mercredi 22 février 2012

Sociologie de l'entreprise et de la mobilité - Exposé 2 sur CUIN (chapitre 2)

Chapitre 2 de l'ouvrage de CUIN : les sociologues et la mobilité sociale.

L’ouvrage social mobility de SOROKIN, publié en 1927,  est considéré comme le précurseur des études américaines sur la mobilité sociale, il pose plusieurs bases théoriques et propose un modèle explicatif. C’est cet ouvrage qui a d’ailleurs stabilisé l’expression de « mobilité sociale ».  Pourtant, ce n’est pas à partir de cet ouvrage que va se constituer les théories de la mobilité sociale américaine, ce que CUIN se donne comme objectif d’expliquer dans la première partie du chapitre 2 sur l’œuvre de Pitirim SOROKIN.

Quelques éléments biographiques à propos de SOROKIN :
Sorokin est expulsé en 1923 de Russie par les bolcheviks et les accuse d’avoir plongé les pays dans l’anarchie et le chaos. On ressent chez Sorokin une aversion très grande pour le communisme et les idées de Marx. Tout au long du développement de ses idées, Cuin nous montre que le concept de mobilité sociale sert à réfuter les thèses socialistes de « luttes des classes ».
Fermement opposé aux théories de Talcott Parsons


La vision stratificationniste de la société de SOROKIN :
SOROKIN utilise une conception stratificationniste de la société, c’est-à-dire qu’il considère qu’il y a des inégalités dans la distribution de certains éléments (comme les privilèges, les droits, les devoirs et l’influence), divisant la société en strates placées sur une échelle verticale.  Pour Sorokin, la mobilité sociale est un ensemble de « mouvements individuels ou collectifs de passage d‘une position à une autre, horizontalement ou verticalement et, dans ce dernier cas, de façon ascendante ou descendante ». On oppose mobilité sociale à stratification sociale qui n’ont pas le même prisme d’analyse, mais même si l’on étudie la mobilité sociale, notamment chez Sorokin, la réalité d’une société stratifié n’en est pas moins vraie. La mobilité sociale est même pour Sorokin l’expression de notre société stratifié qui pour subsister a besoin de mobilité. Cette société stratifiée se traduit par une distribution inégale « des droits, des devoirs, des responsabilité, des valeurs et du pouvoir »
Ces éléments sont qualifiés de variables continues : ce sont des éléments que l’on possède selon un certain degré. On a ainsi un peu d’influence, beaucoup d’influence ou énormément d’influence. Il n’y a donc pas de monopole clair d’une variable par une couche de la société. Aussi, ces variables, qui sont multiples, esquissent une vision multidimensionnelle de la société, que CUIN définit comme une vision wéberienne de la société.

SOROKIN n’a pas produit de théorie de la stratification sociale, il ne fait que faire un constat empirique pour pouvoir poser sa véritable problématique.

Le constat et la problématique de SOROKIN :
Il veut analyser la reproduction des structures sociales et leur évolution et donc dans une logique fonctionnaliste il veut définir les lois et processus qui expliquent un maintien ou une évolution de la stratification sociale. On sait que la société est stratifié de telle manière, la question n’est pas de savoir pourquoi elle est stratifiée ainsi (ce n’est pas l’origine de la stratification qui l’intéresse) mais comment elle se maintient et elle évolue ? Bref il s’intéresse à la reproduction de la société.

SOROKIN fait constat : malgré la fluctuation de la « hauteur » (amplitude de la stratification, nombre de couches dans la société) et du « profil » (les variables continues les plus importantes) de la stratification sociale, il n’y a pas d’évolution (augmentation ou diminution) des inégalités sociales.
Il en conclut que la société sans classe que MARX imagine ne peut donc pas exister, comme elle serait l’épilogue d’un épisode révolutionnaire causée par une augmentation des inégalités sociales. Pour Sorokin, l’organisation de la société en strates est nécessaire, même naturelle.

1-      Le schéma théorique (de la stratification sociale et de ses évolutions chez SOROKIN).
Il y a deux types de causes à la stratification sociale (et à la mobilité, qui, nous allons le voir, est liée chez SOROKIN).

Les causes structurelles :

Empiriquement, on remarque que :
=> La mobilité sociale est un phénomène universel : même dans les sociétés rigides il y a une mobilité sociale.
=> Il n’existe pas de société libre (pas de société anarchiste ? sans stratification sociale). 

S’il n’y avait pas de mobilité, il n’y aurait pas de stratification fonctionnelle. Si la mobilité était libre, ce serait la négation même de la stratification sociale, autrement dit il n’y aurait pas de différenciation fonctionnelle des strates.

SOROKIN remarque que les flux de mobilité verticale varient dans le temps et dans l’espace, autrement dit d’une société à une autre et au sein même d’une société à différentes époques historiques.
Comme il n’y a pas d’explication sur ces évolutions des flux de mobilité verticales, SOROKIN se concentre sur les moyens qui assurent la mobilité des groupes et des individus.

Ainsi, les causes structurelles ne permettent pas d’expliquer les variations des flux de mobilité, il faut amener d’autres explications, d’autres causes.

Les causes fonctionnelles :
SOROKIN est donc une vision fonctionnaliste de la stratification sociale. RAPPEL => Le fonctionnalisme : Tout les éléments et les caractéristiques du monde sociale que l'on peut observer existent pour de bonnes raisons, c'est nécessaire au fonctionnement de la société dans son ensemble.

Dans les travaux de SOROKIN, la cause de la mobilité sociale est réduite au caractère fonctionnel de la stratification sociale définit par le besoin d’une division du travail. La mobilité sociale est donc la conséquence de la sélection par la société des individus devant remplir efficacement une position.
Sorokin pense que la mobilité sociale est un fait universel, que l’on retrouve dans toutes les sociétés. Ce qui est aussi un trait commun à toutes les sociétés c’est que la mobilité est un fait social qui n’est pas libre. Si la mobilité sociale n’était pas restreinte ou canalisée, il n’y aurait pas de strates, la notion de couches qui composent la société n’aurait pas de sens
La mobilité sociale est un mécanisme qui permet de placer les individus à des positions dont ils ont les capacités nécessaires pour répondre aux fonctions de la société. Ainsi, si la stratification et la mobilité sociales existent, c’est pour que la division du travail soit efficace, que les positions sociales soient occupés par des personnes ayant les compétences nécessaires.

Mais pour placer les individus là où l’on a besoin d’eux, Sorokin pense des « agences » qui vont organiser la distribution des individus.

Le concept d’ « agence » :
Les agences sont les institutions qui ont pour rôle de distribuer les individus dans les strates sociales. Ce concept dénote une vision organiciste de la société, visible notamment par le vocabulaire utilisé. Les strates sociales auraient des « membranes » percées de « canaux » (des « orifices », des « escaliers », des « élévateurs »). Ce sont des institutions donc qui sont symbolisées par ces canaux, permettant à la société d’être dynamique et de se réguler.
Pêle-mêle on trouve l’armée, l’école, l’Eglise, les organisations politiques, économiques et professionnelles, le mariage, la famille. L’importance de chaque institution varie ici selon les sociétés, dans le temps et dans l’espace.
CUIN considère que cette vision de la stratification sociale s’inspire de la conception spatiale de la stratification, produisant ainsi une théorie de la circulation sociale causée par la distribution sociale.

L’ensemble des agences a donc pour fonction  l’évaluation, la sélection et la distribution des individus, ce qui constitue des filtres à la mobilité sociale.
Chaque agence occupe une place spécifique dans la mobilité sociale, elles ne produisent pas toutes les mêmes effets. Dans ce processus de mobilité sociale, les institutions n’ont pas toute le même rôle : certaines écrèment les individus selon leurs qualités générales comme l’école tandis que d’autres finalisent le tri, comme les institutions professionnelles. Une fois le destin individuel fixé par les institutions professionnelles, il reste renégociable grâce à l’organisation pro de la division du travail.
Le tri fait dans les individus se doit d’être quantitatif en plus d’être qualitatif : le nombre de personnes sélectionnés doit être en lien avec le nombre de places disponibles dans la strate sociale concernée. Une sur/sous production d’élites mettrait la société en péril. Il y a des contraintes structurelles de la distribution sociale, la fonction de distribution n’est donc pas autonome à la société.

Tous les individus ne peuvent pas utiliser les canaux. Pour réguler la stratification de la société, il faut aussi que la mobilité soit contrôlée pour éviter des déplacements sociaux anarchiques.
=> Un mécanisme d’évaluation des capacités à remplir une fonction sociale
=> Un mécanisme de sélection en vue d’une position sociale.
=> Un mécanisme de la distribution des individus dans les strates de celle-ci, par la promotion ou la rétrogradation. è Distribution effective

Si dans les faits, ce n’est pas toujours le meilleur qui passe les filtres, CUIN explique que SOROKIN dans sa vision organiciste justifie l’efficacité de ce système par la longévité des sociétés.

On peut aussi découper les agences en deux catégories. Celles qui font un premier tri et qui servent à l’évaluation, comme l’école et l’Église. Vient ensuite un second tri, celui de la sélection effectuée par les agences du travail, le monde professionnel.

Dans la pensée de SOROKIN, cette fonction est nécessaire à la survie de la société : le hasard inhérent à la distribution sociale peut détruire ou maintenir un ordre social.
Pour assurer la longévité des société, dans la logique de Sorokin, on peut directement agir sur les agences pour aider la société à atteindre ses objectifs.



2-      Circulation sociale et structures sociales.

Une fois le cadre théorique définit, il faut se pencher sur les travaux empiriques de SOROKIN. L’analyse que fait CUIN de ces travaux est divisée en deux points : la circulation sociale dans les sociétés occidentales ; l’apologie de la société mobile et de la sélection sociale.

v  Circulation sociale en Occident
Une grande partie de la mobilité sociale est structurelle car l’évolution des sociétés demande des transformations dans le monde du travail et en plus il faut rajouter que la transmission héréditaire des métiers est en nette diminution, c'est-à-dire que l’on ne fait pas le même métier que son père.  Il y a des secteurs d’emploi nouveaux qui vont exploser et demander un grand nombre de nouveaux postes. A l’inverse, secteurs disparaissent ou exigent moins d’individus pour remplir les mêmes fonctions. Les métiers qui disparaissent connaissent les plus fortes mobilités car les individus désertent ces secteurs qui deviennent peu attractif, à l’inverse les secteurs qui prospèrent sont très attractifs et les individus ne les quittent pas.

Dans la perspective de Sorokin, l’ensemble de la mobilité est structurelle puisque qu’elle est le produit des agences qui répondent à une demande sociétale déterminée par l’évolution des structures des positions à pourvoir. Ainsi les agences doivent évoluer, augmenter ou restreindre leurs canaux selon les secteurs pour répondre aux évolutions des structures et préserver l’équilibre de la société.

La vision Sorokinienne ne se place pas dans une logique d’égalité des chances, mais dans une « logique de distribution sociale des individus selon des critères d’efficacité fonctionnelle ». Pour Sorokin il n’y pas de place pour les « mérites » de l’individu, ce ne sont pas ses capacités qui peuvent le faire évoluer dans la structure sociale, il n’y a qu’une mobilité possible, celle du changement structurel. L’égalité des chances est une optimisation du processus de sélection qui hiérarchise les individus selon leurs capacités à répondre à des fonctions de la société.
La mobilité sociale ainsi organisée prévient de toute composition de classes sociales. Pour Sorokin, elles sont un danger, car elles concentreraient les frustrations des individus, déboucheraient sur une révolution et placeraient à la tête des sociétés des individus qui ne remplissent pas correctement les fonctions requises. La société courrait à sa perte, car pour Sorokin la classe ouvrière n’est investie d’aucun rôle « social dominant » ; il faut entendre par là que la révolution prolétarienne ne mènerait qu’à la fin de la société qui accueillerait une telle révolution.

            De plus, il rejette l’idée que des classes sociales existeraient en tant que telles. Il en veut pour preuve la mobilité sociale inter et intragénérationnelle que connaissent les professions :
-          Une part des professions est stable et permanente, ceux qui restent
-          L’autre part en perpétuelle évolution, ceux qui accèdent à une profession puis partent, soit une mobilité intragénérationnelle ascendante ou descendante.
Sorokin en conclut que les groupes professionnels sont hétérogènes et qu’il y a une forte mobilité sociale, et ce qui peut être appliqué aux groupes professionnels peut aussi être appliqué à des groupes plus larges comme les classes sociales. De ce fait, les classes sociales si elles existent ne sont pas figées. Encore une preuve de l’erreur des théoriciens des classes sociales (et de Marx). Sorokin ne pense pas non plus que la mobilité sociale dans les sociétés occidentales est parfaite, il admet qu’il y a encore de l’hérédité socio-professionnelle dans des proportions encore très fortes qui forme un terrain propice à la formation d’antagonismes de classe. Mais Sorokin  voit dans l’émergence des classes intermédiaire une intensification de la fluidité structurelle qui va faire diminuer les « prolétaires de naissance ». Cela va entrainer une perte de la base empirique de la théorie de la lutte des classes. La théorie de la lutte des classes devient donc fausse quantitativement, mais qualitativement elle peut aussi être contredite. En effet, pourquoi cette masse d’individus serait capable de diriger la société ? Car s’ils sont prolétaires, ils font partie de « ratés », des moins intelligents et ils sont donc incapables de remplir les fonctions que l’on attend des élites dirigeantes. Leur arrivée au pouvoir signifierait l’arrivée d’un mal pour la société et les premières victimes en seraient les prolétaires eux-mêmes qui verraient leurs conditions de vie, déjà difficiles, s’aggraver.
           
