mercredi 8 février 2012

Sociologie de l'entreprise et de la mobilité - CM - Introduction générale (début)

Sociologie des entreprises et de la mobilité – CM (IAZYKOFF).

Introduction

Dans la théorie de la mobilité, il y a trois dimensions : sociale (dont l’école), professionnelle et dans l’entreprise. Que l’on retrouve dans le plan.

Ce cours est basé sur un travail de recherche personnel de plusieurs années du prof. C’est une approche par la sociologie de l’organisation. C’est une méthode opératoire pour analyser le monde de l’entreprise, c’est une sociologie pratique. Les sociologues connaissent mal l’entreprise, ils restent peu de temps dedans, certains se posent la question de ce qu’il advient pour les individus qui restent dans l’entreprise. Le lieu du travail est un lieu d’apprentissage, où l’identité peut évoluer (SAINSAULIEU). Est-ce que lorsqu’on rentre dans l’entreprise, on apporte quelque chose de particulier à l’entreprise ? L’entreprise, c’est aussi un lieu où il y a des relations de pouvoir (CROZIER).

Quels sont les thèmes que nous allons traiter ?
La réussite sociale et ses conditions d’une part, l’insertion au travail, l’intégration, la notion de carrière, le tutorat en entreprise. La compétence avec la GPEC (Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences). Ce cours est plutôt axé sur l’aspect dynamique plutôt que l’aspect stratificationniste.

En quoi l’entreprise joue un rôle dans la mobilité sociale et dans la réussite sociale ?
Est-ce qu’il y a une mobilité spécifique à l’entreprise et en quoi consiste-t-elle ?
Est-ce qu’il y a un enjeu entre ces deux questions ?

Le désir de réussite sociale passe par une réussite professionnelle. Aujourd’hui, les nouveaux arrivants sur le marché du travail cherchent à avoir un équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Est-ce que la place accordée au travail est une chose qui va croissant alors qu’on lui accorde une importance relative ? Est-ce que le désir de réussite est autre que la réussite professionnelle ? Peut-on réussir autrement qu’en se sentant bien dans son travail ? (MEDA).
La mobilité sociale était représenté comme une échelle à deux niveaux : ceux en haut et ceux en bas. Le prince et la bergère. Il y avait un certain fatalisme dans la société, on restait dans sa classe sociale (féodale). Puis est apparue une classe moyenne avec les cols blancs aux USA, les employés.
Il y a donc une complication des échelles de la mobilité sociale : il y a ce qui est inné, ce qui est transmis, ce qui est acquis. On a l’image du « self made man ». On considère que la culture joue un rôle dans la situation sociale : les études et les diplômes ont un rôle, on parle d’intellocrates. La politique, la télévision, etc. La mobilité sociale est donc plus complexe qu’auparavant.
Dans les pays anglosaxons, on résonne en trois classes : uppermiddle et lower class. Maintenant, ces trois niveaux sont démultipliés, on parle de upper upper class.

Par les diverses formes du phénomène de mobilité sociale, on peut dire qu’elle renvoi à plusieurs champs. Cela renvoi d’abord à une idée de déplacement dans le champ géographique. C’est aussi la capacité de se mouvoir, de bouger, c’est être mobile mais c’est aussi le fait d’être bougé. On pense aussi au fait que c’est une aptitude au changement avec la mobilité sociale. Aujourd’hui, la mobilité symbolise le dynamisme, ce qui en fait une vertu.

Est-ce qu’il y a une logique derrière cette variété de mobilités ?
La réponse est oui. On a trois niveaux de réponse.
- La mobilité est un évènement, c’est la manifestation d’un processus. Quelque chose qui est peu claire au début fini par donner de la mobilité. Les premières approches sont des théories factuelles qui traitent des faits de mobilité. C’est la conséquence d’une série d’action qui se sont traduit par un changement. C’est un déplacement physique mais aussi psychologique entre deux types de sentiments. La mobilité, c’est aussi l’évolution par rapport à un statut d’origine (sociale).
Les faits de mouvement peuvent se combiner. Il y a de la mobilité liée à l’économie entre pays mais aussi dans le pays lui-même. Mobilité internationale et mobilité intrarégionale.
- La mobilité comme processus. On parle de mouvements sociaux, c’est des mouvements latents avec des sous-cultures. On peut aussi parler de la mobilité des élites (PARETO). De même, on peut parler de la reproduction sociale avec le fait que la société bloque certains mécanismes de mobilité. On s’intéresse plutôt aux conditions du mouvement. C’est des théories factorielles. On cherche à expliquer les mouvements par des structures qui vont générer un certain mouvement et une certaine structuration des hiérarchies sociales. C’est une analyse plutôt fonctionnaliste. Certaines organisations servent de promoteurs sociaux comme l’armée et l’Eglise. Le mode de vie joue sur la mobilité. Le mariage, les jeux d’argent, les réussites artistiques ou sportives, même si ce sont des facteurs secondaires du point de vue fonctionnaliste.
- La mobilité comme une valeur. On s’interroge sur le sens de la mobilité, ainsi que sur l’idéologie qui peut-être cachée derrière l’idéologie. Dire qu’une génération a une meilleure place dans la société que la précédente, c’est déjà dire quelque chose. On parle de la viscosité de la stratification sociale (ou de la fluidité). La mobilité peut être un projet, tous les individus ne sont pas égaux devant la mobilité. Un groupe qui réussit peut changer le comportement du groupe. La mobilité peut aussi produire une désagrégation familiale. ERNAUX : romancière qui explique que comme elle fait des études, alors elle ne peut plus parler avec ses parents car ils sont trop différents. La mobilité engendre des comportements de surconsommation et une radicalité politique. Etre mobile, aujourd’hui, c’est une qualité mais la notion de statut acquis (opposé du statut assigné) prend de l’importance, rendant l’individu responsable de son évolution, de sa mobilité et donc de sa non mobilité.

La mobilité apparait comme un outil de gestion aux mains des directions des entreprises.
Pourquoi ? Aujourd’hui, c’est la crise, après la crise des 20 piteuses. L’exode rural a vidé les campagnes. L’immigration de main d’œuvre. C’est la fin du mirage urbain et le début d’un retour à la campagne. La mobilité s’est accentuée grâce aux transports, certains travaillent loin de leur domicile. Avec le télétravail, on peut aussi travailler à domicile. Le cadre est devenu un SBF, sans bureau fixe. L’entreprise est de plus en plus présente, notamment dans le recrutement.
Beaucoup de facteurs interviennent, obligeant l’entreprise à changer ses approches. Aujourd’hui, la situation professionnelle n’est plus garantie, même dans la fonction publique, avec la mobilité ministérielle. Les notions de métiers et de carrières n’est plus aussi courante, on dit aujourd’hui qu’il n’est plus possible aujourd’hui de faire le même métier à vie.

Les entreprises utilisent donc la mobilité. Pour gérer les sureffectifs, les transferts et les reconversions d’entreprises. On l’utilise dans les délocalisations, les restructurations, dans la gestion prévisionnelle des compétences. La mobilité est un outil pour motiver et stimuler les salariés.
Il y a aussi des résistances à la mobilité, la mobilité est perçue comme une contrainte. Des nouveaux salariés viennent changer la donne en désirant des choses nouvelles, comme un travail intéressant pour les jeunes arrivants sur le marché de l’emploi. Ces jeunes ne se commandent pas de la même façon que les anciens jeunes.

Conclusion de l’introduction :
Il y a une autre lecture possible des phénomènes de mobilité. Il faut utiliser les approches de la mobilité sociale et de la mobilité professionnelle pour parler de la mobilité en entreprise.

Première partie : Les théories de la mobilité.

I-                   Mobilité et société.

La mobilité sociale désigne les mouvements des individus ou des unités familiales à l’intérieur du système des CSP. D’autres auteurs parlent de mouvement à l’intérieur du système des classes sociales, ce qui est moins précis de nos jours.
Dans la conception fonctionnaliste, la mobilité représente un support du maintien de la répartition des CSP. La mobilité a une fonction reproductrice, la société devant continuer à fonctionner comme elle le fait. A travers une telle approche, il y a une hypothèse centrale : la société détermine l’existence, la nature et les flux de la mobilité pour assurer son propre fonctionnement.
Les premières études de mobilité ont mis en avant ce que l’on appelle la mobilité structurelle.

1-      Le rôle central de la mobilité structurelle.

La mobilité intragénérationnelle concerne les personnes qui s’élèvent ou qui baissent dans la hiérarchie socioprofessionnelle ou qui n’occupent pas la même place au début et à la fin de sa vie professionnelle.
La mobilité intergénérationnelle repose sur la profession de ces individus d’une génération donnée à la profession occupée par leur père au même âge.

La mobilité intergénérationnelle pose la question de la structure de la société : des évolutions supposent une évolution de la structure de la société.
On peut observer cette structure dans la répartition des professions. On a observé la diminution du secteur agricole qui est accompagnée d’une industrialisation : un appel d’air des villes et des usines a ponctionné la campagne. Le secteur tertiaire et son développement a provoqué de la mobilité et du mouvement. Aujourd’hui, on observe la même chose avec les professions libérales.
La mobilité qui résulte des changements structurels s’appelle sobrement la mobilité structurelle. Cela rejoint l’idée que c’est la société elle-même qui engendre la mobilité sociale, qui détermine la nature et la force de la mobilité pour pouvoir se maintenir tout en se modifiant.

Cela implique de poser la question des déterminants structurels sociétaux du mouvement : qu’est-ce qui joue sur la mobilité structurelle ?
Les travaux sur ce domaine ont fait émerger des paradoxes relatifs à ces évolutions :
PARETO a produit la théorie de circulation des élites. Son idée est repose sur l’interrogation du fonctionnement de la société qui maintient son fonctionnement par la mobilité de ses membres. Il pense que l’absence de mouvement interne produirait une crise. Les élites doivent se régénérer par des apports sociaux nouveaux venus des couches inférieures, c’est l’idée du sang neuf. PARETO constate que les couches supérieures de la société tendent à se maintenir dans une position dominante en confisquant le pouvoir à leur profit, en provoquant ainsi une crise. Il invoque l’histoire et le cimetière des aristocraties.
ELIAS travaille sur la théorie de la circulation des modèles entre la cour et les bourgeois montants. Les bourgeois ont commencé à ressembler aux nobles, ces derniers définissant le fait qu’ils n’ont pas les mêmes valeurs, qu’ils ont en commun la richesse. C’est le sentiment de délicatesse qui a fait la différence entre les nobles et les bourgeois. Les modèles changent car les bourgeois veulent ressembler aux nobles, ceux-ci voulant se distinguer.
SOROKIN invente la sociologie de la mobilité sociale. Il regarde quels sont les moyens dont use la société pour assurer sa continuité et quels sont les mécanismes qui régulent le mouvement. Il pense que toute société sécrète des mécanismes institutionnels complexes dans lesquels les individus sont guidés d’une position sociale d’origine (PSO) à une position sociale d’arrivée (PSA). Il existe des « instances d’orientation » ou des « agences de sélection », des « filtres », des « tamis » et des « canaux » qui ont une double fonction : ils servent à assurer une certaine continuité des structures sociales tout en faisant en sorte que la « distribution statistique des attentes et projets des individus » ne soient pas trop éloignés des possibilités objectives offertes par les structures.

La société doit alors maintenir une mobilité ascendante pour se maintenir. Des structures doivent alors sélectionner les individus, les disposer, les orienter et les distribuer. Dans notre société, c’est l’école qui a ce rôle-là, elle doit redistribuer les individus à des places de la société.
BOUDON montre que les instances qui devraient tenir ce rôle ne le font pas toujours bien. Il a étudié la mobilité dans plusieurs pays et à différents moments historiques. Les mobilités sont identiques pour des structures différentes : les structures ont le même impact alors qu’elles fonctionnent différemment.
Le paradoxe d’ANDERSON : si on permet par l’école une distribution des diplômes plus importante par le passé, on n’a pas (forcement) à changer la structure de la société.  La conséquence est la dévalorisation relative des diplômes. La mobilité sociale est quelque chose de différent que l’addition de mouvements structurels. 40% des mouvements sont dus à des mobilités de structure.
Il faut donc compter avec d’autres mouvements, non structurels, qui produisent de la mobilité. Qu’est-ce qui peut jouer mais qui n’est pas structurel ?

Aparté :
La mobilité parfaite : c’est l’idéal d’une société fluide. Cela suppose que la position sociale des fils est totalement indépendante de la position sociale du père.

