Représentation de Charles Martel à la bataille de Poitiers
Charles
Martel et la consolidation de la puissance franque (714 – 741)
Cette première moitié
du VIII° siècle se caractérise par la prise de pouvoir des maires
du palais sur le roi. Cela va de paire avec une évolution de la
société. Ce mouvement est déjà entamé par le père de Charles
Martel, Pépin II. Quelles furent les méthodes qu'ils employèrent
pour l'avènement des Carolingiens ?
- La montée en puissance des Pippinides
Les Carolingiens sont
avant tout des héritiers et ont reçu les fruits de leurs ancêtres,
les Pippinides. Leurs ancêtres ce sont Pépin
de Landen (ou Pépin I ou Pépin l'Ancien) et Arnould,
évêque de Metz.
A l'origine de leur
fortune, il y a l'alliance entre les deux grandes familles de ces
ancêtres. Mais ces familles ne sont pas des lignages, il n'y a pas
de dynastie puisqu'il n'existe pas de droit d'ainesse, on se partage
tout. La famille c'est certes la famille proche mais aussi les
parents d'une même génération qui sont considérés comme cousins.
On a donc de vastes réseaux de personnes qui se reconnaissent du
même groupe et participent à des rituels (banquets) ou en
soutenant des parents en difficultés. Il y a certes des liens du
sang, mais il existe aussi des amis, au sens qu'ils ne sont pas liés
par le sang mais appartiennent à la famille. On renforce le lien par
les mariages ou les parrainages. Du coup la grande famille c'est la
famille au réseau très étendu.
On peut caractériser
ces familles par leurs terres. Arnoult de Metz a sa famille dans
la Moselle et le Rhin moyen (actuelle Lorraine). Mort tôt et vite
considéré comme saint à une époque ou le pape ne le décidait
pas, mais où la sainteté tenait à la rumeur populaire (miracles
sur la tombe). Cette famille compte dans ces ancêtres un individu
exceptionnel.
L'autre branche domine
l'actuelle Belgique.
Pépin et Arnoult
marient leurs enfants Begga,
la fille de Pépin, et Anségisel,
le fils d'Arnoult. De cette union, on a union des famille et par là
une concentration des terres des deux branches. Cela restera
longtemps un lieu central historiquement des biens patrimoniaux.
Cet héritage est
renforcé par des monastères, relais spirituels qui permettent de
créer un centre. Nivelles et Stavelot sont crées de toutes
pièces. Ces éléments ecclésiastiques sont des éléments
importants de la politique familiale. Dans ces régions on trouve des
commerçants qui entrent dans le réseau se font amis de la famille
en espérant gagner des biens en retour. On trouve donc la famille
des Widonides (Guy), celle des Rupertides (Robert, ancêtres des
Capétiens) ou encore la famille des Chrodegangs (aujourd'hui
disparue).
Cette politique se
renforce encore sous Pépin II
qui se marie avec Plectrude,
fille du duc Hugobert, qui amène des possessions terrestres à la
frontière du Rhin et de la Moselle. Il y a donc une forte
concentration d'un héritage foncier, politique, religieux, …
L'objectif est de prendre l'Austrasie, ce qui est ainsi fait, puis la
Neustrie. Pépin II finit donc le travail en contrôlant toute
l'Austrasie tout en étant maire du palais. Pour la Neustrie, elle
sera prise en 687 à la
bataille de Tertry, Pépin II bat les Neustriens efficacement
tout en étant le maire du palais.
- Les maires du palais
Le déclin royal se
fait par l'appauvrissement du trésor royal, les terres sont épuisées
puisque la guerre est arrêtée depuis un certain temps. Mais la
royauté s'est aussi affaiblit par les rois mineurs récurrents qui
entrainent le règne d'une régence au mieux de la reine, mais
aussi souvent du maire du palais. Cet affaiblissement s'explique
aussi par les concessions faites aux grands aristocrates dans l'édit
royal de 6??. Les représentants du roi seront toujours nommés
dans leurs régions d'origine. L'aristocratie craignait qu'on ne
parachute des ennemis Austrasiens en Austrasie, pareil chez les
Burgondes, … Bref cela renforce le pouvoir local faisant de la
mairie du palais une charge vice-royale. Vice veut d'ailleurs
dire « à la place ».