v  Apologie de la société mobile et de la sélection sociale
La mobilité sociale est un signe de bonne santé de la société, selon Sorokin, on voit là que l’on est dans une conception organiciste du monde. La mobilité sociale est une chose positive, car elle met en place là où les individus doivent être, là où leurs compétences sont nécessaires. Cela maximise l’efficacité de la division du travail, une fonction à pourvoir, un individu sélectionné répondant aux critères, mais la mobilité sociale instaure la légitimité des systèmes occidentaux  basés sur la rationalité et l’ordre.
Les conséquences immédiates et « normales » de la mobilité sociale sont pour Sorokin, la prospérité économique et le progrès social. Ces conséquences supposent néanmoins deux conditions
-          Adéquation  des institutions et des méthodes de sélection
-          Égalité des points de départ et des chances
Cuin soulève ici un problème. En effet, la stratification sociale aboutit à une inégalité d’arrivée après la sélection. Mais la seconde génération sera forcément influencée par la place sociale de ses parents, et le principe d’égalité des points de départ ne peut plus être respecté ce qui remet en cause l’idée même de prospérité sociale. Pour Sorokin, la réponse se trouve dans l’agence qu’est l’école. Elle va selon lui gagner en importance dans l’avenir, devenir l’agence la plus importante de distribution des individus et ainsi, en théorie, effacer les inégalités liées aux origines des individus. De plus, il faut rajouter au rôle prépondérant de l’école les effets de structure qui rendent perméables les frontières entre classes.
            Du point de vue de la stabilité sociale les sociétés mobiles ont un bilan positif, bien que Sorokin y voit tout de même des effets néfastes. La mobilité sociale, par le recrutement hétérogène de la population, conduit à la perte d’une culture particulière des groupes. Le risque est de voir s’affaiblir les liens et la solidarité, car on met en avant la mobilité individuelle au détriment du groupe. Sorokin a ici une vision de l’anomie comme le développe Durkheim, l’individu ne se sent plus proche d’aucun groupe social particulier. De ce danger émergent des notions comme le « socialisme » ou la « solidarité internationale » qui tente de donner corps à une nouvelle solidarité, mais toujours dans l’optique de Sorokin ces notions, marxiennes, sont un danger, car elles conduisent au « collectivisme ». Le collectivisme serait un problème pour la société, mais la mobilité sociale résout elle même le problème, car, si elle est effective, les individus évoluent dans la hiérarchie sociale. Or le collectivisme suppose une mise à égalité des individus et une immobilité sociale. La mobilité sociale est en quelque sorte « l’antidote de ses propres maux ».

            3. Enjeux sociophilosophiques
Sorokin construit sa théorie sur de fortes inspirations de deux paradigmes ; le fonctionnalisme, toute chose dans la société remplie une fonction, évolutionnisme car il y a une sélection darwinienne des individus par les agences. Ce n’est pas un darwinisme social lié à la force et à l’égoïsme mais un darwinisme lié aux compétences et à une sélection systématique, il qualifie l’aristocratie de « vraie ».
L’aristocratie qui se met en place se fait à l’issue d’une évaluation et d’une sélection dans le but d’aboutir à la prospérité collective. L’aristocratie n’est pas une sélection naturelle chez Sorokin, encore moi la domination brutale d’un puissant, elle met en place des individus dont les compétences sont socialement utiles et moralement efficaces. L’aristocratie se met en place par une sélection sociale, celle des agences, pour gouverner les destinées collectives.

Cette vision Sorokinienne contredit l’idéologie de l’american creed, c'est-à-dire va à l’encontre de l’idée que c’est l’individu qui se « fait » lui-même qui parvient à une place de prestige par ses propres compétences, et non pas par les institutions qui assurent la redistribution. Pour Cuin, c’est la raison pour laquelle Sorokin devient le Paradigme oublié et laisse la place à son élève le moins aimé d’Harvard, Parsons.



II-                Le paradigme dominant :

La partie suivante invite le lecteur à suivre chronologiquement les études menées par la sociologie américaine sur la stratification et la mobilité sociales.

A-    L’école américaine de la stratification sociale.

L’école américaine de la stratification sociale comprend comment principaux sociologues PARSONS, DAVIS et MOORE.

1-      DAVIS et MOORE : la stratification comme système nécessaire de récompenses.

CUIN a d’abord décidé de traiter de DAVIS et de MOORE, qui sont pourtant deux élèves de PARSONS.

Comme SOROKIN, DAVIS et MOORE observe que la stratification sociale a un caractère universel et ils font l’hypothèse qu’il y a une nécessité fonctionnelle à cela (c’est donc, encore une fois, une analyse fonctionnelle de la stratification sociale).

Toutefois, ils se différencient de SOROKIN en prenant en compte le libre arbitre des individus. Ils ne considèrent pas que les individus soient sélectionnés passivement par des institutions mais que la société doit être capable de rendre les places sociales produites par la division du travail attirantes, il faut que les individus aient envie de monter dans la hiérarchie sociale pour occuper ces places sociales.
En effet, les positions dans la division du travail ne sont pas égales et donc ne sont pas aussi enviables : la formation peut être plus dure, la position peut demander des compétences spécifiques et peut avoir une « importance fonctionnelle ». En gros, plus la position est nécessaire à la survie de la société, plus la récompense doit être intéressante pour que les meilleurs individus soient ceux qui obtiennent ces places. Ces récompenses sont la contrepartie positive des devoirs et des responsabilités. L’inégalité des avantages des positions sociales est donc nécessaire pour que les postes clés (vitaux) soient occupés par les personnes les plus qualifiées.

Les critères qui président à l’évaluation des récompenses sont donc :
=> L’importance fonctionnelle.
=> La rareté des personnels (à cause de la forte exigence de compétence).