=> Par l’appartenance à un groupe social.
Dans l’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme, WEBER montre que les protestants s’enrichissent grâce à la croyance envers leur Dieu. Les protestants croient adorer leur Dieu, en fait ils s’enrichissent.
=> Les expériences individuelles.
Les mémoires en cours …
=> Les idéologies.
Cela modifie les perceptions de réussite.
=> L’addition de comportements individuels provoque des effets pervers (BOUDON).

L’école a donné deux visions du sujet :
BOURDIEU => l’école est manipulé par les élites.
BOUDON => l’école est une structure qui évolue indépendamment d’une idéologie.

2-      Institution scolaire et reproduction sociale.

Première chaire de sociologie en France, sociologie de l’éducation à Bordeaux avec Durkheim. La sociologie s’est donc d’abord développer avec l’éducation.

Sachant que les USA et la France ont la même structure, comment cela se fait-il que l’étude de la mobilité est différente en France et aux USA ? Chez CUIN, il explique que la mobilité sociale a été étudiée selon l’angle de vue de SOROKIN alors qu’en France elle a été étudié selon l’angle de l’école. CUIN montre que l’institution scolaire occupe dans la sociologie française la même place fonctionnellement nécessaire que celle occupée par la mobilité sociale aux USA. Pour CUIN, l’étude de la mobilité sociale aux USA et l’étude de l’école en France permettent de légitimer l’ordre sociale existant au nom des idéaux démocratiques que ces structures revendiquent.
On perfectionne l’école en allongeant la durée d’étude mais cela ne change pas la structure sociale, même si cela permet des mobilités sociales (individuelles).

Ces mécanismes de reproduction sociale ont des explications différentes selon les auteurs : tous les auteurs ne pensent pas la même façon l’école.

BOURDIEU explique que l’école est une série de conditionnements. Dans la reproduction des héritiers, il explique avec PASSERON comment la classe dominante reproduit sa domination à travers l’école. L’école porte une culture dominante, ainsi les enfants de la classe dominante sont facilités car ils ont déjà les codes de la culture scolaire. L’école reproduit la société sous couvert de permettre la promotion des jeunes, l’école se dit utile à l’individu en lui permettant une place dans la société selon une logique méritocratique.
Tout d’abord, les élèves ne sont pas homogènes. Ils sont plus ou moins proches des valeurs de l’école. Si l’élève est proche de la culture dominante, il va jouer à un jeu. Si l’élève est d’une autre culture, alors il ne va pas jouer, il va considérer l’école comme une contrainte. L’école considère les individus comme égaux face au système alors qu’ils sont, dès le départ, inégaux. L’école favorise donc des acquis. L’école répond à des conditionnements :
=> Un conditionnement économique : l’école ne rapporte pas d’argent au foyer ouvrier. La troisième voie de l’ENA ouverte aux élèves méritants des banlieues n’est pas un succès. 90% des élèves de l’ENA proviennent de 5% de la population.
=> Un conditionnement culture : on n’accorde pas la même valeur culturelle à l’école. Les élèves des classes sociales défavorisées n’attendent pas d’être éliminés de l’école par un échec à l’examen, ils ont plus de chances de s’éliminer eux-mêmes en ne tentant pas une classe supérieure. Il y a un effet de dissuasion de l’origine sociale.
=> Un conditionnement symbolique : l’école et l’université répondent en théorie à des règles de fonctionnement internes qui sont autonomes, c’est l’école qui définit le bon élève. Le recrutement scolaire à l’université se fait par le BAC, par l’examen et le concours. Cela repose sur un idéal méritocratique, on croit tous que c’est ainsi. En réalité, ces règles contribuent à renforcer la relation avec les dominants, en la masquant. Les critères que nous pensons méritocratiques sont en fait des acquis sociaux en dehors de l’école. Le professeur note une chose qui vient de l’origine sociale de l’étudiant, l’habitus de l’étudiant. Le degré d’adhésion au jeu intellectuel et aux valeurs n’est jamais indépendant de l’origine sociale. Il ne suffit pas d’apprendre, il faut vivre la culture scolaire. Qui va au théâtre, joue du violon, lit des livres et va au musée ? L’école fait percevoir comme légitime le classement qu’elle opère.

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