Les institutions romaines après Auguste
Auguste
officiellement a rétabli la République mais de fait il a créé un nouveau régime
de type monarchique faisant qu’en plus des institutions républicaines
conservées, on a des institutions impériales.
D’ailleurs le Sénat est maintenu aussi mais les pouvoirs du peuple sont
réduis. John Scheid écrit que « Le
régime du principat peut être défini comme la restauration des institutions
traditionnelles de la République coiffées par la figure du Princeps ??? ».
I.
La mise en place du
principat : les pouvoirs d’Auguste
1.
De la victoire d’Actium à janvier 27 avant J.C
En – janvier 31, Octave détient l’Ouest de
l’Empire mais
l’Est appartient à Marc-Antoine, allié de Cléopâtre. Octave est élu consul à cette période et le
Sénat lui donne l’autorisation d’aller attaquer Marc-Antoine. A cela se rajoute
d’autres droits exceptionnels : le droit de nommer les patriciens,
normalement cela s’hérite ; le ius auxilii, le droit d’aider
puisqu’Octave devient le protecteur de la plèbe et peut intervenir dans les
décisions judiciaires ; il peut se
nommer imperator à vie et en faire un
élément de son prénom ; il peut
proposer des candidats aux prêtrises. Avec tout cela il peut faire des cadeaux
à ses fidèles, nommer à des fonctions et donc avoir des cadeaux en échange.
Octave vainc
Marc-Antoine à Actium
puis un an plus tard, en – août 30 il prend
Alexandrie quand Cléopâtre se suicide. En – janvier
29, il rentre à Rome et est fêté.
Deux fêtes se démarquent : la fermeture des portes du temple de Janus et
donc officiellement fin de la période de guerre. De plus, les magistrats et le
Sénat prêtent serment à Octave.
Par la suite Octave
va mener un discours très traditionnaliste tout en menant des politiques
innovantes. Lépide pour sa part est marginalisé et ne garde que le titre de
Grand Pontife,
qu’Octave reprend à sa mort.
En – 28, Octave est consul avec Agrippa, son ami depuis longtemps qui
est un génie sur le plan militaire, plus qu’Octave. Octave est aussi le Princeps senatus, le premier à parler au
Sénat, et censeur, il effectue le recensement pour restaurer le Sénat en y
plaçant ses amis.
Entre le – 13 au – 16 janvier 27, plusieurs séances
sénatoriales se sont produites. Auguste annonce qu’il a restauré la République
et va partir. C’est une mise en scène puisque les sénateurs le supplient de
rester. Au final cela provoque deux grands changements : le partage des
provinces et l’imperium d’Auguste.
L’imperium, pouvoir traditionnel des
Romains pouvait être de deux sortes : imperium
domi, à Rome (convoquer
et présider l’Assemblée, arrêter des gens, faire justice) et imperium militiae, à
l’armée (commander les troupes). A part les consuls, les imperium ne peuvent se cumuler, soit
c’est l’un, soit c’est l’autre. Auguste
va longtemps chercher à les obtenir tout deux sans supprimer les consuls.
Il va d’abord partager l’Empire, devenant gouverneur en chef de la moitié de
l’empire et ayant la moitié des provinces. Il a donc un imperium hors de Rome
qui lui permet de commander des troupes. Cet imperium lui est donné pour 10
ans. Le texte précise que même s’il n’est pas élu consul, il conservera son
imperium sur ses provinces. De plus, son imperium est plus fort que celui des
autres magistrats. C’est dans ses séances qu’Octave devient Auguste, titre le
rendant un peu plus sacré. Enfin le Sénat lui donne l’autorisation d’afficher
une couronne de chêne sur sa maison pour « avoir sauvé ses citoyens ».
Il domine la moitié
de l’empire, à un imperium supérieur aux autres, il contrôle le Sénat, à un
titre prestigieux, … Dans
les provinces gérées par le Sénat, on remet un aspect traditionnel en
instaurant de nouveau la République.
2.
Les mesures postérieures à – 27
En – 23, Auguste annonce qu’il ne veut plus postuler
comme consul qu’il détient depuis – 31. On
pense qu’il y voyait trop d’inconvénients. Répéter ce poste montrait trop clairement la
Révolution d’Auguste car il heurtait la tradition, où le consulat ne se gardait
qu’un an. De plus il y a deux consuls ce qui affaiblissait sa position. Enfin
et surtout, consul tout les ans le faisait monopoliser un poste, réduisant les
postes accessibles et les possibilités de carrière des sénateurs.
En agissant ainsi
il perd cependant l’imperium domi, n’ayant plus de pouvoir de
coercition dans la ville de Rome. Il se
fait attribuer différents pouvoirs à ce moment là dont notamment la puissance
tribunicienne (venue des tribuns de la plèbe) qui lui est renouvelée tout les ans. Ces tribuns avaient des pouvoirs
très forts et très étendus : le ius
agendi (convocation du Sénat et du peuple), l’intercessio (droit de
veto sur toutes les mesures du Sénat) et
la sacro-sainteté (protection du tribun qui devient un individu sacré,
toute agression est un sacrilège et entraîne des sanctions lourdes). Par cette
puissance tribunitienne, Auguste compense
la perte du consulat. Il s’accapare ce pouvoir sans être tribun, ceux-ci sont
effectivement maintenus à Rome.
Mais il faut encore
à Auguste le pouvoir de diriger des armées dans Rome. Il y parvient par un senatus consulte spécial, le
franchissement du Pomerium,
enceinte sacrée de Rome, il a possibilité d’entrer à Rome en arme avec ses
militaires.
Il
construit tout cela sans supprimer une seule institution.
Vers – 23, Auguste récupère l’imprium maius et l’auctoritas,
valeur divine qui renforce ses choix. En – 19,
il devient ius auspiciorum, le seul à pouvoir demander des
augures. En – 12, quand Lépide décide, Auguste récupères son titre de grand pontife. En – 2, il devient père de la patrie.
Cela
se voit dans l’évolution de son nom :
-
-
63 : Caius Octavius
-
-
44 : Caius Iulius Caesar
-
-
40 : Imperator Caesar Divi filius
-
-
27 : Imperator Caesar Divi filius Augustus
-
- 12 : Imperator Caesar Divi filius Augustus, pontifex
maximus
-
- 2 : Imperator Caesar Divi filius Augustus, pontifex
maximus, pater patriae
3.
Les pouvoirs du Prince après Auguste
L’Empire
romain n’a jamais été officiellement héréditaire, l’empereur est toujours élu
par le peuple par délégation de pouvoir. Aucun
empereur n’a prétendu à la légitimité dynastique. Auguste en particulier va
tenter de s’y mettre en recherchant un fils. Par des circonstances complexes,
il devra adopter son beau-fils Tibère. Entre
4 et 14, Tibère
est associé au pouvoir d’Auguste pour lui succéder facilement. Dès 4 Tibère
obtient la puissance tribunitienne. En 13, il a un imperium égal à celui
d’Auguste. Du coup, à sa mort en août 14, on lit son testament et on découvre
qu’Auguste fait de Tibère son successeur. Celui-ci dans une mise en scène feint
de refuser puis accepte.
L’investissement
prend place au Sénat et l’institution lui donne successivement l’imperium, la
puissance tribunitienne et le Grand pontificat dans trois senatus consultes. Le peuple vote lui aussi des lois donnant des
pouvoirs particuliers à chaque prince.
L’armée intervient
ensuite, celle-ci lui donne le titre d’imperator. On réunit après les comices
pour revoter les lois populaires.
Tous ces mondes prononcent alors des vœux à valeur religieuse et on proclame
alors le consensus pour donner le pouvoir au prince avec l’accord de l’armée et
du peuple.
La
situation des princes à chaque avènement est très différente mais les
procédures d’investitures restent toujours les mêmes. Sous les Antonins, la règle devient d’adopter son successeur pour avoir
quelqu’un de compétent au pouvoir. Le Sénat n’est plus contraint à une famille.
Ces
procédures d’investiture durent une quinzaine de jour. Dans le cas de Néron, il
devient « l’empereur Néron César
Auguste, fils du divin Claude, petit-fils de Germanicus César, arrière
petit-fils de Tibère César Auguste, arrière-arrière-petit-fils de divin
Auguste, … ». Tous les princes se nomment Auguste et César dans leur
nom.
La lex de imperio Vespasiani votée en décembre 69 est évoquée
par Tacite. C’est une loi qui
condenserait les pouvoirs du prince. On s’est alors demandé si le pouvoir
impérial ne serait pas devenu un pouvoir global. On pense que ce texte gravé est un résumé de différentes lois et non pas
la cohésion d’un pouvoir impérial cohérent.
En période de
crise, l’armée et les provinciaux peuvent jouer un rôle comme dans les deux
crises de notre période : en 68 – 69,
l’année des quatre empereurs
où chacun est désigné par un bout de l’armée dans les provinces. L’armée
désigne son empereur et le pousse à Rome en s’appuyant sur les provinces.
C’est l’armée qui a fait l’empereur et les autorités romaines n’ont pu que
l’approuver. En 192
– 193 à la mort de Commode, l’armée désigne de nouveau l’empereur Septime Sévère. L’armée peut faire et défaire les empereurs.
Le système successoral
de l’empire est assez ambigu par des éléments dynastiques (adoption d’un
successeur) mais sans jamais être un vrai régime héréditaire. L’intervention de
l’armée n’est pas non plus un régime militaire, ce n’est pas sélectif non plus,
mais il y a une procédure.
