vendredi 6 avril 2012

Sociologie politique - CM - Chapitre 2

Chapitre 2 : L’opinion publique et les sondages.



Les sondages sont aujourd’hui importants dans la vie politique française. Il y a plus de 1000 sondages fait pas an. Le budget de l’Etat pour les sondages a augmenté depuis 40% depuis 2007. Laurence PARISOT, la présidente du MEDEF, le syndicat des grands patrons, est aussi vice-présidente de l’IFOP, un des instituts de sondage français.



Autres instituts de sondages d’opinion : TNS-SOFRES et BVA.



Les ministres n’ont pas le droit de commander des sondages d’image, pour sonder la côte de popularité d’un membre de leur parti : il doit y avoir une certaine indépendance entre les sondages et les hommes politiques, même si cela est très régulièrement contourner, d’après la cours des comptes.

Les sondages rythment la vie politique comme s’ils avaient toujours existé, mais pourtant ils sont amplement controversés en sociologie. Parmi les sociologues les plus critiques, il y a BOURDIEU (« l’opinion publique n’existe pas ») mais plus récemment GARRIGOU (qui travaille parfois avec le Monde), LEHINGLLE et CAVENS.

Les sociologues se prononcent sur la campagne présidentielle.



I-                   Comment les sondages se sont imposés dans la vie politique ?



Les sondages se présentent comme le reflet de l’opinion publique. « L’opinion publique, c’est ce que mesure les sondages » selon STOETZER, en 1938, un membre de l’IFOP.

La notion d’opinion publique a eu plusieurs définitions, selon l’époque. Cette définition du sondage est donc critiquable.



1-      La construction de l’opinion publique.



On considère qu’il n’y a pas un unique moyen de savoir ce que pense le peuple mais qu’il y a plusieurs moyens.



* Pendant les Lumières.



La notion d’opinion publique émerge dans les salons, mais l’opinion publique est celle d’une élite, critique par rapport à la monarchie. L’opinion publique se construit donc en opposition au pouvoir royal, c’est celle des philosophes.



* Durant le développement de la démocratie représentative.



On estime que les députés représentent la volonté de la nation par le biais du suffrage (censitaire puis universel) qui désigne les représentants du peuple.



* Durant le XIXe siècle, avec la presse.



Il s’y développe une presse qui se veut populaire et qui prétend se faire le porte-parole de l’opinion.  Ce qu’on entend par l’opinion devient ce que pense la masse de la population, et c’est encore cela qu’on entende aujourd’hui : c’est l’aspect populaire de l’opinion qui est important.



* Après 1848, avec les manifestations de rue.



Avec les manifestations de rue, on pense que ces mouvements peuvent représenter l’opinion du peuple, par son action.



2-      L’invention du sondage.



Il a été inventé en 1930 par Henri GALLUP aux USA. Il commence à avoir du succès en 1936 alors qu’il arrive à prédire qui va être élu à l’élection présidentielle, misant sur ROOSEVELT, alors que certains le donnaient perdant en faisant une enquête sur 2M de personnes.

Dés 1938, il a un contrat exclusif avec une centaine d’organes de presse et se généralise les rubriques american speaks.



En France, le premier institut de sondage est créé en 1936 par STOETZER avec l’IFOP. Mais c’est en 1945, avec la première élection française au suffrage universel direct, où  XXX



Cette méthode repose sur deux modes d’échantillonnage :

=> la méthode aléatoire : on tire des gens au sort, c’est la méthode la plus fiable. Cela nécessite un échantillon assez grand pour que le tirage au sort soit efficace.

=> La méthode par quota : c’est la méthode que l’on pratique surtout en France. On constitue un échantillon en fonction de sa sélectivité : il doit représenter la population et observer les mêmes caractéristiques qu’elle. C’est la CSP, l’âge et le sexe les trois variables. C’est un système moins couteux mais plus contestable plus scientifiquement (moins couteux car moins besoin d’un grand échantillon).



Il y a plusieurs types de sondages :

=> 10% sont des sondages politiques.

=> Le reste sont d’avantage des sondages économiques : fréquentation des musées, consommation.



Les sondages disent que ce sont uniquement des sondeurs professionnels qui font les sondages politiques, qu’il y aurait un prestige fort mais une rémunération moindre que dans les autres sondages.



Mais en vérité, c’est faux car selon l’actualité politique, on a besoin de plus de sondeurs, cela produit même du travail précaire en embauchant des individus non formés.



