jeudi 5 avril 2012

Médiévale 05 - 04 (cours 8)

Précédemment : Médiévale 29 - 03


Une carte du partage de Verdun et des grandes régions concernées
France serait plutôt Francie, Lorraine plutôt Lotharingie




2.      Les serments de Strasbourg

Considérant que Dieu a parlé, Lothaire poursuit malgré tout la lutte armée sous toutes ses formes notamment des rebellions. Les deux frères pour résister comprennent qu’il faut pousser plus loin les alliances avec des serments scellés entre eux deux, mais aussi entre les frères et leurs fidèles au début de l’année 842.

Nithard, petit-fils de Charlemagne par sa fille Berthe, a choisi son camp auprès de Charles le Chauve. Du coup, il rédige une histoire de la guerre civile alors même qu’il y a participé. On est quasiment sur qu’il l’a écrit au fur et à mesure puisqu’il est mort en juin 842 dans une embuscade. Ce témoignage est très intéressant puisqu’il a vécu les évènements en direct. Après on sait que Nithard n’est pas objectif et il rejette toutes les fautes sur Lothaire, d’où la harangue des frères sur leurs fidèles, les populus, les libres en armes.
Le préambule, explique la situation de la manière suivante. La situation catastrophique est du fait de Lothaire irrespectueux de sa famille, irrespectueux de la religion, … De plus il refuse de négocier alors que ses frères lui proposent des accords. Du coup, la lutte armée doit continuer et il faut resserrer les alliances et les rendre publiques pour les renforcer. A la fin du préambule les frères se disent « Si je venais à violer le serment juré à mon frère, je délie chacun de vous de toute soumission envers moi, ainsi que du serment que vous m’avez prêté. ». Si les frères brisent leurs serments, tous les serments auprès du frère seront caducs. De cette manière, ils maintiennent leur cohésion par le regard de leurs hommes. Cela établit un contrôle effectif des futurs rois par leurs hommes. Le pacte est donc bien entre les frères puis entre le roi et ses fidèles.

De plus, les serments sont célèbres pour leur linguistique. Si Nithard écrit en latin, il a aussi pris soin de les retranscrire dans les langues où ils furent prononcés. Parmi les langues vernaculaires, deux sont à noter : le dialecte francique du cœur du monde carolingien et le dialecte roman (une des langues à l’origine du français). On en conclut alors que toutes les élites de cette époque connaissent au moins une de ces deux langues, ils apprennent le latin et probablement une autre langue.
Ces serments montrent l’apparition de deux grands pôles linguistiques (romans et germaniques) et vont chacun développer des littératures écrites propres par la suite, surtout pour la langue romane. Nithard souligne que chaque roi harangue ses hommes dans sa propre langue tandis que lors de l’échange en face à face de deux frères, ils échangent des langues. Le but est que ce pacte soit compris par les alliés du frère, non pas par ses alliés propres.

Enfin, il y a des serments que les fidèles prêtent non pas à leurs seigneurs mais à l’alliance telle qu’elle s’est constituée. Ainsi les fidèles, font des serments entre leur seigneur (non pas leur roi) et ses vassaux. Ainsi, si le seigneur s’en prend à son frère, les vassaux doivent l’en dissuader et si c’est sans succès, alors le vassal doit lui retirer son aide.

3.      Le partage de Verdun

Forts de leurs serments, les deux frères font le siège d’Aix avec succès et Lothaire cède. Il cède surtout sur pression de ses fidèles qui, s’ils perdent leur seigneur n’auront aucune compensation et perdront leurs terres. En juin 842, les trois frères se rencontrent sur une île de la Saône et forment trois camps à cause des très nombreuses tensions entre les différents partis. Il est alors décidé de partager l’Empire en trois parts égales. L’organisation du partage de l’Empire est entre les mains de quarante commissaires pour chaque frère. Ces commissaires doivent défendre les intérêts de leur seigneur. Le partage est achevé en septembre 843 et aura duré une année entière. Ce fut l’occasion de faire un inventaire de ce qu’on peut partager : les biens fiscaux. On se partage les domaines du roi qui n’avaient été inventoriés que partiellement avec des polyptiques (documents de gestion décrivant les domaines royaux).

