dimanche 29 avril 2012

CM n°8 Géographie sociale

Je ne comprends pas, des fois il y a des couleurs, d'autres fois pas. Des fois c'est écrit en gros et après en petit donc désolé pour le "style" des cours mais au moins l'essentiel c'est-à-dire: l'information, est là!

(Suite du cours n°7)

2- Une résidence dans une ZUP : le Terroir à Fontenay-Sous-Bois (94) 


Fontenay est une commune de 50 000 habitants qui se situe au nord du Val de marne, à la Limite de la Seine St Denis. On distingue dans la même ville: - Un Fontenay « aisé » près de la forêt de Vincennes, au centre-ville - Et de l’autre côté de la station Val de Fontenay, un Fontenay plus moderne avec des grands ensembles mais aussi des résidences accessibles en propriété. Ce n’est pas que du logement social même si il y a 90% de logements sociaux. Dans cette ville on constate donc clairement, qu’il n’y a pas d’homogénéité. Les populations sont différentes et communiquent peu entre elles.

  Quelle a été l’évolution de l’habitat, des habitants d’une ZUP dans la partie la plus moderne de la ville ?

Les premiers habitants de cette résidence sont des employés, des individus faisant partis des classes populaires tertiaires ou des petites classes moyennes. La proximité de Paris et les pôles de bureaux proches de Fontenay-sous-Bois, ont fait augmenter le prix des loyers. Cela entraine la moyennisation de cette résidence.
Puis dans les années 2000, arrivent des cadres supérieurs qui s’installent dans des grands appartements en duplex qui avaient été pensés au début pour les familles nombreuses. Cela permet d’avoir un compromis entre la taille du logement et de la distance à Paris. Autrement dit, un compromis entre appartement parisien et pavillon périurbain. Pour eux, c’est une étape de parcours résidentiel ce qui explique qu’il n’y a pas vraiment d’attachement à la ville de Fontenay. C’est une étape d’ascension sociale ou de consolidation de l’ascension sociale par l’accès à la propriété.
Mais ce qui est étrange, c’est que cette ascension sociale s’effectue dans un quartier ayant une image de cité et des tours qui sont quand même proches des pavillons – et cela, même si il y a deux écoles et que les enfants des logements sociaux ne côtoient pas ceux des ménages de propriétaires.

 A la fin des années 80- début des années 90 et depuis 2005 on observe des moments où les prix sont très hauts. Cette hausse des prix conduit à un embourgeoisement du quartier. Ce sont des individus qui dans l’idéal voulaient un logement à paris ou une maison très grande plus loin dans le périurbain. Ces individus s’inscrivent dans des réseaux de mobilités très différents des uns des autres, entre un ancrage local ou une focalisation sur Paris. Cela renvoi à leur position différente dans ce parcours résidentiel et social.

Il y a une bonne entente dans cette résidence mais pas d’appartenance réelle à ce territoire. Les ménages de cadres supérieurs ont moins la hantise du déclassement car ils se pensent de passages, donc ils n’essaient pas de changer l’image de la ville.

 Conclusion : 

On constate une grande diversité de l’habitat, des quartiers, une diversité qui est liée à l’hétérogénéité interne des classes moyennes. Il y a des dynamiques d’embourgeoisements ou de paupérisations. Ces espaces sont divers et bougent aussi. Cela explique aussi l’impossible émergence d’une conscience de classes.


Les dynamiques actuelles des divisions sociales de l’espace 


Introduction : 

 Une forme de mélange est toujours ce qui domine mais il y a des tendances à l’embourgeoisement, ou inversement à la paupérisation. La société est en partie ségrégée. Ex : Le Gated communities est un phénomène marginal. Une réflexion portée sur la division sociale de l’espace ne peut pas être centrée sur les gated communities. Il faut essayer d’éviter la caricature en tentant de nuancer. Mais cela ne veut pas dire non plus qu’il n’y a pas de division sociale de l’espace.

 I- La gentrification des espaces populaires 


Ce terme permet d’aborder les dynamiques de la division sociale de l’espace. Cela permet de voir comment les espaces qui séparent les plus pauvres des plus riches évoluent.

 1- La gentrification : une notion de la géographie anglophone 


La gentrification : La gentrification est une forme particulière d’embourgeoisement qui concerne exclusivement les quartiers populaires et qui passent par la transformation physique de l’habitat, voire parfois d’un quartier dans son ensemble (commerces etc.).

C’est une transformation sociale mais aussi une transformation matérielle. Il n’y a pas de gentrification s’il n’y a pas ces deux transformations en même temps. Par exemple, il y a l’embourgeoisement des quartiers des classes moyennes s’en changement du bâtit ou encore le renforcement de l’exclusivité sociale des beaux quartiers mais cela n’est pas de la gentrification.
L’embourgeoisement a lieu aussi dans les beaux quartiers car la ségrégation parfaite n’existe pas.

 Origine du mot : inventé en 1964. Néologisme inventé par la sociologue allemande Ruth Glass qui vivait à Londres. Néologisme qui vient du mot gentry, qui littéralement est la petite noblesse terrienne anglaise.
Aujourd’hui, ce terme est utilisé pour désigner péjorativement les gens bien nés. Ensuite ce mot nouveau est devenu une notion théorisée par des chercheurs anglais et nord-américain dans les années 70-80. Parmi ces chercheurs, il y a beaucoup de géographes et notamment un courant marxiste important avec comme représentant Neil Smith, un élève de David Harvey. Lui, voit dans la gentrification l’inscription de la lutte des classes dans l’espace.
 Cette notion a été théorisée par beaucoup de débats. On se pose la question de savoir si la gentrification est un « retour en ville » des classes moyennes ou « un retour en ville » du capitalisme. On se demande aussi si la gentrification est un phénomène important. Car cela va à l’encontre de la vision de Chicago. En effet, l’invasion succession selon l’école de Chicago ne peut aller que dans le sens de la paupérisation alors qu’avec la gentrification, elle va dans l’autre-sens.

 En France, on utilise la notion qu’à partir des années 2000, cet écart s’explique par la réticence de la géographie marxiste mais aussi réticence d’utiliser un mot anglophone, les chercheurs français expliquent que la ville anglo-saxonne ne fonctionne pas comme la ville européenne. Certes, les villes européennes sont en partie des villes aux quartiers bourgeois mais il y a aussi des quartiers populaires qui peuvent connaitre le processus de gentrification.

Cette notion permet de voir des différences dans les processus d’embourgeoisement ainsi que d’analyser les conséquences sociales de la gentrification pour les classes populaires.

 2- Les principaux facteurs et les modalités de la gentrification


 La gentrification est un double processus de transformation sociale et transformation urbaine

- Dans l’espace urbain : On constate la désindustrialisation dans les centres villes. On observe une baisse des activités et une forte dégradation du bâtit. Cela entraine la dévalorisation concrète foncière immobilière (chute des prix des loyers) et de l’autre une dévalorisation symbolique. Parfois, il y a aussi un abandon par les pouvoirs publics, notamment dans le cas des USA. Ce sont donc des espaces extrêmement dévalorisés. C’est une modalité de développement inégal mais cela permet de faire un gros profit plus tard en renouvellement cet espace. La dégradation n’est pas oubliée pour toujours surtout dans le cas de quartiers centraux. Plus le quartier est dégradé, plus la plus-value faite en réinvestissement va être énorme. Neil Smith explique que cet écart est le facteur explicatif majeur de la gentrification. L’auteur parle de rent gap. La gentrification est en partie un réinvestissement lucratif par les propriétaires ou par les banques. C’est pourquoi l’auteur parle de « retour du capital en ville ». On est dans des cycles désinvestissement-réinvestissement. C’est l’occasion de faire une plus-value. C’est un facteur du développement. Les notions importantes sont celles de la centralité et l’accessibilité

 - Les transformations sociales Les transformations sociales sont liées à la désindustrialisation car il y a de moins en moins d’emplois ouvriers et on observe l’émergence d’une petite bourgeoisie. C’est l’émergence numérique d’une nouvelle classe moyenne. La gentrification est aussi une demande de cette nouvelle classe sociale. On veut être au centre pour être près des services et de la culture. Ces quartiers sont aussi des fronts pionniers pour permettre à la classe moyenne de vivre dans le centre-ville alors qu’ils n’ont pas les moyens de vivre dans les quartiers bourgeois.

