lundi 5 mars 2012

Photo 05 - 03 (cours 7)

Précédemment : Photo 23 - 02




 Grand Canyon du Colorado (Arizona) // Geyser Old Faithful
 William H. Jackson


Photographie et colonisation (1860 – 1914)


Deux expositions se déroulèrent en France, l’une à Paris sur les trésors photographiques du quai d’Orsay, la seconde au musée d’art américain de Giverny sur les visions de l’Ouest avec l’exploration américaine. La première sortait des photographies inédites du Quai d’Orsay. La seconde s’intéressait aux usages méconnus qui ont été fait des photos célèbres de la conquête américaine.

Ces photographies du Quai d’Orsay étaient des pièces de dossiers envoyées à des consuls. Conservées au musée des archives diplomatiques, puis dans les fonds du ministère des Affaires Etrangères ; des fonctionnaires français sont donc à l’origine de ces photos. Parallèlement, on trouve des photographies issues de fonds privés et qui ont constitué des fonds de collection de diplomates et entreposées dans les archives du ministère. Ces photos ont alors servi dans des albums et des collections privées de diplomates, puis qui furent à leur mort, donnés au ministère. Cela fonctionnait dans les pays où l’on trouvait une représentation française (lieu de future colonisation, mais pas seulement, …). En 1894, cela change puisqu’est créé le ministère des colonies et les photos filent à Aix en Provence.

Dans les années 1860 – 1870, des missions officielles d’exploration de l’Ouest américain se succèdent. Mandatées par l’Etat, elles sont conduites par des explorateurs et des scientifiques (Clarence King, Georges Weeler, John Powel, Timothy O’Sullivan, …). Ces photographes, vont rapporter des images de paysages (les Rocheuses, Yellowstone, Canyon, …). Ces photographies depuis leur production furent relayées par l’esthétique du Western, devenant un symbole de l’américanité. On trouve des images très lisibles, très interprétables. En même temps ces clichés sont complexes dans le contexte de leur diffusion et de leur réception.
L’exposition qui s’est tenue à Giverny fut très influencée par les Américains de la région de Giverny. Elle est faite d’une quantité d’images toutes détenues par la France. Toutes ces images furent trouvées en France, elles y ont donc été envoyées. Ces images ont eut une vie hors des USA, données par des agences américaines qui se lançaient dans une campagne de communication. Les supports sont multiples (publicité, catalogue d’exposition, …). Il y a eut diffusion de l’iconographie américaine.


I.                   Expansion coloniale et essor de la pratique photographique

De 1860 à 1914, on est dans la course aux colonies en France (conférence de Berlin, course au clocher, …). Si d’abord on est dans le regret de la perte de l’Alsace Lorraine, rapidement on cherche à retrouver une grandeur à l’extérieur avec des hommes comme Jules Ferry ministre de l’éducation et des colonies. Durant ce laps de temps, on a un mouvement de conquête très rapide de ce continent, ne laissant de libre que l’Ethiopie.

Aux USA, sur la même période on voit se conjuguer deux mouvements : l’essor industriel du Nord-Est des USA et l’après Civil War. C’est un âge d’or du capitalisme américain soutenu par un fort flux migratoire et par un effort de reconstruction. Suite à cette Civil War, les USA se sont déchirés et recherchent une nouvelle identité. Les nouvelles terres de l’Ouest deviennent le destin national commun (national destiny). Il faut s’étendre toujours plus à l’Ouest, vers le Pacifique. Cette conquête ne peut se comprendre sans la Frontière, lieu d’expression des valeurs américaines. La civilization s’arrête à la Frontier avant qu’on ne plonge dans la Wilderness (cf Le rêve américain de George Grofutt).

Du coté de la photographie, le négatif au collodion supplante le daguerréotype. Le couple négatif positif permet la reproduction des images. La diffusion des images est donc facilitée. Les diplomates peuvent ainsi diffuser leur politique. Apparaît aussi la simili gravure qui permet à celle-ci de se retrouver dans la presse. Enfin dans un dernier temps, on constate que la photographie se popularise et il n’est plus si difficile de pratiquer cet art. On peut donc faire des albums personnels.

Ce synchronisme n’est pas un hasard, conquête et développement de la photographie sont les conséquences d’une industrialisation du Vieux Continent. La photographie, média de masse, est une pratique industrielle. La colonisation, c’est pour Ferry la recherche de débouchés économiques. De plus, la photographie devient alors une forme d’appropriation du monde « dans un rapport de savoir et donc de pouvoir » selon Susan ???. Ce n’est donc pas surprenant que la photographie suive la colonisation puisqu’elle appuie cette conquête, elle renforce un esprit de supériorité sur des peuples moins avancés.


II.                Les clichés de Survey : photographie et construction de l’identité nationale

Les photos des USA marquent l’esprit de conquête de cette période. Les sujets photographiés sont spéciaux. En général, on y embrasse un assez vaste paysage. Ce sont souvent de grands paysages avec de l’eau. On retrouve toujours les mêmes personnages qui sont à la fois présents pour donner l’échelle mais qui semblent aussi écraser par le paysage. La position du personnage est fragile. C’est toujours une rencontre entre l’homme et la nature. On trouve peu d’Indiens, plutôt représentés en studio et non dans leur environnement. Ils sont donc doublement déplacés, d’abord pour la prise de photos, mais aussi comme symbole de la relégation de ce peuple qui n’est pas le sujet des photos. Ces images ne présentent que des photos de vastes paysages qui restent cependant accueillants. On donne de l’Ouest une image de territoire accueillant alors que les lithographies n’en faisaient qu’un espace obscur (d’où la présence de l’eau accueillante). Par la photographie la colonisation de l’Ouest devient mentalement envisageable.

Le gouvernement des USA, dont l’action est relayée par les nombreuses agences étatsuniennes, cherche donc à reconstruire le pays après la Civil War. La reconstruction de l’unité de ce pays passe par la nature. On n’est plus face à la Wilderness, on a à faire à un bien commun de la nation, un lieu de la mémoire nationale avec ces lieux emblématiques (geyser du Grand Canyon, …). C’est une patrimonialisation du territoire national qui passe par la géographie aux USA. On a un parallèle entre la photographie, la géographie et l’identité nationale.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire