jeudi 16 février 2012

Antique 15 - 02 (cours 2)

Précédemment : Antique 08 - 02






Les institutions romaines après Auguste


Auguste officiellement a rétabli la République mais de fait il a créé un nouveau régime de type monarchique faisant qu’en plus des institutions républicaines conservées, on a des institutions impériales.  D’ailleurs le Sénat est maintenu aussi mais les pouvoirs du peuple sont réduis. John Scheid écrit que « Le régime du principat peut être défini comme la restauration des institutions traditionnelles de la République coiffées par la figure du Princeps ??? ».


I.                   La mise en place du principat : les pouvoirs d’Auguste

1.      De la victoire d’Actium à janvier 27 avant J.C

En – janvier 31, Octave détient l’Ouest de l’Empire mais l’Est appartient à Marc-Antoine, allié de Cléopâtre. Octave est élu consul à cette période et le Sénat lui donne l’autorisation d’aller attaquer Marc-Antoine. A cela se rajoute d’autres droits exceptionnels : le droit de nommer les patriciens, normalement cela s’hérite ; le ius auxilii, le droit d’aider puisqu’Octave devient le protecteur de la plèbe et peut intervenir dans les décisions judiciaires ; il peut se nommer imperator à vie et en faire un élément de son prénom ; il peut proposer des candidats aux prêtrises. Avec tout cela il peut faire des cadeaux à ses fidèles, nommer à des fonctions et donc avoir des cadeaux en échange.
Octave vainc Marc-Antoine à Actium puis un an plus tard, en – août 30 il prend Alexandrie quand Cléopâtre se suicide. En – janvier 29, il rentre à Rome et est fêté. Deux fêtes se démarquent : la fermeture des portes du temple de Janus et donc officiellement fin de la période de guerre. De plus, les magistrats et le Sénat prêtent serment à Octave.
Par la suite Octave va mener un discours très traditionnaliste tout en menant des politiques innovantes. Lépide pour sa part est marginalisé et ne garde que le titre de Grand Pontife, qu’Octave reprend à sa mort.

En – 28, Octave est consul avec Agrippa, son ami depuis longtemps qui est un génie sur le plan militaire, plus qu’Octave. Octave est aussi le Princeps senatus, le premier à parler au Sénat, et censeur, il effectue le recensement pour restaurer le Sénat en y plaçant ses amis.

Entre le – 13 au – 16 janvier 27, plusieurs séances sénatoriales se sont produites. Auguste annonce qu’il a restauré la République et va partir. C’est une mise en scène puisque les sénateurs le supplient de rester. Au final cela provoque deux grands changements : le partage des provinces et l’imperium d’Auguste.
L’imperium, pouvoir traditionnel des Romains pouvait être de deux sortes : imperium domi, à Rome (convoquer et présider l’Assemblée, arrêter des gens, faire justice) et imperium militiae, à l’armée (commander les troupes). A part les consuls, les imperium ne peuvent se cumuler, soit c’est l’un, soit c’est l’autre. Auguste va longtemps chercher à les obtenir tout deux sans supprimer les consuls. Il va d’abord partager l’Empire, devenant gouverneur en chef de la moitié de l’empire et ayant la moitié des provinces. Il a donc un imperium hors de Rome qui lui permet de commander des troupes. Cet imperium lui est donné pour 10 ans. Le texte précise que même s’il n’est pas élu consul, il conservera son imperium sur ses provinces. De plus, son imperium est plus fort que celui des autres magistrats. C’est dans ses séances qu’Octave devient Auguste, titre le rendant un peu plus sacré. Enfin le Sénat lui donne l’autorisation d’afficher une couronne de chêne sur sa maison pour « avoir sauvé ses citoyens ».
Il domine la moitié de l’empire, à un imperium supérieur aux autres, il contrôle le Sénat, à un titre prestigieux, … Dans les provinces gérées par le Sénat, on remet un aspect traditionnel en instaurant de nouveau la République.

2.      Les mesures postérieures à – 27

En – 23, Auguste annonce qu’il ne veut plus postuler comme consul qu’il détient depuis – 31. On pense qu’il y voyait trop d’inconvénients. Répéter ce poste montrait trop clairement la Révolution d’Auguste car il heurtait la tradition, où le consulat ne se gardait qu’un an. De plus il y a deux consuls ce qui affaiblissait sa position. Enfin et surtout, consul tout les ans le faisait monopoliser un poste, réduisant les postes accessibles et les possibilités de carrière des sénateurs.
En agissant ainsi il perd cependant l’imperium domi, n’ayant plus de pouvoir de coercition dans la ville de Rome. Il se fait attribuer différents pouvoirs à ce moment là dont notamment la puissance tribunicienne (venue des tribuns de la plèbe) qui lui est renouvelée tout les ans. Ces tribuns avaient des pouvoirs très forts et très étendus : le ius agendi (convocation du Sénat et du peuple), l’intercessio (droit de veto sur toutes les mesures du Sénat) et la sacro-sainteté (protection du tribun qui devient un individu sacré, toute agression est un sacrilège et entraîne des sanctions lourdes). Par cette puissance tribunitienne, Auguste compense la perte du consulat. Il s’accapare ce pouvoir sans être tribun, ceux-ci sont effectivement maintenus à Rome.

