jeudi 5 avril 2012

Antique 04 - 04 (cours 8)

Précédemment : Antique 28 - 03


Un sénateur mettant en évidence son laticlave



4.      Les critères de la domination locale

Le vocabulaire pour qualifier ces notables est très mitigé : notables, élites, classes dominantes, … Le problème est de savoir s’il faut les qualifier en priorité par leur définition économique ou politique. En tout cas, il n’y a pas de séparation entre les élites politiques, économiques, sociales et intellectuelles. Les Romains eux-mêmes avaient un terme vague : les honestiores (les plus honorables) qui s’opposent aux humiliores (les plus humbles). Dans le monde oriental on parle des prôtoï (les premiers). La politique romaine a cherché à s’appuyer au maximum sur les élites locales. Les Romains ont laissé les notables locaux gouverner quotidiennement les cités. Chaque cité à sa hiérarchie locale avec comme point commun des inégalités assez fortes économiquement, les régions de grande propriété foncière en particulier.


A.     Le « régime des notables »

Cette expression d’historiens qualifie une région ou un groupe de notables dominant tout les milieux mais ce n’est pas une aristocratie héréditaire. Les notables sont élus régulièrement mais sont généralement des élites urbaines avec une richesse majoritairement d’origine agricole. Le modèle romain est un système où le propriétaire foncier réside en ville et fait exploiter ses terres par des travailleurs qui peuvent être des esclaves, qualifiés de vilicus (intendants). Ce système est celui d’une exploitation indirecte et le modèle type est celui de la villa romaine. Ces élites ont donc une tendance à la concentration foncière mais exercent leur pouvoir en ville et y vivent souvent.
Les villas ont deux parties : la pars urbana plutôt le lieu des habitations (cuisine, thermes, …) en particulier du maître ; la pars rustica en lien avec la production agricole et l’artisanat. Ce modèle n’est pas exclusif, mais c’est la tendance de l’époque.
Les notables ne vivent pas que de la terre. Ils ont des activités complémentaires de commerce ou de banques. Les finances pour le grand commerce ne sont pas aux affranchis mais aux notables traditionnels. Le prestige reste pourtant associé à la propriété foncière avant tout. Ainsi, on minore l’activité du commerce pour parler de la production agricole.

Sur le plan juridique, ces notables appartiennent à un ordre particulier surtout en Occident : les décurions (sénateurs du niveau local). C’est ici que sont nommés les magistrats. Une fois qu’on est décurion, on le reste à vie, ce qui distingue bien le peuple des décurions. En Orient, l’évolution est moins achevée. L’équivalent des décurions s’appellent des bouleutes. Mais le fait qu’on reste bouleute à vie n’est pas présent partout.
Du coup, ces élites locales acquièrent petit à petit la citoyenneté romaine sans perdre leur citoyenneté romaine. En tant que citoyen de Lutèce, on peut être élu magistrat localement. En étant magistrat local on peut acquérir la citoyenneté romaine. En Occident, on devient plus rapidement citoyen romain avec le droit latin, tandis qu’en Orient la concession viritane ralentie cette propagation. Du coup, c’est un marqueur local qu’on affiche sur les inscriptions civiques, sauf en 212 quand tout le monde devient citoyen romain.

Y’a-t-il un renouvellement de ces groupes ? Avec la propriété foncière, il semble que ces groupes soient stables, on a des dynasties de notables locaux qui s’étendent sur plusieurs siècles. En revanche par le commerce international et la grande finance on peut parvenir à s’intégrer à l’élite locale. Ainsi les affranchis qui réussissent par les acticités commerciales peuvent sur deux ou trois générations finir par être totalement intégrés à cette élite.
Autre renouvellement, par l’armée. Une fois démobilisé, un romain peut entrer dans l’ordre des notables locaux.