 En général, la gentrification est un processus lent, dans la plupart des cas on réhabilite. On garde la bâtit ancien mais on l’améliore. On ne fait pas du neuf : pas de la rénovation.

 Voici schématiquement, les étapes de la gentrification :
 Etape 1 : Les « pionniers » cherchent des espaces vacants. Les individus réhabilitent eux-mêmes les espaces. Mais progressivement, cela attirent d’autre gens. Le processus d’embourgeoisement commence à être plus visible dans le quartier.

C’est ce qui attire des propriétaires et des promoteurs (étape 2). Mais là, on effectue des expulsions de ménages populaires.

 A l’étape 3, il y a une multiplication des opérations immobilières mais aussi un intérêt des médias. Le quartier devient à la mode et cela entraine une arrivée des populations plus aisées. Alors ce créent des tensions avec les anciens habitants voir avec les premiers grentrificateurs plus humbles.

 Dans l’étape 4 : le processus est terminé, les prix immobiliers ont fortement augmenté. De nouveaux immeubles et des logements hauts de gamme apparaissent. Le quartier est peuplé de cadres et professions libérales. Il y a un appui des pouvoirs publics à la rentabilisation de ces quartiers. On observe une quasi disparition des classes populaires dans le quartier.

 Sur-gentrification : nouvelle vague de grentrificateurs qui transforment encore le quartier. Nouveaux grentrificateurs encore plus aisés.


 3- Les quartiers gentrifiés, de nouveaux espaces des classes moyennes 


Il se développe dans ces quartiers, un mode de vie petit bourgeois intellectuel qui se diffuse dans les anciens quartiers populaires.
Ce mode de vie est centré sur la consommation et la culture et plus uniquement sur la production. Ce n’est donc pas du tout pour les mêmes populations.
 Les gentrifieurs qui s’installent dans les quartiers cherchent d’abord un logement central peu cher, un logement grand, atypique. C’est aussi une volonté de devenir propriétaire. Les individus n’ont pas vraiment choisis le quartier mais c’est une façon de vivre en centre-ville afin d’avoir les aménités du centre-ville (densité de l’offre culturelle, service, historicité, mode de vie moins normées que dans le périurbain) à un cout moindre.

  Exemple : Le cas du bas-Montreuil en banlieue parisienne 

On parle du bas-Montreuil car la commune de Montreuil est sur une sorte de pente et le haut-Montreuil est plus populaire.
 La commune est au départ, populaire et ouvrière. C’est une commune communiste de la banlieue-rouge.
Le bas-Montreuil est un quartier de petites usines et de petits pavillons populaires.

Dans les années 70, on observe la désindustrialisation et le vieillissement des anciens habitats ainsi que le départ des habitants. Il y a une dégradation et un flottement.
A la fin des années 70-début des années 80, un renouvellement de la population s’opère. Le bas-Montreuil offre une sorte d’habitat bon marché mais très proche de Paris avec le métro. Cela attire des immigrés en situation plus précaires que les habitants qui y résident mais aussi des gentrifieurs plus riches, petites classes moyennes qui veulent retaper les logements.

 Les gentrifieurs réhabilitent les logements : marché important du loft. Ce sont tous des parisiens qui ont fait le calcul entre Paris et Montreuil et ils constatent qu’ils peuvent avoir beaucoup plus grands à Montreuil qu’à Paris. Ils n’ont pas choisis le quartier car à cette époque demeure encore une opposition entre paris et sa banlieue avec une comme frontière symbolique, la présence du périphérique. Cette opposition a été renforcée par la « crise des banlieues ».
Les gentrifieurs ne veulent pas réhabiliter les barres et les tours mais uniquement les petits pavillons. On parle de « travail de gentrification ». Il ne s’agit pas d’habiter un logement mais il faut changer le quartier sinon c’est considéré comme un déclassement. C’est un travail pour faire de Montreuil, un quartier ancien et parisien en effaçant toutes marques de banlieue dans l’espace.
 Ex : Transformations des dalles des jardins ect. Cela permet d’effacer l’image des pavillons de banlieues, cela fait campagnes mais en même temps, parisien.
 C’est une reconversion symbolique. On transforme l’espace en détournant des codes populaires. On garde des objets populaires mais on le détourne. Cela devient un moyen de distinction sociale.

 A cela s’ajoute à Montreuil, des organisations culturelles par des artistes qui se sont installés là-bas.
Aujourd’hui, c’est le milieu du cinéma : le réseau professionnel se fait dans le voisinage. Dans les médias (journaux notamment), on appelle Montreuil, le « 21ème arrondissement de Paris ».
Cette expression a déjà été appliquée à un autre quartier auparavant : Neuilly sur Seine.

 Cette gentrification s’est effectué aussi dans le politique : Passage d’un maire communiste à un maire « vert » se traduit par une opération de transformation de Montreuil. Les pouvoirs publics n’arrivent alors qu’après coup.

 • Les conséquences pour les classes populaires et les résistances :

La gentrification est une appropriation matérielle et symbolique de certains quartiers populaires par la petite bourgeoisie intellectuelle au détriment des classes populaires.  On parle de dépossession du quartier.

La gentrification entraine l’éviction des classes populaires. Une éviction directe ou indirecte, plus ou moins rapide mais progressivement, les classes populaires sont obligés d’aller vivre de plus en plus loin et sont évincés du centre-ville. Cela se traduit dans les prix du logement.


La gentrification alimente la relégation des classes populaires dans certains quartiers de banlieues mais cela continue d’entretenir la périurbanisation. Tout est en lien. La gentrification a des conséquences sur d’autres espaces.

 Mais la gentrification ne va pas s’en résistances.
 Ex : Quartier de Pijp à Amsterdam « le logement est un droit ! Les Yuppies dehors ! » Yuppies

CM n°4 Géographie sociale

Voilà le CM n°4 de géographie sociale qui a du être involontairement supprimé et qui est donc la suite logique du CM n°3. 



3- Au-delà des modèles spatiaux, le principe d’invasion/succession (suite)

Comment évolue un quartier ? Comment se met en place la division sociale de l’espace ?
Le processus d’invasion/succession est une métaphore, comme si on comparait les êtres humains à des plantes de l’écosystème.

Quels sont les facteurs d’invasion ? De transformations sociales ou économiques d’un quartier ?

Les chercheurs de l’Ecole de Chicago parle de « failles ». Ce sont par exemple, les nœuds de transports, des lieux moins appropriés que d’autres, ou les changements sont possibles. C’est la que l’on va implanter une usine, des migrants d’une certaine origine. Le début du processus d’invasion s'effectue par l’implantation de quelque choses de nouveaux (usine, population migrante) puis cela transforme vraiment le quartier. 
Spatialement, l’extension devient visible. 
C’est dans ce processus d’extension que les conflits, les concurrences avec la population qui était là avant ou l’activité qui dominait avant commencent. Il y a des frictions, une concurrence pour l’espace. Ce processus d’invasion/ succession est donc forcément conflictuel.
La fin de ce processus s’effectue par une appropriation totale, l’activité ou la population devient majoritaire et imprime son rythme.