Toutefois, dans la conception de DAVIS et MOORE, toutes les positions sociales ayant une importance fonctionnelle ne sont pas forcément élevée dans la hiérarchie sociale. En effet, certaine position fonctionnelle ne sont pas haute dans la hiérarchie sociale car elles ne possèdent pas de caractéristiques objectives, rendant le recrutement difficile. Par contre, toute position haute dans la hiérarchie sociale a une importance fonctionnelle
Pour CUIN, ces deux sociologues s’enferment dans leur analyse : ils n’arrivent pas à expliquer le phénomène étudié dans sa totalité.

Comment définir une position sociale ayant une importance fonctionnelle ? On ne peut pas empiriquement le faire pour l’ensemble de la société, c’est une des failles de l’analyse des deux sociologues mais ils proposent deux indicateurs :
=> Le degrés d’unicité : si une position sociale est la seule à remplir sa fonction, alors elle est fonctionnellement unique.
=> Le degrés de dépendance des autres fonctions par rapport à elle.

Pour CUIN, le degré de dépendance peut aussi se rapporter à des relations de pouvoirs ou d’autorité entre individus ou classes, ce n’est donc pas qu’un indicateur de l’importance fonctionnelle d’une position sociale. (on peut penser à CROZIER notamment qui montre que les relations de pouvoir dépendent des capacités des individus à maitriser les zones d’incertitude, à prédire les actions des autres et à rendre imprévisible leurs actions).



2-      PARSONS : la stratification comme conséquence de l’évaluation sociale.

Pour lui la stratification sociale est le résultat d’un « classement social selon les critères communs d’un système de valeur. » La valeur sociale des individus c’est ce que Weber appel le statut. Le statut d’un individu est reconnu par son adoption du style de vie valorisé par la société. Plus on s’en rapproche plus le statut est élevé. Mais pour Parson la notion de stratification sociale est vaste car pour lui il y a stratification dès qu’une évaluation différentielle des individus  lieu.
            La valorisation d’un individu passe par ses qualités, leurs accomplissements (ce qu’ils font) ainsi que leurs possessions (matérielles ou symboliques), leurs talents et leurs capacités. Mais chaque société valorise différemment quatre fonctions différentes qui sont nécessaire à son existence et à son maintien : L’adaptation, la poursuite des buts, l’intégration et le maintien des modèles. Ces variables ont une très grande généralité analytique, en ce qu'elles s'appliquent à des conduites individuelles ou collectives, à l'analyse de groupes restreints et de sociétés globales, à la description de l'action d'acteurs individuels ou d'institutions sociales.
Chacune s’articule autour de deux des quatre caractères : accomplissement, qualité, universalisme et particularisme. Ces quatre points sont le fruit du paradigme évolutionniste de Parsons qui voit dans ces points, quatre mélanges de sociétés qu’il est possible d’analyser à travers l’histoire.

Le complexité de cette grille d’analyse est qu’on peut difficilement rendre compte à la fois de la pluralité des sous-systèmes sociaux (la société n’est pas monolithique) et de l’importance de chaque valeurs selon ces sous-systèmes sociaux (car la société doit répondre à chacune des fonctions, même si une est mise en avant).

Les Etats-Unis, selon lui, sont caractérisées par le couple « universalisme / accomplissement ». L’universalisme garantit les mêmes droits pour tous, tandis que l’accomplissement autorise le changement de statut. Par accomplissement on peut aussi entendre performance comme le reprend Guy Rocher. Ce couple, c’est ce qui représente les valeurs américaines.
Ce couple universalisme/accomplissement explique pour Parsons le fonctionnement de la société américaine :
            L’importance de la réussite professionnelle dans le cadre économique de la production et donc du statut très important des chefs d’entreprise, la figure du self made man américain. La société américaine, individualiste, favorise donc peu la poursuite de buts collectifs ainsi qu’à la notion d’intégration car les individus la mobilité sociale est vue comme un facteur mettant fin aux ségrégations raciales et ethniques.

Ce que favorise ce groupe de valeurs, universalisme et accomplissement, c’est le travail, c’est donc dans cette sphère que s’acquière le statut des individus car c’est là que ces valeurs sont les plus forte et les plus représentée. La position d’un individus dans la stratification sociale dépend donc de la « contribution productive de l’individu au fonctionnement de l’organisation considérée, par conséquent de ses aptitudes et de ses accomplissement de ladite organisation ».
La stratification consiste en un classement des rôles professionnels à partir des qualités, des propriétés culturelles qui y sont attachées. C’est à partir de ce classement que ce distribue des sanctions symboliques (positives ou négatives) :
-          Salaire
-          Diplôme
-          Privilèges
-          Etc.

Pour Parsons dans la société américaine les possibilités de mobilités sociales sont très grandes, notamment grâce à une forte mobilité géographique qui permet une indépendance des emplois. Ce qui fait l’ascension d’un individu, ou sa chute, c’est la « motivation ». On a ici une explication psychologisante de la mobilité sociale. Les individus connaissent une mobilité sociale ascendante ou descendante selon leurs motivations, c'est-à-dire selon les qualités de l’individu et sa volonté des s’élever, indépendamment du contexte dans laquelle il exerce son action. Sur ce point se fonde la différence fondamentale entre particularisme et accomplissement où ses valeurs prennent en compte les relations humaines qui s’attache à un statut particulier.

Fonction et valeurs sont ainsi les notions cardinales de la mobilité sociale pour Parsons


3-      La nature stratifiée de la structure sociale.

On parle de nature stratifiée dans le sens où la structure de la société est visualisée comme un ensemble de classes placés les unes au-dessus des autres : par strate. C’est ce que CUIN décide de questionner dans ce point, en faisant un lien de corrélation avec l’american Creed : en effet, il considère que cette sociologie américaine de la stratification sociale opère une mise en forme théorique des trois principes fondamentaux de l’american creed qui sont :
=> la nature fonctionnelle de l’inégalité sociale ; la nature fonctionnelle de la structure sociale ; la nature fonctionnelle de la mobilité sociale (le dernier étant le plus important).

* Le principe de l’inégalité sociale.

Pour PARSONS, les valeurs collectives doivent tendre à mobiliser les acteurs sociaux pour la réalisation de fins collectives. PARSONS s’attardent principalement sur l’aspect culturel de la stratification sociale : la place de l’individu dans la société dépend du fait qu’il répond plus ou moins bien aux valeurs définis par l’ensemble de la société : aux USA, l’achievement et l’universalisme.
DAVIS et MOORE quant à eux considèrent la stratification sociale d’après l’efficacité normative de la hiérarchie. La stratification sociale dépend d’avantage du bon fonctionnement des divers systèmes sociaux. (=>Expliquer)

Les deux conceptions sont complémentaires (on n’oublie pas que DAVIS et MOORE sont des élèves de PARSONS). PARSONS donne du sens à la notion d’importance fonctionnelle, ce que DAVIS et MOORE mettent au centre de leur analyse en définissant le système de récompense.
Avec cette explication fonctionnelle, l’inégalité entre les individus devient un élément nécessaire, c’est une conséquence de la structure de la société.

Ainsi, les théories de l’école américaine justifie le principe de l’inégalité sociale de l’american creed.

* Le principe de la fluidité structurelle.

Il faut comprendre que la stratification sociale est une forme de structure sociale parmi d’autres possibles, chez PARSONS. En effet, celui-ci considère qu’une société structuré par strate permet une fluidité structurelle, les individus peuvent changer de strate dès lors qu’il y a un manque qualitatif et/ou quantitatif d’individu dans une autre strate.
La fluidité structurelle distingue la structure par stratification sociale des structures par castes et par ordres : les ordres et les castes sont imperméables, alors que les strates ne le sont pas.

Pour en revenir rapidement aux différentes structures possibles définis par PARSONS : la hiérarchie distingue la structure par stratification sociale des structures par classes et par ordres. Dans les idéaux types de PARSONS, les classes et les ordres n’ont pas de hiérarchie, ils sont interdépendants et remplissent des fonctions spécifiques (les clercs prient, le tiers-Etat travaille et les nobles font la guerre : cette vision de complémentarité est contestable mais elle est ainsi).

Dans une structure par stratification sociale, il n’y a donc pas de barrières. La notion de fluidité renvoi à celle de liberté de l’acteur qui, dans l’idéal, ne subit aucun déterminisme social. Ils cherchent des récompenses chez DAVIS et MOORE, ils acquièrent des valeurs et des motivations individuelles chez PARSONS. La notion de valeurs individuelle chez PARSONS fait tout de même une place au déterminisme car ces valeurs sont déterminés par la société et l’individu, s’il veut monter dans la hiérarchie sociale, doit s’y conformer : cette partie de l’analyse de PARSONS est donc à mi-chemin entre la reconnaissance de la liberté d’action de l’acteur et un certain déterminisme social.
                                
* Le principe de la mobilité sociale.

C’est la corrélation de la fluidité structurelle : si les individus peuvent circuler, alors il y a une mobilité sociale. La notion de stratification renvoi donc directement à celle de mobilité sociale. L’inégalité sociale n’est pas un frein à la mobilité sociale car les strates sont poreuses.
C’est la logique même des valeurs misent en avant aux USA : L’universalisme garantit les mêmes droits pour tous, tandis que l’accomplissement autorise le changement de statut.

La mobilité sociale a aussi une importance fonctionnelle car elle est la condition nécessaire pour que les besoins de la société soient remplis. La société a des besoins, elle crée des positions sociales qui doivent être occupés et les rend désirables grâce à des récompenses (DAVIS et MOORE) : la position sociale doit être distingué de l’individu, plusieurs individus postulent à une position sociale car ils sont intéressés par la récompense.
                                               
CUIN explique que les visions marxistes ont montré que cette vision fonctionnaliste de la stratification sociale mettait en avant l’aspect individualiste de la société. La stratification sociale serait la conséquence d’une évaluation collective des individus selon un système de valeur et l’inégalité des positions sociales serait la conséquence des récompenses visant à rendre plus désirables les positions les plus nécessaires à la société. Les individus participent au maintien de la société en cherchant à assouvir leurs besoins subjectifs. Tous les individus ont les mêmes buts mais ils les réalisent inégalement, d’où leur inégale répartition dans la société.
Le principe de la mobilité sociale, en étant vu sous cet angle, naturalise les inégalités : si il y a inégalité entre les individus, comme il y a égalité des chances, c’est que les individus sont naturellement inégaux. Il y a donc deux approches de la société, une approche structurelle et une approche individuelle, la deuxième étant dominante dans la sociologie américaine.

Il y a toutefois une ambiguïté entre ces deux conceptions, qui symbolise une ambigüité plus générale de la conception américaine de la stratification sociale : chez PARSONS, c’est l’individu qui produit la société, selon sa motivation à occuper ou non une position sociale, chez DAVIS-MOORE, c’est la société qui produit des positions sociales et qui les rend attirantes par un système de récompense, que les individus se disputent selon leurs compétences. Dans tous les cas, il y a une compétition entre les individus qui est légitimé.

Mais cette ambigüité se retrouve aussi dans les travaux de l’école américaine de la mobilité sociale, qui émerge après la seconde guerre mondiale dans un contexte de guerre froide. La volonté principale de cette école était de dépasser le cadre théorique en construisant des outils de mesure de la mobilité sociale.
                                                     




III-             Le paradigme dominant :
B-     L’école américaine de la mobilité sociale.

1-      La théorie de LIPSET – ZETTERBERG - BENDIX

50’ => théorie générale de la mobilité avec volonté d’être moins descriptive que ce qui s’était fait jusqu’à présent et de donner des chiffres. Se place dans la continuité de l’école de la stratification sociale américaine, en développant le concept de mobilité sociale et en apportant des résultats empiriques.

IIIe congrès mondial de sociologie : 1959 : ZETTERBERG et LIPSET propose une première version de leur théorie de la mobilité sociale.
Théorie reprise en 1962 dans l’ouvrage de LIPSET et BENDIX dans un ouvrage-bilan des recherches sur la mobilité sociale. Cet ouvrage met en avant la mise en pratique des théories produites pour le IIIe congrès mondial de sociologie. Il y a des différences d’analyses que nous expliquerons plus loin, nous allons d’abord nous concentrer sur les lignes de force.

* Les facteurs généraux de la mobilité sociale.

Cette théorie décompose la mobilité sociale en deux processus : « l’offre de statuts vacants » et « l’échange entre positions ».
« L’offre de statuts vacants » : en lien avec les changements de taille des strates : les individus des strates qui rétrécissent migrent vers les strates qui grossissent. Comme ces strates conservent leur position hiérarchique, de telles migrations entrainent des mobilités verticales. Il faut aussi prendre en compte les facteurs démographiques : si la fécondité diminue, le nombre d’individus injecté dans la stratification sociale diminue aussi, il faut donc restructurer.
« L’échange entre positions » : lié à la libre compétition pour l’accès aux différentes strates. La compétition produit des mouvements égaux ascendants/descendants. En gros, quand un monte, un doit descendre pour équilibrer la balance. C'est lié à l’égalité des chances de la société, c’est le résultat de l’ouverture des structures sociales.