Ce maire du palais
représente le roi dans le royaume et est intermédiaires entre les
aristocrates et le roi. Cette charge prestigieuse est donc un enjeu
de combat entre les grandes régions pour y accéder. De cette
double lutte, interne aux royaumes de Neustrie et d'Austrasie, mais
aussi externe (entre les deux régions), Pépin II sort victorieux.
- Les difficultés des maires du palais avec les principautés
L'affaiblissement de
la royauté franque a eut pour conséquence une complication du
rapport entre maire du palais et ses régions qui se constituent en
principauté. L'Aquitaine en particulier s'est nommée en duché par
union autour de celui qui deviendra prince des Aquitains, Eudes.
Pareil en Provence où on s'organise autour du patrice Anthénor.
De même en Thuringe et dans d'autres régions de Germanie souvent
apparentés aux Agilolfingiens.
Ces derniers sont les fers de lance très hostiles aux Pippinides,
ils constituent un autre réseau de leur coté concurrent à celui
des Pippinides. Tous ces gens prétendent être fidèles au roi
Mérovingien donc ils ne prennent pas de titre royal, pour un autre
statut qui est en-dessous, ils reconnaissent ainsi leur appartenance
au royaume franc. Ils respectent le roi affaibli mais rejettent le
pouvoir potestas du maire du palais. Ils
estiment avoir leur pouvoir pour diriger leurs régions.
Pépin II doit donc
les attaquer mais n'en a pas les moyens. Il préfère récupérer la
plaque tournante du commerce international, la Frise, actuels
Pays-Bas, tout du moins une partie. Tout les ans entre
690 et 695 Pépin attaque cette région. Il n'attaque pas en
hiver puisqu'ils ont des armées de cavaliers et il n'y a pas assez
d'herbes pour les chevaux, donc tout les étés, Pépin
attaque pour prendre le port de Dorestad, plus grand
port de commerce nordique sur lequel on peut poser des taxes. Il
mène alors une politique de colonisation lorsqu'il prend ces terres,
qu'il double d'une politique d'évangélisation avec des
missionnaires anglo-saxons et des fondations de monastères comme
celui d'Echternach (proche de notre Luxembourg), censé former
des missionnaires devant partir évangéliser la Frise voire la
Germanie. Pépin II inaugure une politique en s'appuyant sur
l'Église en particulier les monastères et les missionnaires, ce
seront les méthodes employées par l'État carolingien.
C'est donc lui qui
fonde réellement la dynastie même si sa mort provoque des soucis de
succession puisque tout ses fils sont morts avant lui. Reste Charles,
fils de Pépin II et d'une concubine nommée Alpaïde.
Il n'est pas bâtard ceci dit puisque à cette époque, tout
les fils d'un homme libre peuvent avoir droit à quelque chose.
Cependant, Plectrude est de la haute aristocratie et ne veut pas
rendre l'héritage de Pépin à un homme qui n'est pas son fils.
- Le « principat » de Charles Martel
- La mise en place de nouvelles structures
Plectrude fait
emprisonner Charles. Elle veut que ses petit-fils prennent le pouvoir
de maire du palais et innove en faisant une régence de maire du
palais. Cela fragilise le pouvoir et les mécontents se soulèvent
(Neustrie et ??? qui prennent l'Austrasie en tenaille).
Plectrude fait sortir Charles Martel qui conduit les troupes et
écrase les révoltes et en 720.
Il prend alors un
titre nouveau « dux et princeps Francorum »
(duc et prince des Francs). Charles Martel se dira rarement maire
du palais, mais plutôt use de son nouveau titre se plaçant second
derrière le roi.
Mais il lui faut
développer de nouvelles structures pour augmenter sa force de
frappe. A défaut d'inventer, il va généraliser. Pour avoir une
armée de cavalerie, noyau dur de l'armée, il faut avoir plusieurs
chevaux (chers et fragiles, avec des spécialistes) et des armes. En
plus il faut s'entrainer et dans ce cas on ne travaille pas. Il faut
donc des hommes libres capables de se dédier à l'armée uniquement.
Or cette armée n'est pas celle d'une armée professionnelle. Charles
Martel va donc accentuer le processus de vassalité, s'assurer la
fidélité et le service militaire d'un homme libre en échange d'une
rémunération. L'homme s'engage en se recommandant à un
puissant, on parle de commendatio. En échange, le
puissant lui remet un bienfait, un beneficium. Celui-ci
est concédé en échange du service rendu. Il peut faire vivre sa
famille ainsi et avoir son équipement. Charles Martel n'est pas le
seul à avoir une armée privée, mais il est le seul à avoir les
terres fiscales (de l'État). Il dispose donc de ces terres qu'il
redistribue avant de céder les terres de l'Église pour les protéger
selon lui, mais bien entendu, l'Église le hait.
- La lutte contre les principautés périphériques
La principauté est un
territoire gouverné par une dynastie sans titre royal.
En Aquitaine la
situation est très difficile en raison des attaques des Musulmans
qui ont envahit la Péninsule ibérique en 711.
Le duc Eudes doit organiser la défense de la principauté. Il
l'organise en luttant contre ces chefs musulmans et en s'alliant avec
d'autres chefs musulmans qui luttent entre eux. Cependant, Eudes
ne choisit pas les bons alliés musulmans, ceux-ci se feront
battre par le wali de Cordoue. Ce
dernier fait un raid de représailles de Cordoue à Poitiers en
détruisant les églises. Il décide alors d'aller prendre Tours,
pour le sanctuaire de Saint-Martin très riche, prétendu patron
de la Gaule mais aussi le patron de la dynastie des Mérovingiens. De
ce fait, son sanctuaire est très riche. Le 25 octobre 732, le wali
de Cordoue et ses troupes font face aux hommes de Charles Martel
qui vont faire passer cette lutte comme un rempart contre la
chrétienté. Certes il a protégé le sanctuaire de Saint-Martin
mais il n'a pas bougé lors des pillages allers, puis retours, des
Musulmans en Aquitaine. Son armée par contre va s'en prendre aux
principauté d'Orléans et de Sèvres (???) qui sont tombées et
leurs évêques furent envoyés en Austrasie pour les punir.
Le souvenir de cette
bataille fut réactivé avec la monarchie de Juillet lors de la
colonisation de l'Algérie. Le tableau commandé à Charles
Steuben doit la représenter mais les anachronismes sont multiples
(costumes, …). en 1911, le tableau est repris sans la notion
religieuse ce qui permettait de montrer la résistance de la France à
l'envahisseur en général (parallèle à faire avec les Prusses en
Alsace-lorraine). Aujourd'hui encore cette bataille est très
présente dans les groupuscules d'extrême-droite.
Depuis ce moment,
Charles Martel va sévir contre la Provence et la Bourgogne. En
736, il monte une expédition contre le patrice Mauronte qui fait
appel aux Musulmans de Septimanie pour lutter. C'est le prétexte
idéal relayé par la propagande des Carolingiens. C'est la lutte
légitime contre des traîtres alliés aux Musulmans. En réalité il
a des soutiens dans la région comme la famille ???. Finalement en
739 la guerre se finit et la Provence est matée par Charles Martel
malgré des luttes difficiles. Ce n'est pas une lutte entre résidus
romains et barbares du Nord. Les alliés de Charles Martel dans le
Sud sont nombreux. La lutte contre les musulmans est un excellent
prétexte.
