jeudi 9 février 2012

Photo 09 - 02 (cours 2)

Précédemment : Photo 06 - 02






Lors Kitchener, premier à pointer du doigt



  1. Une nécessaire culture critique des images

Plus encore en période de campagne, l'image devient très importante, elle véhicule les idées. De même, autrefois les images ont pu faire office de propagande. Elles ont un pouvoir performatif, ce qui conduit celles et ceux qui en prennent connaissance à agir d'une certaine manière. Leur succès à permis leur diffusion. La couverture du London opinion de Alfred Leete avec « Your country needs you ». Cette image apparue en septembre 1914 représente le ministre de la guerre Lord Kitchener. La grande Bretagne en 1914 ne connaît pas de circonscription et en entrant dans cette guerre elle doit recourir à de jeunes hommes pour renforcer l'armée britannique. Le pays lance donc de grandes campagnes de mobilisation. Le regard du personnage est accusateur avec ce doigt tendu vers soi. Ce motif efficace va être repris ultérieurement. Il semble que cela ait eu un effet fort sur les Britanniques qui se sont engagés massivement dans l'armée, ils deviennent la légion Kitchener. En 1915, une affiche de recrutement similaire est reprise en 1915. En Amérique, ce sera repris avec Oncle Sam pour 1917 (successivement dans les magazines puis par des affiches. C'est à ces fins perfomatives que cette image est utilisée puisque le pays ne peut pas imposer la conscription. L'image elle-même fut parodiée par la suite « I want out ».

Donc certains thèmes et motifs photographiques sont durables. Idem pour l'homme au couteau entre les dents. Parue en 1919, c'est le grand retour des élections après l'union sacrée. Les passions politiques se réveillent générant des tensions fortes dans la société. Les débats polémiques reviennent avec l'acquittement de Vilain, assassin de Jaurès. A cela s'ajoute l'ombre portée de la Révolution Bolchevique. On constate partout en Europe l'apparition synchronique de cette image de l'homme au couteau entre les dents. Le Bolchevik est hirsute, mal rasé, a des yeux de déments, du sang sur le couteau, … Produite par le groupement économique des arrondissements de Seau et de Saint Denis. Ce thème iconographique va circuler ensuite très fortement. En Allemagne avec la mort comme communiste pour accentuer le trait. Le Parti Communisme réagit et retourne cette image avec une mise en dérision de certains ouvriers communistes propres sur eux défilant avec ce couteau entre les dents. Bientôt l'homme au couteau entre les dents va délivrer le monde de l'hydre capitaliste. L'image est donc fortement détournée (Hitler aura sa caricature avec un couteau entre les dents). Enfin une photographie de 1959 durant la guerre d'Algérie prise par Marc Flament, documente à la fois l'action d'un commando français qui a fait des prisonniers et à la mise en scène utilisée pour décrédibilisé les membres du FLN en leur mettant un couteau entre les dents. On rattache l'image du FLN à celle des Bolcheviks. On a donc là un phénomène d'intericonicité, les images circulent, sont détournées, reprises et manipulées. On ne peut prendre les images indépendamment les unes des autres. Leur effet sur la population renvoie aux images antérieures.


  1. Les historiens face aux images photographiques

  1. L'utilisation de l'image comme source historique, un bilan contrasté

Longtemps, il y a eut une forme de condescendance à l'égard des historiens qui travaillaient sur les images. Les textes étaient les véritables sources, il y avait une hiérarchie dans les sources et l'image était accessoire. De fait, le contenu des revues historiques reproduit très peu d'image, et lorsqu'elles le font, c'est pour illustrer des conclusions auxquelles on a abouti par d'autres sources. L'image est illustrative voir parfois probatoire. L'utilisation de l'image comme source est quelque chose à laquelle les historiens n'ont guère eu recours.

A. Une pratique ancienne

François Haskell, L'historien et les images, Paris, Gallimard, 1995.
Peter Burke, The uses of images as histotical evidence, CUP, New-York, 2001.
C'est une pratique ancienne chez les médiévistes, les modernistes ou les antiquisants. Les deux ouvrages cités précédemment font surtout des références picturales et non des images mécaniques.

B. Renouvelée dans les années 1970

En renouvelant la pratique historique, on ressort l'usage de l'image. On donne une histoire de la vie matérielle et du corps sans recourir au témoignage des images. Les sources écrites traditionnelles sont aussi biaisées voire aveugles sur un certain nombre de points. L'image émerge donc de plus en plus. Avec certains auteurs, on construit des sujets et des ouvrages sur des photos. En 1983, Bernard Cousin, Le miracle et le quotidien : les ex-votos provençaux. Images d'une société, Aix en Provence, 1983. Il a un corpus presque exclusivement constitué d'images dans sa thèse. Des gens impliqués dans des évènements funestes ont produit des ex-votos représentant des vies quotidiennes et de la part de tragique. Ces peintures en disent longs sur les mentalités, l'espace perçu et les peurs de l'époque. Se sont donc des sources, certes biaisées, mais toujours intéressantes pour déterminer les vies quotidiennes.
Son travail fut pionnier puisque qu'on utilisait un ensemble de sources iconographiques.

C. Mais qui n'atteint guère les historiens du XX° siècle

Les contemporanistes par contre peinent à user les images parmi leurs outils. Il y a certes certains travaux ou des expositions occasionnelles (Images de 1917, Images et colonies), mais cela reste minoritaire. Les personnalités pionnières sont Laurent Gervereau par exemple. Dans les années 1970, Marc Ferro fait des travaux sur le cinéma comme source historique.

  1. La difficile prise en compte des images d'enregistrement par les historiens du contemporain

A l'époque où la production d'image mécanique est considérable, les contemporanistes restent très peu portés sur l'utilisation de ces images.

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