Ces auteurs produisent aussi une analyse des facteurs qui motivent les individus à avoir une mobilité sociale ascendante car définir les causes objectives n’expliquent pas pourquoi les individus désirent une mobilité ascendante.
Les auteurs produisent une théorie de l’aspiration généralisée des acteurs à la mobilité ascendante : tous les individus désirent une mobilité ascendante car une part de l’auto-estime d’un individu est déterminée par l’estime qu’on les autres de l’individu en question, qui est en relation avec leur position statutaire : les individus veulent donc avoir un meilleur statut et donc une meilleure position sociale. Autrement dit, les individus ont tendance à vouloir monter dans la hiérarchie sociale, non pas car c’est valorisant directement, mais parce que cela les distingue de leurs voisins et les flatte leur ego. (cette théorie est basée sur les travaux de VEBLEN qui parle de la théorie de la classe des loisirs, où les individus consomment pour se distinguer des autres visuellement).
Ces « nécessités psychiques des individus » seraient une caractéristique intrinsèque à tout culturel, indépendamment de l’accent mis par les normes sociales sur l’idéal de réussite sociale. Plus l’idéal d’égalité entre les individus est fort, plus les individus auront tendance à vouloir se distinguer les uns des autres et donc plus la mobilité sociale sera une solution à ces individus.
A cause de l’importance de l’égalité dans la culture américaine, des prescriptions normatives comme l’égo sont nécessaires pour que les individus occupent tous les positions sociales vitales à la société : cela explique le paradoxe entre les concepts d’égalité des individus / inégalité des positions sociales.

* Causes objectives et raisons subjectives. (L’analyse suivante est dans l’ouvrage LIPSET-BENDIX)

Après ces facteurs généraux de la mobilité sociale, il faut nous attarder sur la définition faite par LIPSET et BENDIX des causes objectives et des raisons subjectives de la mobilité sociale, dans leur ouvrage. Cette distinction vient remplacer celle faites par LIPSET et ZETTENBERG durant leur conférence, en aucun cas elle ne se superpose.

Cette analyse produit une synthèse des travaux de PARSONS et de ceux de DAVIS et MOORE (récompenses). Elle est fonctionnaliste, elle explique la mobilité à partir de sa participation à la réalisation de fins socialement définies.

=> Les causes objectives de la mobilité sociale : « conséquence fonctionnelle de processus dynamiques structurellement déterminés » : la mobilité sociale est le produit des besoins structurels de la société pour se maintenir, c’est le renforcement des valeurs de l’achievement et de l’universalism.
=> Les raisons subjectives de la mobilité sociale : « La reproduction de la stratification nécessite l’attachement des acteurs à la promotion statutaire par des systèmes d’incitation socio-culturelle » : pour que la société se reproduise, il faut que les individus aient envie d’accéder à des statuts supérieurs et cela passe par le système de récompenses.

Cette analyse ne prend en compte que la mobilité ascendante, ce qui met la notion de motivation au premier plan : il est simple d’expliquer que les individus montent dans la hiérarchie selon leur motivation à y monter. Ce concept de motivation est même recevable.
Ce présupposé d’une volonté consensuelle de monter dans la hiérarchie sociale renvoi à ce que nous avons dit sur l’ego et l’estime que les autres ont d’un individu. La nouvelle dichotomie faite entre causes objectives et raisons subjectives (plutôt qu’entre places vacantes et échange de position) ne permet plus de faire la distinction entre la mobilité structurelle et la mobilité nette, il y a une perte d’information.
C’est que lorsque l’on tente de qualifier l’égalité des chances, on doit prendre en compte la mobilité de circulation et pas la mobilité structurelle. Ici pourtant, on mélange les deux, on mélange les notions d’égalité des chances et la fluidité structurelle sous le terme de « réussite sociale », ce qui exprime bien l’intérêt porté à la mobilité ascendante.

Cette conception d’une volonté générale d’ascension sociale se place durant un contexte de démocratisation de l’ascension sociale, les classes les plus basses peuvent prétendre à une promotion. Le problème de cela, c’est que on a une vision aplanie de la société et que les relations entre strates sont écartées, comme ces strates deviennent moins discernables. Les différences entre strates disparaissent au profit d’un ensemble de « facteurs structurels » qui ont une explication motivationnelle. Ainsi, l’analyse développé dans l’ouvrage de LIPSET et BENDIX se penche d’avantage sur la mobilité individuelle plutôt que sur la mobilité de groupe, tout en mettant en avant des individus se mouvant dans une pluralité d’individus et non pas de strates en strates. Cette vision de la mobilité sociale renvoi à l’idée qu’il n’y a pas de classes sociales aux USA (et donc une égalité des chances).

* L’abandon de la perspective analytique.

LIPSET et BENDIX abandonne la perspective analytique pour une perspective purement structurelle. La mobilité sociale se réduit à un équilibre entre les fluctuations de demandes de la société de positions sociales et l’offre individuel.
Ils définissent dans leur ouvrage social mobility in industrial society cinq facteurs structurels explicatifs de la mobilité sociale :
=> Changement du nombre de places disponibles.
=> La fécondité différentielle (le différentiel de fécondité par catégorie sociale : si des ouvriers un indice de fécondité plus élevé que les cadres et que le nombre d’ouvriers diminue alors que celui des cadres augmentent, alors il y a mobilité sociale du monde ouvrier vers le monde des cadres).
=> Des changements dans les positions sociales accordées aux professions.
=> Des changements dans le nombre de positions statutaires héréditaires (ce n’est pas forcement structurel, cela peut être du à une mobilité de position)
=> Des changements dans les restrictions légales intéressant les possibilités de mobilité verticales (dépend de la loi et pas de la nécessité structurelle)

Selon CUIN, les deux derniers points ne sont pas des facteurs structurels mais des facteurs faisant référence au fonctionnement du système social. Ces différents facteurs, extraits de leur travail empiriques sur des données chiffrés, délaisse une partie de la perspective analytique qu’avait produit LIPSET et ZETTERBERG en faisant la distinction entre la mobilité structurelle et la mobilité de circulation. C’est un échec du passage à l’étude pragmatique, alors que la théorie fondée en amont était valable et plus complète.

Ce que CUIN explique, c’est que LIPSET et ses collaborateurs ont comme but d’établir les caractéristiques de la mobilité sociale dans les sociétés industrielles en prenant les USA comme cas d’études et pas d’approfondir un travail théorique fait en amont par PARSONS et les autres.  Pour cela, ils font les présupposés suivants :
=> les taux globaux de mobilité aux USA sont comparables à ceux des autres pays industrialisés, ces taux sont élevés et ne déclinent pas.
=> L’origine sociale des individus recrutés pour les catégories sociales les plus élevés est multiple bien que les membres de l’élite des affaires partage une origine sociale identique.
=> La structure socio-pro de la société détermine d’avantage la mobilité sociale que les modèles culturels, religieux ou sociaux.

Du coup, dans l’ouvrage publié, on met de côté l’explication culturelle de PARSONS pour revenir sur une explication d’avantage fonctionnelle, car l’objectif n’est pas de faire la différence entre la mobilité structurelle et la mobilité de position.

* Les conséquences de la mobilité.

La mobilité sociale semble d’avantage étudiée comme une variable indépendante que comme un phénomène à expliquer. La mobilité existe, le but n’est pas de dire pourquoi elle existe (elle est fonctionnelle après tout) mais ce qu’elle implique. Les auteurs questionnent l’impact de la mobilité très élevée sur la stabilité de l’ordre libéral et démocratique des sociétés industrielles (ici américaine). L’accessibilité de la classe des élites légitime donc l’idéologie de « l’égalité des chances » et de la « société ouverte ».

Les auteurs insistent sur l’importance des croyances et des représentations subjectives des individus (de l’idéologie) pour analyser le rôle de la mobilité sociale. Celle-ci est au facteur de stabilité de l’ordre social aux USA car elle vient confirmée l’american creed, et plus précisément de l’égalité des chances. Dans un pays où on serait dans une idéologie de classes sociales fixes, cette mobilité sociale ne serait pas un avantage. Les individus penseraient toujours leur ordre social comme figée et donc cette croyance en une société de classes serait une croyance en l’impossibilité de la société à adapter sa structure politique et culturelle. La transformation du système social qui est perçu comme la seule solution possible.
La mobilité sociale ascendante est donc un signe de stabilité de l’ordre social dans une société privilégiant l’égalité des chances et la réussite sociale. Mais dans une telle société, la déchéance sociale est mal vécue par les individus, toutefois il y a des systèmes de compensation, comme l’Eglise qui propose une vie dans l’au-delà ou le familialisme qui permet aux parents de reporter leurs espoirs d’ascension sociale sur leurs enfants.
La mobilité sociale aurait donc une multiplicité de conséquences possibles selon l’idéologie de la société à son sujet. La mobilité ascendante peut miner la solidarité d’un groupe et provoquer la ségrégation sociale, elle peut produire des conflits entre les anciennes et les nouvelles élites, etc.

Ces auteurs ont donc pris la mobilité sociale comme quelque chose de bénéfique, montrant que leur ordre social était efficace. Surtout que directement après la révolution industrielle, les riches ont accumulés les richesses alors que les ouvriers subissaient la paupérisation.
Pourtant, une fois que les inégalités sont devenues moins importantes, la mobilité sociale n’est plus une bonne chose. Il y a un cout psychique et social de la mobilité sociale, qui n’est pas toujours récompensé par des avantages. De plus, les membres éminents des classes populaires, s’ils subissent une mobilité sociale, priveront ces mêmes classes populaires de leaders qui pourraient les représenter et potentiellement permettre une mobilité sociale collective. Le fait que les classes populaires sont celles qui sont les moins favorisées fait aussi que ce sont celles qui ont encore plus besoins de ces élites pour les soutenir.
Les auteurs, LIPSTER et BENDIX, sont touché par l’idéologie américaine et ils en sont conscient, ils demandent dans la fin de leur ouvrage des études plus poussées sur le coût et les avantages d’une mobilité pour les acteurs et pour la société, et ce sans emprise idéologique.



2-      La théorie de BLAU et DUNCAN

Leur théorie de la stratification et de la mobilité sociale va rapidement devenir la référence essentielle des travaux anglo-saxons. Le but de leur ouvrage est de donner une explication analytique et non plus de mesure (métrologique) comme c’était le cas avant.
Les sociétés modernes évoluent vers davantage d’universalisme et d’ « achievement » (l’accomplissement), critères de distribution sociale qui se substituent aux critères particularistes d’ « ascription » (l’assignation).
Ce phénomène s’explique par trois causes qui ont toutes pour bases communes l’universalisme :
-         (Un développement du modèle culturel qui met en avant) le progrès technologique et économique ainsi que la division du travail, qui augmente le nombre de places en haut de l’échelle 
-         La mobilité géographique, qui affaiblit les liens familiaux et de voisinage. Cette faiblesse des liens familiaux rend plus supportable de quitter sa famille, d’aller plus loin (on peut le rattacher aussi au progrès technologique)
-         La fécondité différentielle entre catégories sociales, c'est-à-dire que les parents place leurs espoirs dans leurs enfants. Classe défavorisée font plus d’enfant, les élites en font trop peu, il y a donc un recrutement obligé dans les classes défavorisée.

Ces critères sont la preuve pour les auteurs que ce ne sont pas des circonstances historiques qui rendent compte du fort taux de mobilité mais bien une culture universaliste qui a conquis les esprits.
Dans cette optique, la société américaine n’est pas une exception, elle est simplement en avance sur les autres sociétés industrielles qui vont se développer dans son sens. L’universalisme va se développer dans les autres sociétés industrialisées.

Comme chez LIPSET  and co, il y un rôle essentiel des motivations individuelles. Toutefois, chez BLAU et DUNCAN, la mobilité individuelle est la cause de la mobilité tandis que les changements structurels sont les conséquences. C’est donc l’individu qui prime.

Le processus de status attainment, c'est-à-dire de distribution des statuts, on le retrouve dans toute les sociétés.
La mobilité sociale résulte de conduite individuelle normativement orientée vers certaines fins socialement valorisées On retrouve ici la vision parsonienne d’intériorisation des valeurs, les acteurs appliquent les valeurs de l’universalisme. Soit les individus saisissent la chance  offerte par l’achivement dont ils maximisent les effets pour atteindre un statut social haut, soit ils investissent dans leurs progénitures.