Dans les années 730
– 732, Charles Martel reprend les terres d'Alémanie
mais ne lutte pas contre les Bavarois, grande famille puissante
bien organisée dont en plus le duc a enlevé la fille de Charles
Martel sans l'accord du père. Il fera aussi la prise de la
Bourgogne, mais se désintéresse de l'Aquitaine.
- Nouvelle alliance avec l'Église : le soutien aux missionnaires anglo-saxons
C'est une politique
qui s'appuie sur le travail de son père. Il souhaite conquérir le
Nord avec l'aide des missionnaires anglo-saxons, en particulier
Willibrod et Wynfrid (futur
Boniface). L'Église anglo-saxonne fut fondée au VII° siècle et
les premiers missionnaires furent formés par Rome. Il y a donc
des liens structurels très anciens entre les deux et les
anglo-saxons ont une tradition missionnaires dès le départ.
Wynfrid est un moine du
Wessex de ses 10 ans à 40 ans. A 40 ans, il décide d'intervenir
plus physiquement et s'embarque pour aller en Frise. Il demande alors
à Rome, en s'y rendant, le droit d'agir et Grégoire
II le reconnaît comme son représentant en 719. Pour
l'attacher au siège romain, Grégoire II lui donne le nom de
Boniface, un saint romain.
Boniface remonte et œuvre en Germanie centrale où il converti les
païens. Il revient en 722 à Rome où il est ordonné évêque par
le pape pour fonder des églises et ordonné des prêtres. Mais
son pouvoir est limité et il demande le droit à Charles Martel qui
l'autorise à utiliser toutes les ressources de l'armée franque pour
agir en ce sens. Par la suite Grégoire
III, nouveau pape, étant le champ d'action de Boniface à
toute la Germanie. Il aurait coupé les arbres sacrés du paganisme
et en aurait fait des petites églises (transfert de sacralité)
comme à Fritzlar. En relation avec le duc bavarois, il christianise
la Germanie mais n'oublie pas que son but est la Saxe. Du coup, il
fonde à Fulda, à la limite de la Saxe, un monastère carolingien
sous autorité directe du pape et de personne d'autre. Charles
Martel appuie toujours Boniface et agit donc comme un princeps,
surtout que cela se renforce avec les rapports entretenus avec
l'Église.
Le roi qui doit
convoquer les conciles est appelé à l'aide par Grégoire
III, attaqué par le roi des Lombards. En effet, le
pape a des territoires en Italie mais est en concurrence avec le roi
des Lombards qui a la majeure partie de l'Italie. Seule une bande le
sépare pour unir les territoires. Mais en 732 – 734, ce roi
s'empare de quatre forteresses qui donnent accès à Rome. La pape
assiégé dans sa ville ne peut faire appel à l'empereur byzantin
lui aussi malmené. Grégoire III envoie de nombreuses lettres à
Charles Martel qu'il appelle son fils et lui donne des cadeaux, des
reliques dont des chaînes de Saint-Pierre. Cela aurait beaucoup
agité la cour franque qui voyait ces reliques romaines pour la
première fois. Du coup on a une modification de la géographie du
sacré. On entre dans une phase d'importations massives des reliques
romaines. Jusqu'alors c'était surtout des tombeaux. Ces reliques
quittant Rome vont vers le Nord de la Gaule et la Germanie. Il y a
donc un transfert du sacré vers le Nord, même si ce qui fait la
sacré de ces reliques c'est qu'elles viennent de Rome.
Charles Martel
s'excuse auprès du pape mais n'interviendra pas puisque le roi
des Lombards l'a aidé en Provence et c'est le parrain du fils de
Charles Martel. Mais les rapports avec l'Église ne sont pas pour
autant brisés.
La puissance de
Charles est telle que quand meurt en 737
le roi mérovingien Thierry IV, Charles Martel ne le remplace pas et
ne prend pas son titre. En 741,
Charles Martel décède et laisse son héritage principal à Pépin
et Carloman deux de ses
fils. Mais tout deux vont faire face à une révolte aristocrate qui
veut un nouveau roi mérovingien. Les deux fils y seront obligés.
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