dimanche 15 avril 2012

Photo 13 - 04 (cours 18, fin)

Précédemment : Photo 12 - 04


Quand le numérique prend l'argentique
Dusty memories, The Girl in the Black Beret, Flickr



Les images d’enregistrement à l’ère du numérique, un tournant dans l’histoire du visuel ?


Depuis une dizaine d’années, on a un grand tournant avec le passage de l’argentique au numérique. On voit des disparitions et des nouveautés apparaître liées à cette évolution. C’est une mutation très nette aussi du métier de reporter de presse. Ainsi les grands médias vont souvent se servir sur flickr puisqu’on trouve des photographies acceptables voire esthétiques mais la plupart du temps, venues d’amateurs. On a des spectateurs présents sur place qui font leurs photographies de manière publique. De plus, l’appareil photo est intégré dans de nombreux outils du quotidien. Un autre point non-négligeable est celle de la connexion au web qui entraine une circulation, une diffusion et un partage phénoménal des images. Enfin le développement des réseaux sociaux met en branle la frontière entre espace public et espace privé.


I.                   Un matériau pléthorique et renouvelé

En 2004, deux évènements révèlent ces tendances : les tortures des prisons d’Abou Ghraib et le tsunami en Indonésie. Les images d’Abou Ghraib furent largement diffusées par la télévision et la presse écrite. Ces images eurent un effet considérable sur la population d’une part par la posture des USA face au reste du monde qui s’est retrouvé brutalement par terre. Le discours de la démocratie de l’administration Bush sur la tyrannie n’a pas résisté. Les images sont sorties par internet et furent seulement reprises ensuite par les médias de masse.
Le photo-journalisme en est bouleversé. Un certain personnel jugé comme photo-journaliste disposait du monopole de l’image de presse avec des photographies de témoignages documentaires. Or pour le tsunami de l’océan Indien, la plupart des images était amateurs. C’est l’arrivée des amateurs sur le terrain de la photographie. On devient alors tous témoins et producteurs d’images sur les faits. Il y a une vérité testimoniale des faits. Le producteur d’images documentaires de références est alors remis en question. Il arrive alors à la photographie la même chose que ce qui est arrivé à la peinture avec l’arrivée de la photographie.

Plus que jamais auparavant on fait une saturation d’images avec une production très facile. Longtemps les images étaient rares et donc importantes. On a une dynamique sans précédent de la photographie, de nouvelles instances de protection des images font jour et s’emparent du média photographique. Tous accèdent à la diffusion des images. Les anciens dépositaires sont alors remis en question.

Trois caractères nouveaux dans ces images numériques :
·         Accumulation : ces images de toute nature s’accumulent et on n’est plus en capacité de mesurer ces quantités.
·         Circulation : elles se déplacent plus que jamais et en particulier par le net.
·         Instantanéité : immédiatement quand un évènement se produit alors quelques heures plus tard on a des photos. La simultanéité n’est pas si neuve, les premiers pas de Neil Armstrong étaient vus en direct, tout comme le World Trade Center. Les attentats de New-York furent l’épiphanie de l’image, la suspension du temps. Les images font l’évènement et étaient placées au centre de la logique d’Al Qaïda qui humiliait les USA par l’acte mais en empêchant la gestion des images du 11 septembre, le mouvement terroriste humilia le pays en le diffusant de part le monde. Par la suite le pouvoir américain put se ressaisir et limité fortement ce flot d’images. Par exemple, les gens qui sautaient des tours furent d’abord vus avant de disparaître de la circulation. De même, pour les corps au sol ou les pompiers dans les tours. Bien entendu on a eu des canulars liés à cet évènement avec The tourist guy de Peter Gruzly.


II.                Une nouvelle culture de l’image ?

Certains ont théorisé l’idée selon laquelle. On serait entrés dans une ère post-photographique selon un spécialiste des visual studies, William J. Mitchell. Il a rédigé en 1992, L’œil reconfiguré dans lequel il insiste dans l’idée qu’il y a une rupture entre l’image argentique et numérique. D’autres reprendront cette conception dans les autres pays comme Pierre Barboza dans Du photographique au numérique : la parenthèse indicielle dans l’histoire des images, 1996. Dans son idée, l’image photographique est un prolongement de la réalité, elle a une relation de vérité avec son sujet. L’image du numérique inaugurerait une ère de soupçon brisant la croyance dans la vérité des images. Cette analyse se fonde sur une théorie ancienne des années 1970 exprimée par une critique d’art, Rosalind Rose : la théorie de l’indicialité. « Toute photographie est le résultat d’une empreinte physique qui a été transférée sur une surface sensible par les réflexions de la lumière. La photographie est donc le type d’icône ou de représentation visuelle qui a avec son objet une relation indicielle. ». L’image photographique n’est pas obtenue par imitation mais s’avère être une trace, une empreinte de la chose elle-même obtenu par un phénomène physique. Pour Roland Barthes, on inaugure les théories du « ça a été ». Quittant le processus physico-chimique, on entre avec le numérique dans un processus opaque, il n’y a plus de continuité avec le sujet. Avec Blow up de Miguel Antonioni en 1967, on voit dans ce film le milieu des popstars avec un photographe témoin d’une scène qu’il ne comprend pas avant de réaliser qu’il a assisté à un crime et de voir l’arme sur une de ses photos. Mais toute cette théorie reste naïve car on ne peut refuser à la photo numérique son caractère d’empreinte. Un processus technique s’est simplement substitué à un autre.

En conséquence, le processus de production de l’image s’est opacifié. On comprenait encore le processus argentique mais le processus numérique est plus complexe et donc moins à portée des photographes. Pour rassurer les usagers de la photographie, les constructeurs ont joué la carte de la continuité des formes et des usages. S’est imposée l’idée qu’on fait tout comme avant et le format 34*26 s’est conservé, les normes du photo-journalisme n’ont pas bougées non plus (on ne retouche pas ce type de photographies), …


III.             La création photographique à l’ère du numérique

Barry Frydlander, photographe israélien ancien photographe-journaliste. Il veut résumer son pays éclaté, divisé, parcellisé, … Pour rendre compte de cet aspect, il a produit des reportages photographiques de tout genre avec une multitude de clichés qu’il a juxtaposé les uns aux autres. Il remet ainsi en cause le pilier de la photographie du XX° siècle en instaurant la durée.

Meyer de son coté appartient au collectif Tendances floues, avec des portraits décalés rappelant Auguste Sander. Dans le cas de l’intouchable, pour mieux rendre compte de leur réalité, Meyer a eu recours à une forme de retouche et de manipulation de l’image. Ainsi, il rend compte de la vérité sociale à travers la retouche. Cette dénonciation passe donc par la retouche dans sa série Mad in India. Ainsi la retouche, le mensonge de la photographie nous donne accès à la vérité sociale.

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