dimanche 15 avril 2012

Photo 12 - 04 (cours 17)

Précédemment : Photo 05 - 04


La guerre occultée, Highway of the death, photographie officielle de l'armée américaine



Cet album d’Auschwitz est relativement connu, il est constitué de 193 photos réparties sur 8 feuillets. Mais on trouve des photographies clandestines assez rares prises par la résistance polonaise, le sonder kommando du crématoire V de Birkenau. On remarque ceci dit qu’il est impossible de photographier le cœur du système concentrationnaire nazi. Les témoignages des rescapés aussi ne permettent pas d’approcher le cœur de cette expérience concentrationnaire. On a donc un point aveugle de cette expérience. Ces photographies ne peuvent alors servir de témoins intégraux.

Enfin on trouve les photographies de libération des camps, 1 million d’images éparpillées dans le monde entre juillet 1944 et août 1945. En juillet 1944, les communistes arrivent dans Majdanek et touchent ainsi du doigt la réalité du système nazi. En novembre 1944, les Américains entrent à Struthof tout juste évacué mais où on perçoit des traces. Enfin, le tournant face à cette réalité des camps sera l’entrée de l’armée rouge dans Auschwitz Birkenau le 27 janvier 1945. Cette découverte aura peu de conséquence dans le public, on aura quelques récits tardifs et plutôt flous. On assure la censure de ce sujet jusqu’au milieu de l’année 1945, lorsque les Nazis n’arrivent plus à faire disparaître les traces de leur forfait. Le 6 avril 1945, en entrant dans le camp d’Ohrdruf tout juste liquidé avec cadavres, fosses, charniers, … les Américains constatent la réalité. Le 12 avril une visite officielle est organisée avec le général Patton et le général Eisenhower. Immédiatement choqué, Eisenhower décide de faire exploser toute censure sur le sujet. Les images alors contenues sont rendues publiques et des photographes sont dépêchés sur les lieux des camps dès qu’ils sont découverts. Les mesures d’ouverture médiatique sont assurées dans les camps suivants. L’Etat-major américain organise des ouvertures devant la presse, des membres du Sénat vont s’y rendre, des populations civiles et polonaises proches, … Face à la putréfaction des corps, la photographie prend le relai pour trouver des preuves visuelles du crime nazi. Il faut constituer un matériel à charge dans le cadre pénal du procès de Nuremberg.

Ces images en photographies vont révéler la guerre de masse, chose alors inédites dans l’échelle historique. Mais celles-ci posent problème, largement diffusées, leurs légendes, leurs commentaires étaient peu nombreux et le peu qu’il y avait s’est abimé. On a des photos muettes qui furent utilisées à mauvais escient. Ainsi, on témoigne de la vie quotidienne des camps alors même qu’on est à la libération et à leur ouverture. Ainsi, la photo d’un jeune russe de 18 ans atteint de dysenterie dans un ouvrage sur le camp de Sachsenhausen, est en fait celle d’un déporté d’un autre camp. Finalement, ce qui importa n’est pas tant ce que documente la photographie mais ce qu’elle représente. Après la Seconde Guerre Mondiale, on a des photos chocs qui deviennent des symboles de l’infamie visuelle. L’usage est alors non raisonné, on trouve donc des photos d’un camp pour illustrer un autre, … De telles utilisations ouvrent la voie aux négationnistes des années 1980 – 1990. L’usage de ces photos n’a pas été rigoureux et ne renseigne guère sur l’usage de la tragédie. L’image du lieutenant Martin Wilson qui représente un bulldozer poussant des corps dans une fosse, révèle l’abomination de l’extermination nazie. En revanche, l’image représente un allié, soldat de l’armée britannique qui tente d’éviter le risque d’épidémie. Son travail est d’ordre sanitaire et ne doit pas toucher les survivants. La symbolique de l’image est le contraire de sa documentation (crime de masse / tentative de sauvegarder les survivants). Idem pour la photo de l’entrée de Birkenau qui est en fait prise depuis l’intérieur du camp. On a donc une image qui symbolise l’entrée vers la mort alors qu’elle documente la sortie du camp.

3.      La guerre du Vietnam : point-limite du reportage de guerre

Ce point-limite vient du fait que jamais les photographes ne sont allés aussi prêt du centre du combat. On a des photos très marquantes de cette guerre depuis celle de l’hélicoptère à celle d’Eddie Adams présentant une exécution sommaire, en passant par la petite fille brulée au napalm.
Durant cette période, les journalistes bénéficient d’une très grande marge de manœuvre avec la carte priorité 3, statut suivant les politiques et les blessés. Les photographes peuvent partir en missions avec les combattants. Dans certains cas, ils devront même se battre eux-mêmes dans les combats pour défendre leur vie. Larry Burrows y laissera sa vie comme 136 autres photographes de guerre.

Les conséquences de ces images vont nourrir la contestation contre la guerre du Vietnam sur les campus des USA. On voit la vie au combat, la vie dans les camps des soldats, … On a donc des sujets neufs qui apparaissent : le cœur des combat, le traumatisme en revenant de missions, …

A partir de là, certains photographes se sont engagés contre la guerre du Vietnam. Douglas Duncan en fait partie, Dans I protest, il dénonce cet engagement américain et sera beaucoup repris par la contestation.


III.                   La guerre occultée

Au lendemain de la guerre du Vietnam, l’Etat-major américain a tiré la leçon de la libre circulation des photographes dans un conflit. A partir de là, on entre dans une période dominée par une vraie censure des images. On tient dorénavant les photographes à l’écart de la guerre.


La guerre des Malouines d’avril à juin 1982. Se déroulant au large de l’Argentine, ce conflit oppose l’Angleterre de Thatcher et l’Argentine des Colonels. Ces deux pays partageaient une guerre du secret si ce n’est que ce fut la victoire anglaise. On occulte le fait que l’Argentine a coulé un navire anglais (avec une arme française) et quasiment tout le reste. Malgré les milliers de morts, nous n’avons pas d’images de cette guerre, elle est à peine évoquée historiquement.

La guerre du Koweit débute en 1990, Saddam Hussein envahit le Koweit et une coalition se constitue pour renvoyer les armées d’Hussein en Irak. Bush père renvoie Hussein en Irak et Georges W. Bush « terminera le travail ». La couverture de cette guerre est intéressante. On a une anti-guerre du Vietnam avec une absence total d’images des combats. Seules des images abstraites, souvent par satellites, furent envoyées. Toutes représentaient la performance militaire des armes américaines (frappe chirurgicale, …). Aucun photographe n’était sur place. Les images sont abstraites, partielles voire esthétiques de la guerre. Aujourd’hui, ces images nous montrent uniquement les traces du conflit. On en est presque ramenés aux premières guerres type guerre de Crimée ou on ne voit rien.

Aujourd’hui la guerre n’est plus totalement occultée, on a le sentiment d’accéder au conflit mais malgré tout il existe encore un hors-champ qu’on tente de masquer. Or avec Internet, on constate que ce hors-champ peut être rendu visible. C’est toute la polémique autour des photographies de Lindy England.

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