérieurs.
Les revenus tirés de l’extérieur sont donc certes les revenus des économies exportatrices, les revenus publics, les revenus des présents (tourisme, résidences secondaires, …) et les revenus générés ailleurs qui bénéficient aux résidents (cas des actionnaires ou des flux monétaires vers un village).
Les salaires et les profits générés par les entreprises exportatrices ne bénéficient pas à 100% au territoire local. Certes les entreprises génèrent des profits aux territoires mais les revenus peuvent rémunérer des agents extérieurs au territoire et même si cela touche des agents locaux, rien ne les empêche d’aller dépenser cet argent hors du territoire local. L’entreprise n’alimente pas intégralement l’économie locale, une part de ces revenus échappe au territoire.

La théorie de la base revisitée souligne que la base économique possède deux piliers : l’économie productive (celle qui bénéficie au local) et l’économie résidentielle (les revenus d’origine extérieure, indépendants de l’économie productive locale et ne tenant qu’à la présence et la résidence des ménages).


III.             Economie résidentielle au service du non-métropolitain

1.      Une économie gigantesque

Deux facteurs jouent dans la quantité de cette économie : d’une part la socialisation croissante de la richesse, d’autre part les progrès de la mobilité et l’éclatement des lieux de vie.

En France les dépenses des administrations publiques avoisinent les 1 000 milliards d’euros par an. Cela représente 52% du PIB. Les salaires publics s’élèvent à 247 milliards d’euros.  Les retraités qui s’élèvent à 15 millions en 2007 touchent au total 230 milliards d’euros par an. Bien entendu sur le long terme, des régions pourront entrer en crise par l’extinction des retraités et de leurs revenus.

Les progrès de la mobilité touchent en premier lieux les loisirs et le tourisme. En France, cette consommation touristique touche 102 milliards d’euros en 2003 dont un tiers viennent de touristes étrangers. Avec 79 millions de touristes étrangers, la France est une des premières destinations touristiques du monde. De même, l’excédent commercial dégagé entre la consommation des Français à l’étranger et celle de la consommation des étrangers en France est de 11,4 milliards d’euros, plus que l’excédent commercial automobile. Les Parisiens passent en moyenne deux mois de l’année hors de l’île de France. En 2008, on dénombrait 210 millions de voyages (plus de quatre nuitées hors de chez soi) pour la population de plus de 15 ans en France, 91% pour motif personnel, 56% en voyage court. De plus, on a 3 millions de résidences secondaires et le nombre des dépenses faites dans ces résidences secondaires s’élèvent à 4 milliards d’euros. Il y a aussi une hausse croissante entre la zone de résidence et la zone de travail, 800 000 actifs sont concernés. A l’échelle du département on dépasse les 3 millions d’actifs. A l’échelle des communes 37% des actifs sont concernés.

Tout tient donc à une économie de transfert. Une grande partie des richesses quittent leur lieu d’apparition vers leur lieu de consommation. Auparavant les deux étaient très proches, plus maintenant. Ce transfert passe entre autre par des circuits publics (redistributions par des budgets publics) et des circuits privés (mobilités de tourisme et de loisirs, multi-résidence, séparation lieu de travail et lieu de résidence). Son effet indirect est que tout cet argent va soutenir l’économie domestique locale, l’économie locale de services aux ménages. C’est un des secteurs majeurs d’emplois et de revenus avec 8 à 10 millions d’emplois en France en passant des commerces aux agences bancaires et aux services scolaires.

2.      Une économie amicale avec les territoires non-métropolitains

Les territoires non-métropolitains bénéficient de l’économie résidentielle. Se sont des territoires qui ont des atouts environnementaux et des atouts dans les cadres de vie. Cela attire donc les retraités, les touristes, les résidents secondaires, des actifs, … Cette attractivité crée des territoires dynamiques, relativement bien dotés en emplois publics. Il y a des revenus sociaux qui sont palliatifs à l’absence de revenus d’économie productive.
Les retraités sont à 48% dans des petites villes ou à la campagne. Les résidences secondaires sont pour 75% dans ces régions. Les emplois publics sont surreprésentés dans les villes de moins de 200 000 habitants. Malgré tout, entre les dépenses des Franciliens en métropole et celle des métropolitains en Ile de France, il reste 8 milliards d’euros de différence. Cet argent maintient et dope l’économie domestique. Les services marchands et aux personnes deviennent alors des composantes majeures de l’économie locale.

L’économie résidentielle fonctionne donc aujourd’hui comme un amortisseur de la fracture territoriale, elle compense la notion de fracture entre la métropole et le reste de la France. L’économie résidentielle palie à l’absence de l’économie productive, elle préserve des emplois et des revenus permettant des performances sur le plan socio-économique qu’on jugerait normales.


L’économie résidentielle ouvre de nombreuses perspectives pour le développement économique local. Plusieurs territoires l’ont compris et mènent une stratégie de développement sans produire de la richesse mais en bénéficiant des richesses produites ailleurs. Les territoires peuvent aujourd’hui se développer sans économie productives, sans entreprises exportatrices. Plutôt que des entreprises, il faut séduire des individus et cela semble s’adapter aux territoires non métropolitains. Cela n’empêche pas des inégalités au sein de territoires non-métropolitains. Aujourd’hui, des villes et des régions sont avantagées par ce système (PACA, Aquitaine, Bretagne, …) avec des attractions environnementales (mer, montagne, forêts, parcs, …), un climat agréable et l’absence d’industries polluantes ainsi qu’une faible densité d’habitation. Dans ces cas là, les avantages comparatifs sont en faveur des économies résidentielles. En revanche, il y a des régions largement désavantagées dans le Nord et l’Est (Nord Pas de Calais, Lorraine, Picardie, …) avec peu d’attraits environnementaux, un climat supposé moins clément et des paysages industriels peu appréciés. Pour ces régions constituées de  certains désavantages comparatifs, on a de pauvres économies résidentielles qui ne compensent pas l’économie productive.

1 commentaire:

  1. Bonjour,

    La photo qui est utilisée sur cette page se nomme "RetraiteFaceLaMer".
    Elle n'est pas libre de droit et m'appartient (http://www.ruedulavoir.com/wp-content/uploads/2010/11/RetraiteFaceLaMer.jpg).
    Merci de : soit nommer vos sources et donc faire référence à mon site Internet ou soit supprimer tout simplement cette photo.

    Cordialement,


    Olivier
    www.ruedulavoir.com

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