Les différents types de sondages politiques :

=> Mettent en relation les caractéristiques sociales de l’électorat et leurs pratiques électorales et politiques.  Ex : est-ce que les jeunes sont affiliés à un parti, est-ce qu’ils votent, pour qui ? Avec les CSP aussi.

=> Les sondages qui cherchent à connaitre les intentions de vote. La date a une grande importance dans l’analyse, si le sondage est trop anticipé, on ignore toutes les actions imprévisibles de la campagne qui influenceront les individus. Les médias mettent très peu en avant ce biais-là. Les seuls sondages de prédiction sont ceux fait juste avant les élections.

=> Les enquêtes d’opinion : « selon vous ». Ce sont ces sondages qui soulèvent les principales critiques.



3-      Pourquoi les sondages sont venus aussi omniprésent dans la vie de la démocratie ?



=> Leur apparente scientificité.

On a l’impression que l’on a trouvé un moyen scientifique de calculer cette opinion publique : cela serait l’alliance de la politique et de la science.

=> Il y a l’impression que cela a produit une forme de démocratie directe. Cela permet aux citoyens d’intervenir à plusieurs niveaux. Cela permettrait de choisir les candidats en mesurant la côte de popularité des membres des différents partis. Cela ferait une sorte de contrôle démocratique sur le pouvoir : cela serait comme des petits referendums, obligeant les politiques à respecter les décisions de la majorité des sondés. Ils favoriseraient le respect de l’opposition, les sondages rappelant en permanence à la majorité gouvernementale que l’ensemble des citoyens ne partagent pas les décisions prises, cela serait une sorte de contre-pouvoir.



Tout cela est efficace si l’on fait le présupposé qu’un sondage est scientifique, nous allons prouver le contraire.



II-                Les limites des sondages à représenter une « opinion publique ».



L’idée soutenue par BOURDIEU notamment est que l’opinion publique n’existe pas, cela serait les instituts de sondage qui construisent cette opinion.



=> Certaines personnes mentent dans les sondages, mais il y a toute une série de technique pour redresser les intentions de vote à l’extrême car les individus ne revendiquent pas un vote à l’extrême (droite, surtout).

=> Les questions peuvent être biaisés et donc entrainer une réponse plutôt qu’une autre. Les sondages reposent sur des questions fermés pour des facilités de codage. Or, ce type de question induit les réponses et cela ne permet pas d’obtenir l’opinion des sondés mais plutôt une prise de position sur une question pré-formulée.

=> La sous-représentation dans les sondages des individus que l’on peut considérer comme les plus dominés socialement (les marginaux), dans la méthode par quotas. Un universitaire américain souligne que les enquêteurs, s’ils peuvent choisir les sondés, éviteront les rues sombres : ils n’iront pas là où les contacts sont les plus durs à obtenir.

=> Rien n’indique que les personnes sélectionnées sont vraiment représentatives du groupe social qui est le leur. Par exemple, les retraités forment une population hétérogène et dans les sondages, on ne la stratifie pas, on la considère comme homogène.

=> Ces échantillons ne tiennent pas compte des non réponses : on ne dit pas combien de personnes ont refusé de répondre au sondage avant d’arriver au nombre d’enquêtés total. Or, on considère qu’il n’y a que 5% des personnes contactés qui acceptent de répondre aux sondages : qui sont ces 5% ? Sont-ils représentatifs de la population ? Inversement, qui sont ceux qui refusent de répondre ? Des enquêtes montrent que ce sont les populations les moins surs d’elles, celles qui ont le moins de capitaux. On remarque une surreprésentation dans les échantillons des personnes qui ont un diplôme du supérieur : il y a donc une auto-exclusion des personnes qui ont un faible capital scolaire. De même, plus la question est politique, plus les individus ont tendance à s’abstenir lorsque leur niveau scolaire est faible (de même pour les femmes).



Ex : sondage sur l’islamophobie, sur lequel a discuté TEVANIAN.

L’IFOP a produit un sondage dont le résultat est que 42% des Français considèrent que la présence musulmane est une menace.

La question était la suivante :

Pensez-vous que la présence d’une communauté musulmane en France est :

=> plutôt une menace pour l’identité de notre pays ?

=> plutôt un facteur d’enrichissement culturel.

=> Ni l’un, ni l’autre.



