mardi 28 février 2012

CM n°3 Géographie sociale

Cours du lundi 20 février 2012

2) Le nouvel impérialisme

(David Harvey)

Il y a deux logiques spatiales qui se distinguent :

- Une logique territoriale de l’Etat : une logique de pouvoir fondé sur la maitrise politique, économique et militaire d’un pouvoir continu et bien délimité. Cette logique peut-être impérialiste en passant par la conquête de territoires.

- Une logique moléculaire du capital : C’est aussi une logique de pouvoir mais elle est fondée sur la circulation réticulaire (réseau). Une circulation plus fluide, plus discontinu qui ne requière pas forcément un territoire bien définie. Cette circulation du capital passe les frontières et peut même renforcer certains points de circulation plutôt que d’autres.

C’est une opposition classique en géographie entre le territoire et le réseau. Ces deux logiques ne fonctionnent pas de la même manière mais ne s’oppose pas face au capital car toutes les deux favorisent la circulation et l’accumulation du capital à l’échelle mondiale.

La logique moléculaire est aujourd’hui exacerbée mais elle n’est pas nouvelle.

Ex : fonctionnement en comptoir de Venise.

v Le nouvel impérialisme :

Il y a une fusion de ces deux logiques. Dans la domination actuelle du capital, l’Etat au lieu d’être seulement un cadre régulateur est aussi un acteur direct qui favorise la logique réticulaire.

Ex : Aménagement du territoire. Un des points importants de l’aménagement du territoire, c’est les transports car c’est une façon de faciliter la circulation des biens et des personnes et ainsi l’Etat facilite sur ce territoire la circulation du capital entre des nœuds et en le faisant circuler d’un point à l’autre sans parfois s’arrêter à des endroits moins importants.

Il y a des contradictions entre ces deux logiques car les Etats ont ouvert la circulation du capital. Ils pensent disposer de nœuds capables de capter les flux du capital mais cela met aussi en danger le territoire. Effectivement, le nouvel impérialisme accroit la concurrence entre les nœuds par un capital plus volatile. SI le territoire est moins compétitif, il risque de ne plus faire partie de cette circulation. Le problème c’est que l’on peut mobiliser une logique très classique de domination : la guerre, à des fins d’accaparement du capital en demandant l’ouverture des frontières.

Ex : USA et la guerre en Irak

L’impérialisme contient en germes ses propres dépassements. Quand on a comme stratégie de se servir d’un pays pour écouler ses capitaux, au bout d’un moment il s’effectue un passage de relais avec un pays qui devient plus puissant. Un passage qui est souvent violent dans des guerres inter-impériales notamment pour le contrôle des ressources.

Ex : Passage de relais entre la Grande Bretagne et les USA puis des USA à la Chine.

Ce passage de relais se fait toujours vers un pays de plus en plus grand, qui peut prétendre à l’hégémonie mondiale.

3) Les ressorts du développement inégal :

Le système capitaliste est producteur d’espace en fonctionnant par divers manières :

- L’investissement à long terme

- L’arrangement spatio-temporel : on produit de l’espace ailleurs. Cela produit inévitablement un développement inégal du capitalisme.

Le développement inégal passe d’abord par une spécialisation.

Ex : La spécialisation dans les matières premières rapporte beaucoup moins que celle dans les produits manufacturés. Cela est la base de « l’échange inégal ». Cette circulation des capitaux maintient aussi cette inégalité territoriale.

« Les différences géographiques mineures préexistantes, qu’il s’agisse de ressources naturelles ou de capacités construites socialement (les villes par exemples), sont décuplées et renforcées plutôt qu’érodées par la libre concurrence du marché ».

Lorsqu’on fait circuler librement le capital, il y a un renforcement des points forts et un affaiblissement des points faibles. Il y a donc une conservation de la hiérarchie et pas d’homogénéisation. Le capital à tendance à s’installer là où il est le plus rentable.

Ce système produit aussi une dévalorisation de l’espace. Lorsqu’il y a une crise on dévalorise un espace, une économie régionale car c’est un moyen de produire de l’espace sous-développé en termes de structures capitalistes. Cela permet au système de continuer de fonctionner, de relancer la machine. Ces crises sont fondamentales pour que le système capitaliste perdure. La crise n’est pas un accident, c’est structurel et elle fait partie du système en créant des espaces sous-développés.

Chapitre 3 :

Les divisions sociales de l’espace

Introduction :

Division sociale de l’espace= ségrégation

v Définition :

Au sens propre, la ségrégation est une séparation de différentes populations qui est instituée volontairement. C’est une séparation stricte instituée légalement par un pouvoir. C’est donc le pouvoir d’exclure.

Ex : En Grèce ancienne les femmes étaient cantonnées au gynécée et inversement elle n’avait pas le droit d’aller au théâtre/ Ségrégation de résidence des juifs dans les ghettos dans l’Europe du Moyen-Age/ ségrégation dans l’Afrique du Sud de l’apartheid/ Ségrégation légale en vers les aborigènes d’Australie entre 1901 et les années 70.

Le concept doit être perçu d’un point de vue dynamique. On parle de tendances ségrégatives et de l’autre, de tendances agrégatives. La ségrégation légale est appliquée à des groupes naturalisés, qui sont considérés comme naturels.

I- Aux principes de la division sociale de l’espace

Pour qu’il y est division sociale de l’espace il doit y a voir division sociale de la société avec des groupes sociaux qui n’ont pas la même part de richesses : des classes et donc des groupes inégaux. Il y a souvent un lien entre la hiérarchie des lieux et la hiérarchie sociale.

1) Le prix du sol comme principal facteur de division socio-spatiale

La valeur des lieux est à la fois matérielle : le prix, mais aussi symbolique.

Cf : Maurice Halwacks (1877-1945) qui a mené sa thèse sur « les expropriations et les prix des terrains à Paris ».

Il parle des effets des travaux d’Hausmann sur le prix du sol à Paris. Il a montré le caractère essentiel du prix du sol dans la localisation des différents groupes. C’est le principal facteur de division dans la ville. Il remet en cause les conceptions de l’économie classique et la loi de l’offre et de la demande. Pour lui, il y a toute une dimension symbolique à la formation des prix car les acheteurs anticipent sur ce que l’on pourrait faire sur tel ou tel terrain. C’est la représentation sociale d’un espace qui est en jeux. Certains terrains ont une image extrêmement valorisée et d’autres beaucoup moins. Il a aussi montré l’importance de l’intervention de l’Etat dans le prix des terrains qui se réalisent par l’expropriation de terrains et la mise en valeur de certains.

Ex : Si on crée un espace vert cela va faire augmenter les prix.

Le prix du sol est quelque chose d’assez composite qui mêle la loi de l’offre et de la demande mais aussi les représentations sociales. Donc le prix du terrain est lié à des caractéristiques matérielles (taille du terrain) mais aussi plein d’autres éléments symboliques.

On constate un gradient décroissant des prix du sol du centre vers la périphérie avec des quartiers bourgeois au centre et des quartiers populaires en périphérie. Le modèle de la ville américaine est construit à l’inverse de ce modèle européen. Pour comprendre cette différence, il faut introduire le coup de transports bien plus importants lorsque l’on vit en périphérie qu’en centre-ville. Le réseau de transport américain étant peu développé et bien plus cher. Les plus pauvres vivent donc en centre-ville dans des petits logements alors que les plus riches vivent dans des grands pavillons en périphérie. L’existence de nuisances ou d’aménités urbaines jouent aussi sur le prix des sols.

2) Le rôle de la division sociale de l’espace dans la formation de la conscience de classe

La division sociale est un facteur de renforcement des positions de classes car c’est à travers l’environnement que l’on intègre sa position sociale par rapport aux autres. L’espace intériorise la division sociale de la société elle-même. Ce dynamisme d’effet d’ordre social inégalitaire est perçu comme quelque chose qui va de soi, de naturel. Ce processus ne s’effectue pas seulement par le lieu où l’on habite mais aussi par les lieux que l’on fréquente. C’est donc un vecteur d’incorporation de sa position sociale et par continuité, un facteur de la conscience de classe. C’est ce que Halbwacks appelle la « mémoire collective ».

II- Les dynamiques ségrégatives en villes : les modèles de l’Ecole de Chicago

Ecole de sociologie urbaine, « d’écologie humaine ».

1) L’écologie humaine de l’Ecole de Chicago dans l’entre-deux-guerres

Création à Chicago du premier département de sociologie au monde. Il y a plusieurs écoles de Chicago : une Ecole d’architecture et d’urbanisme, une Ecole de critique littéraire, une Ecole de sociologie et Ecole d’économie néo-libérale, celle de Milton Friedman.

La ville de Chicago est perçue comme un laboratoire par les scientifiques.

Cette ville située autour du lac Michigan, connait une très forte croissante démographique dans l’entre-deux-guerres. En effet, on a construit un nœud ferroviaire, un carrefour de circulation dans son enceinte, puis ensuite on a fixé des usines sidérurgiques. Ce lieu a attiré alors beaucoup de migrants d’abord venus d’Europe : Allemagne, Irlande dans un premier temps puis de Pologne et d’Italie. Ensuite, s’est réalisé un phénomène de migrations internes : celles des afro-américains qui fuient la ségrégation présente dans les Etats du sud. C’est ce que l’on a appelé la « grande migration ». Se construit alors, au fur et à mesure que la ville grandie sans contrôle extérieur, des taudis qui sont le lieu de mouvements sociaux, des émeutes raciales (Ku Klux Klan), de la criminalité organisée notamment depuis la prohibition (la consommation, la vente, le transport de boissons alcoolisées deviennent illégaux).

Cette ville est donc un laboratoire d’observations sociales. Il se crée dans ces quartiers des actions sociales concrètes menées par des observateurs qui sont les premiers à recueillir des informations.

Ex: The city de Park (1867-1944), Burgess (1886-1966) et Mc Kenzie (1885-1940)

2) Les modèles de division sociale de l’espace de l’Ecole de Chicago.

Le modèle de Burgess :

(Sociologue)

Un modèle qui s’applique aux villes nord-américaines

- Le centre-ville est le cœur historique de la ville et progressivement il se spécialise dans les affaires (CBD). Il n’y a pratiquement plus de résidence dans ce quartier.

- Dans la « zone de transition » on y trouve des usines, des habitats très dégradés. C’est l’espace des primo arrivants. Il se construit alors dans cette zone des quartiers selon l’origine sociale des individus (quartier chinois, italiens, juifs ect.) qui demeurent entre eux.

- Dans la deuxième couronne, la « zone des travailleurs », l’habitat collectif et de meilleure qualité. Les migrants s’y installent lorsque qu’ils commencent à s’intégrer et avoir davantage de moyens financiers. Il y a moins de spécificités ethniques que dans la zone précédente.

- La troisième couronne « la zone résidentielle » est celle où habitent des individus plus élevés dans l’échelle sociale : les petits bourgeois, les personnes qui exercent des professions libérales, des commerçants. Ce sont des individus qui sont nés dans le pays.

- La quatrième couronne est la zone composée des populations aisées qui sont propriétaires de leur bien immobilier. On parle de la « zone des migrants pendulaires ».

Ce modèle de Burgess traduit l’idéal d’un parcours d’ascension sociale et d’assimilation





Le modèle de Hoyt :

(Économiste).

Ce modèle de ville est une adaptation du modèle de Burgess qui prend en compte une donnée supplémentaire : les axes de transports.

Hoyt propose un modèle sectoriel ou en secteur.

Le modèle d’Harris et d’Ullmann:

(Sociologues)

Un modèle polynucléaire avec des noyaux différents.

Pour résumer : Représentations graphiques des trois types de modèles urbains selon l’Ecole de Chicago


- Le schéma A = représentation du modèle de Burgess

- Le schéma B= représentation du modèle d’Hoyt

- Le schéma C= représentation du modèle d’Harris et Ullmann

3) Au-delà des modèles spatiaux, le principe d’invasion/ succession

La théorie de l’Ecole de Chicago est fondée sur un modèle d’ascension sociale et d’assimilation qui est celle d’un parcours de migrants. Les populations sont pensées comme mobiles et les territoires se transforment en général toujours en se dévalorisant. C’est aussi un modèle de croissance urbaine.

L’Ecole de Chicago se dit être une école de l’écologie urbaine puisqu’elle réfléchit et réalise une analyse de l’écosystème, une analyse des êtres vivants en lien avec leur environnement. L’idée est d’importer les concepts de l’écologie naturelle aux groupes humains. Il n’y a pas de connotations négatives de ces termes-là. C’est comme si on décrivait des plantes.

L’idée de l’invasion/ succession : C’est l’idée que dans un espace donné ou habite une population, une autre population viendrait par la suite s’implanter. A la fin de l’invasion on dit qu’il y a une succession car l’espace change de populations.

Cette invasion se traduit soit par un :

- Changement du sol : changement d’activité

- Changement de la composition économique et sociale d’un quartier

(Suite du principe de l’invasion/succession, au prochain cours)

vendredi 24 février 2012

Sociologie politique - CM - Fin du chapitre introductif

Comment la violence de l’Etat s’inscrit dans le corps des citoyens ? ELIAS montre le processus de civilisation, qui est un processus de dressage des corps, FOUCAULT parle des disciplines. Des technologies nouvelles comme la biométrie, qui permet de reconnaitre les citoyens.

On ne peut pas expliquer la stabilité d’un Etat par la violence, qu’elle soit physique ou symbolique. Ce qui permet d’expliquer ça, c’est une part d’allégeance de la part des citoyens, amenant le concept de domination : c’est l’obéissance des citoyens à un Etat ou à un homme politique.
Ce concept de domination est développé entre autre par WEBER (TD séance 1), c’est une relation que WEBER oppose à la puissance. La puissance repose sur le rapport de force inégale, la domination repose quant à elle sur le consentement et la légitimité.
La domination est « la qualité du pouvoir dont l’acceptation se fonde non sur la coercition comme ressource première mais sur le consentement réputé libre de la population qui s’y trouve soumise ». Cela signifie qu’il peut y avoir des contraintes invisible (« consentement réputé libre ») imposant aux citoyens d’accepter la domination. Dans la conception wébérienne, la domination repose sur la croyance de la légitimité et du bien-fondé du pouvoir politique.
                                                        
Ce concept renvoi à des débats plus anciens, remontant loin dans l’histoire : voir le texte d’Etienne DE LA BOETIE. On retrouve aussi cela dans l’école de Francfort, dont les deux penseurs principaux sont ADORNO et HORKHEIMER. Ce sont des chercheurs allemands de l’entre-deux-guerres très attiré par les théories marxistes : ils observent que même avec la révolution russe, il y a eu très peu de révolutions dans le reste de l’Europe. Ils ne comprennent pas non plus pourquoi un régime révolutionnaire devient un régime autoritaire et à cela s’ajoute l’émergence du régime nazi.
Au bout de longs essais et de plusieurs enquêtes, ils proposent deux pistes de réponses. Ils ont d’abord une explication psychologique, les êtres humains auraient une fascination pour l’autorité et le contexte familiale aurait un impact sur cette fascination (plus la famille est disciplinaire, plus les enfants ont tendance à adhérer politiquement aux régimes disciplinaires) (le ruban blanc film de HANEKE). La deuxième explication est la culture de masse qui permet de répandre une propagande et d’aliéner les citoyens. Ainsi, les individus ne sont plus aliénés comme chez MARX par l’industrie mais par la culture.

Conclusion du I- :
La politique ne se restreint pas aux institutions politiques, on ne peut pas l’entendre uniquement au sens institutionnel. La politique, c’est la capacité de certains groupes ou de certains individus à diriger la vie en société, à promulguer des règles qui s’appliquent à tous et à les faire respecter. La politique serait un champ social, un système : on parle de « machine politique ». C’est un champ social dominé par les conflits d’intérêts, où il y a des enjeux de pouvoirs internes mais aussi un pouvoir dominant qui monopolise la coercition légitime.
Ce système-là n’est pas isolé des autres systèmes : il est lié aux systèmes économique, artistique et religieux, pour donner quelques exemples.

Quelle est le rôle de la sociologie politique ?
Son rôle est d’élucider les rouages du système politique. Quand le système politique fonctionne, il n’a aucune raison de dévoiler les bases qui le compose : on peut dire que c’est par machiavélisme, le système politique veut garder une certaine opacité pour garder un contrôle des citoyens mais on peut aussi dire que c’est pour garder une certaine cohérence, pour qu’il ne soit pas disséqué.
Ces résistances sont d’autant plus forte dans l’espace politique que c’est un domaine profondément inégalitaire : certaines ont des positions plus élevés et ils n’ont pas intérêt à ce que les rouages du système soient dévoilés.
La tâche de la sociologie politique est d’analyser la campagne d’un homme politique et toute la communication utilisée pour construire une aura et dominé son parti. Cela déconstruit ce que l’homme politique cherche à construire. Une autre branche de la sociologie politique cherche à déconstruire les partis pour comprendre les différentes branches et cela va à l’encontre du discours de l’unité des partis politiques.

1-      Du regard profane et engagé au discours savant.

A-    Les différents points de vue portés sur le politique.

-> Le discours de l’acteur engagé. Ce type de discours provient de militants de parti ou d’association, d’élus ou d’intellectuels engagés dans une cause particulière.
La particularité de ce discours est qu’il est fait pour convaincre son interlocuteur. Pour convaincre, il tente souvent de justifier l’action passée, l’action présente et l’action future. Les analyses que produisent ce genre d’acteurs sont toujours biaisés, partielles et partiales.
Exemple : Taire les divergences internes au sein d’un parti ; produire un discours déjà prédéfini, dans un gouvernement on fait preuve de solidarité envers les autres ministres ; quand pour expliquer une situation, on cherche une cause à un problème qui va produire le plus de soutient et arranger les membres du milieu, si il y a un problème dans l’agriculture, un membre du syndicat agricole rejette la faute sur l’Etat plutôt que sur des conflits entre des producteurs ; imputer à son quand les résultats positifs et rejeter sur l’autre camp les résultats négatifs.

-> Le discours médiatique.
Des journalistes professionnels sont spécialistes du politique. Leur rôle est de rendre compte des évènements politiques, de produire des interprétations mais surtout de fournir des grilles de lecture qui vont permettre au lecteur de se faire sa propre opinion. Or, il y a une dérive possible (et fréquente) : si le discours médiatique se justifie par le fait de devoir informer les citoyens, il y a aussi une logique de la communication pour la communication, pour faire de l’audience. La particularité du discours médiatique est qu’elle doit retenir l’attention du spectateur car si l’audience baisse, le média disparait. C’est une logique de survie.
Tout ça renvoi revoie à des questions de la sociologie des médias : qu’est-ce qu’une information ? Comment sont sélectionnées les informations ? Qu’est-ce qu’on définit comme une information ? Quel impact sur les récepteurs ? Comment les acteurs politiques (dont le militantisme) vont adaptés leur stratégie en fonction des médias ?
Exemple : L’image du président en 2007 avec l’image de Sarkozy qui prenait de la place, auparavant le président restait plutôt en second plan. Les journalistes ont débattu de ce sujet : est-ce qu’on peut ne pas relayer l’information ? Si on le relai, est-ce qu’on est pas en train de faire le jeu d’une communication politique ?
Des journaux se déclarent indépendant et privés mais qui ont un lien très fort avec le monde des affaires et avec le monde politique car ces journaux sont privés, justement.
Il existe des passerelles entre le sociologue et le journaliste dans le traitement de l’information politique.

=> Le discours savant.
Normalement, dans le principe, le discours politique et le discours scientifique doivent être différent. Le chercheur doit suspendre son jugement, il doit être neutre. L’éthique du cherche en SHS exige qu’il suspende ses préférences morales et idéologiques. Pour cela, on met en place une méthode de recherche et des concepts rigoureux, ainsi que par une réflexion constante sur la validité des résultats.
Cette séparation entre le scientifique et le politique pose plus de questions que cela : la question de l’usage de savoir savant, notamment. Le savoir sociologique peut-il servir à défendre des causes politiques : il y a un désaccord entre les chercheurs eux-mêmes. Les chercheurs peuvent être engagés personnellement mais aussi professionnellement en cherchant sur des choses qui leur tient à cœur.
TOURRAINE prône l’intervention de la sociologie en politique. L’un de ses domaines de recherche est la xénophobie et le racisme. VIERWORKA a participé à la préparation de la campagne de AUBRY . C’est critiqué car il y a le risque de confondre logique militante et logique scientifique. Malgré le débat, les écrits sociologiques ne sont pas aussi utilisés que ça en politique.
BOURDIEU dénonce que le milieu militant et le milieu politique instrumentalise le discours savant. On ne peut pas avoir un discours savant isolé du champ politique, le discours savant est diffusé et donc il va être réutilisé à des fins politiques, culturelles ou administratives selon la pertinence de l’étude et selon le sujet. Il faut être vigilant dans les usages des termes scientifiques dans le discours politique et des détournements qui peuvent être faits.
A quoi ça sert de produire ce discours savant sur le monde politique ? On peut penser que cela peut améliorer le système politique en décrivant les dysfonctionnements et en mettant en lumière les enjeux de pouvoir. Rien n’est moins sûr. Mais cela sert à désenchanter le monde, cela dissipe les apparences et les illusions, c’est une des fonctions du discours savant sur le monde politique, avec tout ce que cela a comme effet pervers.

B-     Les différents discours savants.

=> Le discours de la science politique.
En France, cela a donné le nom à l’école Science Po même si on n’y fait plus beaucoup de sciences politiques. C’est une discipline universitaire autonome : on peut devenir professeur de science politique, il y a une agrégation. Mais cette discipline est multiforme, elle recoupe plusieurs sous-disciplines : l’histoire des idées et de la pensée politique (philosophie politique), la sociologie politique, les institutions et les relations internationales, l’administration, la gestion et les politiques publiques et la méthode des sciences sociales. La sociologie politique n’est qu’un élément de la science politique parmi d’autres.
La science politique émerge à la fin du XIXe siècle et elle nait du droit public pour progressivement s’en autonomiser. C’est donc une discipline récente.

=> La philosophie politique.
Elle réfléchit sur un idéal et pas sur la société actuelle. Elle réfléchit sur ce que devrait être un système politique juste, efficace et moralement satisfaisant. On est dans la quête d’un absolu et tous les philosophes imaginent la cité idéale, ils sont dans l’utopie.

=> Le droit constitutionnel (et l’analyse juridique).
Il a pour fonction de décrypter le fonctionnement des institutions publiques et pour se faire elle s’appuie sur l’interprétation des textes constitutionnels pour comprendre l’intention de l’administrateur.
Il y a deux différences par rapport à la sociologie : c’est uniquement basé sur l’analyse de texte de loi et de la constitution tandis qu’en sociologie on considère que le politique ne se restreint pas aux lois ; le droit considère le texte de loi comme un savoir neutre, il ne s’intéresse pas aux conditions sociales de la production de la loi.

=> La sociologie politique.
Elle s’intéresse à ce qui « est » et pas à ce qui devrait être, elle étudie des phénomènes sociaux, collectifs, qu’on ne pourrait pas comprendre pas la seule analyse des individus.
GAIT analyse le charisme de DE GAULE et l’utilisation qu’il en fait dans sa carrière politique et notamment aux référendums qu’il provoque à la fin de sa carrière. Elle explique que l’on considère que c’est une mise à l’épreuve du charisme du général et que cette explication ne suffit pas, elle est trop psychologisante. Elle montre que c’est aussi les rapports de force dans son parti politique qui ont amené à cette stratégie, cela légitimait son action.
L’apprenti sociologue politique doit prendre garde à deux risques liés à deux prénotions : le manque d’objectivité risque de généraliser par rapport à sa propre expérience ; l’ethnocentrisme fait que l’on risque de juger selon ses propres valeurs liées à une culture politique ou à une culture de classe.
Pour éviter ces biais, on cherche à avoir des fondements théoriques importants pour construire l’objet et l’on cherche à faire un effort de distanciation lorsqu’on recueille des informations empiriques. Pour cela, il y a deux méthodes principales, avec une méthode qualitatives (travail de terrain en suivant des manifestations) en cherchant la bonne distance d’observation et avec une méthode quantitative (en analysant les votes et les intentions de votes).
Une partie importante de la sociologie politique est la sociologie électorale, qui est représentée par le laboratoire CEVIPOF : il y a un grand intérêt des médias et cela finance des recherches. Cette sociologie a donc le plus de financement et le plus de visibilité dans la sociologie politique.
Il y a aussi des études sur l’influence des médias dans les élections (LAZARSFELD), qui s’intéresse au rôle et à la nature des partis politiques, qui s’intéresse à la bureaucratie d’Etat, sur les régimes politiques, sur les idées et les mouvements politiques, etc.

Quelques noms de sociologues importants en sociologie politiques :
=> Les pères fondateurs : WEBER fait partie des personnes qui instituent la science politique comme discipline. SIGFRIED publie en 1913 tableau politique de la France de l’Ouest.
=> Les sociologues plus contemporains : la sociologie anglo-saxonne a eut beaucoup d’influence dans les 60/70’, elles ont contribué à unifiér les problématiques au dela des frontières nationales. En France, BOURDIEU, CROZIER, OFFERLE et GAXIE. Il y a aussi une influence des anthropologues comme ABELES où il a fait de l’ethnographie dans un village du Limousin, il a aussi fait l’anthropologie de l’Union Nationale ou BALANDIER qui a travaillé sur l’Afrique à la fin de la colonisation et pendant la décolonisation, critiquant le colonialisme.

mercredi 22 février 2012

Sociologie des politiques sociales - Compte-rendu première intervenante !

INTERVENANTE 15/02/2012. CHARGE D’ETUDE DANS UN CABINET D’ETUDE.

Parcours SCOLAIRE.
Parcours en sociologie, maîtrise. Politique de la ville : politiques publiques en direction des quartiers en ZUS. Actions spécifiques en direction de ces quartiers. En plus des politiques de droit commun accessible à tous.
Première année : stage dans une équipe de développement local. DESS (master) d’urbanisme à Créteil, 1an et demi avec un stage. Politiques urbaine, de la ville, du logement. Parcours sur la question du logement et de l’habitat. politiques publiques en direction des quartiers en banlieue en zone sensible, victimes de ségrégation territoriale en plus des politiques de droit commun. Politiques d’actions, d’accompagnement, financement des écoles en ZEP.
PARCOURS PROFESSIONNEL.
Stage dans une équipe de développement local dans un quartier parisien qui relevait des politiques de la ville.
Stage dans un quartier de la ville de Bagneux, en rénovation urbaine (quartier d’habitat social, programme national de rénovation urbaine, travailler sur le bâtit, problématiques liées à l’habitat en forme de tours, habitat mal conçu, difficultés à vivre dans ces bâtiments loin des transports et des commerces, question d’insécurité réelle ou bien ressentie). Quartiers depuis 2003 qui font objet de rénovation urbaine : démolition, reconfiguration. Mission pendant le stage : construire un observatoire pour voir si ce programme apportait des améliorations (indicateurs précis, réduire les écarts à la norme, taux de chômage élevé, âge). Voir dans quelle mesure les indicateurs évoluaient, voir le taux de chômage allait baisser, l’effet d’insécurité allait diminuer, le taux de réussite scolaire allait diminuer.
Travail dans un HER (habitat étude recherche). Travail avec organisme HLM (Habitat à Loyer Modéré). Loyer sont encadrés, plus bas. Difficulté importante de trouver un logement. Réaliser des enquêtes sociales auprès des ménages (démolition et donc relogement dans d’autres logements). Souhaits et besoins en termes de relogement (nombre de pièces, prix, localisation). Questions : quels sont leurs souhaits et besoins en termes de logement ? Question du loyer ? De la localisation ? S’informer sur comment les reloger.
PROFESSION (rôle ; quotidien ; objectifs ; objets d’étude).
Aujourd’hui : travail à force recherche sociale. Est organisme d’étude ancien, 1965. Statut associatif, fonctionne avec un conseil d’administration. Travail sur l’évaluation des politiques publiques, des politiques sociales, des politiques du logement, des politiques urbaines, activités culturelles, la famille, l’emploi. Directeur – 3 responsables d’étude – 4 chargés d’étude (son poste) – 2 assistantes d’étude – Secrétaire comptable. Edite 4 fois par an une revue. En relation avec des commanditaires (des services de l’Etat, des collectivités locales, des organismes HLM, des ministères, des directions régionales de l’Etat sur la santé, le logement). Sont amenés à mettre en place des politiques, réaliser des diagnostics sur des thématiques particulières.
Travail avec la fondation l’Abbé Pierre. Appel à l’hiver 1954 auprès des politiques pour construire le logement pour répondre au besoin d’après guerre. Fondation qui porte son nom. Associations dont Emmaüs. Fondation Abbé Pierre : travail d’interpellation des pouvoir public pour lutter contre le mal logement. Rapport expliquant selon les formes de mal logement (SDF, logement dégradé, logement en impayé, habiter un camping, une cave, hébergement d’urgence, habiter les quartiers mal réputés en zone sensible, qui concentrent difficultés).
Méthode de travail : les commanditaires lancent des appels d’offres pour demander à travailler sur des sujets avec un cahier des charges plus ou moins précis (exemple : évaluer l’impact des relogements sur l’insertion des ménages). Font une proposition écrite avec les compétences, les références, proposent une méthodologie pour répondre à la demande. Le commanditaire étudie les différentes propositions des bureaux d’études. Possibilité d’un entretien. Cadre prédéfini, objectif premier pour obtenir le marché et de répondre aux attentes du commanditaire. Appel récurrent à la sociologie, entretiens semi-directifs, avec les professionnels avec les ménages aussi. Méthodes quantitatives : enquêtes par questionnaires (familles, ménages). Sociologie très présente mais aussi d’autres savoirs-faires et compétence, acquisition d’une expertise, d’une expérience. Compréhension progressive du système d’acteurs. Interrogation des professionnels sur leurs pratiques. Thématiques diversifiés, riches. Pluralisme des terrains. Dérive de l’expertise : sous-estimer le terrain et appliquer des idées préconçues. Apporte le recul pour croiser les regards des professionnels et des enquêtés.
Difficultés : économiques.  Difficultés de travailler dans un bureau d’études : contraintes de budget, travail avec un nombre de jours vendus. Il faut rester dans les temps, ne pas faire plus que ce qui était prévu pour ne pas être en déficit. Commanditaires n’ont pas souvent conscience du fonctionnement du cabinet d’étude et demandent souvent plus. Difficultés entre quantité de travail/contrainte de temps. Manière concrète d’appliquer la sociologie, véritable aide apportée aux acteurs et professionnels pour la mise en place de politiques.
Passionnant d’appliquer la sociologie. Aider les acteurs, les professionnels à mieux travailler et réfléchir, à mettre en place des politiques plus appropriées pour répondre aux demandes.
Question des relogements.
Aujourd’hui, effets réels du programme national de rénovation urbaine : beaucoup d’investissements financiers. Programme national de rénovation urbaine, lancé en 2003 touche à sa fin. Quartiers qui sont en changement. Effet réel, concentration des moyens financiers pour travailler sur le bâtit, relogement, re-travail des rues, on va « résidentialiser » les quartiers, rendre les espaces plus visibles. Difficultés de repérage, de visibilité. Faire venir des transports, refaire des rues, travailler sur des circulations douces, améliorer le cadre de vie des habitants. Quartiers qui changent physiquement. Construction d’autres types de logements, plus esthétiques. Changement du bâtit et des espaces, changements que les habitants ressentent. Changer l’image de ces quartiers. Désenclavement. Améliorer les parcours résidentiels qui habitaient ces quartiers.
Evaluation de l’atteinte de ces objectifs et proposition d’autres actions à mettre en place. Certes les transformations urbaines sont visibles mais ça ne veut pas dire que derrière on change l’image des gens qui habitent ce quartier. La critique plus globale : s’être trop concentré sur le cadre de vie qu’ils en auraient oublié l’humain (donner aux ménages le moyen de s’en sortir, accès à l’emploi, question de l’école, des relations entre les habitants).
Changement d’image amorcé. Question qui se pose au travers du relogement, au-delà du cadre de vie, c’est le peuplement. Quartiers pas agréables à vivre mais une des vraies questions c’est pourquoi à un moment donné dans ces quartiers ont été concentrés des populations homogènes qui concentraient des difficultés sociales. Gens qui habitent ces quartiers n’y habitent pas par choix. Quand on a suffisamment de ressources on peut choisir où habiter. Tendance des personnes des classes sociales les plus hautes à se regrouper, on peut parler de ghettos de riches. Choisissent le lieu d’habitat, ne veulent pas qu’on construise des habitats sociaux à proximité, pas envie de côtoyer des personnes plus pauvres. Phénomène de ségrégation territoriale est un phénomène par le haut, font augmenter les prix et les rendent inaccessibles  pour les autres qui doivent habiter plus loin. Jeu de dominos. Classes dites « moyennes » font des arbitrages, habitent le périurbain, s’éloignent pour habiter les pavillons en périphérie. Logement social pour les catégories les moins élevées, le loyer est plafonné, aides sociales pour aider aussi. File d’attente pour les demandes sociales. Système d’attribution très réglementé. On ne peut pas refuser car sinon on retourne au bout de la file d’attente. On ne choisi pas d’habiter, est quelque chose de subit. Concentration des familles avec le moins de ressources. Taux de chômage important, problématique avec le nombre de jeunes. Loyer est une contrainte, on ne peut pas changer de logement si on ne change pas de situation, forme d’assignation à résidence.
Démolition pour des questions urbaines mais aussi car les personnes habitant ces logements pourraient bénéficier d’un meilleur logement. Question de la mixité sociale. Comment l’arrivé de nouveaux habitants est vécu, apport sur les autres ménages, effets sur l’école. Mélange est difficile, appréhension, préjugés. Confrontation à des pétitions (peur de la délinquance). S’intéresse à l’intégration dans un nouvel environnement, réseau social et amical nouveau ou bien celui de l’ancien quartier. Relogements plus ou moins accompagnés de professionnels (travailleurs sociaux). Espoir que le relogement est vécu positivement. Possibilité de concentration des ménages en difficultés ailleurs.
Pas d’utilité directe (comme travailleurs sociaux). Sert à un niveau supérieur politique à mettre en place des actions concrètes. Pas seulement description et analyse, il faut parfois apporter des préconisations. Prête davantage attention au vécu et au ressenti des habitants.
Individuellement, ils ont tous une fibre sociale (action en partie militante par rapport à la Fondation Abbé Pierre). Pas d’entière liberté sur la rédaction du rapport : la commande oriente la réponse. Obligation de satisfaction du client mais pas au détriment de la qualité du travail (tenaces sur certains points). Entre militantisme et expertise neutre.
Possibilité de faire appel à des sociologues universitaires. Théorie/pratique : lecture de livres sur temps personnel/terrain.



Sociologie de l'entreprise et de la mobilité - Exposé 2 sur CUIN (chapitre 2)

Chapitre 2 de l'ouvrage de CUIN : les sociologues et la mobilité sociale.

L’ouvrage social mobility de SOROKIN, publié en 1927,  est considéré comme le précurseur des études américaines sur la mobilité sociale, il pose plusieurs bases théoriques et propose un modèle explicatif. C’est cet ouvrage qui a d’ailleurs stabilisé l’expression de « mobilité sociale ».  Pourtant, ce n’est pas à partir de cet ouvrage que va se constituer les théories de la mobilité sociale américaine, ce que CUIN se donne comme objectif d’expliquer dans la première partie du chapitre 2 sur l’œuvre de Pitirim SOROKIN.

Quelques éléments biographiques à propos de SOROKIN :
Sorokin est expulsé en 1923 de Russie par les bolcheviks et les accuse d’avoir plongé les pays dans l’anarchie et le chaos. On ressent chez Sorokin une aversion très grande pour le communisme et les idées de Marx. Tout au long du développement de ses idées, Cuin nous montre que le concept de mobilité sociale sert à réfuter les thèses socialistes de « luttes des classes ».
Fermement opposé aux théories de Talcott Parsons


La vision stratificationniste de la société de SOROKIN :
SOROKIN utilise une conception stratificationniste de la société, c’est-à-dire qu’il considère qu’il y a des inégalités dans la distribution de certains éléments (comme les privilèges, les droits, les devoirs et l’influence), divisant la société en strates placées sur une échelle verticale.  Pour Sorokin, la mobilité sociale est un ensemble de « mouvements individuels ou collectifs de passage d‘une position à une autre, horizontalement ou verticalement et, dans ce dernier cas, de façon ascendante ou descendante ». On oppose mobilité sociale à stratification sociale qui n’ont pas le même prisme d’analyse, mais même si l’on étudie la mobilité sociale, notamment chez Sorokin, la réalité d’une société stratifié n’en est pas moins vraie. La mobilité sociale est même pour Sorokin l’expression de notre société stratifié qui pour subsister a besoin de mobilité. Cette société stratifiée se traduit par une distribution inégale « des droits, des devoirs, des responsabilité, des valeurs et du pouvoir »
Ces éléments sont qualifiés de variables continues : ce sont des éléments que l’on possède selon un certain degré. On a ainsi un peu d’influence, beaucoup d’influence ou énormément d’influence. Il n’y a donc pas de monopole clair d’une variable par une couche de la société. Aussi, ces variables, qui sont multiples, esquissent une vision multidimensionnelle de la société, que CUIN définit comme une vision wéberienne de la société.

SOROKIN n’a pas produit de théorie de la stratification sociale, il ne fait que faire un constat empirique pour pouvoir poser sa véritable problématique.

Le constat et la problématique de SOROKIN :
Il veut analyser la reproduction des structures sociales et leur évolution et donc dans une logique fonctionnaliste il veut définir les lois et processus qui expliquent un maintien ou une évolution de la stratification sociale. On sait que la société est stratifié de telle manière, la question n’est pas de savoir pourquoi elle est stratifiée ainsi (ce n’est pas l’origine de la stratification qui l’intéresse) mais comment elle se maintient et elle évolue ? Bref il s’intéresse à la reproduction de la société.

SOROKIN fait constat : malgré la fluctuation de la « hauteur » (amplitude de la stratification, nombre de couches dans la société) et du « profil » (les variables continues les plus importantes) de la stratification sociale, il n’y a pas d’évolution (augmentation ou diminution) des inégalités sociales.
Il en conclut que la société sans classe que MARX imagine ne peut donc pas exister, comme elle serait l’épilogue d’un épisode révolutionnaire causée par une augmentation des inégalités sociales. Pour Sorokin, l’organisation de la société en strates est nécessaire, même naturelle.

1-      Le schéma théorique (de la stratification sociale et de ses évolutions chez SOROKIN).
Il y a deux types de causes à la stratification sociale (et à la mobilité, qui, nous allons le voir, est liée chez SOROKIN).

Les causes structurelles :

Empiriquement, on remarque que :
=> La mobilité sociale est un phénomène universel : même dans les sociétés rigides il y a une mobilité sociale.
=> Il n’existe pas de société libre (pas de société anarchiste ? sans stratification sociale). 

S’il n’y avait pas de mobilité, il n’y aurait pas de stratification fonctionnelle. Si la mobilité était libre, ce serait la négation même de la stratification sociale, autrement dit il n’y aurait pas de différenciation fonctionnelle des strates.

SOROKIN remarque que les flux de mobilité verticale varient dans le temps et dans l’espace, autrement dit d’une société à une autre et au sein même d’une société à différentes époques historiques.
Comme il n’y a pas d’explication sur ces évolutions des flux de mobilité verticales, SOROKIN se concentre sur les moyens qui assurent la mobilité des groupes et des individus.

Ainsi, les causes structurelles ne permettent pas d’expliquer les variations des flux de mobilité, il faut amener d’autres explications, d’autres causes.

Les causes fonctionnelles :
SOROKIN est donc une vision fonctionnaliste de la stratification sociale. RAPPEL => Le fonctionnalisme : Tout les éléments et les caractéristiques du monde sociale que l'on peut observer existent pour de bonnes raisons, c'est nécessaire au fonctionnement de la société dans son ensemble.

Dans les travaux de SOROKIN, la cause de la mobilité sociale est réduite au caractère fonctionnel de la stratification sociale définit par le besoin d’une division du travail. La mobilité sociale est donc la conséquence de la sélection par la société des individus devant remplir efficacement une position.
Sorokin pense que la mobilité sociale est un fait universel, que l’on retrouve dans toutes les sociétés. Ce qui est aussi un trait commun à toutes les sociétés c’est que la mobilité est un fait social qui n’est pas libre. Si la mobilité sociale n’était pas restreinte ou canalisée, il n’y aurait pas de strates, la notion de couches qui composent la société n’aurait pas de sens
La mobilité sociale est un mécanisme qui permet de placer les individus à des positions dont ils ont les capacités nécessaires pour répondre aux fonctions de la société. Ainsi, si la stratification et la mobilité sociales existent, c’est pour que la division du travail soit efficace, que les positions sociales soient occupés par des personnes ayant les compétences nécessaires.

Mais pour placer les individus là où l’on a besoin d’eux, Sorokin pense des « agences » qui vont organiser la distribution des individus.

Le concept d’ « agence » :
Les agences sont les institutions qui ont pour rôle de distribuer les individus dans les strates sociales. Ce concept dénote une vision organiciste de la société, visible notamment par le vocabulaire utilisé. Les strates sociales auraient des « membranes » percées de « canaux » (des « orifices », des « escaliers », des « élévateurs »). Ce sont des institutions donc qui sont symbolisées par ces canaux, permettant à la société d’être dynamique et de se réguler.
Pêle-mêle on trouve l’armée, l’école, l’Eglise, les organisations politiques, économiques et professionnelles, le mariage, la famille. L’importance de chaque institution varie ici selon les sociétés, dans le temps et dans l’espace.
CUIN considère que cette vision de la stratification sociale s’inspire de la conception spatiale de la stratification, produisant ainsi une théorie de la circulation sociale causée par la distribution sociale.

L’ensemble des agences a donc pour fonction  l’évaluation, la sélection et la distribution des individus, ce qui constitue des filtres à la mobilité sociale.
Chaque agence occupe une place spécifique dans la mobilité sociale, elles ne produisent pas toutes les mêmes effets. Dans ce processus de mobilité sociale, les institutions n’ont pas toute le même rôle : certaines écrèment les individus selon leurs qualités générales comme l’école tandis que d’autres finalisent le tri, comme les institutions professionnelles. Une fois le destin individuel fixé par les institutions professionnelles, il reste renégociable grâce à l’organisation pro de la division du travail.
Le tri fait dans les individus se doit d’être quantitatif en plus d’être qualitatif : le nombre de personnes sélectionnés doit être en lien avec le nombre de places disponibles dans la strate sociale concernée. Une sur/sous production d’élites mettrait la société en péril. Il y a des contraintes structurelles de la distribution sociale, la fonction de distribution n’est donc pas autonome à la société.

Tous les individus ne peuvent pas utiliser les canaux. Pour réguler la stratification de la société, il faut aussi que la mobilité soit contrôlée pour éviter des déplacements sociaux anarchiques.
=> Un mécanisme d’évaluation des capacités à remplir une fonction sociale
=> Un mécanisme de sélection en vue d’une position sociale.
=> Un mécanisme de la distribution des individus dans les strates de celle-ci, par la promotion ou la rétrogradation. è Distribution effective

Si dans les faits, ce n’est pas toujours le meilleur qui passe les filtres, CUIN explique que SOROKIN dans sa vision organiciste justifie l’efficacité de ce système par la longévité des sociétés.

On peut aussi découper les agences en deux catégories. Celles qui font un premier tri et qui servent à l’évaluation, comme l’école et l’Église. Vient ensuite un second tri, celui de la sélection effectuée par les agences du travail, le monde professionnel.

Dans la pensée de SOROKIN, cette fonction est nécessaire à la survie de la société : le hasard inhérent à la distribution sociale peut détruire ou maintenir un ordre social.
Pour assurer la longévité des société, dans la logique de Sorokin, on peut directement agir sur les agences pour aider la société à atteindre ses objectifs.



2-      Circulation sociale et structures sociales.

Une fois le cadre théorique définit, il faut se pencher sur les travaux empiriques de SOROKIN. L’analyse que fait CUIN de ces travaux est divisée en deux points : la circulation sociale dans les sociétés occidentales ; l’apologie de la société mobile et de la sélection sociale.

v  Circulation sociale en Occident
Une grande partie de la mobilité sociale est structurelle car l’évolution des sociétés demande des transformations dans le monde du travail et en plus il faut rajouter que la transmission héréditaire des métiers est en nette diminution, c'est-à-dire que l’on ne fait pas le même métier que son père.  Il y a des secteurs d’emploi nouveaux qui vont exploser et demander un grand nombre de nouveaux postes. A l’inverse, secteurs disparaissent ou exigent moins d’individus pour remplir les mêmes fonctions. Les métiers qui disparaissent connaissent les plus fortes mobilités car les individus désertent ces secteurs qui deviennent peu attractif, à l’inverse les secteurs qui prospèrent sont très attractifs et les individus ne les quittent pas.

Dans la perspective de Sorokin, l’ensemble de la mobilité est structurelle puisque qu’elle est le produit des agences qui répondent à une demande sociétale déterminée par l’évolution des structures des positions à pourvoir. Ainsi les agences doivent évoluer, augmenter ou restreindre leurs canaux selon les secteurs pour répondre aux évolutions des structures et préserver l’équilibre de la société.

La vision Sorokinienne ne se place pas dans une logique d’égalité des chances, mais dans une « logique de distribution sociale des individus selon des critères d’efficacité fonctionnelle ». Pour Sorokin il n’y pas de place pour les « mérites » de l’individu, ce ne sont pas ses capacités qui peuvent le faire évoluer dans la structure sociale, il n’y a qu’une mobilité possible, celle du changement structurel. L’égalité des chances est une optimisation du processus de sélection qui hiérarchise les individus selon leurs capacités à répondre à des fonctions de la société.
La mobilité sociale ainsi organisée prévient de toute composition de classes sociales. Pour Sorokin, elles sont un danger, car elles concentreraient les frustrations des individus, déboucheraient sur une révolution et placeraient à la tête des sociétés des individus qui ne remplissent pas correctement les fonctions requises. La société courrait à sa perte, car pour Sorokin la classe ouvrière n’est investie d’aucun rôle « social dominant » ; il faut entendre par là que la révolution prolétarienne ne mènerait qu’à la fin de la société qui accueillerait une telle révolution.

            De plus, il rejette l’idée que des classes sociales existeraient en tant que telles. Il en veut pour preuve la mobilité sociale inter et intragénérationnelle que connaissent les professions :
-          Une part des professions est stable et permanente, ceux qui restent
-          L’autre part en perpétuelle évolution, ceux qui accèdent à une profession puis partent, soit une mobilité intragénérationnelle ascendante ou descendante.
Sorokin en conclut que les groupes professionnels sont hétérogènes et qu’il y a une forte mobilité sociale, et ce qui peut être appliqué aux groupes professionnels peut aussi être appliqué à des groupes plus larges comme les classes sociales. De ce fait, les classes sociales si elles existent ne sont pas figées. Encore une preuve de l’erreur des théoriciens des classes sociales (et de Marx). Sorokin ne pense pas non plus que la mobilité sociale dans les sociétés occidentales est parfaite, il admet qu’il y a encore de l’hérédité socio-professionnelle dans des proportions encore très fortes qui forme un terrain propice à la formation d’antagonismes de classe. Mais Sorokin  voit dans l’émergence des classes intermédiaire une intensification de la fluidité structurelle qui va faire diminuer les « prolétaires de naissance ». Cela va entrainer une perte de la base empirique de la théorie de la lutte des classes. La théorie de la lutte des classes devient donc fausse quantitativement, mais qualitativement elle peut aussi être contredite. En effet, pourquoi cette masse d’individus serait capable de diriger la société ? Car s’ils sont prolétaires, ils font partie de « ratés », des moins intelligents et ils sont donc incapables de remplir les fonctions que l’on attend des élites dirigeantes. Leur arrivée au pouvoir signifierait l’arrivée d’un mal pour la société et les premières victimes en seraient les prolétaires eux-mêmes qui verraient leurs conditions de vie, déjà difficiles, s’aggraver.
           
v  Apologie de la société mobile et de la sélection sociale
La mobilité sociale est un signe de bonne santé de la société, selon Sorokin, on voit là que l’on est dans une conception organiciste du monde. La mobilité sociale est une chose positive, car elle met en place là où les individus doivent être, là où leurs compétences sont nécessaires. Cela maximise l’efficacité de la division du travail, une fonction à pourvoir, un individu sélectionné répondant aux critères, mais la mobilité sociale instaure la légitimité des systèmes occidentaux  basés sur la rationalité et l’ordre.
Les conséquences immédiates et « normales » de la mobilité sociale sont pour Sorokin, la prospérité économique et le progrès social. Ces conséquences supposent néanmoins deux conditions
-          Adéquation  des institutions et des méthodes de sélection
-          Égalité des points de départ et des chances
Cuin soulève ici un problème. En effet, la stratification sociale aboutit à une inégalité d’arrivée après la sélection. Mais la seconde génération sera forcément influencée par la place sociale de ses parents, et le principe d’égalité des points de départ ne peut plus être respecté ce qui remet en cause l’idée même de prospérité sociale. Pour Sorokin, la réponse se trouve dans l’agence qu’est l’école. Elle va selon lui gagner en importance dans l’avenir, devenir l’agence la plus importante de distribution des individus et ainsi, en théorie, effacer les inégalités liées aux origines des individus. De plus, il faut rajouter au rôle prépondérant de l’école les effets de structure qui rendent perméables les frontières entre classes.
            Du point de vue de la stabilité sociale les sociétés mobiles ont un bilan positif, bien que Sorokin y voit tout de même des effets néfastes. La mobilité sociale, par le recrutement hétérogène de la population, conduit à la perte d’une culture particulière des groupes. Le risque est de voir s’affaiblir les liens et la solidarité, car on met en avant la mobilité individuelle au détriment du groupe. Sorokin a ici une vision de l’anomie comme le développe Durkheim, l’individu ne se sent plus proche d’aucun groupe social particulier. De ce danger émergent des notions comme le « socialisme » ou la « solidarité internationale » qui tente de donner corps à une nouvelle solidarité, mais toujours dans l’optique de Sorokin ces notions, marxiennes, sont un danger, car elles conduisent au « collectivisme ». Le collectivisme serait un problème pour la société, mais la mobilité sociale résout elle même le problème, car, si elle est effective, les individus évoluent dans la hiérarchie sociale. Or le collectivisme suppose une mise à égalité des individus et une immobilité sociale. La mobilité sociale est en quelque sorte « l’antidote de ses propres maux ».

            3. Enjeux sociophilosophiques
Sorokin construit sa théorie sur de fortes inspirations de deux paradigmes ; le fonctionnalisme, toute chose dans la société remplie une fonction, évolutionnisme car il y a une sélection darwinienne des individus par les agences. Ce n’est pas un darwinisme social lié à la force et à l’égoïsme mais un darwinisme lié aux compétences et à une sélection systématique, il qualifie l’aristocratie de « vraie ».
L’aristocratie qui se met en place se fait à l’issue d’une évaluation et d’une sélection dans le but d’aboutir à la prospérité collective. L’aristocratie n’est pas une sélection naturelle chez Sorokin, encore moi la domination brutale d’un puissant, elle met en place des individus dont les compétences sont socialement utiles et moralement efficaces. L’aristocratie se met en place par une sélection sociale, celle des agences, pour gouverner les destinées collectives.

Cette vision Sorokinienne contredit l’idéologie de l’american creed, c'est-à-dire va à l’encontre de l’idée que c’est l’individu qui se « fait » lui-même qui parvient à une place de prestige par ses propres compétences, et non pas par les institutions qui assurent la redistribution. Pour Cuin, c’est la raison pour laquelle Sorokin devient le Paradigme oublié et laisse la place à son élève le moins aimé d’Harvard, Parsons.



II-                Le paradigme dominant :

La partie suivante invite le lecteur à suivre chronologiquement les études menées par la sociologie américaine sur la stratification et la mobilité sociales.

A-    L’école américaine de la stratification sociale.

L’école américaine de la stratification sociale comprend comment principaux sociologues PARSONS, DAVIS et MOORE.

1-      DAVIS et MOORE : la stratification comme système nécessaire de récompenses.

CUIN a d’abord décidé de traiter de DAVIS et de MOORE, qui sont pourtant deux élèves de PARSONS.

Comme SOROKIN, DAVIS et MOORE observe que la stratification sociale a un caractère universel et ils font l’hypothèse qu’il y a une nécessité fonctionnelle à cela (c’est donc, encore une fois, une analyse fonctionnelle de la stratification sociale).

Toutefois, ils se différencient de SOROKIN en prenant en compte le libre arbitre des individus. Ils ne considèrent pas que les individus soient sélectionnés passivement par des institutions mais que la société doit être capable de rendre les places sociales produites par la division du travail attirantes, il faut que les individus aient envie de monter dans la hiérarchie sociale pour occuper ces places sociales.
En effet, les positions dans la division du travail ne sont pas égales et donc ne sont pas aussi enviables : la formation peut être plus dure, la position peut demander des compétences spécifiques et peut avoir une « importance fonctionnelle ». En gros, plus la position est nécessaire à la survie de la société, plus la récompense doit être intéressante pour que les meilleurs individus soient ceux qui obtiennent ces places. Ces récompenses sont la contrepartie positive des devoirs et des responsabilités. L’inégalité des avantages des positions sociales est donc nécessaire pour que les postes clés (vitaux) soient occupés par les personnes les plus qualifiées.

Les critères qui président à l’évaluation des récompenses sont donc :
=> L’importance fonctionnelle.
=> La rareté des personnels (à cause de la forte exigence de compétence).

Toutefois, dans la conception de DAVIS et MOORE, toutes les positions sociales ayant une importance fonctionnelle ne sont pas forcément élevée dans la hiérarchie sociale. En effet, certaine position fonctionnelle ne sont pas haute dans la hiérarchie sociale car elles ne possèdent pas de caractéristiques objectives, rendant le recrutement difficile. Par contre, toute position haute dans la hiérarchie sociale a une importance fonctionnelle
Pour CUIN, ces deux sociologues s’enferment dans leur analyse : ils n’arrivent pas à expliquer le phénomène étudié dans sa totalité.

Comment définir une position sociale ayant une importance fonctionnelle ? On ne peut pas empiriquement le faire pour l’ensemble de la société, c’est une des failles de l’analyse des deux sociologues mais ils proposent deux indicateurs :
=> Le degrés d’unicité : si une position sociale est la seule à remplir sa fonction, alors elle est fonctionnellement unique.
=> Le degrés de dépendance des autres fonctions par rapport à elle.

Pour CUIN, le degré de dépendance peut aussi se rapporter à des relations de pouvoirs ou d’autorité entre individus ou classes, ce n’est donc pas qu’un indicateur de l’importance fonctionnelle d’une position sociale. (on peut penser à CROZIER notamment qui montre que les relations de pouvoir dépendent des capacités des individus à maitriser les zones d’incertitude, à prédire les actions des autres et à rendre imprévisible leurs actions).



2-      PARSONS : la stratification comme conséquence de l’évaluation sociale.

Pour lui la stratification sociale est le résultat d’un « classement social selon les critères communs d’un système de valeur. » La valeur sociale des individus c’est ce que Weber appel le statut. Le statut d’un individu est reconnu par son adoption du style de vie valorisé par la société. Plus on s’en rapproche plus le statut est élevé. Mais pour Parson la notion de stratification sociale est vaste car pour lui il y a stratification dès qu’une évaluation différentielle des individus  lieu.
            La valorisation d’un individu passe par ses qualités, leurs accomplissements (ce qu’ils font) ainsi que leurs possessions (matérielles ou symboliques), leurs talents et leurs capacités. Mais chaque société valorise différemment quatre fonctions différentes qui sont nécessaire à son existence et à son maintien : L’adaptation, la poursuite des buts, l’intégration et le maintien des modèles. Ces variables ont une très grande généralité analytique, en ce qu'elles s'appliquent à des conduites individuelles ou collectives, à l'analyse de groupes restreints et de sociétés globales, à la description de l'action d'acteurs individuels ou d'institutions sociales.
Chacune s’articule autour de deux des quatre caractères : accomplissement, qualité, universalisme et particularisme. Ces quatre points sont le fruit du paradigme évolutionniste de Parsons qui voit dans ces points, quatre mélanges de sociétés qu’il est possible d’analyser à travers l’histoire.

Le complexité de cette grille d’analyse est qu’on peut difficilement rendre compte à la fois de la pluralité des sous-systèmes sociaux (la société n’est pas monolithique) et de l’importance de chaque valeurs selon ces sous-systèmes sociaux (car la société doit répondre à chacune des fonctions, même si une est mise en avant).

Les Etats-Unis, selon lui, sont caractérisées par le couple « universalisme / accomplissement ». L’universalisme garantit les mêmes droits pour tous, tandis que l’accomplissement autorise le changement de statut. Par accomplissement on peut aussi entendre performance comme le reprend Guy Rocher. Ce couple, c’est ce qui représente les valeurs américaines.
Ce couple universalisme/accomplissement explique pour Parsons le fonctionnement de la société américaine :
            L’importance de la réussite professionnelle dans le cadre économique de la production et donc du statut très important des chefs d’entreprise, la figure du self made man américain. La société américaine, individualiste, favorise donc peu la poursuite de buts collectifs ainsi qu’à la notion d’intégration car les individus la mobilité sociale est vue comme un facteur mettant fin aux ségrégations raciales et ethniques.

Ce que favorise ce groupe de valeurs, universalisme et accomplissement, c’est le travail, c’est donc dans cette sphère que s’acquière le statut des individus car c’est là que ces valeurs sont les plus forte et les plus représentée. La position d’un individus dans la stratification sociale dépend donc de la « contribution productive de l’individu au fonctionnement de l’organisation considérée, par conséquent de ses aptitudes et de ses accomplissement de ladite organisation ».
La stratification consiste en un classement des rôles professionnels à partir des qualités, des propriétés culturelles qui y sont attachées. C’est à partir de ce classement que ce distribue des sanctions symboliques (positives ou négatives) :
-          Salaire
-          Diplôme
-          Privilèges
-          Etc.

Pour Parsons dans la société américaine les possibilités de mobilités sociales sont très grandes, notamment grâce à une forte mobilité géographique qui permet une indépendance des emplois. Ce qui fait l’ascension d’un individu, ou sa chute, c’est la « motivation ». On a ici une explication psychologisante de la mobilité sociale. Les individus connaissent une mobilité sociale ascendante ou descendante selon leurs motivations, c'est-à-dire selon les qualités de l’individu et sa volonté des s’élever, indépendamment du contexte dans laquelle il exerce son action. Sur ce point se fonde la différence fondamentale entre particularisme et accomplissement où ses valeurs prennent en compte les relations humaines qui s’attache à un statut particulier.

Fonction et valeurs sont ainsi les notions cardinales de la mobilité sociale pour Parsons


3-      La nature stratifiée de la structure sociale.

On parle de nature stratifiée dans le sens où la structure de la société est visualisée comme un ensemble de classes placés les unes au-dessus des autres : par strate. C’est ce que CUIN décide de questionner dans ce point, en faisant un lien de corrélation avec l’american Creed : en effet, il considère que cette sociologie américaine de la stratification sociale opère une mise en forme théorique des trois principes fondamentaux de l’american creed qui sont :
=> la nature fonctionnelle de l’inégalité sociale ; la nature fonctionnelle de la structure sociale ; la nature fonctionnelle de la mobilité sociale (le dernier étant le plus important).

* Le principe de l’inégalité sociale.

Pour PARSONS, les valeurs collectives doivent tendre à mobiliser les acteurs sociaux pour la réalisation de fins collectives. PARSONS s’attardent principalement sur l’aspect culturel de la stratification sociale : la place de l’individu dans la société dépend du fait qu’il répond plus ou moins bien aux valeurs définis par l’ensemble de la société : aux USA, l’achievement et l’universalisme.
DAVIS et MOORE quant à eux considèrent la stratification sociale d’après l’efficacité normative de la hiérarchie. La stratification sociale dépend d’avantage du bon fonctionnement des divers systèmes sociaux. (=>Expliquer)

Les deux conceptions sont complémentaires (on n’oublie pas que DAVIS et MOORE sont des élèves de PARSONS). PARSONS donne du sens à la notion d’importance fonctionnelle, ce que DAVIS et MOORE mettent au centre de leur analyse en définissant le système de récompense.
Avec cette explication fonctionnelle, l’inégalité entre les individus devient un élément nécessaire, c’est une conséquence de la structure de la société.

Ainsi, les théories de l’école américaine justifie le principe de l’inégalité sociale de l’american creed.

* Le principe de la fluidité structurelle.

Il faut comprendre que la stratification sociale est une forme de structure sociale parmi d’autres possibles, chez PARSONS. En effet, celui-ci considère qu’une société structuré par strate permet une fluidité structurelle, les individus peuvent changer de strate dès lors qu’il y a un manque qualitatif et/ou quantitatif d’individu dans une autre strate.
La fluidité structurelle distingue la structure par stratification sociale des structures par castes et par ordres : les ordres et les castes sont imperméables, alors que les strates ne le sont pas.

Pour en revenir rapidement aux différentes structures possibles définis par PARSONS : la hiérarchie distingue la structure par stratification sociale des structures par classes et par ordres. Dans les idéaux types de PARSONS, les classes et les ordres n’ont pas de hiérarchie, ils sont interdépendants et remplissent des fonctions spécifiques (les clercs prient, le tiers-Etat travaille et les nobles font la guerre : cette vision de complémentarité est contestable mais elle est ainsi).

Dans une structure par stratification sociale, il n’y a donc pas de barrières. La notion de fluidité renvoi à celle de liberté de l’acteur qui, dans l’idéal, ne subit aucun déterminisme social. Ils cherchent des récompenses chez DAVIS et MOORE, ils acquièrent des valeurs et des motivations individuelles chez PARSONS. La notion de valeurs individuelle chez PARSONS fait tout de même une place au déterminisme car ces valeurs sont déterminés par la société et l’individu, s’il veut monter dans la hiérarchie sociale, doit s’y conformer : cette partie de l’analyse de PARSONS est donc à mi-chemin entre la reconnaissance de la liberté d’action de l’acteur et un certain déterminisme social.
                                
* Le principe de la mobilité sociale.

C’est la corrélation de la fluidité structurelle : si les individus peuvent circuler, alors il y a une mobilité sociale. La notion de stratification renvoi donc directement à celle de mobilité sociale. L’inégalité sociale n’est pas un frein à la mobilité sociale car les strates sont poreuses.
C’est la logique même des valeurs misent en avant aux USA : L’universalisme garantit les mêmes droits pour tous, tandis que l’accomplissement autorise le changement de statut.

La mobilité sociale a aussi une importance fonctionnelle car elle est la condition nécessaire pour que les besoins de la société soient remplis. La société a des besoins, elle crée des positions sociales qui doivent être occupés et les rend désirables grâce à des récompenses (DAVIS et MOORE) : la position sociale doit être distingué de l’individu, plusieurs individus postulent à une position sociale car ils sont intéressés par la récompense.
                                               
CUIN explique que les visions marxistes ont montré que cette vision fonctionnaliste de la stratification sociale mettait en avant l’aspect individualiste de la société. La stratification sociale serait la conséquence d’une évaluation collective des individus selon un système de valeur et l’inégalité des positions sociales serait la conséquence des récompenses visant à rendre plus désirables les positions les plus nécessaires à la société. Les individus participent au maintien de la société en cherchant à assouvir leurs besoins subjectifs. Tous les individus ont les mêmes buts mais ils les réalisent inégalement, d’où leur inégale répartition dans la société.
Le principe de la mobilité sociale, en étant vu sous cet angle, naturalise les inégalités : si il y a inégalité entre les individus, comme il y a égalité des chances, c’est que les individus sont naturellement inégaux. Il y a donc deux approches de la société, une approche structurelle et une approche individuelle, la deuxième étant dominante dans la sociologie américaine.