Mais il faut encore à Auguste le pouvoir de diriger des armées dans Rome. Il y parvient par un senatus consulte spécial, le franchissement du Pomerium, enceinte sacrée de Rome, il a possibilité d’entrer à Rome en arme avec ses militaires.
Il construit tout cela sans supprimer une seule institution.

Vers – 23, Auguste récupère l’imprium maius et l’auctoritas, valeur divine qui renforce ses choix. En – 19, il devient ius auspiciorum, le seul à pouvoir demander des augures. En – 12, quand Lépide décide, Auguste récupères son titre de grand pontife. En – 2, il devient père de la patrie.

Cela se voit dans l’évolution de son nom :
-          - 63 : Caius Octavius
-          - 44 : Caius Iulius Caesar
-          - 40 : Imperator Caesar Divi filius
-          - 27 : Imperator Caesar Divi filius Augustus
-          - 12 : Imperator Caesar Divi filius Augustus, pontifex maximus
-          - 2 : Imperator Caesar Divi filius Augustus, pontifex maximus, pater patriae

3.      Les pouvoirs du Prince après Auguste

L’Empire romain n’a jamais été officiellement héréditaire, l’empereur est toujours élu par le peuple par délégation de pouvoir. Aucun empereur n’a prétendu à la légitimité dynastique. Auguste en particulier va tenter de s’y mettre en recherchant un fils. Par des circonstances complexes, il devra adopter son beau-fils Tibère. Entre 4 et 14, Tibère est associé au pouvoir d’Auguste pour lui succéder facilement. Dès 4 Tibère obtient la puissance tribunitienne. En 13, il a un imperium égal à celui d’Auguste. Du coup, à sa mort en août 14, on lit son testament et on découvre qu’Auguste fait de Tibère son successeur. Celui-ci dans une mise en scène feint de refuser puis accepte.
L’investissement prend place au Sénat et l’institution lui donne successivement l’imperium, la puissance tribunitienne et le Grand pontificat dans trois senatus consultes. Le peuple vote lui aussi des lois donnant des pouvoirs particuliers à chaque prince.

L’armée intervient ensuite, celle-ci lui donne le titre d’imperator. On réunit après les comices pour revoter les lois populaires. Tous ces mondes prononcent alors des vœux à valeur religieuse et on proclame alors le consensus pour donner le pouvoir au prince avec l’accord de l’armée et du peuple.
La situation des princes à chaque avènement est très différente mais les procédures d’investitures restent toujours les mêmes. Sous les Antonins, la règle devient d’adopter son successeur pour avoir quelqu’un de compétent au pouvoir. Le Sénat n’est plus contraint à une famille.
Ces procédures d’investiture durent une quinzaine de jour. Dans le cas de Néron, il devient « l’empereur Néron César Auguste, fils du divin Claude, petit-fils de Germanicus César, arrière petit-fils de Tibère César Auguste, arrière-arrière-petit-fils de divin Auguste, … ». Tous les princes se nomment Auguste et César dans leur nom.


La lex de imperio Vespasiani votée en décembre 69 est évoquée par Tacite. C’est une loi qui condenserait les pouvoirs du prince. On s’est alors demandé si le pouvoir impérial ne serait pas devenu un pouvoir global. On pense que ce texte gravé est un résumé de différentes lois et non pas la cohésion d’un pouvoir impérial cohérent.

En période de crise, l’armée et les provinciaux peuvent jouer un rôle comme dans les deux crises de notre période : en 68 – 69, l’année des quatre empereurs où chacun est désigné par un bout de l’armée dans les provinces. L’armée désigne son empereur et le pousse à Rome en s’appuyant sur les provinces. C’est l’armée qui a fait l’empereur et les autorités romaines n’ont pu que l’approuver. En 192 – 193 à la mort de Commode, l’armée désigne de nouveau l’empereur Septime Sévère. L’armée peut faire et défaire les empereurs.

Le système successoral de l’empire est assez ambigu par des éléments dynastiques (adoption d’un successeur) mais sans jamais être un vrai régime héréditaire. L’intervention de l’armée n’est pas non plus un régime militaire, ce n’est pas sélectif non plus, mais il y a une procédure. Tout cela résume comment Auguste a su faire un compromis avec le sénat et l’armée. Si l’empereur ne respecte pas un minimum le Sénat en gardant leurs pouvoirs et privilèges, alors l’empereur finit mal.