Sur le plan social, selon l’Ecole de Chicago ce mécanisme va toujours dans le sens d’une paupérisation, une dégradation de l’habitat. Ce renouvellement va toujours dans un seul sens. C’est parce que l’habitat est plus vestuste que des populations plus pauvres ont les moyens de se loger dedans. C’est parce que ces habitats sont moins chers que des populations plus pauvres s'y installent. Et  c’est parce que ces loyers sont moins chers, que les classes moyennes partent pour aller vivre ailleurs. 
Cette division sociale de l’espace passe par la mobilité des populations qui est double avec l’arrivée des populations migrantes et le départ des autres classes. C’est comme cela que se crée spatialement cette organisation des villes en oréoles concentriques. 
C’est donc un mouvement dynamique, qui n’est pas figé. Plus la ville s’étend plus la division sociale de l’espace s’accentue : il y  a une distance réelle qui s’accroit.

4- Le cas des Noirs et la fuite des Blancs : une prophétie auto-réalisatrice

JF STASZAK, Détruire Détroit, la crise urbaine comme produit culturel

L’auteur analyse dans cet ouvrage la migration interne des Etats-Unis. Celle des populations noires qui se sont installées dans le nord après le processus d’industrialisation et la ségrégation. Les noirs se sont installés dans un quartier et progressivement dans ce même quartier les blancs sont partis. Les individus qui ont quitté le quartier sont ceux, plus aisés qui ont pu aller en périphérie. On parle de « white flight ». C’est donc plus le départ massif des blancs qui a entrainé la création d’un ghetto noir. Ce quartier noir se constitue parce que les blancs (pas tous les blancs mais la majorité) s’en vont.

Pourquoi les blancs sont partis?
Pour expliquer cela, l’auteur parle de « prophétie auto-réalisatrice ».
Ce n’est pas la réalité qui détermine l’action humaine mais la représentation de cette réalité
Ce qui est intéressant de constater, c'est qu'une représentation fausse peut guider notre action. Les blancs sont partis car la représentation des noirs par les blancs est très négative. Pour eux, ils estiment que s’il y a des noirs dans le quartier, le prix de l’immobilier va baisser et le quartier va être dévalorisé. Les blancs sont partis en anticipant et c’est ainsi que le prix des loyers a baissé pour accueillir d’autres populations. Alors le quartier s’est paupérisé. Donc cela finit par créer ce que l’on avait prévu mais néanmoins c’est plus le départ massif des blancs que l’arrivé de quelques personnes noirs qui a entraîné le ghetto noir.  C’est pour ça que l’on parle de prophétie auto-réalisatrice. Les blancs partent avec une idée fausse en tête qui va tout de même conduire à une réalité



 
Chapitre 4 : Les espaces de la bourgeoisie

Introduction :

Les dynamiques ségrégatives concernent l’ensemble de la société mais ceux qui sont les plus ségrégés sont les plus riches. Ce sont les logiques agrégatives de ces personnes qui a pour conséquence à la fin de la chaine, la ségrégation des plus pauvres entre eux.

Cf : études des Pinçon-Charlot

v  Comment se forme les quartiers bourgeois ?

I-                   Agrégation et exclusivité sociale de la grande bourgeoisie

1-     Les logiques résidentielles agrégatives de la bourgeoisie

Dans ce cours, lorsque l’on parle de « riches », on parle de bourgeoisie et même de grande bourgeoisie : les détenteurs des moyens de productions, qui possèdent les entreprises et plus généralement, le capital productif. Ceux qui font travailler les autres à leur profit. Car effectivement, la richesse est très relative. On est plus ou moins riche par rapport aux autres.
Les bourgeois sont aussi ceux qui décident de l’économie. Ils choisissent comment ils emploient leur argent et comment on travaille. Ce n’est pas donc de la richesse mais aussi du pouvoir. Employer le terme de bourgeoisie est donc quelque chose  de plus large que de parler des gens « riches » dans le sens avoir de l’argent.
Il y a plusieurs types de capitaux : la richesse est multiforme

-         --Capital économique (patrimoine)
-        -- Capital culturel (la culture dite légitime, le « bon gout » qui est bourgeois)
-       --  Capital social : avoir dans son carnet d’adresse des personnes importantes. C’est avec ce capital que se noue des liens très nets entre le monde des affaires et  le monde politique. Lorsque ces liens sont très nets on parle d’oligarchie.
-        -- Capital symbolique : Le prestige.

La richesse est donc loin d'être que de l’argent. Le capital culturel et capital social sont donc indispensables pour la reproduction sociale du pouvoir des classes bourgeoises. La reproduction sociale fonctionne dans toutes les classes sociales mais pour les grands bourgeois il n’y a pas de mobilité possible hormis le déclassement.

Il y a une reproduction de l'aristocratie de fait et une ancienneté de la richesse. La grande bourgeoisie tente de ne jamais se faire infiltrer par les « nouveaux riches » qui ne connaissent pas les codes de la grande bourgeoisie. 
Aujourd’hui, s’est pourtant reformée une nouvelle élite héréditaire qui reproduit sa richesse depuis pas mal de temps (et ce n’est pas facile d’entrer dans cette grande bourgeoisie).

Les individus qui ont au-dessus de 8 milles euros de revenus représentent 560 milles foyers fiscaux soit 2% des contribuables. Il y a de plus en plus d’individus qui sont riches et d'ailleurs, ils sont de plus en plus riches.

En 2004 : les 10% des ménages qui ont les revenus les plus élevés, détiennent la moitié de la richesse du pays.

La bourgeoisie est donc une classe très minoritaire de la société. Cette classe est donc bien plus étroite que celle des personnes aisées.
Mais la particularité de ces individus est de ne pas avoir de contrainte pour l’achat de leur logement. Si l’espace était neutre, qu’il n’y avait de ségrégation, on trouverait des grands bourgeois un peu partout dans l’espace. Cette classe minoritaire est hyper concentrée.

1 contribuable sur 3 de l’I.S.F habite en Ile de France et plus particulièrement à Neuilly-sur-Seine, Saint-Maure des Faussé, Boulogne Billancourt. Dans Paris même, les endroits les plus ségrégés par les riches sont le 7-8 ème arrondissements, 16ème nord. 
Il y a donc une très forte agrégation qui est volontaire. C’est un choix extrêmement couteux car ils habitent là où les loyers sont les plus chers du pays. 
C’est une logique d’entre soi et d’exclusivité sociale qui est nécessaire à la reproduction sociale et à la logique dominante.
Il y a un lien entre la position sociale et la position spatiale
Le lieu où l’on habite renseigne sur la place que l’on a dans la société. Il y a un lien entre la « surface sociale » d’un individu et la surface concrète que l’on occupe.
Le fait de vivre dans l’aisance modèle son rapport au monde. C’est un rapport que l’on acquière depuis tout petit.

Pour les Pinçon-Charlot dans Les ghettos du Gotta :La ségrégation est largement dû à l’agrégation des plus riches et cela renforce les injustices sociales.
Le fait d’habiter les beaux quartiers ne suffit pas à l’entre soi.

2-     Entre soi et exclusivité sociale

v  Comment fait-on pour garantir davantage l’entre soi ?

Dans ces beaux quartiers il y a aussi des espaces de loisirs : cf : les clubs.
Ex : Le Rotary-Club, le Jockey Club. Pour entrer dans ces clubs il faut être coopté mais aussi payer une adhésion à l’année (plus de 1000 euros).
Ce qui assure efficacement l’entre soi ce sont les normes sociales, les règles de vie en société qui sont difficiles à acquérir pour d'autres classes. Ce qui permet de faire beaucoup de filtres pour les individus qui ne font pas partie de cette classe bourgeoise.