Il y a toutefois une ambiguïté entre ces deux conceptions, qui symbolise une ambigüité plus générale de la conception américaine de la stratification sociale : chez PARSONS, c’est l’individu qui produit la société, selon sa motivation à occuper ou non une position sociale, chez DAVIS-MOORE, c’est la société qui produit des positions sociales et qui les rend attirantes par un système de récompense, que les individus se disputent selon leurs compétences. Dans tous les cas, il y a une compétition entre les individus qui est légitimé.

Mais cette ambigüité se retrouve aussi dans les travaux de l’école américaine de la mobilité sociale, qui émerge après la seconde guerre mondiale dans un contexte de guerre froide. La volonté principale de cette école était de dépasser le cadre théorique en construisant des outils de mesure de la mobilité sociale.
                                                     




III-             Le paradigme dominant :
B-     L’école américaine de la mobilité sociale.

1-      La théorie de LIPSET – ZETTERBERG - BENDIX

50’ => théorie générale de la mobilité avec volonté d’être moins descriptive que ce qui s’était fait jusqu’à présent et de donner des chiffres. Se place dans la continuité de l’école de la stratification sociale américaine, en développant le concept de mobilité sociale et en apportant des résultats empiriques.

IIIe congrès mondial de sociologie : 1959 : ZETTERBERG et LIPSET propose une première version de leur théorie de la mobilité sociale.
Théorie reprise en 1962 dans l’ouvrage de LIPSET et BENDIX dans un ouvrage-bilan des recherches sur la mobilité sociale. Cet ouvrage met en avant la mise en pratique des théories produites pour le IIIe congrès mondial de sociologie. Il y a des différences d’analyses que nous expliquerons plus loin, nous allons d’abord nous concentrer sur les lignes de force.

* Les facteurs généraux de la mobilité sociale.

Cette théorie décompose la mobilité sociale en deux processus : « l’offre de statuts vacants » et « l’échange entre positions ».
« L’offre de statuts vacants » : en lien avec les changements de taille des strates : les individus des strates qui rétrécissent migrent vers les strates qui grossissent. Comme ces strates conservent leur position hiérarchique, de telles migrations entrainent des mobilités verticales. Il faut aussi prendre en compte les facteurs démographiques : si la fécondité diminue, le nombre d’individus injecté dans la stratification sociale diminue aussi, il faut donc restructurer.
« L’échange entre positions » : lié à la libre compétition pour l’accès aux différentes strates. La compétition produit des mouvements égaux ascendants/descendants. En gros, quand un monte, un doit descendre pour équilibrer la balance. C'est lié à l’égalité des chances de la société, c’est le résultat de l’ouverture des structures sociales.

Ces auteurs produisent aussi une analyse des facteurs qui motivent les individus à avoir une mobilité sociale ascendante car définir les causes objectives n’expliquent pas pourquoi les individus désirent une mobilité ascendante.
Les auteurs produisent une théorie de l’aspiration généralisée des acteurs à la mobilité ascendante : tous les individus désirent une mobilité ascendante car une part de l’auto-estime d’un individu est déterminée par l’estime qu’on les autres de l’individu en question, qui est en relation avec leur position statutaire : les individus veulent donc avoir un meilleur statut et donc une meilleure position sociale. Autrement dit, les individus ont tendance à vouloir monter dans la hiérarchie sociale, non pas car c’est valorisant directement, mais parce que cela les distingue de leurs voisins et les flatte leur ego. (cette théorie est basée sur les travaux de VEBLEN qui parle de la théorie de la classe des loisirs, où les individus consomment pour se distinguer des autres visuellement).
Ces « nécessités psychiques des individus » seraient une caractéristique intrinsèque à tout culturel, indépendamment de l’accent mis par les normes sociales sur l’idéal de réussite sociale. Plus l’idéal d’égalité entre les individus est fort, plus les individus auront tendance à vouloir se distinguer les uns des autres et donc plus la mobilité sociale sera une solution à ces individus.
A cause de l’importance de l’égalité dans la culture américaine, des prescriptions normatives comme l’égo sont nécessaires pour que les individus occupent tous les positions sociales vitales à la société : cela explique le paradoxe entre les concepts d’égalité des individus / inégalité des positions sociales.

* Causes objectives et raisons subjectives. (L’analyse suivante est dans l’ouvrage LIPSET-BENDIX)

Après ces facteurs généraux de la mobilité sociale, il faut nous attarder sur la définition faite par LIPSET et BENDIX des causes objectives et des raisons subjectives de la mobilité sociale, dans leur ouvrage. Cette distinction vient remplacer celle faites par LIPSET et ZETTENBERG durant leur conférence, en aucun cas elle ne se superpose.

Cette analyse produit une synthèse des travaux de PARSONS et de ceux de DAVIS et MOORE (récompenses). Elle est fonctionnaliste, elle explique la mobilité à partir de sa participation à la réalisation de fins socialement définies.

=> Les causes objectives de la mobilité sociale : « conséquence fonctionnelle de processus dynamiques structurellement déterminés » : la mobilité sociale est le produit des besoins structurels de la société pour se maintenir, c’est le renforcement des valeurs de l’achievement et de l’universalism.
=> Les raisons subjectives de la mobilité sociale : « La reproduction de la stratification nécessite l’attachement des acteurs à la promotion statutaire par des systèmes d’incitation socio-culturelle » : pour que la société se reproduise, il faut que les individus aient envie d’accéder à des statuts supérieurs et cela passe par le système de récompenses.

Cette analyse ne prend en compte que la mobilité ascendante, ce qui met la notion de motivation au premier plan : il est simple d’expliquer que les individus montent dans la hiérarchie selon leur motivation à y monter. Ce concept de motivation est même recevable.
Ce présupposé d’une volonté consensuelle de monter dans la hiérarchie sociale renvoi à ce que nous avons dit sur l’ego et l’estime que les autres ont d’un individu. La nouvelle dichotomie faite entre causes objectives et raisons subjectives (plutôt qu’entre places vacantes et échange de position) ne permet plus de faire la distinction entre la mobilité structurelle et la mobilité nette, il y a une perte d’information.
C’est que lorsque l’on tente de qualifier l’égalité des chances, on doit prendre en compte la mobilité de circulation et pas la mobilité structurelle. Ici pourtant, on mélange les deux, on mélange les notions d’égalité des chances et la fluidité structurelle sous le terme de « réussite sociale », ce qui exprime bien l’intérêt porté à la mobilité ascendante.

Cette conception d’une volonté générale d’ascension sociale se place durant un contexte de démocratisation de l’ascension sociale, les classes les plus basses peuvent prétendre à une promotion. Le problème de cela, c’est que on a une vision aplanie de la société et que les relations entre strates sont écartées, comme ces strates deviennent moins discernables. Les différences entre strates disparaissent au profit d’un ensemble de « facteurs structurels » qui ont une explication motivationnelle. Ainsi, l’analyse développé dans l’ouvrage de LIPSET et BENDIX se penche d’avantage sur la mobilité individuelle plutôt que sur la mobilité de groupe, tout en mettant en avant des individus se mouvant dans une pluralité d’individus et non pas de strates en strates. Cette vision de la mobilité sociale renvoi à l’idée qu’il n’y a pas de classes sociales aux USA (et donc une égalité des chances).

* L’abandon de la perspective analytique.

LIPSET et BENDIX abandonne la perspective analytique pour une perspective purement structurelle. La mobilité sociale se réduit à un équilibre entre les fluctuations de demandes de la société de positions sociales et l’offre individuel.
Ils définissent dans leur ouvrage social mobility in industrial society cinq facteurs structurels explicatifs de la mobilité sociale :
=> Changement du nombre de places disponibles.
=> La fécondité différentielle (le différentiel de fécondité par catégorie sociale : si des ouvriers un indice de fécondité plus élevé que les cadres et que le nombre d’ouvriers diminue alors que celui des cadres augmentent, alors il y a mobilité sociale du monde ouvrier vers le monde des cadres).
=> Des changements dans les positions sociales accordées aux professions.
=> Des changements dans le nombre de positions statutaires héréditaires (ce n’est pas forcement structurel, cela peut être du à une mobilité de position)
=> Des changements dans les restrictions légales intéressant les possibilités de mobilité verticales (dépend de la loi et pas de la nécessité structurelle)

Selon CUIN, les deux derniers points ne sont pas des facteurs structurels mais des facteurs faisant référence au fonctionnement du système social. Ces différents facteurs, extraits de leur travail empiriques sur des données chiffrés, délaisse une partie de la perspective analytique qu’avait produit LIPSET et ZETTERBERG en faisant la distinction entre la mobilité structurelle et la mobilité de circulation. C’est un échec du passage à l’étude pragmatique, alors que la théorie fondée en amont était valable et plus complète.

Ce que CUIN explique, c’est que LIPSET et ses collaborateurs ont comme but d’établir les caractéristiques de la mobilité sociale dans les sociétés industrielles en prenant les USA comme cas d’études et pas d’approfondir un travail théorique fait en amont par PARSONS et les autres.  Pour cela, ils font les présupposés suivants :
=> les taux globaux de mobilité aux USA sont comparables à ceux des autres pays industrialisés, ces taux sont élevés et ne déclinent pas.
=> L’origine sociale des individus recrutés pour les catégories sociales les plus élevés est multiple bien que les membres de l’élite des affaires partage une origine sociale identique.
=> La structure socio-pro de la société détermine d’avantage la mobilité sociale que les modèles culturels, religieux ou sociaux.

Du coup, dans l’ouvrage publié, on met de côté l’explication culturelle de PARSONS pour revenir sur une explication d’avantage fonctionnelle, car l’objectif n’est pas de faire la différence entre la mobilité structurelle et la mobilité de position.

* Les conséquences de la mobilité.

La mobilité sociale semble d’avantage étudiée comme une variable indépendante que comme un phénomène à expliquer. La mobilité existe, le but n’est pas de dire pourquoi elle existe (elle est fonctionnelle après tout) mais ce qu’elle implique. Les auteurs questionnent l’impact de la mobilité très élevée sur la stabilité de l’ordre libéral et démocratique des sociétés industrielles (ici américaine). L’accessibilité de la classe des élites légitime donc l’idéologie de « l’égalité des chances » et de la « société ouverte ».

Les auteurs insistent sur l’importance des croyances et des représentations subjectives des individus (de l’idéologie) pour analyser le rôle de la mobilité sociale. Celle-ci est au facteur de stabilité de l’ordre social aux USA car elle vient confirmée l’american creed, et plus précisément de l’égalité des chances. Dans un pays où on serait dans une idéologie de classes sociales fixes, cette mobilité sociale ne serait pas un avantage. Les individus penseraient toujours leur ordre social comme figée et donc cette croyance en une société de classes serait une croyance en l’impossibilité de la société à adapter sa structure politique et culturelle. La transformation du système social qui est perçu comme la seule solution possible.
La mobilité sociale ascendante est donc un signe de stabilité de l’ordre social dans une société privilégiant l’égalité des chances et la réussite sociale. Mais dans une telle société, la déchéance sociale est mal vécue par les individus, toutefois il y a des systèmes de compensation, comme l’Eglise qui propose une vie dans l’au-delà ou le familialisme qui permet aux parents de reporter leurs espoirs d’ascension sociale sur leurs enfants.
La mobilité sociale aurait donc une multiplicité de conséquences possibles selon l’idéologie de la société à son sujet. La mobilité ascendante peut miner la solidarité d’un groupe et provoquer la ségrégation sociale, elle peut produire des conflits entre les anciennes et les nouvelles élites, etc.

Ces auteurs ont donc pris la mobilité sociale comme quelque chose de bénéfique, montrant que leur ordre social était efficace. Surtout que directement après la révolution industrielle, les riches ont accumulés les richesses alors que les ouvriers subissaient la paupérisation.
Pourtant, une fois que les inégalités sont devenues moins importantes, la mobilité sociale n’est plus une bonne chose. Il y a un cout psychique et social de la mobilité sociale, qui n’est pas toujours récompensé par des avantages. De plus, les membres éminents des classes populaires, s’ils subissent une mobilité sociale, priveront ces mêmes classes populaires de leaders qui pourraient les représenter et potentiellement permettre une mobilité sociale collective. Le fait que les classes populaires sont celles qui sont les moins favorisées fait aussi que ce sont celles qui ont encore plus besoins de ces élites pour les soutenir.
Les auteurs, LIPSTER et BENDIX, sont touché par l’idéologie américaine et ils en sont conscient, ils demandent dans la fin de leur ouvrage des études plus poussées sur le coût et les avantages d’une mobilité pour les acteurs et pour la société, et ce sans emprise idéologique.



2-      La théorie de BLAU et DUNCAN

Leur théorie de la stratification et de la mobilité sociale va rapidement devenir la référence essentielle des travaux anglo-saxons. Le but de leur ouvrage est de donner une explication analytique et non plus de mesure (métrologique) comme c’était le cas avant.
Les sociétés modernes évoluent vers davantage d’universalisme et d’ « achievement » (l’accomplissement), critères de distribution sociale qui se substituent aux critères particularistes d’ « ascription » (l’assignation).
Ce phénomène s’explique par trois causes qui ont toutes pour bases communes l’universalisme :
-         (Un développement du modèle culturel qui met en avant) le progrès technologique et économique ainsi que la division du travail, qui augmente le nombre de places en haut de l’échelle 
-         La mobilité géographique, qui affaiblit les liens familiaux et de voisinage. Cette faiblesse des liens familiaux rend plus supportable de quitter sa famille, d’aller plus loin (on peut le rattacher aussi au progrès technologique)
-         La fécondité différentielle entre catégories sociales, c'est-à-dire que les parents place leurs espoirs dans leurs enfants. Classe défavorisée font plus d’enfant, les élites en font trop peu, il y a donc un recrutement obligé dans les classes défavorisée.

Ces critères sont la preuve pour les auteurs que ce ne sont pas des circonstances historiques qui rendent compte du fort taux de mobilité mais bien une culture universaliste qui a conquis les esprits.
Dans cette optique, la société américaine n’est pas une exception, elle est simplement en avance sur les autres sociétés industrielles qui vont se développer dans son sens. L’universalisme va se développer dans les autres sociétés industrialisées.

Comme chez LIPSET  and co, il y un rôle essentiel des motivations individuelles. Toutefois, chez BLAU et DUNCAN, la mobilité individuelle est la cause de la mobilité tandis que les changements structurels sont les conséquences. C’est donc l’individu qui prime.

Le processus de status attainment, c'est-à-dire de distribution des statuts, on le retrouve dans toute les sociétés.
La mobilité sociale résulte de conduite individuelle normativement orientée vers certaines fins socialement valorisées On retrouve ici la vision parsonienne d’intériorisation des valeurs, les acteurs appliquent les valeurs de l’universalisme. Soit les individus saisissent la chance  offerte par l’achivement dont ils maximisent les effets pour atteindre un statut social haut, soit ils investissent dans leurs progénitures.

Les individus sont d’avantage évalué sur la base de leurs réalisations personnelles qu’en fonction de leurs origines sociale ou familiale (lié à la valeur d’universalisme). Il faut comprendre que pour ces auteurs, ce que l’on juge dans les sociétés industrielles c’est la motivation, le mérite, le self made man et non pas des facteurs ‘extérieur’. Les auteurs savent bien que l’environnement est important, mais pour eux le rôle de l’école est essentiel, il joue un rôle de plus en plus important dans le processus de distribution des statuts. Ainsi en dehors des changements structurels les différences de statuts entre parents et enfant s’agrandissent.
            La mobilité des individus tient uniquement aux facteurs  qui interviennent dans l’évolution de leurs carrières sociale et qui vont eux aussi  déterminer le degré auquel le statut professionnel renvoie comme statut sociale à un moment donné.

On est face à une idéologie de la société mobile.
Lipset, Zetterberg, Bendix, Blau et Duncan reconnaissent que les USA  ne sont pas un cas unique de fort taux de mobilité sociale. On retrouve les mêmes taux de mobilité sociale dans les autres pays industrialisés. Ils ne sont pas non plus plus forts  qu’avant, et s’il y a une tendance elle serait à la hausse.
Ces auteurs sont aussi tous enthousiastes quant aux conséquences de la mobilité sociale sur la société. Mais Lipset Zetterberg et Bendix reste prudent quant aux effets de l’universalisme alors que les Blau est Duncan eux sont très optimistes. Pour Cuin, cet optimisme est à mettre sur le compte d’une volonté de légitimer l’ordre libéral démocratique ainsi que le développement du matérialisme qui désormais, pour ces auteurs, fait partie intégrante de la notion d’universalisme et a mené le pays à la prospérité, le progrès technologique ainsi qu’une grande égalité des chances.
Pour eux la mobilité sociale permet aussi que soit maintenue la démocratie car la mobilité évite toute rigidité de strate et distinction d’origine : diminution des différences statutaires
Un effet négatif qu’ils reconnaissent c’est que la culture de l’achievement vient légitimer la structure sociale ainsi que son fonctionnement. Les inégalités sociale sont ainsi légitimé et minimisées en tant que conséquences négatives car  c’est un système qui perpétue une structure de positions différenciés mais qui ne maintient pas une élite au pouvoir.

Lipset émet une réserve sur l’aspect bénéfique de la mobilité sociale trop ouverte car il risque d’y avoir une incompatibilité entre les aspiration ascendante des individus issues de l’universalisme et les nécessités structurelles : il parle d’interférence négative. A l’inverse pour Braun et Duncan ne voient que des aspects positifs, c'est-à-dire la satisfaction de leurs aspirations.
            De là on peut voir un véritable clivage ce creuser entre ces deux groupes d’auteur et on peut parler de deux groupes théoriques distincts même s’ils font référence au même paradigme.


3-      Deux discours théoriques distincts mais une référence à un paradigme ambigu.

Ces deux groupes d’auteurs ont, malgré cette petite divergence, les mêmes bases théoriques à l’origine de leur analyse. Fonctionnalisme : la structure sociale permet à la société de subsister et la mobilité sociale permet à la structure sociale d’évoluer et de remplacer les effectifs manquants.
Pour LIPSET ainsi que DAVIS et MOORE, les causes structurelles objectives (qui rendent la mobilité possible à cause d’une loi de l’offre et de la demande sociales) doivent mobiliser les aspirations individuelles (récompenses pour DAVIS-MOORE, motivation à la mobilité verticale par l’ego pour LIPSET).
Mais chez LIPSET, il y a une difficulté à associer les deux éléments (causes objectives et causes subjectives), les individus de par leurs motivations individuelles semblent d’avantage influencer la mobilité sociale : l’égo semble ne pas être en accord avec l’idée que toutes les positions sociales doivent être remplis, on a d’avantage l’impression de deux explications distingues plutôt que d’un système explicatif.
Le paradigme fonctionnaliste chez LIPSET établit bien cette distinction mais de manière trop ambiguë pour qu’elle soit opératoire : il n’y a donc pas d’interprétation individualisante possible (pas total, du moins, vu qu’une partie est psychologisante).
Par contre, BLAU-DUNCAN mette bien l’accent sur l’individualisme de ce paradigme en ne retenant que celui-ci et en le radicalisant. Les facteurs déterminants de la mobilité sociale ne sont plus que de nature individuelle et psychologique : ce sont les valeurs d’achievement et d’universalisme qui orientent ces conduites individuelles vers la mobilité, produisant au final la structure sociale par stratification empiriquement observable.
Chez LIPSET, on met l’accent sur le fonctionnalisme parsonien et analyse la mobilité sociale comme l’instrument nécessaire pour ajuster l’offre individuelle à la demande sociétale. Chez BLAU-DUNCAN, la mobilité sociale est la conséquence de conduites individuelles culturellement orientées, c’est la conséquence des actions des individus qui tentent d’atteindre des objectifs qui leurs sont propres. Dans les deux cas, la vision de PARSONS est acquise : car LIPSET prend en compte les motivations individuelles et BLAU-DUNCAN décrivent ces motivations comme l’intériorisation de valeurs collectives (et entretenu par la société).

Problématiques :
=> LIPSET : lien entre le niveau de développement des différentes sociétés occidentales et leurs taux de mobilité.
=> BLAU-DUNCAN : question de la nature et des facteurs du processus de la stratification sociale.
Logique que l’un et l’autre privilégie qu’une facette du paradigme, mais pour CUIN, c’est peut-être aussi le signe que ces auteurs n’ont pas réussis à rendre les deux facettes opérationnelles.

IV – Conclusion

Identifier le paradigme qui sous-tend ces deux discours théoriques est indispensable pour comprendre pourquoi la mobilité sociale tient une place aussi importante dans les recherches aux USA. Cela explique pourquoi SOROKIN a été oublié et pourquoi c’est BLAU-DUNCAN qui sont les plus proches de l’american creed., devenant la théorie dominante.
SOROKIN : hyperstructuralisme.
BLAU-DUNCAN : hyperindividualisme.

LIPSET et al : comme SOROKIN, ils pensent que la mobilité sociale est un processus de distribution des individus, répondant à une demande sociétale. S’apparente à BLAU-DUNCAN car ils prennent en compte les motivations individuelles et l’évaluation sociale (les rôles sociaux étant évalués par la société).
Empitiquement, LIPSET et al échouent à mettre en place leur conception de la stratification ; hésitation à prendre en compte les causes objectives et les raisons subjectives de la mobilité ; incapacité à distinguer mobilité structurelle (la seule utilisée chez SOROKIN) et mobilité nette (la seule dinstingué chez BLAU-DUNCAN).
=> La sociologie américaine a donc du mal à prendre en compte à la fois les structures sociales et les conduites des acteurs.