jeudi 9 février 2012

Sociologie politique - CM - Début du premier chapitre

Sociologie politique – CM (A. PERRAUDIN).

Première partie : Les principes.

Chapitre introductif : qu’est-ce que le politique ?

Définir ce qu’est le politique et définir la démarche scientifique de la sociologie politique.

Le politique est un objet délicat, soit car il suscite l’inintérêt, soit car l’individu a des grandes convictions.  C’est aussi un objet très important dans notre vie de tous les jours, que ce soit lors des discussions ou dans les médias.
Il ne sera pas question de juger ou d’apporter ses opinions personnelles dans le cours, le but est d’observer les résultats de travaux scientifiques qui décortiquent sans prendre position.

1-      Peut-on définir l’objet politique ?
Tentatives et délimitations.

Le mot politique est un mot utilisé constamment mais qui est difficile à définir car il y a plusieurs définitions possibles. Et cela sans prendre en compte la connotation que l’on donne au mot.

A-    Polysémie

On peut partir de l’étymologie grecque avec le mot polis, la cité. Le politique, c’est donc tout ce qui touche au gouvernement de la cité, la politique c’est la façon de gouverner un groupe.

On peut commencer par remarquer que le mot « politique » peut être soit masculin, soit féminin et que cela en change le sens.
« Faire de la politique » fait référence à une activité spécialisée de dirigeant ou de représentant de collectivité publique, de l’Etat. C’est lorsqu’on l’utilise au masculin que cela devient plus complexe, ce mot revient plutôt dans la littérature scientifique. Le politique désigne trois choses particulières : cela renvoi à la vie collective dans un groupe d’hommes organisés, cela s’oppose à la dimension privée d’une vie collective ; cela renvoi à l’organisation et à l’exercice du pouvoir, à l’Etat ou au gouvernement, on peut opposer à ce terme le social ; cela renvoi à la théorie du gouvernement, le questionnement de la philosophie politique sur ce qu’il doit être.
En anglais, il y a trois termes distincts pour notre mot « politique » : polity qui est la sphère politique ; politics qui est l’activité politique ou l’exercice de la profession de politique ; policy qui est l’action publique, les grands domaines de la vie publique.

Si le mot est polysémique, c’est parce qu’il y a deux dimensions intrinsèques qui constituent la politique : les faits politiques n’existent pas naturellement et ils n’existent que dans le temps et dans l’espace
Il n’y a donc pas d’objet qui sont en soi politique, tout peut devenir politique. Le football par exemple peut être apolitique ou très chargé politiquement : un match entre la Palestine et Israêl est politique, tout comme le fait que la FIFA reconnaisse la Palestine comme un pays fictif pouvant avoir une équipe.
Un même fait social suivant l’espace et le pays va être qualifié ou non de fait politique. Par exemple la vie privée des dirigeants est considérée comme un élément de la vie politique en GB et aux USA alors qu’en France on considère que la vie privée des politiciens n’est pas un fait politique en soi. De même, un fait social peut être politique ou apolitique à un moment donné puis changer de statut, comme la contraception ou l’environnement.

La politique est donc un concept complexe à appréhender mais on peut tenter de l’identifier plus concrètement.

B-     Comment identifier le politique ?

On peut partir d’une première définition large : la politique est ce qui se rapport au gouvernement d’une société dans son ensemble ; c’est une activité que l’on retrouve dans toutes les sociétés (Aristote qualifie l’homme d’animal politique) mais on la retrouve sous des formes très différentes.
On va discuter deux affirmations : le fait que le politique est l’Etat et le fait que le politique soit le pouvoir.

=> Le politique, c’est les affaires de l’Etat.
C’est une extension de la définition grecque, c’est l’extension de la définition de la gestion d’un territoire qui, dans nos sociétés contemporaines, est symbolisé par l’Etat. Cette définition souligne le fait que la politique a une fonction de régulation des systèmes sociaux, c’est différent de la définition médiatique qui insiste sur les conflits entre des individus.
Mais cette définition reste plutôt limitée. D’abord car l’Etat n’est pas la seule source de régulation des problèmes sociaux, il y a d’autres acteurs qui font ce rôle-là. Par exemple, les partis politiques, les syndicats, un rassemblement altermondialiste, les anonymous. Cette définition sous-entend que dans les définitions sans Etat, il n’y a pas de politique. Pierre CLASTRES montre dans la société contre l’Etat que chez des indiens il n’y a pas de structure étatique mais que ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas assez développés qu’ils n’ont pas d’Etat mais plutôt parce que ces sociétés ne veulent pas avoir un Etat, elles luttent pour que ça n’arrivent pas. Il montre que ce sont des sociétés où il y a un chef mais qui n’a pas beaucoup de pouvoir, il a du prestige et il cherche simplement les consensus.
Cette définition est donc trop restrictive car faire la sociologie politique avec cette définition revient à avoir une approche juridique et même à faire une sociologie de l’Etat.