Pour les Pinçon-Charlot il y a  deux capitaux spécifiques à la grande bourgeoisie :
-         - Le capital patrimonial : mélange entre capital culturel, symbolique, social. Mais c’est aussi du capital familial. Ce n’est pas juste du patrimoine mais tout un ensemble de choses qui permet aux individus d’avoir du pouvoir.
-         - Le capital mondain : Entrer dans le « beaux monde ». Comme par exemple les rallyes qui sont fondamentaux pour éviter la mésalliance et favoriser la reproduction sociale.
Pour les sociologues, la grande bourgeoisie bénéficie d’une richesse collective.  Les capitalistes sont en concurrence mais mettent d’un point de vue symbolique leurs richesses en commun. En mettant leurs enfants dans les mêmes écoles par exemple. La transmission de la richesse se fait donc collectivement.
La reproduction de la richesse est donc un élément très important pour ces classes.

« l’entre-soi grand-bourgeois est décisif pour la reproduction des positions dominantes, d’une génération à l’autre, parce qu’il est un éducateur efficace. Il incite à éviter les mésalliances et permet de cultiver et d’enrichir les relations héritées ».

L’agrégation spatiale est un facteur de reproduction du pouvoir de classe absolument nécessaire.

II-                Les beaux quartiers, construction et défense d’espaces privilégiés

v  Quelles sont les caractéristiques de ces beaux quartiers ?

1-     Origine et caractéristiques des beaux quartiers parisiens

La localisation des beaux quartiers à évoluer dans le temps. Le premier quartier aristocratique identifié comme tel est celui du Marais aux 15 ème-16ème siècles. Le Marais est donc un quartier qui a été mis en valeur à la renaissance et qui a été renforcé par le pouvoir royale avec la création de la place des Vosges proche du Louvre : palais royale. Il  y a déjà un lien entre richesse économique et pouvoir politique

Lorsque Louis XIV a déménagé le palais royal à Versailles, les quartiers des grands bourgeois se sont installés à l’ouest.  L’évolution du bâtie suit l’évolution sociale.
L’installation du palais royal explique pourquoi aujourd’hui les lieux de pouvoirs de la république se trouvent dans les beaux quartiers. L’ancienneté de la division sociale de l’espace est liée à l’origine au déplacement du palais royal vers l’ouest.

La caractéristique fondamentale des beaux quartiers c’est qu’ils sont toujours construits ex-nihilo pour et par les grands bourgeois. Ce ne sont pas quartiers planifiés par les pouvoirs publics mais par les individus qui vont y habiter.

Les grands-bourgeois maîtrisent entièrement le droit à la ville, c'est à dire le fait que les habitants d’une ville contrôle eux-mêmes l’organisation et la construction de leurs logements. Il y a par là une remise en cause de la propriété privée et une gestion horizontale des quartiers.
Dans ces beaux quartiers, ce sont les grands bourgeois qui aménagent leur quartier. Ce sont les seuls qui ont véritablement le droit à la ville.

  • Qu’est-ce qui fait la qualité urbaine d’un beau quartier ?

Des immeubles avec tout le confort mais aussi un quartier qui n’est pas trop dense, sans trop d’encombrements du fait d’importants espaces verts. On est aussi pas très loin des hauts lieux de cultures et des commerces de luxes.

Ces quartiers sont duales avec deux groupes distincts : 
- le personnel : les domestiques, les gardiens 
- les grands bourgeois. 

Comment se passe la coexistence de ces deux groupes ? 
Les individus ne se rencontrent pas hors du cadre de leur travail.
Ex : escalier de service permet de ne pas croiser les bonnes de maisons qui sont dans les pièces étroites au dernier étage.
Caddy-boys : services adaptés aux modes de vies  bourgeoise : une personne est là pour pousser le caddy des individus grands bourgeois qui font leurs courses.

Tendance à la privatisation de l’espace public
Des petits passages sont fermés voir même des quartiers entiers qui sont privés.
Ex : La Villa Montmorency : quartier d’un kilomètre carré, surveillé jour et nuit par des gardiens. Sont prohibés les bruits et les fêtes.
Privatisation d’un espace privé dans le bois de Boulogne ou dans les tribunes des stades et des hippodromes.

Les choix des manuels dans les écoles de Neuilly sont effectués par les parents des quartiers bourgeois.


dimanche 15 avril 2012

Photo 13 - 04 (cours 18, fin)

Précédemment : Photo 12 - 04


Quand le numérique prend l'argentique
Dusty memories, The Girl in the Black Beret, Flickr



Les images d’enregistrement à l’ère du numérique, un tournant dans l’histoire du visuel ?


Depuis une dizaine d’années, on a un grand tournant avec le passage de l’argentique au numérique. On voit des disparitions et des nouveautés apparaître liées à cette évolution. C’est une mutation très nette aussi du métier de reporter de presse. Ainsi les grands médias vont souvent se servir sur flickr puisqu’on trouve des photographies acceptables voire esthétiques mais la plupart du temps, venues d’amateurs. On a des spectateurs présents sur place qui font leurs photographies de manière publique. De plus, l’appareil photo est intégré dans de nombreux outils du quotidien. Un autre point non-négligeable est celle de la connexion au web qui entraine une circulation, une diffusion et un partage phénoménal des images. Enfin le développement des réseaux sociaux met en branle la frontière entre espace public et espace privé.


I.                   Un matériau pléthorique et renouvelé

En 2004, deux évènements révèlent ces tendances : les tortures des prisons d’Abou Ghraib et le tsunami en Indonésie. Les images d’Abou Ghraib furent largement diffusées par la télévision et la presse écrite. Ces images eurent un effet considérable sur la population d’une part par la posture des USA face au reste du monde qui s’est retrouvé brutalement par terre. Le discours de la démocratie de l’administration Bush sur la tyrannie n’a pas résisté. Les images sont sorties par internet et furent seulement reprises ensuite par les médias de masse.
Le photo-journalisme en est bouleversé. Un certain personnel jugé comme photo-journaliste disposait du monopole de l’image de presse avec des photographies de témoignages documentaires. Or pour le tsunami de l’océan Indien, la plupart des images était amateurs. C’est l’arrivée des amateurs sur le terrain de la photographie. On devient alors tous témoins et producteurs d’images sur les faits. Il y a une vérité testimoniale des faits. Le producteur d’images documentaires de références est alors remis en question. Il arrive alors à la photographie la même chose que ce qui est arrivé à la peinture avec l’arrivée de la photographie.

Plus que jamais auparavant on fait une saturation d’images avec une production très facile. Longtemps les images étaient rares et donc importantes. On a une dynamique sans précédent de la photographie, de nouvelles instances de protection des images font jour et s’emparent du média photographique. Tous accèdent à la diffusion des images. Les anciens dépositaires sont alors remis en question.

Trois caractères nouveaux dans ces images numériques :
·         Accumulation : ces images de toute nature s’accumulent et on n’est plus en capacité de mesurer ces quantités.
·         Circulation : elles se déplacent plus que jamais et en particulier par le net.
·         Instantanéité : immédiatement quand un évènement se produit alors quelques heures plus tard on a des photos. La simultanéité n’est pas si neuve, les premiers pas de Neil Armstrong étaient vus en direct, tout comme le World Trade Center. Les attentats de New-York furent l’épiphanie de l’image, la suspension du temps. Les images font l’évènement et étaient placées au centre de la logique d’Al Qaïda qui humiliait les USA par l’acte mais en empêchant la gestion des images du 11 septembre, le mouvement terroriste humilia le pays en le diffusant de part le monde. Par la suite le pouvoir américain put se ressaisir et limité fortement ce flot d’images. Par exemple, les gens qui sautaient des tours furent d’abord vus avant de disparaître de la circulation. De même, pour les corps au sol ou les pompiers dans les tours. Bien entendu on a eu des canulars liés à cet évènement avec The tourist guy de Peter Gruzly.