II.                Le Sénat à l’époque impériale

1.      La composition du Sénat

Le Sénat est soumis à l’empereur et ne s’y oppose jamais sauf si celui-ci est tyrannique. Mais il garde un certain prestige et ne perd pas toutes ses fonctions politiques et administratives. Il y a le sénat en tant que corps et assemblée et l’ordre sénatorial, groupe juridique bien défini. C’est Auguste qui fixe les deux.

L’ordre sénatorial se défini à un cens minimal sous lequel on ne peut être sénateur, il y a aussi des conditions d’honorabilités (certains métiers sont interdits car ouvertement fait pour gagner de l’argent, les sénateurs utilisent alors de faux noms). Cet ordre est semi héréditaire, les fils de sénateur ont des privilèges. Rentrer dans cet ordre permet d’entrer dans les magistratures mais rien n’y oblige.
Ceux qui siègent au Sénat et sont donc investis d’une magistrature, sont au nombre de 600 comme sous la République. La seule différence est que l’empereur peut nommer dans le Sénat des gens qui ne furent jamais magistrats. On les nomme les adlecti. Dans le Sénat, selon la magistrature effectuée on est classée (sénateurs questoriens, sénateurs prétoriens, …). L’empereur peut donner un grade sans que la personne ne soient passée par les magistratures.
Pour les anciens magistrats, il faut avoir le cens, l’âge et le ius honorum. Ce ius honorum s’étend alors hors de Rome. Du coup, le Sénat se renouvelle beaucoup et intègre les gens des provinces.

2.      Procédures de réunions et pouvoirs

Le Sénat continue de se réunir dans le centre de Rome, sur le forum républicain. Le bâtiment, la curie, est marquée par des statues de César. Il n’y a jamais les 600 sénateurs évidemment. Les consultations du Sénat ne sont organisées que par l’empereur, les consuls ou les prêteurs, le Sénat lui-même ne se convoque pas. Le magistrat définit aussi l’ordre du jour et le Princeps parle en premier. On commence alors par parler des propositions du prince. Seul avantage, un sénateur peut en début de nuance poser des questions imprévues, mais sans entamer en débat. On analyse les désirs du prince parfois représenté par un autre, on parle ensuite par type de magistrature. Ensuite on fixe le senatus consulte où l’empereur peut mettre son veto. Enfin, on promulgue le senatus consulte.

Ce que le Sénat a perdu c’est la politique étrangère aux mains du Prince.
Les finances sont contrôlées par le Sénat, l’aerarium (caisse publique de Rome, trésor de Saturne). Pour les provinces gérées par le Sénat, c’est toujours celui-ci qui gère ses contrées. Il y a un trésor pour le Sénat et un autre pour le Prince. L’administration de la moitié de l’empire. Tous les ans le Sénat désigne des gouverneurs pour les provinces dont il est chargé.
Le Sénat frappe aussi les monnaies de bronze, l’or et l’argent sont aux mains du Prince.
En religion, le Sénat a toujours son mot à dire, sur le culte d’un empereur notamment ou on réfléchit à la possibilité ou non de diviniser l’empereur (Claude oui, Tibère non).
Le maintien de l’ordre à Rome, le Sénat partage cette tâche avec l’empereur.

De nouvelles attributions lui sont accordées. Le Sénat investi les empereurs. Au cours du I° siècle, le Sénat doit charger les magistrats, ce qui est lié à une perte de pouvoir politique des comices. En effet, celles-ci sont de moins en moins convoquées et le Sénat prend ce rôle.
Les senatus consultes prennent valeur de lois sans être votées et donc acceptées par le peuple dorénavant. Enfin le Sénat peut se constituer en tribunal pour tout ce qui concerne les sénateurs et pour tout ce qui est corruption, abus de pouvoir, …. On peut porter plainte contre les magistrats corrompus.

Le Sénat a donc un pouvoir partagé avec le Prince, mais sous l’autorité de ce dernier.


Le nouveau régime n’est pas qu’une fiction de République puisque certains éléments se maintiennent effectivement et certains restent de plus fondamentaux dans le fonctionnement de l’empire. Tout cela repose sur un compromis entre le prince et l’aristocratie en évacuant le peuple. L’aristocratie accepte la domination d’un seul homme, mais en retour, l’empereur doit respecter les conditions de l’aristocratie. L’évolution sur trois siècles, ce sont les tendances monarchiques qui se renforcent, mais ce sont aussi des évolutions lentes et sur notre partie, cela s’organise bien pour gérer l’ensemble de l’Empire.

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