mardi 14 février 2012

Photo 12 - 02 (cours 3)

Précédemment 09 - 02






  1. La difficile prise en compte des images d'enregistrement par les historiens du contemporain

A l'époque où la production d'image mécanique est considérable, les contemporanistes restent très peu portés sur l'utilisation de ces images. On peut donc dire qu'il y a une invisibilité du visible dans la discipline historique et des historiens du XX° siècle. On a une difficile prise en compte des images d'enregistrement contemporaines.

A. La vitalité des études cinématographiques

Les images d'enregistrement qui bougent sont bien plus vivaces en historiographie. Que ce soit une documentaire ou des films de fiction, le cinéma est un support classiques pour travailler l'histoire. Marc Ferro dès le milieu des années 1970, publie une article dans l'ouvrage de Le Goff et Nora, Faire de l'histoire, tome 2 : nouveaux objets, dans la période de la Nouvelle Histoire, Le film, une contre-analyse de la société. Il y a donc une réelle passion pour ce support : analyses coloniales, avant-gardisme, cinéma russe et propagande politique, … De nombreux historiens se sont démarqués Christian Delage sur le cinéma nazie et la propagande, plus récemment il est revenu sur le procès de Nuremberg. Laurent Veray a lui aussi travaillé sur plusieurs films portant sur la Grande guerre. Enfin Sylvie Lindeperg sur Les écrans de l'ombre, la seconde guerre mondiale dans le cinéma français. C'est donc un champ plutôt bien balayé avec deux manuels de synthèse : Delage et Guiguéno, L'historien et le film ou bien Sand Le XX° siècle à l'écran.

B. Un bilan plus maigre pour la photographie

« Si l'histoire de la photographie est vivace, l'histoire par la photographie demeure infertile » selon Clément Cheroux. Ainsi entre 1929 et 2001, la revue Les Annales n'a publié que deux articles consacrés à la photographie. Pourtant ce domaine est très ancien et cette revue devait impulser des champs d'études nouveaux. Cette réticence du XX° siècle à l'égard de la photographie demeure donc.

Il faut pour mieux comprendre cela, revenir sur la perception de ce média à son époque. On s'est vite intéressé à la valeur de témoignage que procurait la photographie. L'idée qui s'impose est que par opposition à la peinture, la photographie ne ment pas. Elle est exacte, indexée sur le réel et est un enregistrement du réel. Tout les contemporains ont insisté sur le caractère mécanique de l'enregistrement avec un document incontestable, miroir exact de la réalité. Peu ou prou, cette idée a empoisonné jusqu'à aujourd'hui les relations entre historiens et photographies. « La photographie emporte la conviction. Comment aurait-elle pu ne pas être vraie ? ». Il y a un effet de réel très fort de la photographie et il semble largement faire consensus.
On parle alors d'indicialité, Barthes parlant du « ça a été ». Dans une photo on ne peut pas nier que l'image a eut réellement lieu. Cette idée que l'image est du coté de la technique, cela va entrainer les historiens à avoir une vision simpliste entre d'un coté un texte biaisé et subjectif et la photo vraie qui devient une preuve, une illustration, Paul Valéry va dans ce sens. Cela reste pourtant largement contestable. Cette idée va expliquer l'usage très probatoire de la photographie et la presse écrite qui saura s'en servir mieux qu'un autre (Paris Match « Le poids des mots, le choc des photos »).

Bien entendu cela est largement contestable, aujourd'hui il n'y a plus grand monde pour soutenir cette thèse ne serait-ce que par la retouche photographique. On a donc une plus grande méfiance à l'égard des images dorénavant. Surtout que les opérations se complexifient avant de publier l'image même. Autant il y a dix ans, on avait confiance en une image, autant aujourd'hui on a de la méfiance sur ce sujet. On distord effectivement la notion de beauté dans les images, l'icône de la femme est construit. Tout le monde aujourd'hui en a conscience. (cf pub Dove ou Peugeot) L'idée est qu'en étant perfectionniste de nos images, on est aussi perfectionniste de nos mécaniques. La retouche est perçu d'une manière nouvelle, alors qu'elle était une rupture du contrat photographique chez les photographes professionnels, ici la retouche est valorisée. Toutes les vidéos ont en commun une idée, le processus de production des images s'est opacifié en même temps qu'il s'est complexifié. Aujourd'hui, on ne nie plus le travail derrière l'image, les historiens comme les populations ne nient plus la production humaine de l'image.
Un nouveau point de vue émerge chez les historiens d'aujourd'hui, toute photographie est considéré comme une construction de la vision. En effet, qui dit considéré la photographie comme une construction de la vision cela nous mène à considérer la dimension politique, idéologique, culturelle, économiques, … Brutalement en prenant tout cela compte, alors on entre dans le domaine de l'histoire par la richesse de ces interprétations. La dimension technique n'est pas négligeable.
Par exemple, le Photographic Van de Roger Fenton, un des premiers photo-journalistes issus d'une famille aristocratique fortunée. Il a donc l'argent, le temps et les connaissances suffisantes pour se lancer dans ce projet. Il décide d'accompagner le corps expéditionnaire en Crimée (Anglais, Français, Ottomans) qui s'attaque à la Russie tsariste envahissant l'Empire Ottoman. Il fait donc des photographies de la guerre, mais celles-ci mettent plusieurs dizaines de secondes à être prises. On a donc un flou assez décevant sur ses photos. Son Photographic Van est son laboratoire puisqu'il se constitue d'une grosse chambre. Dedans, les plaques sont faites de collodion humide qui doivent être préparées quelques minutes avant la prise, d'où la nécessité d'avoir ce laboratoire tout prêt pour le préparer puis pour les développer. Son rayon d'action est alors réduit. Lorsqu'on commente une image photographique des années 1850, il faut le ramener aux conditions techniques de production. L'image du zouave et des deux officiers français est spéciale puisque les officiers devraient avoir le zouave au garde à vous, au contraire il est particulièrement détendu. L'explication est simple, au garde à vous, le zouave n'aurait pas tenu les 20 secondes de pose. Du coup, la solution fut de lui faire prendre appui pour qu'il se stabilise.
Lewis Hine qui voulait dénoncer le travail des enfants aux USA prend une photo avec son ombre portée dans le champ. On voit aussi l'appareil qu'il utilise, l'appareil est conséquent, donc l'acte photographique va avoir un effet sur la scène représentée : les gens vont poser. Cette photo représente tout sauf une photographie sur le vif (Lewis a du parler avec l'enfant pour la préparer, il a fallut installer le trépied, …). L'ombre portée met bien en évidence le rôle et l'influence du photographe. La dimension technique est donc essentielle.
Dans la photo d'un Life (Sentez la poudre) prise sur le vif lors de la guerre du Vietnam. Impossible de la voir dans les années du début du XX° siècle, Seule l'avancée technique le permettait. Mais la dimension est aussi économique. Burrow répond à une commande du magazine Life plusieurs millions d'exemplaire, un vrai empire avec une attente du public pour avoir des photos sur cette guerre. Burrows sait déjà le type d'images qu'il doit ramener pour satisfaire l'empire et son public. Il faut donc ramener le tout à l'ensemble de la chaîne de production de la photo.
Lewis Hine qui nous montre un tenement, lieu où s'entassaient les immigrés (ici Italiens). Cette image est au service d'une cause politique avec un discours sous-tendu, celui des progressistes, des réformistes du début du XX° siècle. Ils dénoncent les conditions de vie du Sud-Est de Manhattan, menaçant l'ordre social des USA. Il faut donc séparer les activités artisanales et la résidence. Au sein d'un même espace on des pratiques différentes : espace de travail et espace domestique. On voit donc le programme progressiste dans cette image. C'est le point de vue d'un progressiste sur le logement ouvrier. Il y a aussi un effet politique et social dans les photographies. Surtout qu'il manipulait ces images pour établir des affiches.
La une de Libération (elle couve elle couve la banlieue) a provoqué un débat sur cette image jusqu'à faire une tribune pour mettre en évidence le biais de l'image en contradiction avec le biais politique du journal. On est du coté des gendarmes dans les émeutes alors que Libération serait plutôt à soutenir les revendications des banlieusards. Là encore le choix politique de la prise de vue est très fort. Cela nous renvoie à des usages, des pratiques politiques. On a des pratiques sociologiques (photo de mariage, de classe, …). Tout ces rituels montrent que la photographie est tout sauf un fragment de réel. C'est une construction de la société.

(A replacer)
Les images d'Epinal étaient fabriquées à Epinal par Pellerin et elles se constituaient comme de petites affiches qui se diffusaient et étaient punaisées sur les murs par les gens. Ici on est entre 1830 et 1880 avec une représentation qui embrasse Tunisie et Algérie. On peut voir les stéréotypes véhiculés par l'époque avec un soldat français dans une attitude héroïque et humanitaire tandis que les Arabes représentent le mal. Il faut donner une vision acceptable de l'action coloniale et des colonisateurs. On a donc alors des topoïs qui vont longtemps imprégner l'imaginaire social.
Une autre image qui paraît durant la campagne pour le chancelier du Reich en 1932. Peu d'écriture « Notre dernier espoir : Hitler ». Tout les individus sont soucieux on trouve des ouvriers, des classes urbaines, des retraités, des malades, des femmes et des enfants. On a une grande diversité d'âge et cette image fait un effet miroir. Le ressort de cette image est celle d'un processus d'identification, chacun peut s'y retrouver. On a assez rarement d'informations sur la réception des images photographiques. Cette réception doit être toujours prise en compte dans l'analyse des images. Pour notre affiche, on a un témoignage avec une photographie. Celle ci représente l'impact visuel de cette affiche tout juste posée sur une colonne Maurice à Berlin. La manière dont on perçoit le visuel n'est sans doute pas la même puisque cette image fait qu'on s'arrête dans la rue pour l'observer depuis une foule.

Pour l'affiche sortie du Centre de propagande de la Révolution Nationale publiée sous Vichy, on a une forme de programme politique expliquant la Révolution Nationale. On a un document binaire qui rappelle les images de type ex-voto. De plus à gauche avec les tons rouges (communiste), on a l'étoile juive et les trois points des Francs-maçons. Tout cela préside à l'effondrement de la France. Parallèlement on a les sept étoiles du grade de Maréchal en haut à droite, sorte de deux ex machina. Le Maréchal préside à la prospérité d'une France reconstruite. Mais on ne connaît pas les réactions de cette affiche et pour cause, elle n'a jamais été diffusée. Donc les manuels scolaires qui s'en servent abondamment n'en ont pas pour autant de valeur idéale.

Les images du 11 septembre ont les mêmes conséquences, elles sont transgénérationnelles puisque chacun se souvient de ce qu'il a fait. Mais cela fut aussi manipulé notamment par les terroristes qui les ont massivement diffusées de par le monde. Cela permettait de faire venir les médias et cette mise en scène fut orchestrée puisque après le premier avion imprévu, le second avion lui a toujours été médiatisé. Il s'agit d'humilier les USA, mais en plus de doublement l'humilier en en faisant un spectacle mondial. Le pouvoir des images devient alors phénoménal.


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