II.                Une nouvelle culture de l’image ?

Certains ont théorisé l’idée selon laquelle. On serait entrés dans une ère post-photographique selon un spécialiste des visual studies, William J. Mitchell. Il a rédigé en 1992, L’œil reconfiguré dans lequel il insiste dans l’idée qu’il y a une rupture entre l’image argentique et numérique. D’autres reprendront cette conception dans les autres pays comme Pierre Barboza dans Du photographique au numérique : la parenthèse indicielle dans l’histoire des images, 1996. Dans son idée, l’image photographique est un prolongement de la réalité, elle a une relation de vérité avec son sujet. L’image du numérique inaugurerait une ère de soupçon brisant la croyance dans la vérité des images. Cette analyse se fonde sur une théorie ancienne des années 1970 exprimée par une critique d’art, Rosalind Rose : la théorie de l’indicialité. « Toute photographie est le résultat d’une empreinte physique qui a été transférée sur une surface sensible par les réflexions de la lumière. La photographie est donc le type d’icône ou de représentation visuelle qui a avec son objet une relation indicielle. ». L’image photographique n’est pas obtenue par imitation mais s’avère être une trace, une empreinte de la chose elle-même obtenu par un phénomène physique. Pour Roland Barthes, on inaugure les théories du « ça a été ». Quittant le processus physico-chimique, on entre avec le numérique dans un processus opaque, il n’y a plus de continuité avec le sujet. Avec Blow up de Miguel Antonioni en 1967, on voit dans ce film le milieu des popstars avec un photographe témoin d’une scène qu’il ne comprend pas avant de réaliser qu’il a assisté à un crime et de voir l’arme sur une de ses photos. Mais toute cette théorie reste naïve car on ne peut refuser à la photo numérique son caractère d’empreinte. Un processus technique s’est simplement substitué à un autre.

En conséquence, le processus de production de l’image s’est opacifié. On comprenait encore le processus argentique mais le processus numérique est plus complexe et donc moins à portée des photographes. Pour rassurer les usagers de la photographie, les constructeurs ont joué la carte de la continuité des formes et des usages. S’est imposée l’idée qu’on fait tout comme avant et le format 34*26 s’est conservé, les normes du photo-journalisme n’ont pas bougées non plus (on ne retouche pas ce type de photographies), …


III.             La création photographique à l’ère du numérique

Barry Frydlander, photographe israélien ancien photographe-journaliste. Il veut résumer son pays éclaté, divisé, parcellisé, … Pour rendre compte de cet aspect, il a produit des reportages photographiques de tout genre avec une multitude de clichés qu’il a juxtaposé les uns aux autres. Il remet ainsi en cause le pilier de la photographie du XX° siècle en instaurant la durée.

Meyer de son coté appartient au collectif Tendances floues, avec des portraits décalés rappelant Auguste Sander. Dans le cas de l’intouchable, pour mieux rendre compte de leur réalité, Meyer a eu recours à une forme de retouche et de manipulation de l’image. Ainsi, il rend compte de la vérité sociale à travers la retouche. Cette dénonciation passe donc par la retouche dans sa série Mad in India. Ainsi la retouche, le mensonge de la photographie nous donne accès à la vérité sociale.

Moderne 12 - 04 (cours 9)

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Merci à Christelle pour son cour, qui m'a ainsi permis de compléter le mien.


Le cardinal de Richelieu, la terreur du XV° siècle


Seconde partie des sujets pouvant tomber le jour des partiels :
* Faire de la politique avec des écrits à l’époque moderne

* Publier sous l’Ancien Régime

* Pouvoirs et imprimés à l’époque moderne

* Economie des métiers du livre, culture et politique à l’époque moderne



Politiques de l’imprimé et censure


Le phénomène des libelles ne pouvait pas être uniquement du coté de la mise en crise du contrôle de l’imprimé. Sous la Ligue, la publication de pamphlets par un pouvoir ligueur parisien provoquait une politique de censure. Sous la Fronde en revanche, on a bien une mise en crise du système de l’imprimé instauré 20 ans plus tôt par le cardinal de Richelieu, premier ministre de Louis XIII. Ce système de contrôle de l’imprimé est très cohérent, très neuf et va profondément marquer l’imprimé. Ce système qui s’est effondré sous la Fronde va se reconstituer plus fortement que jamais après cette crise.


I.                   Richelieu et l’espace de l’imprimé

Au pouvoir entre 1624 et 1642, Richelieu est identifié au règne personnel de Louis XIII avec une originalité, une double tête au pouvoir : le roi et son principal ministre. Richelieu est réputé avoir eut une main de fer contre ses ennemis : Protestants, Espagnols, … Il est moins connu pour sa politique en direction des lettres. Sa politique est originale, soucieux de l’espace de l’imprimé, il souhaite un peu le contrôler mais surtout le manipuler.

1.      Pamphlets

Richelieu fait faire beaucoup de pamphlets par les écrivains en défendant sa politique (contre l’Espagne ou les ennemis intérieurs). Sous sa présidence, il y a plus de pamphlets produit par Richelieu que contre lui. Mathieu de Morgues se met au service de Richelieu dans les années 1620, il accompagne son arrivée au pouvoir.
En 1630, une grande crise politique a lieu : la journée des dupes. Durant ces deux journées de la fin de septembre 1630, on pense que Richelieu va être disgracié par son conflit avec Marie de Médicis. Mais le lendemain, le contraire se produit, la reine-mère est exilée et Richelieu plus puissant que jamais va annihiler ses ennemis. C’est donc le choix de mener une politique de confrontation avec l’autre grande puissance catholique de l’époque, l’Espagne, plutôt que de s’allier à l’Espagne pour contrer les Protestants. C’est un impérialisme plus qu’une politique chrétienne.

2.      La mobilisation des érudits

Richelieu se paye les services de grands archivistes qui travaillent d’anciens documents devant porter appui à sa politique. Dans les années 1630, la France envahit la Lorraine. Auparavant, des séries d’écrits et de mémoires sont publiés pour faire valoir les droits du roi de France sur la Lorraine. Cela se retrouve alors dans des pamphlets soutenant les droits du roi.

Des proches de Richelieu produisent des mémoires sur de nombreux sujets qu’on appelle les papiers de Richelieu. Une partie est devenue manuscrite, une partie est devenue libre d’histoire et une partie est devenue pamphlet. C’est de là que proviennent les Mémoires de Richelieu. Des ouvrages sur le bon gouvernement paraissent comme De la souveraineté du roi toujours sur commande de Richelieu. Ce traité est le plus absolutiste de tout le XVII° siècle. C’est là que l’effort pour penser la concentration du pouvoir aux mains d’un seul roi, devient le plus fort.

3.      Essor des belles-lettres

Le pouvoir donne des pensions à des auteurs qui travaillent dans le domaine des belles-lettres. Des écrivains de poésie, de théâtre, des auteurs qui recueillent des documents épistolaires, des critiques littéraires sont donc pensionnés. Ils publient des écrits à la gloire du roi. Avec le fait de pensionner des écrivains, il s’agit de contrôler les hommes qui produisent les écrits pour qu’ils écrivent plutôt en faveur du pouvoir que contre.
Le pouvoir contribue à mettre en valeur les belles-lettres, parmi les autres domaines de savoir. Les belles-lettres sont l’ancêtre de la littérature. La forme et le style sont mis en avant au détriment du contenu. Faire la promotion des belles-lettres c’est faire la promotion du style, plus que de la dimension savante, dans laquelle Jean Chapelain s’inscrit. Cela se fait sous Richelieu dans un objectif d’influence politique. En 1635, est créée l’Académie Française sous la protection de Richelieu. Il faut rassembler des hommes de lettres devant illustrer la langue française pour en faire une langue noble si ce n’est plus, au moins comme le latin. Il fallait donc des traités de vocabulaire, de grammaire ou encore de formulation.

C’est une opération de démobilisation par l’intervention de l’espace de l’imprimé. Avec l’Académie française on promeut le style, la forme et on en oublie les idées, les sciences et les philosophies. A l’Académie Française on ne peut pas parler de religion ou de politique. Les lieux de ces débats étaient les parlements, organes de justice mais qui règlent aussi la conformité des lois. Ce sont des cours de justice royale qui jouent un rôle dans la production des lois. Les parlements produisaient des discours lors de leurs débats. Richelieu fait un organe concurrent pour discréditer le type d’éloquence qui avait court dans les Parlements, en les remplaçants par des débats de styles et de formes. La dépolitisation est double avec un déplacement des débats du fond sur la forme et un déplacement spatial du Parlement, vers l’Académie Française, espace de l’imprimé. Sous Richelieu, les parlements tentent de freiner la politique de Richelieu.
On a aussi un débat sur la langue employée. Le latin, la langue des juristes et des scientifiques ou bien la langue vernaculaire da la cour ? On a alors l’émergence du pédant, le prof de latin qui n’a que des citations latines à la bouche. Or ce savoir est jugé inutile et la langue utile est la plus simple, la langue des courtisans. C’est un véritable combat entre la langue de la cour et ceux qui maîtrisent le latin.


II.                Privilèges de librairie et censure sous Richelieu

Sur le papier, on a un système assez impressionnant mais la censure à l’époque est inefficace. Les privilèges sont pensés et mis en pratique. C’est le moment où apparaissent des censeurs royaux chargés d’examiner tous les manuscrits nouveaux. Ils doivent rédiger un avis pour que le chancelier décide d’accorder un privilège de livraison ou non. Lorsqu’on censure un livre à Paris, on le retrouve imprimé clandestinement, soit en province, soit en Hollande, … Le système des privilèges de librairie régule autrement les rapports entre auteurs et pouvoir royal. Depuis le début du XVII° siècle, la législation oblige le bénéficiaire du livre à imprimer son privilège dans le livre (entièrement ou partiellement). La lettre de privilège pouvait être donnée soit à un auteur, soit à un éditeur. La norme est alors que les privilèges soient donnés aux éditeurs or avec Richelieu, la part des privilèges accordés aux auteurs croît considérablement. Donné à l’imprimeur, le privilège renvoyait au fait que l’éditeur allait engager des frais et qu’il serait protéger contre toute copie d’un autre éditeur. Quand le privilège est donné à l’auteur, le pouvoir royal donne la valeur en terme de savoirs du livre (ou encore la valeur de l’auteur) ce qui fait qu’on trouve des éloges des auteurs.
Dans le cas de Descartes, il était en hollande quand un privilège lui est envoyé. Là ça coince, le pouvoir ne veut pas donner un privilège à un livre publié en Hollande, Descartes a peur que ce privilège l’associe à un travail rentable et donc ignoble. Il se laisse fléchir et finalement Louis XIII donne un privilège à Descartes en 1637 pour son livre Le discours de la méthode. Le privilège sert à donner de la reconnaissance aux auteurs. C’est important pour le pouvoir royal qui voit sa place dans l’espace de l’imprimé confirmé. Le roi ne fait pas qu’accorder un privilège mais il permet la distinction entre les bons et les mauvais livres. Louis Machon est l’auteur d’une série d’ouvrages impubliables à l’époque notamment l’Apologie de Machiavel. Il aurait pu faire publier clandestinement son livre mais il préfère demander un privilège qu’il n’obtiendra jamais. Son livre n’est donc jamais publié.

Le discours des lettres de privilèges n’est pas stéréotypé. Chaque lettre de privilège est bien adaptée au livre qui est autorisé. Les privilèges servent à affirmer l’identité sociale des auteurs. Ces privilèges montrent que l’espace de l’imprimé est un lieu essentiel pour publier les réputations c'est-à-dire de se faire connaître de manière favorable à travers la publication d’un livre. C’est une fonction des écrivains que d’être des publicateurs de publications. Dans les privilèges, ce sont les auteurs qui sont vantés mais dans les publications, les auteurs ont la fonction sociale de publier des réputations. Une épitre dédicatoire est placée au début de l’ouvrage qui permet de faire une dédicace à un grand personnage. C’est une façon de remercier le personnage, de lui faire louange. L’espace de l’imprimé permet d’affirmer la réputation individuelle.

Mais le geste de publier un imprimé ne va pas de soi. Intervenir dans l’espace de l’imprimé c’est intervenir dans un espace public d’abord défini par la présence de l’Etat. Il faut donc justifier le fait d’intervenir dans cet espace. Ceux qui ont des charges publiques peuvent intervenir. Mais les autres doivent justifier leur légitimité. Cette légitimité passe par la dédicace à un grand personnage public. Mais il y a d’autres moyens de se créer cette légitimité. Certaines justifications de mise en imprimé de l’ouvrage passent par la fiction d’un vol du manuscrit par l’éditeur. L’autre justification est que l’auteur avance qu’il a écrit le manuscrit pour ses amis et qu’il n’était pas voué au départ à l’impression. Avec le privilège de librairie, on a un discours des auteurs sur eux-mêmes mais qui reçoivent la garantie de l’assentiment royal donné par le privilège. La légitimité est inattaquable.

Ceux qui rédigent ces lettres de privilèges sont des personnels du roi notamment au niveau de la chancellerie. Le privilège est remis par le chancelier du roi à un officier chargé de la rédaction des actes royaux. Les secrétaires du roi sont particulièrement importants. Seul un petit nombre de ces secrétaires qui vont s’occuper des privilèges des librairies. Ils ne sont que quelques uns à rédiger les lettres de privilèges. Ils sont eux-mêmes des auteurs. La censure au XVII° n’est pas tellement un moyen d’empêcher un livre de paraître mais plutôt un moyen d’affirmer la présence du roi dans l’espace de l’imprimé. En affirmant cette présence le pouvoir royal va contribuer à donner de la légitimité à cet espace de l’imprimé et aux spécialistes de l’intervention dans cet espace qui sont les écrivains.




III.                   Les négociations du bureau de la librairie

1.      Les négociations du bureau de la librairie

Au XVIII° siècle, on a une forte présence de la censure avec un contrôle des livres qui s’est beaucoup figé et concerne beaucoup de monde. On a 165 censeurs royaux entre 1750 et 1763 chacun ayant sa spécialité. Dans les Belles-lettres on a 84 censeurs. Leur milieu est assez petit mais ce sont des savants reconnus de leur domaine. Ils sont presque tous membres de l’Académie des sciences pour les censeurs de sciences. Les censeurs de médecine sont presque tous des médecins du roi. Les censeurs pour les livres de religion sont des docteurs de La Sorbonne. Ces gens là travaillent aussi pour la presse officielle, le Journal des savants ou le Mercure. Au cœur du monde des auteurs, ils mettent en place de nombreux critères entre des livres dont ils refusent la publication et d’autres dont ils donnent un accord tacite ni accepté, ni censuré.