B.     L’évergétisme et la civilisation urbaine

L’idéal social favorise la vie urbaine et l’activité politique. L’oisiveté est valorisée et le travail répudié. Cela implique une certaine richesse avec en général un revenu à coté. En effet, la politique est une activité couteuse. D’une part lorsqu’on veut être magistrat il faut payer la summa honoraria au début de son année de magistrat ou lorsqu’on devient décurion. Cette taxe surtout en Occident est variable selon les cités. De plus, l’évergétisme entre en compte. Les individus prennent en charge à titre personnel et privé des équipements personnels de la cité. Les actes d’évergétisme se font sous de multiples aspects : dédicaces de statues impériales, de statues de divinités, des spectacles et des fondations, nourrir la population, faire des travaux publics, … En échange de ses actes les notables bénéficient d’un prestige en particulier avec des statues qui leur sont dédiées.


Ces notables locaux, ces élites urbaines peuvent être soumises à une pression populaire lors des crises alimentaires en particulier ce qui peut faire exploser les révoltes. Le petit peuple des campagnes en revanche intervient beaucoup moins.


II.                   Les cadres de l’Empire

Cette élite impériale romaine traditionnelle qui s’occupe des activités de l’Empire se renouvelle avec les notables de provinces sous l’Empire.

1.      Les ordres romains : recrutement et fonctions

On parle d’ordre pour parler des chevaliers et des sénateurs. A chaque ordo est attaché un niveau de dignité, un dignitas. Appartenir à un ordre confère des privilèges sociaux et juridiques. Un sénateur qui a fait un acte grave n’est pas condamné à mort mais est exilé. Les décurions ne peuvent pas non plus avoir de peines infamantes, on ne peut les torturer (coups de fouet, …). Même entre eux, il y a hiérarchie. Un chevalier ne peut insulter un sénateur, les mariages entre les ordres sont aussi très mal vus. L’appartenance à un ordre est en partie héréditaire puisque les biens personnels et la carrière politiques priment avant tout.

A.     Des ordres dans la cité ?

Dans l’Occident, il y a un ordre décurional par cité. En Orient, ce système ne se retrouve que dans certaines provinces. Parfois les Romains ont institutionnalisé le fait qu’ils ont des constitutions aristocratiques. En Bythinie, Pompée prend une loi qui impose que chaque cité ait des bouleutes à vie et forment donc un ordre. Dans la province d’Asie, juste à coté, ce n’est pas le cas. La conquête fut difficile en Asie, donc on y laisse le renouvellement des bouleutes. Les Romains n’ont pas supprimé partout toutes les institutions démocratiques.

B.     Les chevaliers

L’ordre équestre fut organisé par Auguste avec un cens de 400 000 sesterces. Ils ont des signes distinctifs : un anneau d’or, des cérémonies, … Cet ordre équestre forme un vivier d’administrateurs de l’Empire. Petit à petit, une carrière équestre se constitue.

On peut devenir chevaliers par naissance si l’on descend d’un chevalier et qu’on a le cens. On peut le devenir aussi par l’armée (en devenant primipile par exemple). Enfin les notables locaux peuvent aussi postuler dans l’ordre équestre. Quoiqu’il en soit, il faut obtenir le brevet équestre donné par l’empereur en personne et assurant son statut.

Une fois cela acquis, on trouve des fonctions pour l’ordre équestre :
·         Militaires : primipilat (premier centurion de la première cohorte d’une légion), ou des tribunats militaires (cohorte, aile, légion) et des préfectures militaires. En général il faut au minimum 3 postes (souvent on parle des trois milices).
·         Administratives : la carrière est alors marquée par le salaire, on parle de procuratèles (sexagénaires 60 000, centenaires 100 000, ducénaires 200 000 et tricénaires 300 000).
·         Préfectures : il en existe 4 très prestigieuses : la préfecture des vigiles à Rome (gérer les incendies et la police), la préfecture du prétoire (garde personnelle de l’empereur), préfecture de l’annone (approvisionnement de Rome) et la préfecture d’Egypte (administrer la province).

C’est donc une catégorie sociale créée par les empereurs et qui permet à ceux entrés dans l’armée de d’acquérir un statut plus prestigieux même si généralement tout les chevaliers ne font pas carrière.

C.     Les Sénateurs

Moins contrôlé par le prince, ils sont tout de même encadrés, puisque celui-ci contrôle les carrières avec son avis en ultime recours. Il peut aussi aider financièrement quelqu’un à avoir le cens, peut destituer un autre, ....
Ils doivent avoir un million de sesterces, ont des signes distinctifs : le laticlave, bande de pourpre vive rouge sur la toge ou le nom de clarissime. On devient sénateur par hérédité d’une part, mais aussi par son engagement dans une carrière politique. Le fils de sénateur qui ne fait pas carrière à un statut intermédiaire entre les chevaliers et les sénateurs. Pour un jeune sénateur, on va lui donner des fonctions de formation : des postes dans l’armée réservés aux sénateurs : tribunat militaire laticlave, vigintivirat (tâches préparatoires dans certains domaines qui dirigent vers une orientation particulière), … Vient ensuite le cursus honorum classique de l’ordre républicain : questure, tribunat de la plèbe, préture, consulat qui est abaissé à 33 ans au lieu de 45 ans. Entre deux magistratures s’insèrent des fonctions nouvelles données par l’empereur et qui dépend de son cursus et du prestige qui est associé au cursus (un questeur peut effectuer une fonction questorienne, préteur à fonction prétorienne, consul à fonction consulaire).
Les carrières sont plus riches et plus diversifiées mais très contrôlées par l’empereur.

On compte environ 600 sénateurs au Sénat, leurs fonctions se sont diversifiées mais ils sont tous propriétaires fonciers. L’empereur ralenti ou accélère les carrières des sénateurs. Ils restent le sommet de la hiérarchie sociale dans l’Empire romain. On peut aussi passer du statut de chevaliers à celui de sénateur, les deux fonctions se superposant.

2.      Le renouvellement de l’aristocratie impériale

A.     Les provinciaux au Sénat

Au début de l’Empire, les sénateurs sont d’abord Romains et au grand maximum Italiens. Deux siècles plus tard, les sénateurs de provinces passent de quelques uns à la moitié du Sénat. Les notables locaux sont intégrés à la vie de Rome. La politique romaine est donc beaucoup plus ouverte.

Toutes les provinces ne donnent pas des sénateurs à égalité. Les premières provinces donnant des sénateurs sont les plus vieilles provinces occidentales, pour une raison linguistique. Ils viennent d’Espagne, de Gaule narbonnaise, d’Afrique proconsulaire. Le premier consul provincial fut Lucius Cornelius Balbus venu de Gadès (Cadix) sous la République. Il est connu puisqu’un habitant de Gadès lui fit un procès pour dénoncer l’incompatibilité de la double citoyenneté : Gadès et Rome. Il fut défendu par Cicéron. Il a été nommé par Pompée puis devint proche de César. Il était extrêmement riche et donna 25 deniers à tout les Romains.

César fut le premier à ouvrir le Sénat avec des Gaulois de Gaule Cisalpine et de Gaule Narbonnaise, des alliés de César. Claude plaida aussi à son tour pour d’autres provinces dans la table claudienne. Il y réussit. Cependant, ce sont généralement de vieilles provinces et il faut nuancer puisque certains sénateurs provinciaux descendaient de sénateurs romains installés en province. Ainsi Trajan né à Italica en Espagne descend d’une famille italienne venu colonisé la ville, Trajan vivra essentiellement à Rome d’ailleurs. Hadrien au contraire, est d’origine espagnole par sa mère et vécu beaucoup en Espagne.
Viennent ensuite dans une deuxième vague, les provinces africaines. A la fin du II° siècle, les sénateurs africains représentent 15% des sénateurs.
Enfin une troisième vague touche la Grèce sous Vespasien mais de manière plus ponctuelle, beaucoup viennent d’Ephèse ou d’Athènes mais peu d’autres cités. Au II° siècle, ces sénateurs grecs deviennent très importants pour leur région. Claudius Anitus A. Iulius Quadratus descend d’un roi de Pergame et par proximité avec Trajan devient sénateur. Hérode Atticus, athénien, actif sous Antonin et Marc-Aurèle fera comme Caius Antius en se mariant avec une femme romaine et en acquérant des terres en Italie. Ils louent des alliances avec les familles romaines et forment une vraie dynastie d’Empire. Ils ne rompent jamais les relations avec leurs cités d’origine dont ils deviennent les bienfaiteurs.

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