Tout cela résume comment Auguste a su faire un compromis avec le sénat et
l’armée. Si l’empereur ne respecte pas un minimum le Sénat en gardant leurs
pouvoirs et privilèges, alors l’empereur finit mal.
II.
Le Sénat à l’époque
impériale
1.
La composition du Sénat
Le Sénat est soumis
à l’empereur et ne s’y oppose jamais sauf si celui-ci est tyrannique. Mais il
garde un certain prestige et ne perd pas toutes ses fonctions politiques et
administratives. Il y a le sénat en tant que corps et assemblée et l’ordre
sénatorial, groupe juridique bien défini. C’est Auguste qui fixe les deux.
L’ordre sénatorial se défini à un cens minimal sous
lequel on ne peut être sénateur, il y a aussi des conditions d’honorabilités
(certains métiers sont interdits car ouvertement fait pour gagner de l’argent,
les sénateurs utilisent alors de faux noms). Cet ordre est semi héréditaire,
les fils de sénateur ont des privilèges. Rentrer dans cet ordre permet d’entrer
dans les magistratures mais rien n’y oblige.
Ceux qui siègent au
Sénat et sont donc investis d’une magistrature, sont au nombre de 600 comme
sous la République. La seule différence est que l’empereur peut nommer dans le Sénat des
gens qui ne furent jamais magistrats. On les nomme les adlecti. Dans le
Sénat, selon la magistrature effectuée on est classée (sénateurs questoriens,
sénateurs prétoriens, …). L’empereur
peut donner un grade sans que la personne ne soient passée par les
magistratures.
Pour les anciens
magistrats, il faut avoir le cens, l’âge et le ius honorum. Ce ius honorum
s’étend alors hors de Rome. Du coup, le Sénat se renouvelle beaucoup et intègre
les gens des provinces.
2.
Procédures de réunions et pouvoirs
Le
Sénat continue de se réunir dans le centre de Rome, sur le forum républicain.
Le bâtiment, la curie, est marquée
par des statues de César. Il n’y a jamais les 600 sénateurs évidemment. Les consultations du Sénat ne sont
organisées que par l’empereur, les consuls ou les prêteurs, le Sénat lui-même
ne se convoque pas. Le magistrat
définit aussi l’ordre du jour et le Princeps parle en premier. On commence
alors par parler des propositions du prince. Seul avantage, un sénateur
peut en début de nuance poser des questions imprévues, mais sans entamer en
débat. On analyse les désirs du prince parfois représenté par un autre, on parle ensuite par type de magistrature.
Ensuite on fixe le senatus consulte
où l’empereur peut mettre son veto. Enfin, on promulgue le senatus consulte.
Ce que le Sénat a
perdu c’est la politique étrangère aux mains du Prince.
Les finances sont
contrôlées par le Sénat, l’aerarium (caisse publique de Rome, trésor
de Saturne). Pour les provinces gérées
par le Sénat, c’est toujours celui-ci qui gère ses contrées. Il y a un
trésor pour le Sénat et un autre pour le Prince. L’administration de la moitié
de l’empire. Tous les ans le Sénat désigne des gouverneurs pour les provinces
dont il est chargé.
Le Sénat frappe
aussi les monnaies de bronze, l’or
et l’argent sont aux mains du Prince.
En religion, le
Sénat a toujours son mot à dire, sur le culte d’un empereur notamment ou on réfléchit à la possibilité
ou non de diviniser l’empereur (Claude oui, Tibère non).
Le maintien de
l’ordre à Rome, le Sénat partage cette tâche avec l’empereur.
De nouvelles
attributions lui sont accordées. Le Sénat investi les empereurs. Au cours du I° siècle, le Sénat
doit charger les magistrats, ce qui est lié à une perte de pouvoir politique
des comices. En effet, celles-ci sont
de moins en moins convoquées et le Sénat prend ce rôle.
Les senatus consultes prennent valeur de
lois sans être votées et donc acceptées par le peuple dorénavant. Enfin le
Sénat peut se constituer en tribunal pour tout ce qui concerne les sénateurs et pour tout ce qui est
corruption, abus de pouvoir, …. On peut porter plainte contre les magistrats
corrompus.
Le Sénat a donc un
pouvoir partagé avec le Prince, mais sous l’autorité de ce dernier.
Le nouveau régime
n’est pas qu’une fiction de République puisque certains éléments se
maintiennent effectivement et certains restent de plus fondamentaux dans le
fonctionnement de l’empire. Tout cela repose sur un compromis entre le prince
et l’aristocratie en évacuant le peuple. L’aristocratie accepte la domination
d’un seul homme, mais en retour, l’empereur doit respecter les conditions de
l’aristocratie.
L’évolution sur trois siècles, ce sont les tendances monarchiques qui se
renforcent, mais ce sont aussi des évolutions lentes et sur notre partie, cela s’organise
bien pour gérer l’ensemble de l’Empire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire