Livres et écrits dans la France d’Ancien Régime
Introduction
L’idée
est de voir la société d’Ancien Régime à travers le filtre des rapports que
cette société entretenait avec l’écrit. On débute avec l’invention de l’imprimerie
qui présente la modernité de notre période. Cela est d’autant plus valable qu’elle
se diffuse très rapidement dans toute l’Europe et dès le XV° siècle, c’est une
industrie présente dans toute l’Europe et elle devient un métier avec son
univers professionnel. Les objets issus de ce métier sont donc extrêmement
présents dans la société.
De manière plus
large, ce cours se centre sur la place de l’écrit dans l’Ancien Régime. Cette
pratique est rare, plutôt réservée aux clercs essentiels tant à l’Eglise qu’au
pouvoir séculier, en-dehors de ce monde
d’Église (qui comprend le monde savant), on a le monde princier et
aristocratique et enfin le monde des marchands avec les comptabilités écrites. L’écrit est donc important pour la
domination mais n’est donc activé que par un petit monde.
Au
XIX° siècle, l’alphabétisation de masse fait du monde celui où l’écriture et la
lecture sont la norme. C’est là que l’Ancien Régime trouve son originalité. L’alphabétisation
se répand mais reste minoritaire alors que pourtant cela reste essentiel pour
progresser en société
(particulièrement avec la puissance de l’Etat : publications royales,
administrations fonctionnant sur l’écrit et obligeant les administrés à agir
comme tel). Une population partiellement
alphabétisée alors que ce monde gagne en écrit. C’est en ville que se trouve
donc le siège des pouvoirs, lieu de résidence des élites et siège des lieux d’éducation.
L’écrit
est partout dans ce monde urbain, mais il y a des partages sociaux liés à
la maîtrise de l’écriture et des partages sociaux liés à la pratique des
demandes des professionnels. L’écrit se distingue mal des imprimés et les deux
sont très liés.
Ce
cours essaye de regarder la société d’Ancien Régime via trois spécificités :
alphabétisation accrue mais inégale, écrit de plus en plus utilisé et
nécessaire, et culture de l’imprimé en développement.
L’idée est d’associer
autour des usages de l’écrit plusieurs usages de l’histoire.
Une
des questions générale est de déterminer les conséquences d’une pratique écrite
de plus en plus courante. On envoie donc balader un certain nombre de
raisonnements incorrects : l’évidence de l’impact des livres et des grands
livres sur la société,
l’augmentation de la présence des livres leur donne forcément plus d’impact. Ce
présupposé se retrouve beaucoup en histoire culturelle, mais aussi en histoire
politique (les grands philosophes seraient populaires). Une autre fausse évidence est celle de l’histoire culturelle bien
séparée dans la société entre élites et classes populaires. Il y a certes
une inégale répartition des livres et de l’écriture. Mais cela n’est pas l’unique
critère, on constate d’ailleurs que ce sont les mêmes livres mis à la
disposition de lecteurs populaires. Face à ses évidences discutables, on va
retrouver un certain nombre de questions.
Comment mesurer l’importance
des livres dans tel ou tel milieu social ? Recenser les bibliothèques dans
l’héritage ne suffit pas. Certains louent leurs livres ou les empruntent.
Comment
les livres et les imprimés en général s’adressent-ils à des lecteurs ? On tourne autour des écrits en
tant qu’ils sont des objets produits en tant que logique commerciale. Un
pamphlet de quelques pages mal imprimé dans une période d’instabilité
politique, ne s’adresse pas et ne cherche pas son lecteur comme un gros volume
de théologie. Les lecteurs ne seront pas radicalement différents. Les livres
sont des objets qui au cours de leur processus de production ont différents
objectifs. Objectifs commerciaux destinés aux élites / aux classes plus
modestes, … Les livres programment donc
d’une certaine manière leurs lecteurs mais programment aussi un certain type de
lecture. Les pamphlets de la Fronde associent des textes qui peuvent se
chanter sur des airs connus inscrits en dessous. Du coup, par la chanson cela
peut transmettre les textes à des individus analphabètes.
Qu’est ce que les
individus font avec les ouvrages à leur portée ? Ici la notion d’appropriation est importante, les individus ne reçoivent
pas passivement les notions des livres qu’ils lisent, mais la manière dont ils
la lisent est variée car informée par des pratiques (lecture à haute voix /
lecture silencieuse). Ginzburg, historien italien étudia un procès d’inquisition
qui concerne un pauvre meunier arrêté pour tenir des propos taxés d’hérésie. Or
ces propos donnent accès à l’esprit de réflexion du meunier qui s’était fait
une représentation du monde originale mais différente de l’Eglise catholique.
