Grand Canyon du Colorado (Arizona) // Geyser Old Faithful
William H. Jackson
Photographie et colonisation (1860 – 1914)
Deux expositions se déroulèrent en France, l’une
à Paris sur les trésors photographiques du quai d’Orsay, la seconde au musée
d’art américain de Giverny sur les visions de l’Ouest avec l’exploration américaine.
La première sortait des photographies inédites du Quai d’Orsay. La seconde
s’intéressait aux usages méconnus qui ont été fait des photos célèbres de la
conquête américaine.
Ces
photographies du Quai d’Orsay étaient des pièces de dossiers envoyées à des consuls.
Conservées au musée des archives
diplomatiques, puis dans les fonds du ministère des Affaires Etrangères ;
des fonctionnaires français sont donc à l’origine de ces photos. Parallèlement,
on trouve des photographies issues de
fonds privés et qui ont constitué des fonds de collection de diplomates et
entreposées dans les archives du ministère. Ces photos ont alors servi dans des
albums et des collections privées de diplomates, puis qui furent à leur mort,
donnés au ministère. Cela fonctionnait dans les pays où l’on trouvait une
représentation française (lieu de future colonisation, mais pas seulement, …).
En 1894, cela change puisqu’est créé le ministère des colonies et les photos
filent à Aix en Provence.
Dans les années
1860 – 1870, des missions officielles d’exploration de l’Ouest américain se
succèdent. Mandatées
par l’Etat, elles sont conduites par des explorateurs et des scientifiques
(Clarence King, Georges Weeler, John Powel, Timothy O’Sullivan, …). Ces
photographes, vont rapporter des images de paysages (les Rocheuses,
Yellowstone, Canyon, …). Ces
photographies depuis leur production furent relayées par l’esthétique du
Western, devenant un symbole de l’américanité. On trouve des images très
lisibles, très interprétables. En même temps ces clichés sont complexes dans le
contexte de leur diffusion et de leur réception.
L’exposition
qui s’est tenue à Giverny fut très influencée par les Américains de la région
de Giverny. Elle est faite d’une quantité d’images toutes détenues par la
France. Toutes ces images furent
trouvées en France, elles y ont donc été envoyées. Ces images ont eut une
vie hors des USA, données par des agences américaines qui se lançaient dans une
campagne de communication. Les supports sont multiples (publicité, catalogue
d’exposition, …). Il y a eut diffusion
de l’iconographie américaine.
I.
Expansion coloniale
et essor de la pratique photographique
De 1860 à 1914, on
est dans la course aux colonies en France (conférence de Berlin, course au clocher, …). Si
d’abord on est dans le regret de la perte de l’Alsace Lorraine, rapidement on
cherche à retrouver une grandeur à
l’extérieur avec des hommes comme Jules Ferry ministre de l’éducation et
des colonies. Durant ce laps de temps, on a un mouvement de conquête très
rapide de ce continent, ne laissant de libre que l’Ethiopie.
Aux USA, sur la même
période on voit se conjuguer deux mouvements : l’essor industriel du
Nord-Est des USA et l’après Civil War. C’est un âge d’or du capitalisme
américain soutenu par un fort flux migratoire et par un effort de
reconstruction. Suite à cette Civil War,
les USA se sont déchirés et recherchent
une nouvelle identité. Les nouvelles terres de l’Ouest deviennent le destin
national commun (national destiny).
Il faut s’étendre toujours plus à l’Ouest, vers le Pacifique. Cette conquête ne
peut se comprendre sans la Frontière, lieu d’expression des valeurs
américaines. La civilization s’arrête à la Frontier
avant qu’on ne plonge dans la Wilderness
(cf Le rêve américain de
George Grofutt).
Du coté de la
photographie, le négatif au collodion supplante le daguerréotype. Le couple
négatif positif permet la reproduction des images. La diffusion des images est
donc facilitée.
Les diplomates peuvent ainsi diffuser leur politique. Apparaît aussi la simili
gravure qui permet à celle-ci de se retrouver dans la presse. Enfin dans un
dernier temps, on constate que la photographie se popularise et il n’est plus
si difficile de pratiquer cet art. On peut donc faire des albums personnels.
Ce synchronisme
n’est pas un hasard, conquête et développement de la photographie sont les
conséquences d’une industrialisation du Vieux Continent. La photographie, média de masse,
est une pratique industrielle. La colonisation, c’est pour Ferry la recherche
de débouchés économiques. De plus, la
photographie devient alors une forme d’appropriation du monde « dans un rapport de savoir et donc de
pouvoir » selon Susan ???. Ce n’est donc pas surprenant que la
photographie suive la colonisation puisqu’elle appuie cette conquête, elle
renforce un esprit de supériorité sur des peuples moins avancés.
II.
Les clichés de
Survey : photographie et construction de l’identité nationale
Les photos des USA
marquent l’esprit de conquête de cette période. Les sujets photographiés sont
spéciaux. En général, on y embrasse un assez vaste paysage. Ce sont souvent de grands
paysages avec de l’eau. On retrouve toujours les mêmes personnages qui sont à
la fois présents pour donner l’échelle mais qui semblent aussi écraser par le
paysage. La position du personnage est
fragile. C’est toujours une rencontre entre l’homme et la nature. On trouve peu
d’Indiens, plutôt représentés en studio et non dans leur environnement. Ils
sont donc doublement déplacés, d’abord pour la prise de photos, mais aussi
comme symbole de la relégation de ce peuple qui n’est pas le sujet des photos.
Ces images ne présentent que des photos de vastes paysages qui restent
cependant accueillants. On donne de
l’Ouest une image de territoire accueillant alors que les lithographies n’en
faisaient qu’un espace obscur (d’où la présence de l’eau accueillante). Par la photographie la colonisation de
l’Ouest devient mentalement envisageable.
Le gouvernement des
USA, dont l’action est relayée par les nombreuses agences étatsuniennes,
cherche donc à reconstruire le pays après la Civil War. La reconstruction de l’unité de ce pays passe par la
nature. On n’est
plus face à la Wilderness, on a à
faire à un bien commun de la nation, un lieu
de la mémoire nationale avec ces lieux emblématiques (geyser du Grand
Canyon, …). C’est une patrimonialisation du territoire national qui passe par
la géographie aux USA. On a un parallèle
entre la photographie, la géographie et l’identité nationale.
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