mardi 28 février 2012

CM n°3 Géographie sociale

Cours du lundi 20 février 2012

2) Le nouvel impérialisme

(David Harvey)

Il y a deux logiques spatiales qui se distinguent :

- Une logique territoriale de l’Etat : une logique de pouvoir fondé sur la maitrise politique, économique et militaire d’un pouvoir continu et bien délimité. Cette logique peut-être impérialiste en passant par la conquête de territoires.

- Une logique moléculaire du capital : C’est aussi une logique de pouvoir mais elle est fondée sur la circulation réticulaire (réseau). Une circulation plus fluide, plus discontinu qui ne requière pas forcément un territoire bien définie. Cette circulation du capital passe les frontières et peut même renforcer certains points de circulation plutôt que d’autres.

C’est une opposition classique en géographie entre le territoire et le réseau. Ces deux logiques ne fonctionnent pas de la même manière mais ne s’oppose pas face au capital car toutes les deux favorisent la circulation et l’accumulation du capital à l’échelle mondiale.

La logique moléculaire est aujourd’hui exacerbée mais elle n’est pas nouvelle.

Ex : fonctionnement en comptoir de Venise.

v Le nouvel impérialisme :

Il y a une fusion de ces deux logiques. Dans la domination actuelle du capital, l’Etat au lieu d’être seulement un cadre régulateur est aussi un acteur direct qui favorise la logique réticulaire.

Ex : Aménagement du territoire. Un des points importants de l’aménagement du territoire, c’est les transports car c’est une façon de faciliter la circulation des biens et des personnes et ainsi l’Etat facilite sur ce territoire la circulation du capital entre des nœuds et en le faisant circuler d’un point à l’autre sans parfois s’arrêter à des endroits moins importants.

Il y a des contradictions entre ces deux logiques car les Etats ont ouvert la circulation du capital. Ils pensent disposer de nœuds capables de capter les flux du capital mais cela met aussi en danger le territoire. Effectivement, le nouvel impérialisme accroit la concurrence entre les nœuds par un capital plus volatile. SI le territoire est moins compétitif, il risque de ne plus faire partie de cette circulation. Le problème c’est que l’on peut mobiliser une logique très classique de domination : la guerre, à des fins d’accaparement du capital en demandant l’ouverture des frontières.

Ex : USA et la guerre en Irak

L’impérialisme contient en germes ses propres dépassements. Quand on a comme stratégie de se servir d’un pays pour écouler ses capitaux, au bout d’un moment il s’effectue un passage de relais avec un pays qui devient plus puissant. Un passage qui est souvent violent dans des guerres inter-impériales notamment pour le contrôle des ressources.

Ex : Passage de relais entre la Grande Bretagne et les USA puis des USA à la Chine.

Ce passage de relais se fait toujours vers un pays de plus en plus grand, qui peut prétendre à l’hégémonie mondiale.

3) Les ressorts du développement inégal :

Le système capitaliste est producteur d’espace en fonctionnant par divers manières :

- L’investissement à long terme

- L’arrangement spatio-temporel : on produit de l’espace ailleurs. Cela produit inévitablement un développement inégal du capitalisme.

Le développement inégal passe d’abord par une spécialisation.

Ex : La spécialisation dans les matières premières rapporte beaucoup moins que celle dans les produits manufacturés. Cela est la base de « l’échange inégal ». Cette circulation des capitaux maintient aussi cette inégalité territoriale.

« Les différences géographiques mineures préexistantes, qu’il s’agisse de ressources naturelles ou de capacités construites socialement (les villes par exemples), sont décuplées et renforcées plutôt qu’érodées par la libre concurrence du marché ».

Lorsqu’on fait circuler librement le capital, il y a un renforcement des points forts et un affaiblissement des points faibles. Il y a donc une conservation de la hiérarchie et pas d’homogénéisation. Le capital à tendance à s’installer là où il est le plus rentable.

Ce système produit aussi une dévalorisation de l’espace. Lorsqu’il y a une crise on dévalorise un espace, une économie régionale car c’est un moyen de produire de l’espace sous-développé en termes de structures capitalistes. Cela permet au système de continuer de fonctionner, de relancer la machine. Ces crises sont fondamentales pour que le système capitaliste perdure. La crise n’est pas un accident, c’est structurel et elle fait partie du système en créant des espaces sous-développés.

