vendredi 10 février 2012

Médiévale 09 - 02 (cours 1)





Représentation de Charles Martel à la bataille de Poitiers



Charles Martel et la consolidation de la puissance franque (714 – 741)



Cette première moitié du VIII° siècle se caractérise par la prise de pouvoir des maires du palais sur le roi. Cela va de paire avec une évolution de la société. Ce mouvement est déjà entamé par le père de Charles Martel, Pépin II. Quelles furent les méthodes qu'ils employèrent pour l'avènement des Carolingiens ?



  1. La montée en puissance des Pippinides

Les Carolingiens sont avant tout des héritiers et ont reçu les fruits de leurs ancêtres, les Pippinides. Leurs ancêtres ce sont Pépin de Landen (ou Pépin I ou Pépin l'Ancien) et Arnould, évêque de Metz.
A l'origine de leur fortune, il y a l'alliance entre les deux grandes familles de ces ancêtres. Mais ces familles ne sont pas des lignages, il n'y a pas de dynastie puisqu'il n'existe pas de droit d'ainesse, on se partage tout. La famille c'est certes la famille proche mais aussi les parents d'une même génération qui sont considérés comme cousins. On a donc de vastes réseaux de personnes qui se reconnaissent du même groupe et participent à des rituels (banquets) ou en soutenant des parents en difficultés. Il y a certes des liens du sang, mais il existe aussi des amis, au sens qu'ils ne sont pas liés par le sang mais appartiennent à la famille. On renforce le lien par les mariages ou les parrainages. Du coup la grande famille c'est la famille au réseau très étendu.
On peut caractériser ces familles par leurs terres. Arnoult de Metz a sa famille dans la Moselle et le Rhin moyen (actuelle Lorraine). Mort tôt et vite considéré comme saint à une époque ou le pape ne le décidait pas, mais où la sainteté tenait à la rumeur populaire (miracles sur la tombe). Cette famille compte dans ces ancêtres un individu exceptionnel.
L'autre branche domine l'actuelle Belgique.

Pépin et Arnoult marient leurs enfants Begga, la fille de Pépin, et Anségisel, le fils d'Arnoult. De cette union, on a union des famille et par là une concentration des terres des deux branches. Cela restera longtemps un lieu central historiquement des biens patrimoniaux.
Cet héritage est renforcé par des monastères, relais spirituels qui permettent de créer un centre. Nivelles et Stavelot sont crées de toutes pièces. Ces éléments ecclésiastiques sont des éléments importants de la politique familiale. Dans ces régions on trouve des commerçants qui entrent dans le réseau se font amis de la famille en espérant gagner des biens en retour. On trouve donc la famille des Widonides (Guy), celle des Rupertides (Robert, ancêtres des Capétiens) ou encore la famille des Chrodegangs (aujourd'hui disparue).

Cette politique se renforce encore sous Pépin II qui se marie avec Plectrude, fille du duc Hugobert, qui amène des possessions terrestres à la frontière du Rhin et de la Moselle. Il y a donc une forte concentration d'un héritage foncier, politique, religieux, … L'objectif est de prendre l'Austrasie, ce qui est ainsi fait, puis la Neustrie. Pépin II finit donc le travail en contrôlant toute l'Austrasie tout en étant maire du palais. Pour la Neustrie, elle sera prise en 687 à la bataille de Tertry, Pépin II bat les Neustriens efficacement tout en étant le maire du palais.




  1. Les maires du palais

Le déclin royal se fait par l'appauvrissement du trésor royal, les terres sont épuisées puisque la guerre est arrêtée depuis un certain temps. Mais la royauté s'est aussi affaiblit par les rois mineurs récurrents qui entrainent le règne d'une régence au mieux de la reine, mais aussi souvent du maire du palais. Cet affaiblissement s'explique aussi par les concessions faites aux grands aristocrates dans l'édit royal de 6??. Les représentants du roi seront toujours nommés dans leurs régions d'origine. L'aristocratie craignait qu'on ne parachute des ennemis Austrasiens en Austrasie, pareil chez les Burgondes, … Bref cela renforce le pouvoir local faisant de la mairie du palais une charge vice-royale. Vice veut d'ailleurs dire « à la place ».

Ce maire du palais représente le roi dans le royaume et est intermédiaires entre les aristocrates et le roi. Cette charge prestigieuse est donc un enjeu de combat entre les grandes régions pour y accéder. De cette double lutte, interne aux royaumes de Neustrie et d'Austrasie, mais aussi externe (entre les deux régions), Pépin II sort victorieux.

  1. Les difficultés des maires du palais avec les principautés

L'affaiblissement de la royauté franque a eut pour conséquence une complication du rapport entre maire du palais et ses régions qui se constituent en principauté. L'Aquitaine en particulier s'est nommée en duché par union autour de celui qui deviendra prince des Aquitains, Eudes. Pareil en Provence où on s'organise autour du patrice Anthénor. De même en Thuringe et dans d'autres régions de Germanie souvent apparentés aux Agilolfingiens. Ces derniers sont les fers de lance très hostiles aux Pippinides, ils constituent un autre réseau de leur coté concurrent à celui des Pippinides. Tous ces gens prétendent être fidèles au roi Mérovingien donc ils ne prennent pas de titre royal, pour un autre statut qui est en-dessous, ils reconnaissent ainsi leur appartenance au royaume franc. Ils respectent le roi affaibli mais rejettent le pouvoir potestas du maire du palais. Ils estiment avoir leur pouvoir pour diriger leurs régions.

