Lors Kitchener, premier à pointer du doigt
- Une nécessaire culture critique des images
Plus encore en période
de campagne, l'image devient très importante, elle véhicule les
idées. De même, autrefois les images ont pu faire office de
propagande. Elles ont un pouvoir performatif, ce qui conduit celles
et ceux qui en prennent connaissance à agir d'une certaine manière.
Leur succès à permis leur diffusion. La couverture du London
opinion de Alfred Leete avec « Your
country needs you ». Cette image apparue en
septembre 1914 représente le ministre
de la guerre Lord Kitchener. La grande
Bretagne en 1914 ne connaît pas de circonscription et en entrant
dans cette guerre elle doit recourir à de jeunes hommes pour
renforcer l'armée britannique. Le pays lance donc de grandes
campagnes de mobilisation. Le regard du personnage est accusateur
avec ce doigt tendu vers soi. Ce motif efficace va être repris
ultérieurement. Il semble que cela ait eu un effet fort sur les
Britanniques qui se sont engagés massivement dans l'armée, ils
deviennent la légion Kitchener. En 1915, une affiche de recrutement
similaire est reprise en 1915. En Amérique, ce sera repris avec
Oncle Sam pour 1917
(successivement dans les magazines puis par des affiches. C'est à
ces fins perfomatives que cette image est utilisée puisque le pays
ne peut pas imposer la conscription. L'image elle-même fut parodiée
par la suite « I want out ».
Donc certains thèmes
et motifs photographiques sont durables. Idem pour l'homme au couteau
entre les dents. Parue en 1919,
c'est le grand retour des élections après l'union sacrée. Les
passions politiques se réveillent générant des tensions fortes
dans la société. Les débats polémiques reviennent avec
l'acquittement de Vilain, assassin de Jaurès. A cela s'ajoute
l'ombre portée de la Révolution Bolchevique. On constate partout en
Europe l'apparition synchronique de cette image de l'homme au couteau
entre les dents. Le Bolchevik est hirsute, mal rasé, a des yeux de
déments, du sang sur le couteau, … Produite par le groupement
économique des arrondissements de Seau et de Saint Denis. Ce
thème iconographique va circuler ensuite très fortement. En
Allemagne avec la mort comme communiste pour accentuer le trait. Le
Parti Communisme réagit et retourne cette image avec une mise en
dérision de certains ouvriers communistes propres sur eux défilant
avec ce couteau entre les dents. Bientôt l'homme au couteau entre
les dents va délivrer le monde de l'hydre capitaliste. L'image
est donc fortement détournée (Hitler aura sa caricature avec un
couteau entre les dents). Enfin une photographie de 1959 durant la
guerre d'Algérie prise par Marc Flament, documente à la fois
l'action d'un commando français qui a fait des prisonniers et à la
mise en scène utilisée pour décrédibilisé les membres du FLN en
leur mettant un couteau entre les dents. On rattache l'image du FLN à
celle des Bolcheviks. On a donc là un phénomène
d'intericonicité, les images circulent, sont détournées, reprises
et manipulées. On ne peut prendre les images indépendamment les
unes des autres. Leur effet sur la population renvoie aux images
antérieures.
- Les historiens face aux images photographiques
- L'utilisation de l'image comme source historique, un bilan contrasté
Longtemps, il y a eut
une forme de condescendance à l'égard des historiens qui
travaillaient sur les images. Les textes étaient les véritables
sources, il y avait une hiérarchie dans les sources et l'image
était accessoire. De fait, le contenu des revues historiques
reproduit très peu d'image, et lorsqu'elles le font, c'est pour
illustrer des conclusions auxquelles on a abouti par d'autres
sources. L'image est illustrative voir parfois probatoire.
L'utilisation de l'image comme source est quelque chose à laquelle
les historiens n'ont guère eu recours.
A.
Une pratique ancienne
François Haskell,
L'historien et les images, Paris, Gallimard, 1995.
Peter Burke, The
uses of images as histotical evidence, CUP, New-York, 2001.
C'est une pratique
ancienne chez les médiévistes, les modernistes ou les antiquisants.
Les deux ouvrages cités précédemment font surtout des références
picturales et non des images mécaniques.
B.
Renouvelée dans les années 1970
En renouvelant la
pratique historique, on ressort l'usage de l'image. On donne une
histoire de la vie matérielle et du corps sans recourir au
témoignage des images. Les sources écrites traditionnelles sont
aussi biaisées voire aveugles sur un certain nombre de points.
L'image émerge donc de plus en plus. Avec certains auteurs, on
construit des sujets et des ouvrages sur des photos. En 1983,
Bernard Cousin, Le miracle
et le quotidien : les ex-votos provençaux. Images d'une société,
Aix en Provence, 1983. Il a un corpus presque exclusivement
constitué d'images dans sa thèse. Des gens impliqués dans des
évènements funestes ont produit des ex-votos représentant
des vies quotidiennes et de la part de tragique. Ces peintures en
disent longs sur les mentalités, l'espace perçu et les peurs de
l'époque. Se sont donc des sources, certes biaisées, mais toujours
intéressantes pour déterminer les vies quotidiennes.
Son travail fut pionnier
puisque qu'on utilisait un ensemble de sources iconographiques.
C.
Mais qui n'atteint guère les
historiens du XX° siècle
Les contemporanistes
par contre peinent à user les images parmi leurs outils. Il y a
certes certains travaux ou des expositions occasionnelles (Images
de 1917, Images et colonies), mais cela reste
minoritaire. Les personnalités pionnières sont Laurent Gervereau
par exemple. Dans les années 1970, Marc Ferro fait des travaux sur
le cinéma comme source historique.
- La difficile prise en compte des images d'enregistrement par les historiens du contemporain
A l'époque où la
production d'image mécanique est considérable, les contemporanistes
restent très peu portés sur l'utilisation de ces images.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire