lundi 5 mars 2012

Photo 23 - 02 (cours 6)

Précédemment Photo 20 - 02



Petit chiffonnier appuyé contre une borne


La photographie au milieu du XIX° siècle
Naissance d’une culture photographique et entrée dans l’ère du multiple


Milieu des années 1850, la photographie est une petite industrie qui a une visibilité assez faible, qui ne s’expose guère et ne donne pas lieu à des vraies pratiques artistiques. Pourtant dans la fin des années 1840, la photographie est devenue un objet culturel et concurrence la peinture avec ces maîtres : Nadar (prenant des portraits d’hommes célèbres), Le Gray (qui fait sortir le paysage de la peinture), … Des expositions artistiques de photographies émergent, des journaux spécialisés apparaissent aussi. On a donc de grands débats sur la possibilité que la photographie soit un art. On a tout de même un moment important, l’exposition universelle de Londres en 1851 et la même année se fonde la société héliographique qui regroupe des passionnés de photographies. Cette société est faite d’amateurs souvent de riches rentiers qui vont tous dans le sens d’une pratique nouvelle qu’ils définissent eux-mêmes la photographie comme un art. La pratique photographique défendue est celle sur papier. A l’exposition internationale de Londres, 6 pavillons exposent des photographies (Royaume-Uni, France, Etats-Unis, …). Au total plus de 800 photographies sont alors exposées. On est dans la naissance d’un objet culturel.


I.                   Du daguerréotype au collodion humide, une transition technologique

1.      La photographie sur papier et l’entrée dans l’ère du multiple

Cette photographie est relativement simple d’utilisation comparée au daguerréotype. Les avantages sont plus nombreux mais néanmoins, ces promoteurs ont eu à faire à plusieurs problèmes. D’abord l’inversion des valeurs. Le papier développé donne d’abord un négatif et semble difficile à utiliser. Plusieurs tentatives furent menées par Bayard, puis surtout par William Talbot. En 1840, il exploite la transparence du papier pour obtenir par contact un positif. Il met une seconde feuille de papier sous la première passant ainsi à un positif en second temps. Ce procédé s’appelle le calotype. Mais la qualité est plus faible avec une exactitude moindre. Cela pénalise le papier dans l’usage photographique dans le portrait, le daguerréotype reste dominant. A force de s’y appliquer Talbot finit par obtenir de beaux spécimens de calotype, de même que David Octavius Hill et Robert Adamson, tout deux seront exposés à Londres lors de l’exposition universelle. Talbot donnera naissance au premier album photo The pencil of nature. On vise ainsi à mettre en évidence que cette image mécanique est faite par la nature et qu’elle prend aussi le pas sur la nature. Cela vise aussi à valoriser l’image papier comme un outil nouveau, différent du daguerréotype (pas de portrait dans ce livre), voulant faire de cette pratique un art. The open door reprend les classiques de la peinture pour élever la pratique photographique au rang d’art.

En 1847 est formée la Calotype Society. Le Gray se fait l’écho français de la photographie sur papier. Il va donc proposé d’enduire à la cire d’abeille le négatif pour le rendre translucide laissant passer la lumière dans les zones peu sensibilisées et fait un écran aux zones sombres. On a donc une finesse de détail beaucoup plus grande et on peut multiplier les épreuves puisque le procédé repose sur l’usage d’un négatif distinct du positif.

2.      Le procédé au collodion humide

Mis au point par Frédéric Scott Archer, en 1841, il est très simple et va rencontrer un succès formidable en supplantant le daguerréotype. Avec cette technique, la finesse rivalise sur papier avec le daguerréotype. De nouveau, il n’y a pas de brevet, donc on peut l’utiliser librement. Enfin on place au fond des plaques en verre et non en métal. Elles sont recouvertes d’un produit photosensible permettant de reproduire un positif sur des papiers albuminés à partir d’un négatif. La pratique dominante prend sens ici.
Pour une trentaine d’année cette technique devient la privilégiée en photographie. L’invention est anglaise et provoque un rapport de force européen dans le domaine technologique. Mais le collodion doit rester humide et la photo doit être développée dans les minutes qui suivent. Idem, les plaques doivent être préparées peu avant la prise. Pour la pratique documentaire c’est un énorme inconvénient (cf Roger Fenton). Dans les années 1869, les frères Bisson envisage de faire des photos du mont blanc, ils se préparent mais doivent se faire accompagner de 25 porteurs et de 250 kilos de matériel pour produire un négatif.

Les améliorations du procédé vont cependant évoluées dans le sens de conserver l’humidité au collodion pour éviter cette pratique d’urgence. On réunit donc les avantages du daguerréotype (précision) et du calotype (reproductibilité). Entre 1848 et 1860, les établissements photographiques sont multipliés par 4 et leur chiffre d’affaire est multiplié par 20. Cette pratique photographique permet donc de faire entrer la photographique dans l’ère de la reproductibilité.


II.                L’institutionnalisation d’une culture photographique

1.      La société héliographique : une nouvelle idée de la photographie

Société créée en France en 1851 par Le Gray et Hyppolite Bayard, apôtres de la photo sur papier et deux hommes moins connus Benito Montfort, Jules Zygler. Ils publient en février 1851 un journal consacré à l’actualité photographique, la Lumière dont la parution est hebdomadaire. Le principal objectif est d’établir une forme de dignité culturelle de la photographie. Il doit y avoir une dignité culturelle de la photographie, bien que pour eux il ne s’agisse que du calotype car le daguerréotype est avant tout commercial, abâtardi la photographie. On affirme donc une forme d’esthétique photographique qui combat le coté utilitaire et le regard de soi pour soi avec les portraits.
Ils vont donc s’employer à lister les défauts du daguerréotype au profit de leur support papier. Ils vont donc former une première forme de critique d’art photographique. Ainsi le petit chiffonnier appuyé contre une borne de Charles Nègre devient l’occasion de valoriser une photo avec des critères d’art. Ce genre de photographies sort de l’usage égoïste bourgeois et d’une pratique triviale pour devenir une œuvre picturale. La photographie se définit par rapport à la peinture, un ordre photographique existant.

2.      Le développement des sociétés photographiques

Au milieu du XIX° siècle, de nouvelles formes de sociabilités émergent qui sont vouées au développement de la photographie. Elles s’organisent entre autre autour des techniques. Ces sociabilités apparaissent avant ???. Dès 1853, la Photographic Society apparaît à Londres et doit réguler la photographie, placée sous la houlette du président de ???, patronage de la reine Victoria, 400 membres, dispose d’un organe de presse tirant à 4 000 exemplaires.
En France, ce sera la Société Française de Photographie (SFP) qui existe toujours. Inspiré de son organe anglais, l’association nait de l’initiative du directeur de la revue des Beaux-Arts, personnage versé dans la critique artistique. On trouve la plupart des membres de la société héliographique. Son objet est alors double : promouvoir de façon désintéressée la photographie et faire de la photographie un sujet d’exposition.

Finalement la photographie à droit de cité dans le domaine artistique. Parallèlement, elle devient aussi une pratique commerciale avec le portrait carte dans la fin des années 1850. D’autres formules renvoient à la nécessité du marché quand le daguerréotype tombe en désuétude. La photographie est donc pleinement entrée dans la société à cette époque là.


III.             Aux USA, le succès à contretemps du daguerréotype

1.      Un développement spectaculaire

En 1853, une centaine d’établissements produisent des photographies de daguerréotypes, sans parler dans le pays. Les années 1860 sont le moment de son grand succès. Une des premières explications, c’est la conjonction entre un pays neuf et un art neuf. Ce pays n’a pas encore de culture et donc cherche à s’en approprier. C’est aussi l’aspiration d’une classe moyenne à disposer d’images de soi et le daguerréotype y répond parfaitement. Cela ouvre des entreprises avec Wolcott et Johnson devenant la référence dans ce domaine photographique.

2.      Le daguerréotype américain : un art social

C’est une forme particulière avec une déclinaison spéciale. En effet, on voit émerger les portraits de métiers. Ce sont des images du peuple (ouvriers et employés) qui pose pour le daguerréotype. On fait des photos dans un cadre façonné avec souvent un petit boitier. Ils sont souvent en tenue de travail avec des outils et simulant un acte de leur travail. On a donc une pratique très populaire qui ne se comprend qu’avec l’idéologie démocratique des USA. C’est l’individu américain transfiguré par la démocratie américaine. Ce sont les common men pouvant prétendre à être représentés par des portraits. L’individu peut entrer dans une communauté avec un véritable dispositif démocratique. C’est la rencontre entre un art populaire et l’idéologie égalitariste qui porte l’idéal démocratique des USA alors en pleine utopie au lendemain de la Civil War. L’homme du peuple a des potentialités d’ascension sociale.

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