Chapitre 3 :

Les divisions sociales de l’espace

Introduction :

Division sociale de l’espace= ségrégation

v Définition :

Au sens propre, la ségrégation est une séparation de différentes populations qui est instituée volontairement. C’est une séparation stricte instituée légalement par un pouvoir. C’est donc le pouvoir d’exclure.

Ex : En Grèce ancienne les femmes étaient cantonnées au gynécée et inversement elle n’avait pas le droit d’aller au théâtre/ Ségrégation de résidence des juifs dans les ghettos dans l’Europe du Moyen-Age/ ségrégation dans l’Afrique du Sud de l’apartheid/ Ségrégation légale en vers les aborigènes d’Australie entre 1901 et les années 70.

Le concept doit être perçu d’un point de vue dynamique. On parle de tendances ségrégatives et de l’autre, de tendances agrégatives. La ségrégation légale est appliquée à des groupes naturalisés, qui sont considérés comme naturels.

I- Aux principes de la division sociale de l’espace

Pour qu’il y est division sociale de l’espace il doit y a voir division sociale de la société avec des groupes sociaux qui n’ont pas la même part de richesses : des classes et donc des groupes inégaux. Il y a souvent un lien entre la hiérarchie des lieux et la hiérarchie sociale.

1) Le prix du sol comme principal facteur de division socio-spatiale

La valeur des lieux est à la fois matérielle : le prix, mais aussi symbolique.

Cf : Maurice Halwacks (1877-1945) qui a mené sa thèse sur « les expropriations et les prix des terrains à Paris ».

Il parle des effets des travaux d’Hausmann sur le prix du sol à Paris. Il a montré le caractère essentiel du prix du sol dans la localisation des différents groupes. C’est le principal facteur de division dans la ville. Il remet en cause les conceptions de l’économie classique et la loi de l’offre et de la demande. Pour lui, il y a toute une dimension symbolique à la formation des prix car les acheteurs anticipent sur ce que l’on pourrait faire sur tel ou tel terrain. C’est la représentation sociale d’un espace qui est en jeux. Certains terrains ont une image extrêmement valorisée et d’autres beaucoup moins. Il a aussi montré l’importance de l’intervention de l’Etat dans le prix des terrains qui se réalisent par l’expropriation de terrains et la mise en valeur de certains.

Ex : Si on crée un espace vert cela va faire augmenter les prix.

Le prix du sol est quelque chose d’assez composite qui mêle la loi de l’offre et de la demande mais aussi les représentations sociales. Donc le prix du terrain est lié à des caractéristiques matérielles (taille du terrain) mais aussi plein d’autres éléments symboliques.

On constate un gradient décroissant des prix du sol du centre vers la périphérie avec des quartiers bourgeois au centre et des quartiers populaires en périphérie. Le modèle de la ville américaine est construit à l’inverse de ce modèle européen. Pour comprendre cette différence, il faut introduire le coup de transports bien plus importants lorsque l’on vit en périphérie qu’en centre-ville. Le réseau de transport américain étant peu développé et bien plus cher. Les plus pauvres vivent donc en centre-ville dans des petits logements alors que les plus riches vivent dans des grands pavillons en périphérie. L’existence de nuisances ou d’aménités urbaines jouent aussi sur le prix des sols.

2) Le rôle de la division sociale de l’espace dans la formation de la conscience de classe

La division sociale est un facteur de renforcement des positions de classes car c’est à travers l’environnement que l’on intègre sa position sociale par rapport aux autres. L’espace intériorise la division sociale de la société elle-même. Ce dynamisme d’effet d’ordre social inégalitaire est perçu comme quelque chose qui va de soi, de naturel. Ce processus ne s’effectue pas seulement par le lieu où l’on habite mais aussi par les lieux que l’on fréquente. C’est donc un vecteur d’incorporation de sa position sociale et par continuité, un facteur de la conscience de classe. C’est ce que Halbwacks appelle la « mémoire collective ».

II- Les dynamiques ségrégatives en villes : les modèles de l’Ecole de Chicago

Ecole de sociologie urbaine, « d’écologie humaine ».

1) L’écologie humaine de l’Ecole de Chicago dans l’entre-deux-guerres

Création à Chicago du premier département de sociologie au monde. Il y a plusieurs écoles de Chicago : une Ecole d’architecture et d’urbanisme, une Ecole de critique littéraire, une Ecole de sociologie et Ecole d’économie néo-libérale, celle de Milton Friedman.

La ville de Chicago est perçue comme un laboratoire par les scientifiques.