La question est clairement orienté, on parle directement de menace et le terme d’enrichissement culturel n’est pas très clair. Ensuite, personne ne peut dire qu’ils s’en fichent, ils doivent avoir un avis. En fonction du contexte médiatique, certains enquêtés pensent qu’il faut « bien » répondre.



TEVANIAN a conclu que sans nier la portée raciste des 42%, il pense que ce sondage donne plus d’informations sur les médias, sur les stratégies des élites politiques et journalistes qui produisent ce type de sondage plutôt que sur les Français. Toutefois, il ne faut pas oublier les 42% qui ont répondu cela.



=> Les sondages posent des questions que les sondés ne se posent pas forcement, ceux-ci n’ont donc pas d’opinion et sont inégalement informer. Une fois que les individus ont accepté de répondre au sondage, ils répondent toutefois aux questions, même s’ils n’ont pas d’avis ou s’ils ne comprennent pas la question.

Les sondés ne répondent pas au hasard mais selon ce qu’ils pensent qu’on attend d’eux (plutôt la télévision, du coup).



=> Les enquêtés peuvent interpréter différemment les questions selon leur capacité à répondre. Une personne qui ne sait pas quoi répondre à une question politique a tendance à transformer la question en question éthique, sur laquelle il arrive plus facilement à répondre. Par exemple, la question de l’avortement, on peut parler de l’hygiène mais aussi de la question de la vie du fœtus.



Soit on construit une opinion sur un avis politique si l’on a les capacités pour traduire la question et construire la réponse à partir des connaissances que l’on a, soit on construit une opinion sur un avis éthique, à partir des valeurs intériorisées depuis l’enfance et en construisant une réponse à partir de cela.

Dans un sondage, personnes ne répond entièrement selon un mode politique ou éthique, mais plus on descend dans la hiérarchie sociale, plus les réponses sont éthiques.

BOURDIEU montre que l’on pose des questions comme si le sondage était fait en dehors de tout contexte social, alors que ce n’est pas le cas. Par exemple, la sortie du nucléaire avant et après Fukushima, la réponse n’est évidemment pas la même.



III-             Les effets des sondages : une dimension performative.



Qu’est-ce qu’on peut faire des sondages préélectoraux quand on sait que 40% des individus sont indécis avant d’aller aux urnes et que 8% sont abstentionnistes mais n’osent pas le dire tellement c’est condamné socialement ?

Les sondages ont un intérêt pour les médias car ils peuvent ainsi avoir des bases prétendument rationnelles et scientifiques.



Sur le site de mediapart, des sociologues du politique commentent l’actualité politique du moment. Alexandre DEZE montre que l’on ne peut pas dire que le FN se banalise mais qu’il y a un intérêt des médias à dire cela et à crée une sorte d’épouvantail.



1-      Est-ce que les sondages font et défont les candidats ?



Patrick LEHINGUE montre qu’il y a deux effets des sondages sur le vote : l’effet underdog et l’effet bandwagon.



L’effet underdog (chien battu):

Une partie des électeurs indécis seraient charitables et viendraient à la rescousse des candidats qui font des mauvais scores dans les sondages. En 1995, dans les sondages CHIRAC avait 8% des intentions de vote et BALLADUR avait 35% six mois avant les présidentielles, pourtant c’est CHIRAC qui gagne.



L’effet bandwagon (grimper dans le train en marche) :

Il y aurait une fraction plus ou moins importante des électeurs indécis qui voteraient pour le candidat donné gagnant.

En 1974, VGE aurait récupérer des voix car il était un peu plus haut dans les sondages.



LEHINGUE considère que ces effets se compensent : 3% des électeurs pour chacun de ces effets, on ne peut donc rien prévoir.

En période électoral, c’est donc naïf de penser que les résultats des sondages auraient un impact sur le vote des citoyens, c’est d’avantage les actions des candidats qui impactent.



On peut toutefois nuancer cette information car indirectement les sondages peuvent jouer car il y aurait un lien entre la place dans les sondages et l’exposition médiatique des candidats.

Avant le 20 mars en France, c’est le principe de l’équité : ce sont les médias qui choisissent le temps de parole des candidats selon la place qu’ils ont dans les sondages et selon les résultats des élections précédentes, ils préfèrent donner plus de temps de parole aux candidats qui seront les principaux candidats de la campagne.

Du 20 mars au 8 avril : c’est le principe de l’égalité du temps de parole, chaque candidat ont le même temps de parole mais c’est le principe de l’équité qui joue toujours dans les commentaires politiques.