Le partage donne forcément à Lothaire l’Italie puisqu’il est empereur, à Louis, la Bavière que personne ne lui contestait et à Charles, l’Aquitaine. Louis et Lothaire sont implantés depuis longtemps en Italie et ont de nombreux alliés. Or en Aquitaine, c’est toujours la révolte ouverte avec Pépin II qui veut récupérer les terres de son père. De plus, il s’agit là des territoires périphériques de l’Empire. Ce qu’on partage est le cœur du monde franc : Bourgogne, Austrasie et Neustrie.
Le partage repose sur certains principes de l’époque : pas d’enclaves qui sont toujours sources de tension, division équitable des territoires restant, les décisions de partage sont irrévocables et enfin même prérogatives pour les frères, ils ont la pleine souveraineté de leurs territoires. Aucun frère ne chapotent les deux autres, tous sont rois des Francs. Le titre impérial est laissé de manière honorifique à Lothaire, aucun avantage tiré de ce titre.

Cette répartition s’est faite sur les conseils des aristocrates et même dans leurs intérêts sur des tensions relativement élevées. On a donc une paix très fragile. En revanche, on n’a aucune documentation officielle de ce partage. Seules les annales de Saint Bertin, annales officielles de l’Ouest du royaume nous décrivent en quelques lignes ce partage, en définissant la frontière des quatre fleuves : Rhône, Saône, Meuse et Escaut pour la frontière de l’Ouest. Ce partage n’est pas un respect des sentiments nationaux (nations inexistantes), ni des différences de langues (langues bien trop diverses), ni des équilibres économiques ou écologiques (réalité peu probable), … Ce partage n’est pas fait pour les peuples mais pour et même par l’aristocratie. L’objectif est que chaque roi doit maintenir les bénéfices de ses vassaux dans son royaume sachant qu’à cette époque on ne peut être l’homme que d’un seigneur à la fois. Il y a eut tout de même quelques inflexions comme le royaume de Lothaire à Langres et Châlon sur Saône.
Malgré tout, certains fidèles ont du quitter leurs terres et leurs honores pour rester dans la fidélité de celui qu’ils avaient choisi. Ce roi devait alors les dédommager par d’autres terres et d’autres droits. Le cas classique est celui de Robert le Fort venu d’une famille de Mayence et obligé de quitter son domaine pour la vallée de la Loire en suivant son seigneur Charles. Le problème principal fut pour les fidèles de Lothaire, très nombreux et très éparpillés dans l’ancien Empire. Or Lothaire ne peut sans arrêt négocier les terres pour ses fidèles. Par exemple, Arras fut conservée par Lothaire pour un de ses fidèles alors qu’on est dans le royaume de Charles.


II.                   La mise en place de nouveaux royaumes

1.      Louis le Germanique et le royaume des Francs (orientaux)

Louis règne sur les territoires les moins peuplés. Il a d’ailleurs les comtés et les diocèses les plus vastes et les plus récents à l’exception de la vallée du Rhin où on a des restes des anciennes cités romaines avec des évêques très influents et l’essentiel des biens fiscaux. Mais l’essentiel du territoire est la Bavière et la vallée du Main au Nord de la Bavière. Deux palais principaux dans cette zone que Louis privilégie fortement : Ratisbonne et Francfort. Louis fait construire des chapelles dans ces palais pour imiter le modèle d’Aix, de Louis le Pieux et de Charlemagne.

Cependant les évêques de la région sont peu influents et plutôt en faveur de Lothaire. Louis s’appuie donc sur les grands monastères impériaux d’autant qu’on est dans un cadre administratif faible. Les trois monastères les plus importants étant Reichenau, Fulda, Saint-Gall. L’aristocratie laïque reste le principal appui de Louis, d’autant que l’identité régionale en Bavière est très forte. La seule forme d’unité est finalement le lien avec le roi, sans lui on n’aurait pas cette unité d’agrégats de peuple. Du coup, cette solidité et cette confiance en cette aristocratie bavaroise lui permet d’assoir son pouvoir.

Enfin le royaume de Louis est le royaume de la Frontière avec les Scandinaves au Nord et les Slaves à l’Est. Louis soutient alors les missions d’évangélisation depuis l’église de Salzbourg et celles en Scandinavie depuis Hambourg. Il colonise alors les espaces frontaliers en luttant de manière permanente contre les populations païennes. Cette guerre ouverte satisfait probablement les aristocrates et explique que Louis s’appuie surtout sur eux.

En 865, Louis partage son royaume entre ses trois fils et il fonde ce partage sur des alliances matrimoniales puisque chaque fils épouse une fille d’un aristocrate de la région qui sera donnée à chaque enfant.

2.      Charles le Chauve et le royaume des Francs (occidentaux)

Charles a un problème majeur, il manque d’un point d’appui d’autant plus que l’Aquitaine est en révolte ouverte contre lui vu que de nombreux nobles soutiennent Pépin II. Charles s’installe entre la Seine et la Meuse avec une rénovation du palais royal de Compiègne auquel il adjoint une chapelle. Le Nord de la Bourgogne, dont vient sa mère, est le lieu où Charles possède ses fidèles les plus sûrs. Il s’appuie donc sur ces deux noyaux principaux. Heureusement pour lui, il bénéficie du soutien des évêques.
Il va alors reconquérir son royaume avec ses fidèles et le soutien de l’épiscopat. Il doit pourtant affermir sa position. Ainsi il réunit un plaid à Coulaines en novembre 843. Durant ce plaid, chacun s’engage à respecter l’honor de l’autre. Le roi promet qu’il ne privera personne de ses honores sans motif grave et les vassaux promettent leur fidélité. Charles promet aussi de ne pas toucher aux terres des évêques qui lui rendent aussi fidélité. C’est une nouveauté puisque le roi doit donner un retour aux Grands, ce qui ne se faisait pas avant. Si tous les rois n’étaient pas là, avec des expéditions militaires et surtout des négociations, il parvient à acquérir ses fidélités et cela est reconnu lors de sacre de 848 à Orléans par l’archevêque Ganelon. Charles devient définitivement roi du royaume occidental.

Dans ce royaume l’aristocratie y est très puissante et négocie beaucoup. Du coup, les évêques sont le seul vrai noyau de ce royaume et Charles est réputé tenir une royauté sacrale. Du coup, il tient une cour brillante et se compare beaucoup à son grand-père dont à part l’aspect intellectuel, il ne peut avoir le reste.

Enfin dernier point de ce royaume, c’est celui qui est dévasté par les Vikings. En effet c’est le royaume avec le plus de côtes et puis les vikings sont des mercenaires utilisés par l’aristocratie pour se révolter et pour mettre en évidence la nullité du roi.

3.      Lothaire et le royaume Franc (médian)

Lothaire hérite des terres les plus prestigieuses entre la Meuse et le Rhin, centre du monde carolingien (Aix la Chapelle) et détient l’Italie (Rome) liée au prestige impérial. Entre ces deux zones, on a un royaume vaste sans aucune unité. La Bourgogne et la Provence n’ont pas d’unité et en plus les Alpes compliquent la circulation entre les deux zones. On a donc en réalité deux royaumes se considérant comme tels, dans le royaume.
Après le partage, Lothaire donne à son fils Louis, le royaume d’Italie qu’il doit administrer. Malgré le fait que Lothaire y a ses fidèles, il ne s’en préoccupera plus. Louis de son coté passera surtout son temps à lutter contre les Sarrasins.
Dans le Nord de son royaume, Louis donne des terres à ses fidèles. Ainsi Girard, comte de Vienne sera muté en Bourgogne et en Provence, où il a une délégation du pouvoir de Lothaire, et va en fait résister aux tentatives de grignotage des terres de la part de Charles le Chauve. Girard deviendra même un héros d’une chanson de geste.
La partie entre la Frise et la Bourgogne sera donnée à son fils Lothaire II et sera nommé de par son nouveau seigneur la Lotharingie. Il a donc les terres d’origine des Pippinides avec des lieux symboliques de pouvoir comme Metz et Aix-la-Chapelle. Or l’espace lotharingien avec autant de biens fiscaux et de prestige est forcément l’objet des convoitises des autres frères.


Ainsi le partage est fixé mais contenu des haines accumulées et les difficultés de royaumes, les hostilités vont vite reprendre. La guerre civile est finie pour peu de temps.

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