Petit chiffonnier appuyé contre une borne
La photographie au milieu du XIX° siècle
Naissance d’une culture photographique et entrée dans l’ère du
multiple
Milieu
des années 1850, la photographie est une petite industrie qui a une visibilité
assez faible, qui ne s’expose guère et ne donne pas lieu à des vraies pratiques
artistiques. Pourtant dans la fin des
années 1840, la photographie est devenue un objet culturel et concurrence la
peinture avec ces maîtres : Nadar (prenant des portraits d’hommes
célèbres), Le Gray (qui fait sortir
le paysage de la peinture), … Des expositions artistiques de photographies
émergent, des journaux spécialisés apparaissent aussi. On a donc de grands débats sur la possibilité que la photographie soit
un art. On a tout de même un moment important, l’exposition universelle de
Londres en 1851 et la même année se fonde la
société héliographique qui regroupe des passionnés de photographies. Cette
société est faite d’amateurs souvent de riches rentiers qui vont tous dans le
sens d’une pratique nouvelle qu’ils définissent eux-mêmes la photographie comme
un art. La pratique photographique défendue est celle sur papier. A
l’exposition internationale de Londres, 6 pavillons exposent des photographies
(Royaume-Uni, France, Etats-Unis, …). Au total plus de 800 photographies sont
alors exposées. On est dans la naissance d’un objet culturel.
I.
Du daguerréotype au
collodion humide, une transition technologique
1.
La photographie sur papier et l’entrée dans l’ère du multiple
Cette photographie
est relativement simple d’utilisation comparée au daguerréotype. Les avantages
sont plus nombreux mais néanmoins, ces promoteurs ont eu à faire à plusieurs
problèmes. D’abord l’inversion des valeurs. Le papier développé donne d’abord un négatif et
semble difficile à utiliser. Plusieurs tentatives furent menées par Bayard,
puis surtout par William Talbot. En
1840, il exploite la transparence du papier
pour obtenir par contact un positif. Il met une seconde feuille de papier sous
la première passant ainsi à un positif en second temps. Ce procédé s’appelle le calotype. Mais la qualité est plus
faible avec une exactitude moindre. Cela pénalise le papier dans l’usage
photographique dans le portrait, le daguerréotype reste dominant. A force de
s’y appliquer Talbot finit par obtenir de beaux spécimens de calotype, de même
que David
Octavius Hill et Robert Adamson, tout deux seront exposés à Londres
lors de l’exposition universelle. Talbot
donnera naissance au premier album photo The
pencil of nature. On vise ainsi à mettre en évidence que cette
image mécanique est faite par la nature et qu’elle prend aussi le pas sur la
nature. Cela vise aussi à valoriser l’image papier comme un outil nouveau,
différent du daguerréotype (pas de portrait dans ce livre), voulant faire de
cette pratique un art. The open door
reprend les classiques de la peinture
pour élever la pratique photographique au rang d’art.
En 1847 est formée la Calotype Society.
Le Gray se fait l’écho français de la
photographie sur papier. Il va donc proposé d’enduire à la cire d’abeille
le négatif pour le rendre translucide laissant passer la lumière dans les zones
peu sensibilisées et fait un écran aux zones sombres. On a donc une finesse de
détail beaucoup plus grande et on peut multiplier les épreuves puisque le
procédé repose sur l’usage d’un négatif distinct du positif.
2.
Le procédé au collodion humide
Mis
au point par Frédéric Scott Archer, en 1841, il est très simple et va rencontrer un
succès formidable en supplantant le
daguerréotype. Avec cette technique, la finesse rivalise sur papier avec le
daguerréotype. De nouveau, il n’y a pas de brevet, donc on peut l’utiliser
librement. Enfin on place au fond des plaques en verre et non en métal. Elles
sont recouvertes d’un produit photosensible permettant de reproduire un positif
sur des papiers albuminés à partir d’un négatif. La pratique dominante prend
sens ici.
Pour une trentaine
d’année cette technique devient la privilégiée en photographie. L’invention est
anglaise et provoque un rapport de force européen dans le domaine
technologique. Mais le collodion doit rester humide et la photo doit être développée
dans les minutes qui suivent. Idem, les plaques doivent être préparées peu
avant la prise. Pour la pratique documentaire c’est un énorme inconvénient (cf Roger Fenton).
Dans les années 1869, les frères Bisson envisage de faire des photos du mont
blanc, ils se préparent mais doivent se faire accompagner de 25 porteurs et de
250 kilos de matériel pour produire un négatif.