Les critères qui comptent pour ses censeurs touchent entre autres aux relations entretenues par l’auteur avec son censeur. L’auteur bénéficie du petit monde et peu choisir son censeur. Les censeurs doivent aussi modérer leurs critiques pour éviter aux imprimeurs de faire faillite. Il ne sert à rien pour Malesherbes de censurer à tout va car dans ce cas tout serait envoyé en Hollande et reviendrait en France. Enfin, les censeurs se comportent en critique littéraire. Ils ne jugent pas selon leur conformité aux mœurs, à la politique ou à la religion. Ils recommandent l’ouvrage quand ils le trouvent bon ou pas bon. Les censeurs tiennent avant tout des critiques littéraires.

Les livres qui rentrent dans le circuit de la censure, qui sont passés de censeurs en censeurs peut parfois faire la réputation d’un auteur. Si une grande partie des auteurs dans le domaine des sciences ou de la médecine sont des gens bien établis, dans les premiers temps, ce sont souvent des petites personnes méconnues, leur activité de censeur qui les place au cœur du monde des auteurs va parfois valoriser des carrières d’auteur.

Médiévale 12 - 04 (cours 9)

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Hincmar en vitrail à la basilique de St-Rémi à Reims



Nouvelles rivalités et recomposition des royaumes (855 – 886)


Lothaire souhaitant maintenir la paix, il organise des réunions avec de nombreux textes, qu’on a récupérés aujourd’hui, qui montrent qu’il tente de maintenir la stabilité et l’amour fraternel. Lothaire valorise la confraternité mais la coopération entre frères n’est pas concrète. En conséquence, à la mort de Lothaire en 855, celui qui maintenait la paix ayant quitté ce monde, l’instabilité revient.


I.                   De nouveaux motifs de tension

1.      Louis le Germanique contre Charles le Chauve

Louis le Germanique sévit souvent contre les aristocrates qui ne lui ont pas été fidèles. Mais le problème vient surtout du fait qu’en 858, Charles recrée un royaume de Neustrie pour son fils Louis le Bègue. Mais une partie des terres appartiennent au comte d’Angers qui s’est rallié à Charles le Chauve en échange d’un dédommagement en charges publiques et en biens. Mécontent de voir ses terres menacées, Robert le fort décide de contester le pouvoir royal en dénonçant l’inefficacité du roi face aux Vikings. A ce moment là, les Vikings venaient de capturer le cousin du roi et Charles avait payé une rançon phénoménale pour récupérer son cousin et voir les Vikings partir. Les Grands ont été pressurisés et mécontents, certains aristocrates se sont tournés vers Louis qui entrent dans le royaume de Charles tandis que celui-ci en été 858 avec l’aide de Lothaire II assiège Oissel où se trouvent les Vikings.

Le 1 septembre 858, les Grands prêtent serment de fidélité à Louis tandis que Charles tente de rentrer avant de réaliser que ses faibles troupes ne feraient pas le poids face aux armées de Louis. Pour éviter de perdre bêtement une bataille, Charles se réfugie chez les Welf au Nord de la Bourgogne dans la famille de sa mère Judith.
Louis de son coté redistribue les charges à ses nouveaux fidèles et est sacré roi par Ganelon l’archevêque de Sens. Il convoque alors un concile pour le 25 novembre 858. Hincmar, l’archevêque de Reims s’élève contre la convocation de Louis et demande aux évêques de venir le rejoindre pour discuter des meilleures conditions pour les évènements à suivre. Ils rédigent alors communément une lettre de déclinaison de l’invitation de Louis. Charles bénéficie du soutien des évêques. Ainsi, les évêques conseillent à Louis de retourner en Germanie après sa trahison vis-à-vis de son frère, qui le discrédite. De plus, Louis n’est pas le roi des évêques et ces derniers ne peuvent lui répondre positivement. En revanche, ils donnent des conseils à Louis et commencent par lui dire de se méfier des traîtres et des parjures qui, anciens alliés de Charles, ne vont pas tarder à le trahir. Cette vision est juste à cette époque. Par ailleurs, le roi doit donner l’exemple en choisissant ses vrais alliés. De plus, les évêques soulignent que seul le roi est responsable devant Dieu des actes commis en son nom, or cela met Louis en porte à faux devant Dieu lors du jugement dernier. Certes Louis dispose de la force militaire, mais s’il agit par son armée, son autorité ne sera jamais légitimée. Cette autorité reposerait sur la violence. Enfin, les évêques mettent en évidence que seuls les évêques collectivement peuvent déposer un roi qu’ils ont nommé. Ganelon seul ne pouvait rien, son jugement est nul et non avenu.

Cette manœuvre permet à Charles de récupérer ses alliés et de malmener Louis le Germanique et son armée. En janvier 859, Louis est battu et rentre chez lui. Cette crise de 4 mois est un véritable désordre politique et institutionnel. La crise se solde par 4 mois d’anarchie complète dans le royaume de Charles. Les liens de fidélité au roi sont flous, les charges sont partagées par plusieurs comtes, … Bref le royaume est en pleine confusion. Charles s’en lave les mains et les aristocrates qui l’avaient trahi sont certainement revenus vers lui se soumettre de manière humiliante. Charles n’ayant guère le choix, il doit fonctionner sur l’appui des aristocrates pour diriger son royaume, les pardonne. En revanche, il récupère toutes les charges publiques, tout les bénéfices et ne s’engagent à rien avec eux. Il entend disposer librement de ses acquis. La crise de 858 a donc paradoxalement conforté le pouvoir royal de Charles. Mais il y avait certaines conditions. D’abord il faut mater les derniers rebelles, dont Robert le Fort. Ensuite, il faut achever la lutte contre les Vikings. Dans les années 860, il va mener ces deux fronts.

2.      L’établissement de grands commandements

D’abord il s’agit de réconcilier Charles le Chauve avec Louis le Germanique. Hincmar y travaillera beaucoup. Charles obtient alors de Louis son renoncement à toutes interventions dans le royaume de Charles qui promet d’abandonner les attaques contre Louis. Du coup, les derniers rebelles abandonnés de Louis doivent entrer en grâce auprès de Charles.
Parallèlement Charles mène une politique de cumul des charges comtales, certains aristocrates possèdent alors un pouvoir public sur des régions entières avec plusieurs comtés. On parle des charges de Grand Commandements. Ce comte de la marche est donc appelé marchio, il n’a rien à voir avec la frontière de combat mais là il se place une marche au-dessus des autres comtes. Ainsi Robert le Fort, rentré en grâce à en charge toute la région entre la Seine et la Loire ainsi que l’abbaye Saint Martin de Tours des mains de Charles. La condition est qu’il défende cette région contre les Vikings et qu’en plus, il reconnaisse le royaume de Neustrie donc sa vassalité au roi Charles. Du coup, Louis le Bègue, son fils qui dirigeait la région n’est pas satisfait de cette décision. Son père, le croyant limité mentalement, ne lui faisait guère confiance. Il va donc se marier sans le consentement paternel, puisque Charles ne le voyait pas père de famille. De plus, Louis le Bègue décide de battre Robert le Fort en recrutant des Vikings. Mais son entreprise échoue car il est pris en tenaille entre Robert le Fort et Charles. Son père le bat et l’envoie dans un monastère à Meaux.
Cela révèle l’instabilité du coté des fils de Charles le Chauve et déstabilise de nouveau Charles. Robert le Fort pour sa part mourra en défendant la ville d’Angers contre les Vikings avec succès. Sa famille aura toujours l’abbaye de Saint-Martin.