Après le 8 avril : c’est le principe de l’égalité pour le temps de parole et pour les commentaires politiques.

Sachant que le temps de parole des membres du parti sont déduits du temps de parole du candidat.



2-      Les sondages sont un instrument de l’action politique (BOURDIEU).



Dans les démocraties actuelles, le peuple est devenu source de la légitimité du pouvoir. Une politique qui correspond aux attentes de l’opinion publique parait légitime et une politique qui va à l’encontre de l’opinion publique est considérée comme illégitime.



Est-ce que les sondages influent sur les décisions qui vont être prises ?

Normalement, non. Les décisions politiques se prennent en théorie par rapport à l’intérêt générale : en prenant en compte les lobbys, les experts, les ministres. Si les sondages peuvent jouer, c’est à la marge et c’est un élément parmi d’autres.

Les sondages servent surtout a posteriori, ils servent à légitimer l’action politique. C’est pour dire que la décision du gouvernement va dans le sens de ce que veut l’opinion publique mais la décision se fait en générale indépendamment de ce que veut l’opinion publique.

Ex : C’est le cas pour les réformes de la garde-à-vue, de la castration chimique systématique des délinquants sexuels multirécidivistes et l’hospitalisation forcée des malades mentaux.



BOURDIEU montre que l’opinion publique n’existe pas à l’Etat de nature, qu’elle est construite par les médias et les politiques.

Les politiques utilisent les sondages pour façonner leur image, savoir ce que les individus pensent d’eux, cela permet d’avoir un temps d’avance sur les médias et de mieux gérer le jeu médiatique.



La notion de « démocratie du public », forgée par Bernard MANIN.

Il montre qu’il y a eu plusieurs façons de concevoir le lien entre les gouvernants et les gouvernés.



D’abord des gouvernants qui ne se sentent pas redevables envers les électeurs, agissant en fonction de ce qu’ils pensent être l’intérêt général, ils ne se pensent pas obliger d’assumer leurs promesses de campagne. C’est ce qui se passait notamment avant la construction des partis politiques.



Ensuite, il y a une représentation des partis politiques. Les gouvernants sont tenus de représenter leur électorat : on attend une identité entre les élus et l’électorat qui vote pour eux et on attend que les hommes politiques respectent le programme établit par le parti politique.



Il y a enfin une troisième relation qui se met en place, c’est celle qu’on observe aujourd’hui. Les hommes politiques sont plus dans une représentation individuelle, ils sont moins liés au parti politique qui le soutient. L’homme politique est d’avantage élu pour ses capacités personnelles.

MANIN explique que ce n’est pas forcément une chose mauvaise, on est dans un monde plus complexe où l’on ne peut prévoir à l’avance les choses, on attend donc des hommes politiques qui savent faire preuve d’une capacité à agir rapidement et à gérer des crises. Cela explique donc que la personnalité des hommes politiques ait atteint une si grande importance, cela étant accentué par le jeu médiatique.



Dans ce système de démocratie du public, les gouvernants gouverneraient par l’image, ils lanceraient des grandes idées qui vont diviser l’électorat et autour desquelles ils tentent de mobiliser leur électorat. Mais il y a toujours une forme d’incertitude car on ne sait pas toujours comment son électorat va réagir à une nouvelle idée.

Exemple : SARKOZY a mobilisé contre l’Europe, il pense que l’électorat contre l’Europe va se rallier à son idée, LE PEN a fait la même chose avec le HALAL, HOLLANDE a fait cela avec l’imposition des riches à 75% au-dessus d’un million/an.

Faisant cela, les candidats et les membres du gouvernement changent leur discours selon la réaction de l’électorat. Pour savoir si cela fonctionne on pas, ils peuvent attendre l’élection (mais c’est risqué) ou alors produire des sondages pour savoir si leurs idées fonctionnent ou pas.



Il y a au moins 15 jours entre le moment où un homme politique propose une idée et le moment où l’on peut mesurer les effets de cette annonce.



Conclusion :

Ainsi, l’opinion publique est un construit social et se fait d’avantage dans les conversations et les oppositions plutôt que dans les sondages isolés.

Il y a de nouvelles façons de mesurer les opinions, plus précises, notamment en rapprochant les moyens de récupérer l’opinion avec des situations plus proches de la vie réelle : on laisse les individus exprimer leurs idées, on fait interagir les enquêteurs et enquêtés et on apporte des éléments d’information au sondage, on pose des questions plus proches de la réalité des individus.

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