Les améliorations
du procédé vont cependant évoluées dans le sens de conserver l’humidité au
collodion pour éviter cette pratique d’urgence. On réunit donc les avantages du
daguerréotype (précision) et du calotype (reproductibilité). Entre 1848 et 1860, les
établissements photographiques sont multipliés par 4 et leur chiffre d’affaire
est multiplié par 20. Cette pratique photographique permet donc de faire entrer
la photographique dans l’ère de la reproductibilité.
II.
L’institutionnalisation
d’une culture photographique
1.
La société héliographique : une nouvelle idée de la
photographie
Société créée en
France en 1851 par Le Gray et Hyppolite Bayard, apôtres de la photo sur papier
et deux hommes moins connus Benito Montfort, Jules Zygler. Ils publient en février 1851
un journal consacré à l’actualité photographique, la Lumière dont la parution est hebdomadaire. Le
principal objectif est d’établir une forme de dignité culturelle de la
photographie. Il doit y avoir une
dignité culturelle de la photographie, bien que pour eux il ne s’agisse que du
calotype car le daguerréotype est avant tout commercial, abâtardi la
photographie. On affirme donc une forme d’esthétique photographique qui combat
le coté utilitaire et le regard de soi pour soi avec les portraits.
Ils
vont donc s’employer à lister les défauts du daguerréotype au profit de leur
support papier. Ils vont donc former une première forme de critique d’art
photographique. Ainsi le petit chiffonnier appuyé contre une
borne de Charles Nègre devient l’occasion de valoriser une photo avec
des critères d’art. Ce genre de photographies sort de l’usage égoïste bourgeois
et d’une pratique triviale pour devenir une œuvre picturale. La photographie se définit par rapport à la
peinture, un ordre photographique existant.
2.
Le développement des sociétés photographiques
Au milieu du XIX° siècle, de nouvelles formes de
sociabilités émergent qui sont vouées au développement de la photographie.
Elles s’organisent entre autre autour des techniques. Ces sociabilités apparaissent
avant ???. Dès 1853, la
Photographic Society apparaît à Londres et doit réguler la photographie,
placée sous la houlette du président de ???, patronage de la reine
Victoria, 400 membres, dispose d’un organe de presse tirant à 4 000
exemplaires.
En
France, ce sera la Société Française de
Photographie (SFP) qui existe toujours. Inspiré de son organe anglais,
l’association nait de l’initiative du directeur de la revue des Beaux-Arts,
personnage versé dans la critique artistique. On trouve la plupart des membres
de la société héliographique. Son objet
est alors double : promouvoir de façon désintéressée la photographie et
faire de la photographie un sujet d’exposition.
Finalement la
photographie à droit de cité dans le domaine artistique. Parallèlement, elle
devient aussi une pratique commerciale avec le portrait carte dans la fin des années 1850.
D’autres formules renvoient à la nécessité du marché quand le daguerréotype
tombe en désuétude. La photographie est
donc pleinement entrée dans la société à cette époque là.
III.
Aux USA, le succès
à contretemps du daguerréotype
1.
Un développement spectaculaire
En
1853, une centaine d’établissements
produisent des photographies de daguerréotypes, sans parler dans le pays. Les années 1860
sont le moment de son grand succès. Une des premières explications, c’est la
conjonction entre un pays neuf et un art neuf. Ce pays n’a pas encore de
culture et donc cherche à s’en approprier. C’est aussi l’aspiration d’une classe moyenne à disposer d’images de soi
et le daguerréotype y répond parfaitement. Cela ouvre des entreprises avec Wolcott
et Johnson devenant la référence dans ce domaine photographique.
2.
Le daguerréotype américain : un art social
C’est une forme
particulière avec une déclinaison spéciale. En effet, on voit émerger les
portraits de métiers.
Ce sont des images du peuple (ouvriers et employés) qui pose pour le
daguerréotype. On fait des photos dans un cadre façonné avec souvent un petit
boitier. Ils sont souvent en tenue de travail avec des outils et simulant un
acte de leur travail. On a donc une
pratique très populaire qui ne se comprend qu’avec l’idéologie démocratique des
USA. C’est l’individu américain transfiguré par la démocratie américaine.
Ce sont les common men pouvant
prétendre à être représentés par des portraits. L’individu peut entrer dans une
communauté avec un véritable dispositif démocratique. C’est la rencontre entre un art populaire et l’idéologie égalitariste
qui porte l’idéal démocratique des USA alors en pleine utopie au lendemain
de la Civil War. L’homme du peuple a
des potentialités d’ascension sociale.
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