dimanche 15 avril 2012

Moderne 12 - 04 (cours 9)

Précédemment : Moderne 05 - 04


Merci à Christelle pour son cour, qui m'a ainsi permis de compléter le mien.


Le cardinal de Richelieu, la terreur du XV° siècle


Seconde partie des sujets pouvant tomber le jour des partiels :
* Faire de la politique avec des écrits à l’époque moderne

* Publier sous l’Ancien Régime

* Pouvoirs et imprimés à l’époque moderne

* Economie des métiers du livre, culture et politique à l’époque moderne



Politiques de l’imprimé et censure


Le phénomène des libelles ne pouvait pas être uniquement du coté de la mise en crise du contrôle de l’imprimé. Sous la Ligue, la publication de pamphlets par un pouvoir ligueur parisien provoquait une politique de censure. Sous la Fronde en revanche, on a bien une mise en crise du système de l’imprimé instauré 20 ans plus tôt par le cardinal de Richelieu, premier ministre de Louis XIII. Ce système de contrôle de l’imprimé est très cohérent, très neuf et va profondément marquer l’imprimé. Ce système qui s’est effondré sous la Fronde va se reconstituer plus fortement que jamais après cette crise.


I.                   Richelieu et l’espace de l’imprimé

Au pouvoir entre 1624 et 1642, Richelieu est identifié au règne personnel de Louis XIII avec une originalité, une double tête au pouvoir : le roi et son principal ministre. Richelieu est réputé avoir eut une main de fer contre ses ennemis : Protestants, Espagnols, … Il est moins connu pour sa politique en direction des lettres. Sa politique est originale, soucieux de l’espace de l’imprimé, il souhaite un peu le contrôler mais surtout le manipuler.

1.      Pamphlets

Richelieu fait faire beaucoup de pamphlets par les écrivains en défendant sa politique (contre l’Espagne ou les ennemis intérieurs). Sous sa présidence, il y a plus de pamphlets produit par Richelieu que contre lui. Mathieu de Morgues se met au service de Richelieu dans les années 1620, il accompagne son arrivée au pouvoir.
En 1630, une grande crise politique a lieu : la journée des dupes. Durant ces deux journées de la fin de septembre 1630, on pense que Richelieu va être disgracié par son conflit avec Marie de Médicis. Mais le lendemain, le contraire se produit, la reine-mère est exilée et Richelieu plus puissant que jamais va annihiler ses ennemis. C’est donc le choix de mener une politique de confrontation avec l’autre grande puissance catholique de l’époque, l’Espagne, plutôt que de s’allier à l’Espagne pour contrer les Protestants. C’est un impérialisme plus qu’une politique chrétienne.

2.      La mobilisation des érudits

Richelieu se paye les services de grands archivistes qui travaillent d’anciens documents devant porter appui à sa politique. Dans les années 1630, la France envahit la Lorraine. Auparavant, des séries d’écrits et de mémoires sont publiés pour faire valoir les droits du roi de France sur la Lorraine. Cela se retrouve alors dans des pamphlets soutenant les droits du roi.

Des proches de Richelieu produisent des mémoires sur de nombreux sujets qu’on appelle les papiers de Richelieu. Une partie est devenue manuscrite, une partie est devenue libre d’histoire et une partie est devenue pamphlet. C’est de là que proviennent les Mémoires de Richelieu. Des ouvrages sur le bon gouvernement paraissent comme De la souveraineté du roi toujours sur commande de Richelieu. Ce traité est le plus absolutiste de tout le XVII° siècle. C’est là que l’effort pour penser la concentration du pouvoir aux mains d’un seul roi, devient le plus fort.

3.      Essor des belles-lettres

Le pouvoir donne des pensions à des auteurs qui travaillent dans le domaine des belles-lettres. Des écrivains de poésie, de théâtre, des auteurs qui recueillent des documents épistolaires, des critiques littéraires sont donc pensionnés. Ils publient des écrits à la gloire du roi. Avec le fait de pensionner des écrivains, il s’agit de contrôler les hommes qui produisent les écrits pour qu’ils écrivent plutôt en faveur du pouvoir que contre.
Le pouvoir contribue à mettre en valeur les belles-lettres, parmi les autres domaines de savoir. Les belles-lettres sont l’ancêtre de la littérature. La forme et le style sont mis en avant au détriment du contenu. Faire la promotion des belles-lettres c’est faire la promotion du style, plus que de la dimension savante, dans laquelle Jean Chapelain s’inscrit. Cela se fait sous Richelieu dans un objectif d’influence politique. En 1635, est créée l’Académie Française sous la protection de Richelieu. Il faut rassembler des hommes de lettres devant illustrer la langue française pour en faire une langue noble si ce n’est plus, au moins comme le latin. Il fallait donc des traités de vocabulaire, de grammaire ou encore de formulation.

C’est une opération de démobilisation par l’intervention de l’espace de l’imprimé. Avec l’Académie française on promeut le style, la forme et on en oublie les idées, les sciences et les philosophies. A l’Académie Française on ne peut pas parler de religion ou de politique. Les lieux de ces débats étaient les parlements, organes de justice mais qui règlent aussi la conformité des lois. Ce sont des cours de justice royale qui jouent un rôle dans la production des lois. Les parlements produisaient des discours lors de leurs débats. Richelieu fait un organe concurrent pour discréditer le type d’éloquence qui avait court dans les Parlements, en les remplaçants par des débats de styles et de formes. La dépolitisation est double avec un déplacement des débats du fond sur la forme et un déplacement spatial du Parlement, vers l’Académie Française, espace de l’imprimé. Sous Richelieu, les parlements tentent de freiner la politique de Richelieu.
On a aussi un débat sur la langue employée. Le latin, la langue des juristes et des scientifiques ou bien la langue vernaculaire da la cour ? On a alors l’émergence du pédant, le prof de latin qui n’a que des citations latines à la bouche. Or ce savoir est jugé inutile et la langue utile est la plus simple, la langue des courtisans. C’est un véritable combat entre la langue de la cour et ceux qui maîtrisent le latin.


II.                Privilèges de librairie et censure sous Richelieu

Sur le papier, on a un système assez impressionnant mais la censure à l’époque est inefficace. Les privilèges sont pensés et mis en pratique. C’est le moment où apparaissent des censeurs royaux chargés d’examiner tous les manuscrits nouveaux. Ils doivent rédiger un avis pour que le chancelier décide d’accorder un privilège de livraison ou non. Lorsqu’on censure un livre à Paris, on le retrouve imprimé clandestinement, soit en province, soit en Hollande, … Le système des privilèges de librairie régule autrement les rapports entre auteurs et pouvoir royal. Depuis le début du XVII° siècle, la législation oblige le bénéficiaire du livre à imprimer son privilège dans le livre (entièrement ou partiellement). La lettre de privilège pouvait être donnée soit à un auteur, soit à un éditeur. La norme est alors que les privilèges soient donnés aux éditeurs or avec Richelieu, la part des privilèges accordés aux auteurs croît considérablement. Donné à l’imprimeur, le privilège renvoyait au fait que l’éditeur allait engager des frais et qu’il serait protéger contre toute copie d’un autre éditeur. Quand le privilège est donné à l’auteur, le pouvoir royal donne la valeur en terme de savoirs du livre (ou encore la valeur de l’auteur) ce qui fait qu’on trouve des éloges des auteurs.
Dans le cas de Descartes, il était en hollande quand un privilège lui est envoyé. Là ça coince, le pouvoir ne veut pas donner un privilège à un livre publié en Hollande, Descartes a peur que ce privilège l’associe à un travail rentable et donc ignoble. Il se laisse fléchir et finalement Louis XIII donne un privilège à Descartes en 1637 pour son livre Le discours de la méthode. Le privilège sert à donner de la reconnaissance aux auteurs. C’est important pour le pouvoir royal qui voit sa place dans l’espace de l’imprimé confirmé. Le roi ne fait pas qu’accorder un privilège mais il permet la distinction entre les bons et les mauvais livres. Louis Machon est l’auteur d’une série d’ouvrages impubliables à l’époque notamment l’Apologie de Machiavel. Il aurait pu faire publier clandestinement son livre mais il préfère demander un privilège qu’il n’obtiendra jamais. Son livre n’est donc jamais publié.

Le discours des lettres de privilèges n’est pas stéréotypé. Chaque lettre de privilège est bien adaptée au livre qui est autorisé. Les privilèges servent à affirmer l’identité sociale des auteurs. Ces privilèges montrent que l’espace de l’imprimé est un lieu essentiel pour publier les réputations c'est-à-dire de se faire connaître de manière favorable à travers la publication d’un livre. C’est une fonction des écrivains que d’être des publicateurs de publications. Dans les privilèges, ce sont les auteurs qui sont vantés mais dans les publications, les auteurs ont la fonction sociale de publier des réputations. Une épitre dédicatoire est placée au début de l’ouvrage qui permet de faire une dédicace à un grand personnage. C’est une façon de remercier le personnage, de lui faire louange. L’espace de l’imprimé permet d’affirmer la réputation individuelle.

Mais le geste de publier un imprimé ne va pas de soi. Intervenir dans l’espace de l’imprimé c’est intervenir dans un espace public d’abord défini par la présence de l’Etat. Il faut donc justifier le fait d’intervenir dans cet espace. Ceux qui ont des charges publiques peuvent intervenir. Mais les autres doivent justifier leur légitimité. Cette légitimité passe par la dédicace à un grand personnage public. Mais il y a d’autres moyens de se créer cette légitimité. Certaines justifications de mise en imprimé de l’ouvrage passent par la fiction d’un vol du manuscrit par l’éditeur. L’autre justification est que l’auteur avance qu’il a écrit le manuscrit pour ses amis et qu’il n’était pas voué au départ à l’impression. Avec le privilège de librairie, on a un discours des auteurs sur eux-mêmes mais qui reçoivent la garantie de l’assentiment royal donné par le privilège. La légitimité est inattaquable.

Ceux qui rédigent ces lettres de privilèges sont des personnels du roi notamment au niveau de la chancellerie. Le privilège est remis par le chancelier du roi à un officier chargé de la rédaction des actes royaux. Les secrétaires du roi sont particulièrement importants. Seul un petit nombre de ces secrétaires qui vont s’occuper des privilèges des librairies. Ils ne sont que quelques uns à rédiger les lettres de privilèges. Ils sont eux-mêmes des auteurs. La censure au XVII° n’est pas tellement un moyen d’empêcher un livre de paraître mais plutôt un moyen d’affirmer la présence du roi dans l’espace de l’imprimé. En affirmant cette présence le pouvoir royal va contribuer à donner de la légitimité à cet espace de l’imprimé et aux spécialistes de l’intervention dans cet espace qui sont les écrivains.




III.                   Les négociations du bureau de la librairie

1.      Les négociations du bureau de la librairie

Au XVIII° siècle, on a une forte présence de la censure avec un contrôle des livres qui s’est beaucoup figé et concerne beaucoup de monde. On a 165 censeurs royaux entre 1750 et 1763 chacun ayant sa spécialité. Dans les Belles-lettres on a 84 censeurs. Leur milieu est assez petit mais ce sont des savants reconnus de leur domaine. Ils sont presque tous membres de l’Académie des sciences pour les censeurs de sciences. Les censeurs de médecine sont presque tous des médecins du roi. Les censeurs pour les livres de religion sont des docteurs de La Sorbonne. Ces gens là travaillent aussi pour la presse officielle, le Journal des savants ou le Mercure. Au cœur du monde des auteurs, ils mettent en place de nombreux critères entre des livres dont ils refusent la publication et d’autres dont ils donnent un accord tacite ni accepté, ni censuré.

Les critères qui comptent pour ses censeurs touchent entre autres aux relations entretenues par l’auteur avec son censeur. L’auteur bénéficie du petit monde et peu choisir son censeur. Les censeurs doivent aussi modérer leurs critiques pour éviter aux imprimeurs de faire faillite. Il ne sert à rien pour Malesherbes de censurer à tout va car dans ce cas tout serait envoyé en Hollande et reviendrait en France. Enfin, les censeurs se comportent en critique littéraire. Ils ne jugent pas selon leur conformité aux mœurs, à la politique ou à la religion. Ils recommandent l’ouvrage quand ils le trouvent bon ou pas bon. Les censeurs tiennent avant tout des critiques littéraires.

Les livres qui rentrent dans le circuit de la censure, qui sont passés de censeurs en censeurs peut parfois faire la réputation d’un auteur. Si une grande partie des auteurs dans le domaine des sciences ou de la médecine sont des gens bien établis, dans les premiers temps, ce sont souvent des petites personnes méconnues, leur activité de censeur qui les place au cœur du monde des auteurs va parfois valoriser des carrières d’auteur.

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