Les individus sont d’avantage évalué sur la base de leurs réalisations personnelles qu’en fonction de leurs origines sociale ou familiale (lié à la valeur d’universalisme). Il faut comprendre que pour ces auteurs, ce que l’on juge dans les sociétés industrielles c’est la motivation, le mérite, le self made man et non pas des facteurs ‘extérieur’. Les auteurs savent bien que l’environnement est important, mais pour eux le rôle de l’école est essentiel, il joue un rôle de plus en plus important dans le processus de distribution des statuts. Ainsi en dehors des changements structurels les différences de statuts entre parents et enfant s’agrandissent.
            La mobilité des individus tient uniquement aux facteurs  qui interviennent dans l’évolution de leurs carrières sociale et qui vont eux aussi  déterminer le degré auquel le statut professionnel renvoie comme statut sociale à un moment donné.

On est face à une idéologie de la société mobile.
Lipset, Zetterberg, Bendix, Blau et Duncan reconnaissent que les USA  ne sont pas un cas unique de fort taux de mobilité sociale. On retrouve les mêmes taux de mobilité sociale dans les autres pays industrialisés. Ils ne sont pas non plus plus forts  qu’avant, et s’il y a une tendance elle serait à la hausse.
Ces auteurs sont aussi tous enthousiastes quant aux conséquences de la mobilité sociale sur la société. Mais Lipset Zetterberg et Bendix reste prudent quant aux effets de l’universalisme alors que les Blau est Duncan eux sont très optimistes. Pour Cuin, cet optimisme est à mettre sur le compte d’une volonté de légitimer l’ordre libéral démocratique ainsi que le développement du matérialisme qui désormais, pour ces auteurs, fait partie intégrante de la notion d’universalisme et a mené le pays à la prospérité, le progrès technologique ainsi qu’une grande égalité des chances.
Pour eux la mobilité sociale permet aussi que soit maintenue la démocratie car la mobilité évite toute rigidité de strate et distinction d’origine : diminution des différences statutaires
Un effet négatif qu’ils reconnaissent c’est que la culture de l’achievement vient légitimer la structure sociale ainsi que son fonctionnement. Les inégalités sociale sont ainsi légitimé et minimisées en tant que conséquences négatives car  c’est un système qui perpétue une structure de positions différenciés mais qui ne maintient pas une élite au pouvoir.

Lipset émet une réserve sur l’aspect bénéfique de la mobilité sociale trop ouverte car il risque d’y avoir une incompatibilité entre les aspiration ascendante des individus issues de l’universalisme et les nécessités structurelles : il parle d’interférence négative. A l’inverse pour Braun et Duncan ne voient que des aspects positifs, c'est-à-dire la satisfaction de leurs aspirations.
            De là on peut voir un véritable clivage ce creuser entre ces deux groupes d’auteur et on peut parler de deux groupes théoriques distincts même s’ils font référence au même paradigme.


3-      Deux discours théoriques distincts mais une référence à un paradigme ambigu.

Ces deux groupes d’auteurs ont, malgré cette petite divergence, les mêmes bases théoriques à l’origine de leur analyse. Fonctionnalisme : la structure sociale permet à la société de subsister et la mobilité sociale permet à la structure sociale d’évoluer et de remplacer les effectifs manquants.
Pour LIPSET ainsi que DAVIS et MOORE, les causes structurelles objectives (qui rendent la mobilité possible à cause d’une loi de l’offre et de la demande sociales) doivent mobiliser les aspirations individuelles (récompenses pour DAVIS-MOORE, motivation à la mobilité verticale par l’ego pour LIPSET).
Mais chez LIPSET, il y a une difficulté à associer les deux éléments (causes objectives et causes subjectives), les individus de par leurs motivations individuelles semblent d’avantage influencer la mobilité sociale : l’égo semble ne pas être en accord avec l’idée que toutes les positions sociales doivent être remplis, on a d’avantage l’impression de deux explications distingues plutôt que d’un système explicatif.
Le paradigme fonctionnaliste chez LIPSET établit bien cette distinction mais de manière trop ambiguë pour qu’elle soit opératoire : il n’y a donc pas d’interprétation individualisante possible (pas total, du moins, vu qu’une partie est psychologisante).
Par contre, BLAU-DUNCAN mette bien l’accent sur l’individualisme de ce paradigme en ne retenant que celui-ci et en le radicalisant. Les facteurs déterminants de la mobilité sociale ne sont plus que de nature individuelle et psychologique : ce sont les valeurs d’achievement et d’universalisme qui orientent ces conduites individuelles vers la mobilité, produisant au final la structure sociale par stratification empiriquement observable.
Chez LIPSET, on met l’accent sur le fonctionnalisme parsonien et analyse la mobilité sociale comme l’instrument nécessaire pour ajuster l’offre individuelle à la demande sociétale. Chez BLAU-DUNCAN, la mobilité sociale est la conséquence de conduites individuelles culturellement orientées, c’est la conséquence des actions des individus qui tentent d’atteindre des objectifs qui leurs sont propres. Dans les deux cas, la vision de PARSONS est acquise : car LIPSET prend en compte les motivations individuelles et BLAU-DUNCAN décrivent ces motivations comme l’intériorisation de valeurs collectives (et entretenu par la société).

Problématiques :
=> LIPSET : lien entre le niveau de développement des différentes sociétés occidentales et leurs taux de mobilité.
=> BLAU-DUNCAN : question de la nature et des facteurs du processus de la stratification sociale.
Logique que l’un et l’autre privilégie qu’une facette du paradigme, mais pour CUIN, c’est peut-être aussi le signe que ces auteurs n’ont pas réussis à rendre les deux facettes opérationnelles.

IV – Conclusion

Identifier le paradigme qui sous-tend ces deux discours théoriques est indispensable pour comprendre pourquoi la mobilité sociale tient une place aussi importante dans les recherches aux USA. Cela explique pourquoi SOROKIN a été oublié et pourquoi c’est BLAU-DUNCAN qui sont les plus proches de l’american creed., devenant la théorie dominante.
SOROKIN : hyperstructuralisme.
BLAU-DUNCAN : hyperindividualisme.

LIPSET et al : comme SOROKIN, ils pensent que la mobilité sociale est un processus de distribution des individus, répondant à une demande sociétale. S’apparente à BLAU-DUNCAN car ils prennent en compte les motivations individuelles et l’évaluation sociale (les rôles sociaux étant évalués par la société).
Empitiquement, LIPSET et al échouent à mettre en place leur conception de la stratification ; hésitation à prendre en compte les causes objectives et les raisons subjectives de la mobilité ; incapacité à distinguer mobilité structurelle (la seule utilisée chez SOROKIN) et mobilité nette (la seule dinstingué chez BLAU-DUNCAN).
=> La sociologie américaine a donc du mal à prendre en compte à la fois les structures sociales et les conduites des acteurs.

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