Cette ville située autour du lac Michigan, connait une très forte croissante démographique dans l’entre-deux-guerres. En effet, on a construit un nœud ferroviaire, un carrefour de circulation dans son enceinte, puis ensuite on a fixé des usines sidérurgiques. Ce lieu a attiré alors beaucoup de migrants d’abord venus d’Europe : Allemagne, Irlande dans un premier temps puis de Pologne et d’Italie. Ensuite, s’est réalisé un phénomène de migrations internes : celles des afro-américains qui fuient la ségrégation présente dans les Etats du sud. C’est ce que l’on a appelé la « grande migration ». Se construit alors, au fur et à mesure que la ville grandie sans contrôle extérieur, des taudis qui sont le lieu de mouvements sociaux, des émeutes raciales (Ku Klux Klan), de la criminalité organisée notamment depuis la prohibition (la consommation, la vente, le transport de boissons alcoolisées deviennent illégaux).

Cette ville est donc un laboratoire d’observations sociales. Il se crée dans ces quartiers des actions sociales concrètes menées par des observateurs qui sont les premiers à recueillir des informations.

Ex: The city de Park (1867-1944), Burgess (1886-1966) et Mc Kenzie (1885-1940)

2) Les modèles de division sociale de l’espace de l’Ecole de Chicago.

Le modèle de Burgess :

(Sociologue)

Un modèle qui s’applique aux villes nord-américaines

- Le centre-ville est le cœur historique de la ville et progressivement il se spécialise dans les affaires (CBD). Il n’y a pratiquement plus de résidence dans ce quartier.

- Dans la « zone de transition » on y trouve des usines, des habitats très dégradés. C’est l’espace des primo arrivants. Il se construit alors dans cette zone des quartiers selon l’origine sociale des individus (quartier chinois, italiens, juifs ect.) qui demeurent entre eux.

- Dans la deuxième couronne, la « zone des travailleurs », l’habitat collectif et de meilleure qualité. Les migrants s’y installent lorsque qu’ils commencent à s’intégrer et avoir davantage de moyens financiers. Il y a moins de spécificités ethniques que dans la zone précédente.

- La troisième couronne « la zone résidentielle » est celle où habitent des individus plus élevés dans l’échelle sociale : les petits bourgeois, les personnes qui exercent des professions libérales, des commerçants. Ce sont des individus qui sont nés dans le pays.

- La quatrième couronne est la zone composée des populations aisées qui sont propriétaires de leur bien immobilier. On parle de la « zone des migrants pendulaires ».

Ce modèle de Burgess traduit l’idéal d’un parcours d’ascension sociale et d’assimilation





Le modèle de Hoyt :

(Économiste).

Ce modèle de ville est une adaptation du modèle de Burgess qui prend en compte une donnée supplémentaire : les axes de transports.

Hoyt propose un modèle sectoriel ou en secteur.

Le modèle d’Harris et d’Ullmann:

(Sociologues)

Un modèle polynucléaire avec des noyaux différents.

Pour résumer : Représentations graphiques des trois types de modèles urbains selon l’Ecole de Chicago


- Le schéma A = représentation du modèle de Burgess

- Le schéma B= représentation du modèle d’Hoyt

- Le schéma C= représentation du modèle d’Harris et Ullmann

3) Au-delà des modèles spatiaux, le principe d’invasion/ succession

La théorie de l’Ecole de Chicago est fondée sur un modèle d’ascension sociale et d’assimilation qui est celle d’un parcours de migrants. Les populations sont pensées comme mobiles et les territoires se transforment en général toujours en se dévalorisant. C’est aussi un modèle de croissance urbaine.

L’Ecole de Chicago se dit être une école de l’écologie urbaine puisqu’elle réfléchit et réalise une analyse de l’écosystème, une analyse des êtres vivants en lien avec leur environnement. L’idée est d’importer les concepts de l’écologie naturelle aux groupes humains. Il n’y a pas de connotations négatives de ces termes-là. C’est comme si on décrivait des plantes.

L’idée de l’invasion/ succession : C’est l’idée que dans un espace donné ou habite une population, une autre population viendrait par la suite s’implanter. A la fin de l’invasion on dit qu’il y a une succession car l’espace change de populations.

Cette invasion se traduit soit par un :

- Changement du sol : changement d’activité

- Changement de la composition économique et sociale d’un quartier

(Suite du principe de l’invasion/succession, au prochain cours)

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