Son bricolage intellectuel s’était fait par des lectures. Il possédait des
livres et en avait lu certains qui étaient savants. Chaque lecteur fait une lecture originale de ce qu’il lit. Cela renvoie
donc à des pratiques de lecture. Ces
deux dernières questions font du livre une toute puissance ce qui permet au
lecteur de s’inventer et d’inventer ce qu’il fait de son livre. Le problème est
celui de la réception des ouvrages avec l’éternel regret des historiens de
traces rares de réception. On a des traces mais pour autant ces traces sont
écrites et ont donc une logique propre pas toujours fiable donc.
Quel
rapport y a-t-il entre les écrits et les rapports des individus au politique ?
La réponse la plus courante donne une analyse en termes de public et d’espace
public. Les
livres se répandant auraient inventé un public, qui serait une force et qui
produirait une opinion publique. L’espace public des livres valant comme le
lieu où devrait se discuter les sujets d’intérêts communs. Cette invention de l’espace
public se produit entre l’assimilation de deux réalités différentes : la
politique serait la chose publique (res
publica) mais de l’autre coté, cette vieille idée de la chose publique forme
un public de lecteurs et de spectateurs. Avec
la montée en puissance des livres, s’est monté l’espace public, le tout
aboutissant à l’opinion publique (cf Jurgen Habermas, L’espace public).
L’espace
de l’imprimé, à partir du moment où les livres se répandent en grand nombre,
ces livres créent un espace régit par un certain nombre de codes et de lois. Ce
lieu nouveau, les pouvoirs vont chercher à fortement l’investir (pamphlets politiques répondant
aux pamphlets du pouvoir). En même temps, ce lieu ne va pas être investi que
par les pouvoirs mais aussi par le peuple.
Autre
notion, le couple politisation et dépolitisation. Certaines forces vont se servir
de l’espace de l’imprimé pour produire de la dépolitisation. C’est un sens pour
expliquer l’avènement de la littérature. Le divertissement va de paire avec la
littérature. Cette littérature qui va croissante va avec l’affaiblissement du
fait que les choses intellectuelles doivent avoir un rapport nécessaire avec la
politique et les choses publiques.
Les
phénomènes religieux peuvent aussi être passés au filtre de l’écrit. Pour Luther, chaque chrétien
doit lire la Bible, pas pour l’Église catholique. Le livre a souvent un
caractère religieux surtout que les livres de piété sont très nombreux à être
publiés. L’imprimerie émet de nombreux textes religieux. L’apparition du livre, le phénomène du livre a longtemps été pensé dans
on utilité pour propager la foi. Il est rapidement devenu le support de
pratiques de piété nouvelle. En plus, cela permet aussi de se combiner aux
images pieuses.
Quelles
sont les conséquences ? Il est certain que ça ait donné du travail à un
certain nombre de gens
surtout si on prend une acceptation large : métiers du livre (imprimeurs,
libraires et typographes), colporteurs et professionnels des lettres (de l’écriture
et de l’écriture des livres : écrivains publics, enseignants, auteurs, …).
Les écrivains ne vivent pas de leurs livres, mais ils en vivent par le prestige associé à la réalisation
intellectuelle d’ouvrages, ce qui leur permet de trouver des emplois et de leur
donner un statut dans la société. Ce prestige de l’écrivain n’est pas donné à l’époque
moderne.
Aux premiers temps de l’imprimé
On
s’intéresse ici à l’époque allant de l’invention de l’imprimerie jusqu’aux
environs de 1550. Le contexte dans
lequel né l’imprimerie éclaire ses buts. Les objets nés de l’imprimerie sont ???
On peut tenter aussi de montrer la rupture du livre imprimé à l’époque où le
livre manuscrit est encore fortement présent.
I.
L’invention
et ses contextes
1. Les caractéristiques de l’invention
A.
En quoi ça consiste ?
On recopie des
textes avec des outils métalliques. On se sert de petits bâtonnets de métal qui
portent à leur extrémité le signe typographiques, ils forment tous des mots, on
met cette forme en contact avec une feuille de papier par l’intermédiaire d’une
presse. Il faut
donc beaucoup de caractères identiques pour donner une forme. L’utilisation d’une
technique métal permet de caractériser cette forme.
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