jeudi 8 mars 2012

Antique 07 - 03 (cours 4)

Précédemment Antique 22 - 02


 Bibliothèque d'Ephèse en actuelle Turquie
 

Le monde des cités


L’administration centrale est très légère, non-bureaucratique et les institutions romaines sont assez distantes. En conséquence tout repose sur les structures locales en particulier les cités en charge de la vie quotidienne. Deux types de cités se distinguent : celles qui existaient avant la conquête que les Romains laissent intactes et les cités créées par les Romains pour avoir une antenne locale. En particulier le monde hellénistique est remplit de cités de manière très dense, cette région est hautement urbanisée. L’Empire laisse donc les structures en place. Seule l’Egypte est peu urbanisée et les Romains n’y créeront pas de cités. En revanche l’Est peu urbanisé va être aménagé par les Romains avec des municipes (cités en Occident). En Bretagne, ils organisent la province en cités en développant des centres urbains avec un territoire qui lui est associé. Ils construisent des routes sur lesquelles sont créées des municipes. En Gaule, il en est de même. 60 cités sont créées par les Romains en leur donnant de nouveau une autorité sur un territoire. Pour cela, les Romains ont repris la division entre les différents peuples. Les Eduens, alliés des Romains sans organisation civique, ont obtenus un vaste territoire auquel on a déplacé leur centre. Au lieu de Bibracte comme capitale, on leur crée Autun (anciennement Augustodunum). Dans certaines provinces on a des deux formes de cités. Les côtes espagnoles étaient pleines de cités mais l’intérieur a du être urbanisé par les Romains. L’Espagne est un cas hybride. La cité se développe partout sans que la densité des cités soit partout la même.

La période impériale romaine est l’apogée de la cité en Méditerranée. Claude Lepelley parle d’apogée de la civilisation municipale (municipes pour l’Ouest de l’empire) ou civique (cités pour l’Est de l’empire). Entre l’Ouest et l’Est, il y a une frontière linguistique entre le latin à l’Ouest et le grec à l’Est. Toujours est-il que ce sont des centres urbains qui contrôlent un territoire qui leur est propre. La civilisation romaine est urbaine. De plus, la cité a des institutions civiques locales avec des pouvoirs locaux. A cette époque la cité est constitutive de la personnalité, on est citoyen puis romain ensuite. Il est difficile de changer de cité. L’empire est donc l’institution chapotant cette confédération de cités.


I.                   Les communautés civiques et municipales : des statuts divers

Les cités ont des statuts qui forment une hiérarchie entre elles. Cette hiérarchie dépend aussi de la région dans laquelle on se trouve. Ces statuts sont enregistrés dans les documents officiels que les gouverneurs doivent respectés. Ces documents sont la lex provinciae (statut général des pouvoirs des provinces), la formula provinciae (liste des communautés avec leur statut) ou les lois locales et municipales affichées dans les cités même. En dernier lieu l’empereur peut lever ou abaisser le statut des cités, souvent sur demande des cités qui ont envoyé des ambassades, ou suite à un évènement.

Il existe plusieurs types de communautés humaines, certaines n’étant pas reconnues comme cités par les Romains car elles seraient trop peu évoluées. Il est cependant possible pour une cité de changer de statut. Ainsi, Rome les administre directement comme en Asturie au Nord-Ouest de l’Espagne. Cette communauté qui évolue et s’enrichit peut demander in fine le rang de cité. Une inscription de Tymandus en Pisidie nous conforte dans cette hypothèse. L’empereur répond que les habitants sont assez riches pour faire des élections de magistrats et donc devenir une cité.

Dans les cités on a donc trois grands types de communautés, organisées de la prestigieuse à la moins valorisante.


1.      Les communautés de droit romain

Le droit romain est surtout diffusé en Occident et un statut est plus prestigieux que les autres : les colonies romaines.

A.     Les colonies romaines

A l’origine ce sont des fondations par Rome au sens où on envoie des citoyens romains en-dehors du territoire romain pour établir une nouvelle cité avec le territoire qui va avec. Des citoyens quittent l’ager romanus pour former une colonie, une deductio. Ces colonies sont géographiquement séparées de Rome mais sur le plan institutionnel non puisque des citoyens romains ont fondé la cité. Ils ont les mêmes droits, les mêmes institutions, la même religion, … D’abord statut propre aux cités italiennes, cela s’étend au – II° siècle comme à Narbonne, une des plus anciennes cités. Les Romains fondent la Narbonnaise et veulent contrôler le trajet Italie – Espagne. En conséquence, les Romains commencent par expulser les habitants de la Narbonnaise pour prendre possession du territoire. Ils seront plus tard intégrés. On y installe 2000 à 3 000 colons avec chacun des terres. Chaque colon romain possède un lot de terre égal entre colons.
De nombreuses colonies sont formées puisque chaque imperator veut donner des terres à ses soldats. C’est très vrai pour la région de la Narbonnaise. Arles est fondée par César qui veut installer ses vétérans. Le nom de la ville vient Arelate, nom du lieu dit pour les Gaulois, dans les inscriptions romaines, c’est la Colonia Iulia Paterna Sextanorum (VI° légion). Lugdunum (Lyon) sera aussi fondée dans cette période.

On a aussi des colonies honoraires. La distinction est typiquement historienne, pour les Romains les deux étaient identiques bénéficiant des mêmes droit. A Leptis Magna en Afrique proconsulaire, on avait une ville pérégrine durant des décennies. Elle devint une colonie sous Trajan en devenant Colonia Ulpia Traiana Augusta fidelis Lepcis Magna. Elle prend donc elle aussi le nom de son fondateur (Trajan). De cette colonie viendront de nombreux empereurs Sévère.

Dans les zones frontières de l’Orient, on trouvera aussi ce genre de villes où s’installent des militaires romains uniquement.

B.     Les municipes romains

Ce sont des communautés pérégrines qui reçoivent le droit romain sans pour autant bénéficier du même droit que les citoyens romains. Généralement, c’est une étape avant de devenir une colonie. On connaît cela en Gaule et dans un cas en Bretagne à Verulamium. Au lieu de l’oppidum Catauvellauni, les Romains prennent la région et fondent Verulamium en privilégiant le peuple sur place et en leur confiant la tâche de surveiller les autres peuples locaux. On n’envoie donc pas de colons sur place, on fait avec les habitants locaux.

2.      Les communautés de droit latin

A.     Les colonies latines

Elles apparaissent d’abord en Italie. On y envoie des colons qu’on mélange à la population locale : un melting pot de vétérans et d’indigènes. Ces populations locales bénéficient d’un droit proche du droit romain : le droit latin. Ils peuvent épouser des femmes romaines (conubium : égalité dans le mariage), bénéficient des contrats (commercium : droit de commercer) protégés par la loi. Mais ils ne peuvent voter et ne sont pas des citoyens romains.
Les magistrats de la cité deviennent automatiquement des citoyens romains à la fin de leur mandat. Les élites peuvent envisager une carrière à Rome ensuite. Sous Hadrien, cela est étendu puisque toute la famille du magistrat obtient la citoyenneté romaine. Cela se retrouve beaucoup dans le Sud de la Gaule comme Nîmes et Avignon.

B.     Les municipes latins

Beaucoup plus nombreuses que les colonies latines, c’est le cadre le plus répandu en Occident. C’est comme les colonies latines sauf qu’on n’envoie pas de Romains dans ces communautés. Elles sont conquises, organisées en cités et la population possède les droits latins tout comme les colonies latines. Sous Hadrien, il en sera de même concernant les familles des magistrats, …

Ce droit latin est connu puisqu’on a retrouvé de nombreuses inscriptions en bronze énonçant les institutions locales. C’est le cas de la loi d’Irni en Bétique. C’est une forme de constitution locale.

3.      Les communautés pérégrines

Il s’agit cette fois-ci des communautés qui vivent toujours sous leur droit local. Le droit romain ou latin ne prend pas sens dans ces cités. Ce système est majoritaire dans l’Orient (Grèce, Turaquie, …). Pour un Grec d’Anatolie, l’idéal est de conserver ce statut de cité pérégrine. Pour un gaulois de Nîmes, l’espoir est de devenir une colonie romaine. Selon le lieu d’habitat, l’idéal est différent. Mais les cités pérégrines ont aussi une hiérarchie qui leur est propre.

·        Les cités fédérées sont l’idéal d’une communauté pérégrine. Il y a un traité signé conjointement entre la communauté et la cité. Si le traité est inégal, cela n’empêche pas la cité d’avoir là une forme de reconnaissance très forte qui lui assure un prestige. La plupart des cités fédérées négocient des exemptions fiscales (évitant l’impôt direct), d’autres sur leur administration, …
·        Les cités libres sont des cités pérégrines où Rome décide, sans l’avis de la cité concernée, que celle-ci est libre. La cité peut négocier malgré tout des exemptions, notamment fiscales.

Cités libres et cités fédérées sont considérées comme indépendantes de la province. Géographiquement elles sont dedans mais institutionnellement non. Ainsi le gouverneur romain ne peut y entrer sans avoir l’accord de la cité, ces cités ne sont pas sur la liste de la province. Ainsi Aphrodisias a conservé un mur d’archive sur lequel elle a fixé les lettres impériales dont la lettre qui lui donne le statut de cité libre.

·        Mais le cas le plus  fréquent, ce sont les cités stipendiaires : des cités qui versent l’impôt du stipendum. Elles versent les impôts directs : l’impôt foncier (tributum soli) et l’impôt par personne (tributum capitis).

En Occident on trouve surtout des municipes latins et en Orient des cités stipendiaires. Les statuts privilégiés en revanche sont, en Occident, les colonies romaines et en Orient les cités fédérées. Tout au long de l’empire, il n’y a jamais eut d’unification des statuts, les négociations se font cités par cités.


II.                Les cités structures fondamentales de l’Empire

Quelque soit leur statuts, les cités ont toutes les mêmes fonctions.

1.      Les institutions locales

A.     Les communautés de droit latin ou romain : influence du modèle romain

Toutes les cités ont les trois pouvoirs locaux : l’assemblée populaire, l’assemblée restreinte et des magistrats. Les communautés de droit latin ou romain sont calquées sur l’organisation romaine. On trouve des questeurs locaux, des édiles, … tous nommés pour un an. On trouve aussi l’équivalent des consuls locaux : les duumvirs. En général un cursus honorum classique a lieu dans ces cités.
Il existe cependant bien quelques nuances subtiles. Des fois on trouve plusieurs consuls locaux, quattuorvirs. Parfois on a création de nouveaux magistrats (vergobrets).

La base du pouvoir reste toujours le populus local composé de citoyens ayant la citoyenneté locale, pas forcément la citoyenneté romaine. On a donc des Romains voyageurs qui ne font pas parti du populus d’une cité. Quand à l’assemblée restreinte, on la nomme souvent le Conseil des décurions (équivalent des sénateurs romains).

B.     Les communautés pérégrines : diversité et dynamisme des structures civiques

Les aspects démocratiques des structures civiques sont plus faibles. On a toujours des ekklesia, des boulè et des magistrats (stratèges, stephanéphores, gymnasiarques, …), mais les situations sont très variables d’une cité à l’autre. Il n’y a pas de réel cursus honorum, les religions sont très diverses et donnent lieu à des fêtes et des concours organisés par d’autres magistrats : les agonothètes.

Là encore c’est par les inscriptions qu’on connaît ces institutions. A tel point, qu’on ne sait pas toujours si ces institutions datent ou non de l’époque où Rome dominait la ville. On sait juste que Rome tente de réduire cette diversité en passant par une taxe (summa honoraria) pour devenir magistrat notamment.
A l’échelle locale, on a donc une grande diversité des situations.

2.      Le rôle du chef lieu urbain

A.     Les monuments de la vie publique

Des éléments communs de la vie publique se retrouvent partout. On a le lieu de réunion des assemblées restreintes : la curie ou la boulè. On trouve aussi toujours une place publique, lieu de la vie politique : le forum ou l’agora. Certains édifices qui sont des lieux de sociabilité importants se retrouvent régulièrement : les thermes et les gymnases. On remarque aussi des temples lieu du culte impérial, généralement au centre de la cité. Enfin, dans de nombreux cas on distingue des bâtiments de spectacles (théâtres, amphithéâtres, cirques, …) souvent très grands et qui sont un lieu de sociabilité de nouveau.
Politiques, religieux ou de sociabilité, ces bâtiments marquent que chaque cité est monumentalisée (fontaines, infrastructures de l’eau, …).

B.     Des fonctions spécifiques

Il y a des tâches déléguées par l’administration romaine qu’on exerce au chef lieu urbain. En particulier des tâches fiscales. Pour pouvoir percevoir l’impôt, elles doivent faire des recensements notamment. Elles ont aussi des tâches de justice, souvent les cas mineurs. Les plus graves reviennent au gouverneur.
Enfin, on trouve d’autres petites tâches : organisation des routes, des marchés, de la sécurité, … Pour cela elles touchent des taxes locales et peuvent frapper leur propre monnaie locale de bronze. Toute la vie économique est généralement sous leur pouvoir.


On a donc des éléments de diversité et d’autres d’homogénéité avec la hiérarchie des statuts civiques qui retombe sur les fonctionnements de vie locaux. Mais la cité reste le facteur d’unification puisque c’est le cadre de vie romain en général. Plus cela avance, plus ces cités ressemble à l’administration de la ville de Rome. Pour autant, jamais Rome n’agit directement dans les cités.

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