Bibliothèque d'Ephèse en actuelle Turquie
Le monde des cités
L’administration
centrale est très légère, non-bureaucratique et les institutions romaines sont
assez distantes. En conséquence tout repose sur les structures locales en
particulier les cités
en charge de la vie quotidienne. Deux types de cités se distinguent :
celles qui existaient avant la conquête que les Romains laissent intactes et
les cités créées par les Romains pour avoir une antenne locale. En particulier le monde hellénistique est remplit de cités
de manière très dense, cette région est hautement urbanisée. L’Empire
laisse donc les structures en place. Seule l’Egypte est peu urbanisée et les
Romains n’y créeront pas de cités. En
revanche l’Est peu urbanisé va être aménagé par les Romains avec des municipes
(cités en Occident). En Bretagne, ils
organisent la province en cités en développant des centres urbains avec un
territoire qui lui est associé. Ils construisent des routes sur lesquelles sont
créées des municipes. En Gaule, il en est de
même. 60 cités sont créées par les Romains en leur donnant de nouveau une
autorité sur un territoire. Pour cela, les Romains ont repris la division entre
les différents peuples. Les Eduens, alliés des Romains sans organisation
civique, ont obtenus un vaste territoire auquel on a déplacé leur centre. Au
lieu de Bibracte comme capitale, on leur crée Autun
(anciennement Augustodunum). Dans certaines provinces on a des deux formes de
cités. Les côtes espagnoles étaient pleines de cités mais l’intérieur a du être
urbanisé par les Romains. L’Espagne est
un cas hybride. La cité se développe partout sans que la densité des cités
soit partout la même.
La période
impériale romaine est l’apogée de la cité en Méditerranée. Claude Lepelley parle d’apogée de la
civilisation municipale (municipes pour l’Ouest de l’empire) ou civique (cités
pour l’Est de l’empire). Entre l’Ouest et l’Est, il y a une frontière
linguistique entre le latin à l’Ouest et le grec à l’Est. Toujours est-il que
ce sont des centres urbains qui contrôlent un territoire qui leur est propre. La civilisation romaine est urbaine. De
plus, la cité a des institutions civiques locales avec des pouvoirs locaux. A
cette époque la cité est constitutive de la personnalité, on est citoyen
puis romain ensuite. Il est difficile de changer de cité. L’empire est donc
l’institution chapotant cette confédération de cités.
I.
Les communautés
civiques et municipales : des statuts divers
Les cités ont des
statuts qui forment une hiérarchie entre elles. Cette hiérarchie dépend aussi
de la région dans laquelle on se trouve. Ces statuts sont enregistrés dans les documents
officiels que les gouverneurs doivent respectés. Ces documents sont la lex provinciae (statut général des
pouvoirs des provinces), la formula
provinciae (liste des communautés avec leur statut) ou les lois locales et
municipales affichées dans les cités même. En
dernier lieu l’empereur peut lever ou abaisser le statut des cités, souvent
sur demande des cités qui ont envoyé des ambassades, ou suite à un évènement.
Il existe plusieurs
types de communautés humaines, certaines n’étant pas reconnues comme cités par
les Romains car elles seraient trop peu évoluées. Il est cependant possible
pour une cité de changer de statut.
Ainsi, Rome les administre directement comme en Asturie
au Nord-Ouest de l’Espagne. Cette communauté qui évolue et s’enrichit peut
demander in fine le rang de cité. Une inscription de Tymandus en Pisidie nous
conforte dans cette hypothèse. L’empereur répond que les habitants sont assez
riches pour faire des élections de magistrats et donc devenir une cité.
Dans
les cités on a donc trois grands types de communautés, organisées de la
prestigieuse à la moins valorisante.
1. Les communautés de droit romain
Le droit romain est
surtout diffusé en Occident et un statut est plus prestigieux que les
autres : les colonies romaines.
A.
Les colonies romaines
A l’origine ce sont
des fondations par Rome au sens où on envoie des citoyens romains en-dehors du
territoire romain pour établir une nouvelle cité avec le territoire qui va avec.
Des citoyens quittent l’ager romanus pour
former une colonie, une deductio. Ces colonies sont géographiquement séparées
de Rome mais sur le plan institutionnel non puisque des citoyens romains ont
fondé la cité. Ils ont les mêmes droits, les mêmes institutions, la même
religion, … D’abord statut propre aux cités italiennes, cela s’étend au –
II° siècle comme à Narbonne, une des plus
anciennes cités. Les Romains fondent la Narbonnaise et veulent contrôler le
trajet Italie – Espagne. En conséquence, les Romains commencent par expulser
les habitants de la Narbonnaise pour prendre possession du territoire. Ils
seront plus tard intégrés. On y installe 2000 à 3 000 colons avec chacun
des terres. Chaque colon romain possède un lot de terre égal entre colons.
