Une carte du partage de Verdun et des grandes régions concernées
France serait plutôt Francie, Lorraine plutôt Lotharingie
2.
Les serments de Strasbourg
Considérant
que Dieu a parlé, Lothaire poursuit malgré tout la lutte armée sous toutes ses
formes notamment des rebellions. Les deux frères pour résister comprennent qu’il
faut pousser plus loin les alliances avec des
serments scellés entre eux deux, mais aussi entre les frères et leurs fidèles
au début de l’année 842.
Nithard, petit-fils de Charlemagne par
sa fille Berthe, a choisi son camp auprès de Charles le Chauve. Du coup, il
rédige une histoire de la guerre civile alors même qu’il y a participé. On est
quasiment sur qu’il l’a écrit au fur et à mesure puisqu’il est mort en juin 842 dans une embuscade. Ce témoignage est
très intéressant puisqu’il a vécu les évènements en direct. Après on sait que
Nithard n’est pas objectif et il rejette toutes les fautes sur Lothaire, d’où
la harangue des frères sur leurs fidèles, les
populus, les libres en armes.
Le
préambule, explique la situation de la manière suivante. La situation
catastrophique est du fait de Lothaire irrespectueux de sa famille,
irrespectueux de la religion, … De plus il refuse de négocier alors que ses
frères lui proposent des accords. Du coup, la
lutte armée doit continuer et il faut resserrer les alliances et les rendre
publiques pour les renforcer. A la fin du préambule les frères se disent « Si je venais à violer le serment juré à mon
frère, je délie chacun de vous de toute soumission envers moi, ainsi que du
serment que vous m’avez prêté. ». Si les frères brisent leurs
serments, tous les serments auprès du frère seront caducs. De cette manière, ils maintiennent leur cohésion par le regard de leurs
hommes. Cela établit un contrôle effectif des futurs rois par leurs hommes. Le
pacte est donc bien entre les frères puis entre le roi et ses fidèles.
De plus, les
serments sont célèbres pour leur linguistique. Si Nithard écrit en latin, il a
aussi pris soin de les retranscrire dans les langues où ils furent prononcés. Parmi les langues vernaculaires,
deux sont à noter : le dialecte
francique du cœur du monde carolingien et le dialecte roman (une des langues à l’origine du français). On en
conclut alors que toutes les élites de cette époque connaissent au moins une de
ces deux langues, ils apprennent le latin et probablement une autre langue.
Ces
serments montrent l’apparition de deux grands pôles linguistiques (romans et
germaniques) et vont chacun développer des littératures écrites propres par la
suite, surtout pour la langue romane. Nithard
souligne que chaque roi harangue ses hommes dans sa propre langue tandis que
lors de l’échange en face à face de deux frères, ils échangent des langues. Le
but est que ce pacte soit compris par les alliés du frère, non pas par ses
alliés propres.
Enfin, il y a des
serments que les fidèles prêtent non pas à leurs seigneurs mais à l’alliance
telle qu’elle s’est constituée.
Ainsi les fidèles, font des serments entre leur seigneur (non pas leur roi) et
ses vassaux. Ainsi, si le seigneur s’en prend à son frère, les vassaux doivent
l’en dissuader et si c’est sans succès, alors le vassal doit lui retirer son
aide.
3.
Le partage de Verdun
Forts de leurs
serments, les deux frères font le siège d’Aix avec succès et Lothaire cède. Il
cède surtout sur pression de ses fidèles qui, s’ils perdent leur seigneur n’auront aucune
compensation et perdront leurs terres. En
juin 842, les trois frères se rencontrent
sur une île de la Saône et forment trois camps à cause des très nombreuses
tensions entre les différents partis. Il est alors décidé de partager l’Empire
en trois parts égales. L’organisation du
partage de l’Empire est entre les mains de quarante commissaires pour chaque
frère. Ces commissaires doivent défendre les intérêts de leur seigneur. Le
partage est achevé en septembre 843 et
aura duré une année entière. Ce fut l’occasion
de faire un inventaire de ce qu’on peut partager : les biens fiscaux.
On se partage les domaines du roi qui n’avaient été inventoriés que partiellement
avec des polyptiques (documents de gestion décrivant les domaines royaux).
Le partage donne forcément
à Lothaire l’Italie puisqu’il est empereur, à Louis, la Bavière que personne ne
lui contestait et à Charles, l’Aquitaine. Louis et Lothaire sont implantés depuis longtemps
en Italie et ont de nombreux alliés. Or en Aquitaine, c’est toujours la révolte
ouverte avec Pépin II qui veut récupérer les terres de son père. De plus, il s’agit
là des territoires périphériques de l’Empire. Ce qu’on partage est le cœur du monde franc : Bourgogne, Austrasie
et Neustrie.
Le partage repose
sur certains principes de l’époque : pas d’enclaves qui sont toujours
sources de tension, division équitable des territoires restant, les décisions de
partage sont irrévocables et enfin même prérogatives pour les frères, ils ont
la pleine souveraineté de leurs territoires. Aucun frère ne chapotent les deux
autres, tous sont rois des Francs.
Le titre impérial est laissé de manière
honorifique à Lothaire, aucun avantage tiré de ce titre.
Cette répartition s’est
faite sur les conseils des aristocrates et même dans leurs intérêts sur des tensions relativement
élevées. On a donc une paix très fragile. En revanche, on n’a aucune
documentation officielle de ce partage. Seules les annales de Saint Bertin,
annales officielles de l’Ouest du royaume nous décrivent en quelques lignes ce
partage, en définissant la frontière des quatre fleuves : Rhône, Saône,
Meuse et Escaut pour la frontière de l’Ouest. Ce partage n’est pas un respect
des sentiments nationaux (nations inexistantes), ni des différences de langues
(langues bien trop diverses), ni des équilibres économiques ou écologiques
(réalité peu probable), … Ce partage n’est
pas fait pour les peuples mais pour et même par l’aristocratie. L’objectif est
que chaque roi doit maintenir les bénéfices de ses vassaux dans son royaume
sachant qu’à cette époque on ne peut être l’homme que d’un seigneur à la fois.
Il y a eut tout de même quelques inflexions comme le royaume de Lothaire à
Langres et Châlon sur Saône.
Malgré tout,
certains fidèles ont du quitter leurs terres et leurs honores pour rester dans la fidélité de celui qu’ils avaient choisi.
Ce roi devait alors les dédommager par d’autres terres et d’autres droits. Le
cas classique est celui de Robert le Fort venu d’une famille de Mayence et obligé de quitter
son domaine pour la vallée de la Loire en suivant son seigneur Charles. Le
problème principal fut pour les fidèles de Lothaire, très nombreux et très
éparpillés dans l’ancien Empire. Or Lothaire ne peut sans arrêt négocier les
terres pour ses fidèles. Par exemple, Arras fut conservée par Lothaire pour un
de ses fidèles alors qu’on est dans le royaume de Charles.
II.
La mise en place de
nouveaux royaumes
1.
Louis le Germanique et le royaume des Francs (orientaux)
Louis règne sur les
territoires les moins peuplés. Il a d’ailleurs les comtés et les diocèses les
plus vastes et les plus récents à l’exception de la vallée du Rhin où on a des restes des anciennes
cités romaines avec des évêques très influents et l’essentiel des biens
fiscaux. Mais l’essentiel du territoire est la Bavière et la vallée du Main au
Nord de la Bavière. Deux palais principaux dans cette zone que Louis
privilégie fortement : Ratisbonne et Francfort. Louis fait construire des chapelles dans ces palais pour imiter
le modèle d’Aix, de Louis le Pieux et de Charlemagne.
Cependant les
évêques de la région sont peu influents et plutôt en faveur de Lothaire. Louis s’appuie
donc sur les grands monastères impériaux d’autant qu’on est dans un cadre administratif
faible. Les trois monastères les plus importants étant Reichenau, Fulda,
Saint-Gall. L’aristocratie laïque reste le
principal appui de Louis, d’autant que l’identité régionale en Bavière est
très forte. La seule forme d’unité est
finalement le lien avec le roi, sans lui on n’aurait pas cette unité d’agrégats
de peuple. Du coup, cette solidité et cette confiance en cette aristocratie
bavaroise lui permet d’assoir son pouvoir.
Enfin le royaume de
Louis est le royaume de la Frontière avec les Scandinaves au Nord et les Slaves
à l’Est. Louis soutient alors les missions d’évangélisation depuis l’église de Salzbourg et
celles en Scandinavie depuis Hambourg. Il colonise alors les espaces
frontaliers en luttant de manière permanente contre les populations païennes. Cette guerre ouverte satisfait probablement
les aristocrates et explique que Louis s’appuie surtout sur eux.
En
865, Louis partage son royaume entre ses
trois fils et il fonde ce partage sur des alliances matrimoniales puisque
chaque fils épouse une fille d’un aristocrate de la région qui sera donnée à
chaque enfant.
2.
Charles le Chauve et le royaume des Francs (occidentaux)
Charles a un
problème majeur, il manque d’un point d’appui d’autant plus que l’Aquitaine est
en révolte ouverte contre lui vu que de nombreux nobles soutiennent Pépin II.
Charles s’installe entre la Seine et la Meuse avec une
rénovation du palais royal de Compiègne auquel il adjoint une chapelle. Le Nord de la Bourgogne, dont vient sa
mère, est le lieu où Charles possède ses fidèles les plus sûrs. Il s’appuie
donc sur ces deux noyaux principaux. Heureusement
pour lui, il bénéficie du soutien des évêques.
Il va alors
reconquérir son royaume avec ses fidèles et le soutien de l’épiscopat. Il doit
pourtant affermir sa position. Ainsi il réunit un plaid à Coulaines en novembre 843. Durant ce plaid, chacun s’engage à
respecter l’honor de l’autre. Le roi promet qu’il ne privera
personne de ses honores sans motif
grave et les vassaux promettent leur fidélité. Charles promet aussi de ne pas
toucher aux terres des évêques qui lui rendent aussi fidélité. C’est une nouveauté puisque le roi doit
donner un retour aux Grands, ce qui ne se faisait pas avant. Si tous les rois n’étaient pas là, avec des
expéditions militaires et surtout des négociations, il parvient à acquérir ses
fidélités et cela est reconnu lors de sacre de 848
à Orléans par l’archevêque Ganelon. Charles devient définitivement roi du
royaume occidental.
Dans ce royaume l’aristocratie
y est très puissante et négocie beaucoup. Du coup, les évêques sont le seul
vrai noyau de ce royaume
et Charles est réputé tenir une royauté sacrale. Du coup, il tient une cour
brillante et se compare beaucoup à son grand-père dont à part l’aspect
intellectuel, il ne peut avoir le reste.
Enfin dernier point
de ce royaume, c’est celui qui est dévasté par les Vikings. En effet c’est le royaume avec
le plus de côtes et puis les vikings sont des mercenaires utilisés par l’aristocratie
pour se révolter et pour mettre en évidence la nullité du roi.
3.
Lothaire et le royaume Franc (médian)
Lothaire hérite des
terres les plus prestigieuses entre la Meuse et le Rhin, centre du monde
carolingien (Aix la Chapelle) et détient l’Italie (Rome) liée au prestige
impérial. Entre ces deux zones, on a un royaume vaste
sans aucune unité. La Bourgogne et la Provence n’ont pas d’unité et en plus
les Alpes compliquent la circulation entre les deux zones. On a donc en réalité
deux royaumes se considérant comme tels, dans le royaume.
Après le partage,
Lothaire donne à son fils Louis, le royaume d’Italie qu’il doit administrer. Malgré le
fait que Lothaire y a ses fidèles, il ne s’en préoccupera plus. Louis de son
coté passera surtout son temps à lutter contre les Sarrasins.
Dans le Nord de son
royaume, Louis donne des terres à ses fidèles. Ainsi Girard, comte de Vienne
sera muté en Bourgogne et en Provence, où il a une délégation du pouvoir de
Lothaire, et va
en fait résister aux tentatives de grignotage des terres de la part de Charles
le Chauve. Girard deviendra même un héros d’une chanson de geste.
La partie entre la
Frise et la Bourgogne sera donnée à son fils Lothaire II et sera nommé de par
son nouveau seigneur la Lotharingie.
Il a donc les terres d’origine des Pippinides avec des lieux symboliques de
pouvoir comme Metz et Aix-la-Chapelle. Or l’espace lotharingien avec autant de
biens fiscaux et de prestige est forcément l’objet des convoitises des autres
frères.
Ainsi le partage
est fixé mais contenu des haines accumulées et les difficultés de royaumes, les
hostilités vont vite reprendre.
La guerre civile est finie pour peu de temps.
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