En Flandre aussi on rencontre des difficultés. Baudouin, aristocrate flamand profite du conflit en 862 entre Charles et Louis le Bègue pour enlevé Judith, fille de Charles le Chauve, avec le consentement de celle-ci. Judith est déjà deux fois veuve d’un roi anglo-saxon et de son fils. Elle a une dot très importante et est fine dans ses stratégies. Avec l’aide de Louis le Bègue et de Baudouin, elle fuit de sa forteresse et se marie à Baudouin. Charles tente de faire intervenir le pape qui prend parti pour sa fille. Charles est alors contraint de faire la paix avec son gendre et sa fille. Il va lui pardonner mais va aussi faire sa richesse en lui donnant plusieurs comtés en Flandre ainsi que la prestigieuse abbaye de Saint-Bertin où on écrit les annales du royaume. Baudouin sera un des grands fidèles de Charles et est en plus très efficace dans sa lutte contre les Vikings. Son succès sera tel, que cette région sous la coupe des Vikings devient, sous le commandement de Baudouin, une des régions réputée les plus sures du royaume.

On constate aussi que Baudouin ou Robert le Fort, sont des abbés laïcs. Ils tiennent des revenus liés aux abbayes, celles-ci détenant des grandes richesses. On a des abbayes royales protégées par le roi qui peut alors aussi les ponctionner. Le roi se défait de cette abbaye et la donne à un grand qui est censé la protéger et à ce titre peut toucher des revenus. Tous les abbés laïcs ne sont pas des sangsues comme le disent des écrits ecclésiastiques. Le titre d’abbé ne leur donne aucune autorité religieuse. Ces abbés laïcs ont cependant une assise forte de leur pouvoir grâce aux revenus élevés de ces abbayes et de plus c’est très prestigieux. Par exemple, l’abbaye de Saint-Martin est celle du protecteur du royaume franc, ancien protecteur des Mérovingiens. Dans l’abbaye, on trouve la cape de Saint-Martin, manteau de militaire romain qu’il aurait donné le jour de noël à un mendiant qui n’était autre que le Christ. Dans cette abbaye, on a donc la capa, et la famille de Robert le Fort détenant cette abbaye, ils prendront le nom de Capétiens par la suite.



En Aquitaine, le roi est éloigné et de vastes régions se constituent sans son accord. Ainsi Bernard de Gothie, fils de Bernard de Septimanie contrôle la Septimanie, la marche d’Espagne et le Berry. Bernard d’Auvergne de son coté contrôle l’Auvergne, le Limousin, le Rouergue et le Toulousain. Enfin on a Ramnulf, comte de Poitiers qui contrôle l’Aquitaine centrale. Tous exercent leur pouvoir sur des territoires soit donnés par le roi (Ramnulf), soit reconnus par le roi qui n’a pas le choix pour lutter contre les Vikings.

Cette politique des grands commandements va fonctionner. A partir des années 860, Charles voit son pouvoir renforcé. Lors du capitulaire de Pître en 864, on observe que le roi parvient à restaurer une partie de son autorité notamment en traitant de la réforme de la monnaie. En effet, il réaffirme son privilège royal de battre monnaie seul dans son royaume. Il déclare contrôler les revenus et les agents royaux pour éviter les risques de corruption. Enfin, il devient le seul à pouvoir construire des fortifications contre les Vikings, ce qu’il va d’ailleurs multiplier  par des ponts fortifiés sur les fleuves, et les autres doivent être détruits par le roi. Or à cette période les châteaux prolifèrent sans l’autorisation du roi. Ainsi on constate tout de même des fortifications nouvelles comme tours ou Le Mans, qui confirmerait l’idée que ce capitulaire n’en ait pas resté à de la théorie.

Cette stabilité du royaume de Charles lui permet d’envisager une extension vers l’extérieur notamment avec un retour du rêve impérial.


II.                Le retour du rêve impérial

1.      La succession de Lothaire II

En Lotharingie (de la mer du Nord à Bâle uniquement), Lothaire II s’appuie sur l’épiscopat mais à un souci majeur, il n’a pas d’héritier. Il se préoccupe beaucoup de sa succession ceci dit. Marié à Theutberge à 17 ans par son père, Lothaire II déclare ne l’avoir jamais touchée. En revanche, il avait deux enfants, Hugues et Gisèle, d’une concubine Waldrade, un amour de jeunesse qu’il n’a jamais réussit à retrouver ailleurs. Lothaire n’ayant pas d’enfants avec Theutberge, il va tout faire pour faire reconnaître son mariage avec Waldrade auprès des évêques et du pape. Mais sans succès. Ses deux oncles font tout pour convaincre l’épiscopat qu’une concubine n’est pas légitime. En 869, il décède après avoir juré devant le pape à Rome, n’avoir jamais touché Theutberge. Cela valorise donc ses oncles qui voient un territoire vide de roi.

Hincmar en profite pour couronner Charles, roi de Lotharingie, d’autant que Louis le Germanique est malade. Il se dépêche d’être couronné en 869 dans l’église de Metz, selon un rituel préparé par Hincmar lui-même. Charles fait alors don d’un sacramentaire à l’église où il se représente entouré d’évêques mais est couronné par Dieu. Cette église est en plus, l’église historique des Carolingiens. Il va alors s’installer durant l’hiver à Aix-la-Chapelle. Entretemps, sa femme est décédée et il décide rapidement de se remarier à Richilde, une fille d’aristocrate de Lotharingie. Durant cette période, Charles change de tenue et s’habille comme les empereurs byzantins (ce qui dénote dans la mode de l’époque). Il tente en fait de convaincre son entourage qu’il peut être empereur puisqu’il tient deux royaumes et qu’il occupe Aix-la-Chapelle. Louis comprenant le message s’offusque et réclame un partage des terres de Lothaire II.

La négociation se fait en août 870 à Merseen dans une atmosphère tendue. Ce sont les évêques qui vont renégocier avec les aristocrates pour partager l’Empire et éviter une autre guerre. Au final, Charles cède Aix-la-Chapelle et Metz mais garde en revanche, la vallée de la Meuse, un tiers de la Frise, ainsi que tout le Lyonnais où les évêques le soutiennent. L’extension pour les deux frères est donc assez forte.
Reste la région de Provence qui n’est pas partagée. Charles installe son beau-frère Boson dans le Lyonnais pour contrôler le passage des cls alpins dans l’idée de participer dans la course au titre impérial.

2.      La rivalité pour le titre impérial

Le titre impérial est détenu par l’ainé de Lothaire I, Louis II qui avait en charge le royaume d’Italie. Il meurt en 875 sans fils pour lui succéder. La question est alors de savoir qui va choisir l’empereur. Le pape Jean VIII réclame cette fonction puisque l’empereur devant défendre la ville de Rome, il doit être nommé par le chef de Rome, le pape.
Ce n’est pas Louis le Germanique qui postule, il est trop âgé. Il pousse alors son fils Carloman, soutenu par la veuve de l’empereur Louis II, à prendre ce titre. Charles le Chauve est l’autre prétendant. Jean VIII préfère cependant la candidature de Charles le Chauve couronné le 25 décembre 875, soit 75 ans après son père. Il récupère ainsi les terres d’Italie mais doit rester proche de Rome pour protéger le pape. Charles parvient ainsi empereur pour son plus grand prestige avec l’accord de quelques évêques seulement. Les Grands aristocrates et Hincmar avec d’autres évêques sont sceptiques. Charles ne peut pas intervenir militairement en Italie contre les Sarrasins alors même qu’il lutte contre les Vikings. On a donc une majorité de Grands hostiles au projet de Charles, mais celui-ci n’en tient pas compte.