Pépin II doit donc les attaquer mais n'en a pas les moyens. Il préfère récupérer la plaque tournante du commerce international, la Frise, actuels Pays-Bas, tout du moins une partie. Tout les ans entre 690 et 695 Pépin attaque cette région. Il n'attaque pas en hiver puisqu'ils ont des armées de cavaliers et il n'y a pas assez d'herbes pour les chevaux, donc tout les étés, Pépin attaque pour prendre le port de Dorestad, plus grand port de commerce nordique sur lequel on peut poser des taxes. Il mène alors une politique de colonisation lorsqu'il prend ces terres, qu'il double d'une politique d'évangélisation avec des missionnaires anglo-saxons et des fondations de monastères comme celui d'Echternach (proche de notre Luxembourg), censé former des missionnaires devant partir évangéliser la Frise voire la Germanie. Pépin II inaugure une politique en s'appuyant sur l'Église en particulier les monastères et les missionnaires, ce seront les méthodes employées par l'État carolingien.

C'est donc lui qui fonde réellement la dynastie même si sa mort provoque des soucis de succession puisque tout ses fils sont morts avant lui. Reste Charles, fils de Pépin II et d'une concubine nommée Alpaïde. Il n'est pas bâtard ceci dit puisque à cette époque, tout les fils d'un homme libre peuvent avoir droit à quelque chose. Cependant, Plectrude est de la haute aristocratie et ne veut pas rendre l'héritage de Pépin à un homme qui n'est pas son fils.




  1. Le « principat » de Charles Martel

  1. La mise en place de nouvelles structures

Plectrude fait emprisonner Charles. Elle veut que ses petit-fils prennent le pouvoir de maire du palais et innove en faisant une régence de maire du palais. Cela fragilise le pouvoir et les mécontents se soulèvent (Neustrie et ??? qui prennent l'Austrasie en tenaille). Plectrude fait sortir Charles Martel qui conduit les troupes et écrase les révoltes et en 720.
Il prend alors un titre nouveau « dux et princeps Francorum » (duc et prince des Francs). Charles Martel se dira rarement maire du palais, mais plutôt use de son nouveau titre se plaçant second derrière le roi.
Mais il lui faut développer de nouvelles structures pour augmenter sa force de frappe. A défaut d'inventer, il va généraliser. Pour avoir une armée de cavalerie, noyau dur de l'armée, il faut avoir plusieurs chevaux (chers et fragiles, avec des spécialistes) et des armes. En plus il faut s'entrainer et dans ce cas on ne travaille pas. Il faut donc des hommes libres capables de se dédier à l'armée uniquement. Or cette armée n'est pas celle d'une armée professionnelle. Charles Martel va donc accentuer le processus de vassalité, s'assurer la fidélité et le service militaire d'un homme libre en échange d'une rémunération. L'homme s'engage en se recommandant à un puissant, on parle de commendatio. En échange, le puissant lui remet un bienfait, un beneficium. Celui-ci est concédé en échange du service rendu. Il peut faire vivre sa famille ainsi et avoir son équipement. Charles Martel n'est pas le seul à avoir une armée privée, mais il est le seul à avoir les terres fiscales (de l'État). Il dispose donc de ces terres qu'il redistribue avant de céder les terres de l'Église pour les protéger selon lui, mais bien entendu, l'Église le hait.

  1. La lutte contre les principautés périphériques

La principauté est un territoire gouverné par une dynastie sans titre royal.
En Aquitaine la situation est très difficile en raison des attaques des Musulmans qui ont envahit la Péninsule ibérique en 711. Le duc Eudes doit organiser la défense de la principauté. Il l'organise en luttant contre ces chefs musulmans et en s'alliant avec d'autres chefs musulmans qui luttent entre eux. Cependant, Eudes ne choisit pas les bons alliés musulmans, ceux-ci se feront battre par le wali de Cordoue. Ce dernier fait un raid de représailles de Cordoue à Poitiers en détruisant les églises. Il décide alors d'aller prendre Tours, pour le sanctuaire de Saint-Martin très riche, prétendu patron de la Gaule mais aussi le patron de la dynastie des Mérovingiens. De ce fait, son sanctuaire est très riche. Le 25 octobre 732, le wali de Cordoue et ses troupes font face aux hommes de Charles Martel qui vont faire passer cette lutte comme un rempart contre la chrétienté. Certes il a protégé le sanctuaire de Saint-Martin mais il n'a pas bougé lors des pillages allers, puis retours, des Musulmans en Aquitaine. Son armée par contre va s'en prendre aux principauté d'Orléans et de Sèvres (???) qui sont tombées et leurs évêques furent envoyés en Austrasie pour les punir.

Le souvenir de cette bataille fut réactivé avec la monarchie de Juillet lors de la colonisation de l'Algérie. Le tableau commandé à Charles Steuben doit la représenter mais les anachronismes sont multiples (costumes, …). en 1911, le tableau est repris sans la notion religieuse ce qui permettait de montrer la résistance de la France à l'envahisseur en général (parallèle à faire avec les Prusses en Alsace-lorraine). Aujourd'hui encore cette bataille est très présente dans les groupuscules d'extrême-droite.

Depuis ce moment, Charles Martel va sévir contre la Provence et la Bourgogne. En 736, il monte une expédition contre le patrice Mauronte qui fait appel aux Musulmans de Septimanie pour lutter. C'est le prétexte idéal relayé par la propagande des Carolingiens. C'est la lutte légitime contre des traîtres alliés aux Musulmans. En réalité il a des soutiens dans la région comme la famille ???. Finalement en 739 la guerre se finit et la Provence est matée par Charles Martel malgré des luttes difficiles. Ce n'est pas une lutte entre résidus romains et barbares du Nord. Les alliés de Charles Martel dans le Sud sont nombreux. La lutte contre les musulmans est un excellent prétexte.

Dans les années 730 – 732, Charles Martel reprend les terres d'Alémanie mais ne lutte pas contre les Bavarois, grande famille puissante bien organisée dont en plus le duc a enlevé la fille de Charles Martel sans l'accord du père. Il fera aussi la prise de la Bourgogne, mais se désintéresse de l'Aquitaine.

  1. Nouvelle alliance avec l'Église : le soutien aux missionnaires anglo-saxons

C'est une politique qui s'appuie sur le travail de son père. Il souhaite conquérir le Nord avec l'aide des missionnaires anglo-saxons, en particulier Willibrod et Wynfrid (futur Boniface). L'Église anglo-saxonne fut fondée au VII° siècle et les premiers missionnaires furent formés par Rome. Il y a donc des liens structurels très anciens entre les deux et les anglo-saxons ont une tradition missionnaires dès le départ.
Wynfrid est un moine du Wessex de ses 10 ans à 40 ans. A 40 ans, il décide d'intervenir plus physiquement et s'embarque pour aller en Frise. Il demande alors à Rome, en s'y rendant, le droit d'agir et Grégoire II le reconnaît comme son représentant en 719. Pour l'attacher au siège romain, Grégoire II lui donne le nom de Boniface, un saint romain. Boniface remonte et œuvre en Germanie centrale où il converti les païens. Il revient en 722 à Rome où il est ordonné évêque par le pape pour fonder des églises et ordonné des prêtres. Mais son pouvoir est limité et il demande le droit à Charles Martel qui l'autorise à utiliser toutes les ressources de l'armée franque pour agir en ce sens. Par la suite Grégoire III, nouveau pape, étant le champ d'action de Boniface à toute la Germanie. Il aurait coupé les arbres sacrés du paganisme et en aurait fait des petites églises (transfert de sacralité) comme à Fritzlar. En relation avec le duc bavarois, il christianise la Germanie mais n'oublie pas que son but est la Saxe. Du coup, il fonde à Fulda, à la limite de la Saxe, un monastère carolingien sous autorité directe du pape et de personne d'autre. Charles Martel appuie toujours Boniface et agit donc comme un princeps, surtout que cela se renforce avec les rapports entretenus avec l'Église.

Le roi qui doit convoquer les conciles est appelé à l'aide par Grégoire III, attaqué par le roi des Lombards. En effet, le pape a des territoires en Italie mais est en concurrence avec le roi des Lombards qui a la majeure partie de l'Italie. Seule une bande le sépare pour unir les territoires. Mais en 732 – 734, ce roi s'empare de quatre forteresses qui donnent accès à Rome. La pape assiégé dans sa ville ne peut faire appel à l'empereur byzantin lui aussi malmené. Grégoire III envoie de nombreuses lettres à Charles Martel qu'il appelle son fils et lui donne des cadeaux, des reliques dont des chaînes de Saint-Pierre. Cela aurait beaucoup agité la cour franque qui voyait ces reliques romaines pour la première fois. Du coup on a une modification de la géographie du sacré. On entre dans une phase d'importations massives des reliques romaines. Jusqu'alors c'était surtout des tombeaux. Ces reliques quittant Rome vont vers le Nord de la Gaule et la Germanie. Il y a donc un transfert du sacré vers le Nord, même si ce qui fait la sacré de ces reliques c'est qu'elles viennent de Rome.
Charles Martel s'excuse auprès du pape mais n'interviendra pas puisque le roi des Lombards l'a aidé en Provence et c'est le parrain du fils de Charles Martel. Mais les rapports avec l'Église ne sont pas pour autant brisés.

La puissance de Charles est telle que quand meurt en 737 le roi mérovingien Thierry IV, Charles Martel ne le remplace pas et ne prend pas son titre. En 741, Charles Martel décède et laisse son héritage principal à Pépin et Carloman deux de ses fils. Mais tout deux vont faire face à une révolte aristocrate qui veut un nouveau roi mérovingien. Les deux fils y seront obligés.

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