jeudi 16 février 2012

Photo 16 - 02 (cours 4)

Précédemment : Photo 13 - 02


Mort d'un soldat républicain, Capa




La texture de la photographie fait aussi sens : le sépia évoque la nostalgie, le noir et blanc donne un effet de réalité indéniable (car longtemps associé à la photographie journalistique). Prendre une photographie c'est faire des choix. En pratique la photographie c'est faire le tri entre le champ et le hors-champ, c'est choisir ce que l'on veut. Viennent ensuite les caractéristiques, la sensibilité, le ton, … Les temps de pose qui étaient de plusieurs secondes au début du XX° siècle, permettaient au photographe de choisir leurs scènes, elles sont d'ailleurs régulièrement construites. Dans les ateliers de photographes, les photos étaient mises sur le niveau des portraits puisqu'il y avait des normes à respecter. Tout cela montre que la photographie obéit à des choix, renvoie à une histoire.
Certaines images ont longtemps été prises comme des témoignages historiques très forts, mais sont maintenant remises en cause. Ainsi dans Harvest of death, Timothy O'Sullivan illustre la Civil War avec une image montrant la réalité de la guerre sans fard. Ce fut une douche froide pour les USA, puisqu'on ne voyait pas de corps héroïsés et de soldats se sacrifiant pour la cause. On a donc un alignement de corps sur un champ de bataille. Longtemps ce fut l'archétype d'une image documentaire, mais on pense dorénavant que les corps furent mis en scène par O'Sullivan. De même, la photographie de Robert Capa, Mort d'un soldat républicain, est l'archétype de l'instantanée d'un homme qui meurt sur le vif. Capa n'était pas toujours au combat et par ennui, il effectuait des photographies de mise en scène. Ainsi, ses camarades de combat mimaient des actes de guerre et le caractère documentaire est aujourd'hui remis en question. A l'époque de l'appareil à visée télémétrique (/ appareil à visée réflexe) apparaît le Leica, qui permet au photographe de faire un instantanée.

On peut donc avancer l'idée que les photographies ne sont pas un témoignage objectif de l'histoire, ce sont des sources qu'il faut soumettre au regard critique historique. Ces images ne sont jamais aussi réalistes qu'elles ne paraissent. Elles distordent autant la réalité que le fait la peinture. On est donc en présence d'un processus de distorsion de la réalité. L'histoire par la photographie, c'est s'intéresser au phénomène de distorsion de l'image. Pour Gisèle Freund, la photographie sur superpose à la vie sociale et sa reproduction exacte pousse à croire à la fiabilité de ce document. C'est comme le cinéma dont les premiers films représentaient la réalité quotidienne jusqu'à Méliès qui lance la fiction dans le cinéma, toujours valables aujourd'hui. La photographie de son coté s'est placée du coté du documentaire. Avec Susan Sontag, la photographie se présente comme autre chose que ce qu'elle est réellement. Elle serait une proposition sur le monde avec une apparence d'objectivité et d'impartialité. Cet obstacle va longtemps faire reculer les historiens.



C. L'émergence d'une histoire par l'image

Cela apparaît d'abord aux USA dans les années 1980 par un historien américain venu du Brésil, Robert Levine, Images of History XIX° and early XX° Century Latin American photographs us documents, en 1989. Il s'inspire du travail d'un sociologue qui avait étudié les photographies d'un milieu particulier. Il se sert de la photographie comme témoignage, comme source historique et met en évidence les problèmes techniques qui découlent de cette analyse. Alan Trachtenberg fera de même avec Reading Americain photographs, Images us History, mathew Brady, to Walker Evans, en 1989 aussi.
En France cela rentre plus tard avec l'influence des Visual Studies dans notre pays. En 1996, paraît Études photographiques, le magazine, vient ensuite le LHIVIC d'André Gunter (???) puis Culture Visuelle et ARHV (Actualités de la Recherche en Histoire Visuelle). Entre 2001 et 2005, il y a un tournant dans le traitement photographique via des expositions. Mémoires des camps en 2001, qui fit émerger la polémique autour de l'étude critique des images de ces camps. Photographier la guerre d'Algérie, en 2005 va de nouveau privilégier un regard d'historien sur les photographies de cette époque, les photographies deviennent un support historique. Enfin en 2001 est publié Voir ou ne pas voir la guerre. Site et laboratoires sur l'étude des photographies est toujours présent.


Chambre noire


1839 : L’invention de la photographie


La photographie surgit de façon brutale et inattendue sur la scène publique. Très vite, la photographie devient un objet du quotidien dans les vitrines des magasins, les salons bourgeois. 1839 c’est le basculement, un contact avec un nouveau type d’images dont les caractéristiques sont radicalement différentes de tout ce qui était alors connu. Une rupture très forte a lieu.
1839, c’est l’invention du daguerréotype, nouveau médium photographique qui va frapper les esprits par sa précision et la définition de l’image. Cela va être la marqueur du caractère inédit de la photographie. Daguerre donne à tous ses clients une loupe pour qu’ils constatent la puissance de cette nouvelle image, invisible à l’œil nu (comme le reflet du photographe dans la pupille du sujet). Jules Janin publie un article en 1839, dans lequel il est émerveillé par les détails. De même Alexander Von Humboldt, est surpris par le détail de la paille au Louvre. On traque alors dans l’image les détails de la photographie. Mais on parle encore de tableau pour le résultat produit par le daguerréotype. Morse compare l’image à un télescope, faisant un parallèle avec la réalité. On imagine qu’on peut aller très loin dans l’étude de l’image. Ce qui intéresse alors se sont les détails (la paille, une ombre passée, …). Leur présence atteste finalement que la photographie appartient à un autre monde que le tableau, il y a une part de bruit en surplus du signal (information essentielle que l’on met dans la photo). On est dans un autre registre de l’image, dorénavant on est dans un enregistrement. Le tableau est dans un cadre esthétique, la photo dans celui d’un enregistrement. L’art du tableau devient la science de la photographie.


I.                   Fixer les images dans la chambre noire

1.      A l’origine : la camera obscura

Cette chambre noire est un dispositif au cœur de l’acte photographique qui sert de dénominateur commun à tous les appareils photographiques, même aujourd’hui. Tout découle du même phénomène optique. Cette technique est connue depuis longtemps et était parfois utilisée par les peintres. Mais l’invention de la photographie passe par un défi. Il faut répondre à une double difficulté : les optiques pas très opératoires et il faut un processus physico-chimique qui permette de fixer rapidement l’image.
Les premiers travaux renvoient tous au procédé d’utilisation du négatif (film d’argent) et du positif (pratique inversée).

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