De nombreuses
colonies sont formées puisque chaque imperator veut donner des terres à ses
soldats. C’est
très vrai pour la région de la Narbonnaise. Arles
est fondée par César qui veut installer ses vétérans. Le nom de la ville vient
Arelate, nom du lieu dit pour les Gaulois, dans les inscriptions romaines,
c’est la Colonia Iulia Paterna Sextanorum
(VI° légion). Lugdunum (Lyon) sera aussi
fondée dans cette période.
On a aussi des
colonies honoraires. La distinction est typiquement historienne, pour les
Romains les deux étaient identiques bénéficiant des mêmes droit. A Leptis
Magna en Afrique proconsulaire, on avait une ville pérégrine durant des
décennies. Elle devint une colonie sous Trajan en devenant Colonia Ulpia Traiana Augusta fidelis Lepcis Magna. Elle prend donc
elle aussi le nom de son fondateur (Trajan). De cette colonie viendront de
nombreux empereurs Sévère.
Dans les zones
frontières de l’Orient, on trouvera aussi ce genre de villes où s’installent
des militaires romains uniquement.
B.
Les municipes romains
Ce sont des
communautés pérégrines qui reçoivent le droit romain sans pour autant
bénéficier du même droit que les citoyens romains. Généralement, c’est une
étape avant de devenir une colonie. On
connaît cela en Gaule et dans un cas en Bretagne à Verulamium.
Au lieu de l’oppidum Catauvellauni, les Romains prennent la région et fondent
Verulamium en privilégiant le peuple sur place et en leur confiant la tâche de
surveiller les autres peuples locaux. On n’envoie donc pas de colons sur place,
on fait avec les habitants locaux.
2. Les communautés de droit latin
A.
Les colonies latines
Elles apparaissent
d’abord en Italie. On y envoie des colons qu’on mélange à la population
locale : un melting pot de vétérans et d’indigènes. Ces populations
locales bénéficient d’un droit proche du droit romain : le droit latin. Ils peuvent épouser des femmes
romaines (conubium : égalité
dans le mariage), bénéficient des contrats (commercium :
droit de commercer) protégés par la loi. Mais
ils ne peuvent voter et ne sont pas des citoyens romains.
Les magistrats de
la cité deviennent automatiquement des citoyens romains à la fin de leur
mandat. Les élites peuvent envisager une carrière à Rome ensuite. Sous Hadrien,
cela est étendu puisque toute la famille du magistrat obtient la citoyenneté
romaine. Cela se
retrouve beaucoup dans le Sud de la Gaule comme Nîmes
et Avignon.
B.
Les municipes latins
Beaucoup plus
nombreuses que les colonies latines, c’est le cadre le plus répandu en
Occident. C’est comme les colonies latines sauf qu’on n’envoie pas de Romains
dans ces communautés.
Elles sont conquises, organisées en cités et la population possède les droits
latins tout comme les colonies latines. Sous Hadrien, il en sera de même
concernant les familles des magistrats, …
Ce
droit latin est connu puisqu’on a retrouvé de nombreuses inscriptions en bronze
énonçant les institutions locales. C’est le cas de la loi d’Irni en Bétique.
C’est une forme de constitution locale.
3. Les communautés pérégrines
Il s’agit cette
fois-ci des communautés qui vivent toujours sous leur droit local. Le droit
romain ou latin ne prend pas sens dans ces cités. Ce système est majoritaire
dans l’Orient
(Grèce, Turaquie, …). Pour un Grec
d’Anatolie, l’idéal est de conserver ce statut de cité pérégrine. Pour un
gaulois de Nîmes, l’espoir est de devenir une colonie romaine. Selon le lieu
d’habitat, l’idéal est différent. Mais les cités pérégrines ont aussi une
hiérarchie qui leur est propre.
·
Les cités fédérées sont l’idéal
d’une communauté pérégrine. Il y a un traité signé conjointement entre la
communauté et la cité. Si
le traité est inégal, cela n’empêche pas la cité d’avoir là une forme de
reconnaissance très forte qui lui assure un prestige. La plupart des cités fédérées négocient des exemptions fiscales
(évitant l’impôt direct), d’autres sur leur administration, …
·
Les cités libres sont des cités
pérégrines où Rome décide, sans l’avis de la cité concernée, que celle-ci est
libre. La cité
peut négocier malgré tout des exemptions, notamment fiscales.
Cités libres et
cités fédérées sont considérées comme indépendantes de la province.
Géographiquement elles sont dedans mais institutionnellement non. Ainsi le
gouverneur romain ne peut y entrer sans avoir l’accord de la cité, ces cités ne sont pas sur la
liste de la province. Ainsi Aphrodisias a
conservé un mur d’archive sur lequel elle a fixé les lettres impériales dont la
lettre qui lui donne le statut de cité libre.
·
Mais le cas le plus fréquent, ce sont les cités
stipendiaires : des cités qui versent l’impôt du stipendum. Elles versent les impôts directs : l’impôt foncier (tributum soli) et l’impôt
par personne (tributum capitis).
En
Occident on trouve surtout des municipes latins et en Orient des cités
stipendiaires. Les statuts privilégiés en revanche sont, en Occident, les
colonies romaines et en Orient les cités fédérées. Tout au long de l’empire, il n’y a jamais eut d’unification des
statuts, les négociations se font cités par cités.
II.
Les cités
structures fondamentales de l’Empire
Quelque
soit leur statuts, les cités ont toutes les mêmes fonctions.
1. Les institutions locales
A.
Les communautés de droit latin ou romain : influence du
modèle romain
Toutes les cités
ont les trois pouvoirs locaux : l’assemblée populaire, l’assemblée
restreinte et des magistrats. Les communautés de droit latin ou romain sont
calquées sur l’organisation romaine.
On trouve des questeurs locaux, des édiles, … tous nommés pour un an. On trouve
aussi l’équivalent des consuls locaux : les duumvirs. En général un cursus
honorum classique a lieu dans ces cités.
Il existe cependant
bien quelques nuances subtiles.
Des fois on trouve plusieurs consuls locaux, quattuorvirs. Parfois on a création de nouveaux magistrats (vergobrets).
La base du pouvoir
reste toujours le populus local composé
de citoyens ayant la citoyenneté locale, pas forcément la citoyenneté romaine. On a donc des Romains voyageurs
qui ne font pas parti du populus
d’une cité. Quand à l’assemblée restreinte, on la nomme souvent le Conseil des
décurions (équivalent des sénateurs romains).
B.
Les communautés pérégrines : diversité et dynamisme des
structures civiques
Les aspects
démocratiques des structures civiques sont plus faibles. On a toujours des ekklesia, des boulè et des magistrats
(stratèges, stephanéphores, gymnasiarques,
…), mais les situations sont très variables d’une cité à l’autre. Il
n’y a pas de réel cursus honorum, les
religions sont très diverses et donnent lieu à des fêtes et des concours
organisés par d’autres magistrats : les agonothètes.
Là encore c’est par
les inscriptions qu’on connaît ces institutions. A tel point, qu’on ne sait pas
toujours si ces institutions datent ou non de l’époque où Rome dominait la
ville. On sait juste que Rome tente de
réduire cette diversité en passant par une taxe (summa honoraria) pour devenir magistrat notamment.
A l’échelle locale,
on a donc une grande diversité des situations.
2. Le rôle du chef lieu urbain
A.
Les monuments de la vie publique
Des éléments
communs de la vie publique se retrouvent partout. On a le lieu de réunion des
assemblées restreintes :
la curie ou la boulè. On trouve aussi
toujours une place publique, lieu de
la vie politique : le forum ou l’agora. Certains édifices qui sont des lieux de sociabilité importants se
retrouvent régulièrement : les thermes et les gymnases. On remarque aussi
des temples lieu du culte impérial,
généralement au centre de la cité. Enfin, dans de nombreux cas on distingue des bâtiments de spectacles (théâtres,
amphithéâtres, cirques, …) souvent très grands et qui sont un lieu de
sociabilité de nouveau.
Politiques,
religieux ou de sociabilité, ces bâtiments marquent que chaque cité est
monumentalisée (fontaines,
infrastructures de l’eau, …).
B.
Des fonctions spécifiques
Il y a des tâches
déléguées par l’administration romaine qu’on exerce au chef lieu urbain. En
particulier des tâches fiscales. Pour pouvoir percevoir l’impôt, elles doivent
faire des recensements notamment.
Elles ont aussi des tâches de justice,
souvent les cas mineurs. Les plus graves reviennent au gouverneur.
Enfin,
on trouve d’autres petites tâches : organisation des routes, des marchés,
de la sécurité, … Pour cela elles
touchent des taxes locales et peuvent frapper leur propre monnaie locale de
bronze. Toute la vie économique est généralement sous leur pouvoir.
On a donc des
éléments de diversité et d’autres d’homogénéité avec la hiérarchie des statuts
civiques qui retombe sur les fonctionnements de vie locaux. Mais la cité reste le facteur d’unification
puisque c’est le cadre de vie romain en général. Plus cela avance, plus ces
cités ressemble à l’administration de la ville de Rome. Pour autant, jamais
Rome n’agit directement dans les cités.
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