=> Le politique, c’est le pouvoir.
Texte de Norbert ELIAS.
La définition populaire du pouvoir renvoi à une caractéristique, une essence d’un individu, un bien qu’on a de façon irrévocable, indépendamment de la personne sur laquelle on l’exerce. C’est une impasse car le pouvoir n’est pas une chose.
La définition sociologique du pouvoir force le trait sur l’aspect relationnel de la situation de pouvoir. La relation de pouvoir n’est pas stable, elle peut s’inverser d’un individu sur l’autre. De même, la relation de pouvoir ne va pas que dans un sens, les deux individus ont du pouvoir l’un sur l’autre, simplement un des deux domine. On produit des visions conceptuelles pour expliquer l’impossibilité d’action qui découle du trop grand nombre de relations de pouvoir entre les individus : on réifie les relations de pouvoir, ces contraintes, en parlant de société et on lui accorde ces caractères de contraintes. On délègue une partie de notre pouvoir (comme on  ne peut agir par la complexité des relations) à une entité supérieure, de façon presque religieuse. Pour Robert DAHL, le pouvoir est le fait d’obliger quelqu’un à faire quelque chose qu’il n’aurait pas fait autrement.

Comment obliger quelqu’un à faire quelque chose ? Il y a deux types de pouvoir définit par les sciences politiques : le pouvoir d’injonction et  le pouvoir d’influence.
Le pouvoir d’injonction est le pouvoir qui correspond à une action faite dans une perspective de sanction. Ex : la loi du silence de la mafia, l’excommunion catholique, la menace par arme à feu.
Le pouvoir d’influence est le pouvoir qui correspond à une forme de séduction, on agit dans l’idée d’obtenir quelque chose d’autre, on se soumet à la volonté de l’autre pour obtenir ce que l’on veut. On peut être manipulé, cela peut être une fausse promesse. Aussi, une autorité légitime peut faire cela de façon plus simple.
Ces deux pouvoirs peuvent se cumuler. Par exemple lorsqu’on obéit à son supérieur, on peut le faire car on respecte les études qu’il a fait et donc son intellect mais on peut aussi avoir peur d’avoir un blâme si l’on agit pas.

Comment appliquer ce genre de réflexion dans le champ politique ?
WEBER donne une place importante à la violence physique pour appliquer un pouvoir politique. Qu’est-ce qui fait qu’en tant que citoyen on accepte d’obéir à des lois, à un système politique ? C’est une question classique de l’école de Francfort, après les régimes autoritaires.
La théorie marxiste pense qu’à l’origine il y a une société égalitaire primitive où un surplus se crée, faisant apparaitre la notion de propriété privée, à ce moment-là, la société se divise entre un segment de la population qui est dominante et l’autre qui est dominée. C’est là qu’apparait la notion de violence politique, comme la classe dominante est peu nombreuse numériquement, elle développe des institutions qui vont lui permettre de maintenir l’ordre. Elle développe avec l’argent de la production des institutions comme l’armée, la police, la prison, qui vont empêcher les révoltes. L’idéologie est un autre moyen de maintenir l’ordre : la production d’une culture qui est un écran de fumée pour détourner la classe opprimée des réels enjeux, les amenant à méconnaitre leurs intérêts. ALTHUSSER parle d’appareil répressif d’Etat pour tout ce qui fait usage de la violence physique et d’appareil idéologique d’Etat qui correspond à l’idéologie, à l’école, à l’Eglise, en gros à ce que BOURDIEU entend sous la violence symbolique des élites.
Il y a donc une relation intime entre la violence et la politique. La violence est au cœur du politique : si on reprend le contrat social, c’est pour évident le déferlement de violence que les individus délèguent une partie de leur pouvoir aux instances politiques, mais la violence est là aussi car pour maintenir l’ordre social, l’Etat utilise la violence physique et la violence symbolique.
Il n’y a pas uniquement une contrainte sur les individus mais il y a aussi un consentement à la domination chez les individus, c’est ce que WEBER qualifie de pouvoir légitime. Les individus croient en cette légitimité du pouvoir et c’est pour cela que le pouvoir est légitime, que l’ordre social est maintenu.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire