dimanche 29 avril 2012

CM n°4 Géographie sociale

Voilà le CM n°4 de géographie sociale qui a du être involontairement supprimé et qui est donc la suite logique du CM n°3. 



3- Au-delà des modèles spatiaux, le principe d’invasion/succession (suite)

Comment évolue un quartier ? Comment se met en place la division sociale de l’espace ?
Le processus d’invasion/succession est une métaphore, comme si on comparait les êtres humains à des plantes de l’écosystème.

Quels sont les facteurs d’invasion ? De transformations sociales ou économiques d’un quartier ?

Les chercheurs de l’Ecole de Chicago parle de « failles ». Ce sont par exemple, les nœuds de transports, des lieux moins appropriés que d’autres, ou les changements sont possibles. C’est la que l’on va implanter une usine, des migrants d’une certaine origine. Le début du processus d’invasion s'effectue par l’implantation de quelque choses de nouveaux (usine, population migrante) puis cela transforme vraiment le quartier. 
Spatialement, l’extension devient visible. 
C’est dans ce processus d’extension que les conflits, les concurrences avec la population qui était là avant ou l’activité qui dominait avant commencent. Il y a des frictions, une concurrence pour l’espace. Ce processus d’invasion/ succession est donc forcément conflictuel.
La fin de ce processus s’effectue par une appropriation totale, l’activité ou la population devient majoritaire et imprime son rythme.

Sur le plan social, selon l’Ecole de Chicago ce mécanisme va toujours dans le sens d’une paupérisation, une dégradation de l’habitat. Ce renouvellement va toujours dans un seul sens. C’est parce que l’habitat est plus vestuste que des populations plus pauvres ont les moyens de se loger dedans. C’est parce que ces habitats sont moins chers que des populations plus pauvres s'y installent. Et  c’est parce que ces loyers sont moins chers, que les classes moyennes partent pour aller vivre ailleurs. 
Cette division sociale de l’espace passe par la mobilité des populations qui est double avec l’arrivée des populations migrantes et le départ des autres classes. C’est comme cela que se crée spatialement cette organisation des villes en oréoles concentriques. 
C’est donc un mouvement dynamique, qui n’est pas figé. Plus la ville s’étend plus la division sociale de l’espace s’accentue : il y  a une distance réelle qui s’accroit.

4- Le cas des Noirs et la fuite des Blancs : une prophétie auto-réalisatrice

JF STASZAK, Détruire Détroit, la crise urbaine comme produit culturel

L’auteur analyse dans cet ouvrage la migration interne des Etats-Unis. Celle des populations noires qui se sont installées dans le nord après le processus d’industrialisation et la ségrégation. Les noirs se sont installés dans un quartier et progressivement dans ce même quartier les blancs sont partis. Les individus qui ont quitté le quartier sont ceux, plus aisés qui ont pu aller en périphérie. On parle de « white flight ». C’est donc plus le départ massif des blancs qui a entrainé la création d’un ghetto noir. Ce quartier noir se constitue parce que les blancs (pas tous les blancs mais la majorité) s’en vont.

Pourquoi les blancs sont partis?
Pour expliquer cela, l’auteur parle de « prophétie auto-réalisatrice ».
Ce n’est pas la réalité qui détermine l’action humaine mais la représentation de cette réalité
Ce qui est intéressant de constater, c'est qu'une représentation fausse peut guider notre action. Les blancs sont partis car la représentation des noirs par les blancs est très négative. Pour eux, ils estiment que s’il y a des noirs dans le quartier, le prix de l’immobilier va baisser et le quartier va être dévalorisé. Les blancs sont partis en anticipant et c’est ainsi que le prix des loyers a baissé pour accueillir d’autres populations. Alors le quartier s’est paupérisé. Donc cela finit par créer ce que l’on avait prévu mais néanmoins c’est plus le départ massif des blancs que l’arrivé de quelques personnes noirs qui a entraîné le ghetto noir.  C’est pour ça que l’on parle de prophétie auto-réalisatrice. Les blancs partent avec une idée fausse en tête qui va tout de même conduire à une réalité



 
Chapitre 4 : Les espaces de la bourgeoisie

Introduction :

Les dynamiques ségrégatives concernent l’ensemble de la société mais ceux qui sont les plus ségrégés sont les plus riches. Ce sont les logiques agrégatives de ces personnes qui a pour conséquence à la fin de la chaine, la ségrégation des plus pauvres entre eux.

Cf : études des Pinçon-Charlot

v  Comment se forme les quartiers bourgeois ?

I-                   Agrégation et exclusivité sociale de la grande bourgeoisie

1-     Les logiques résidentielles agrégatives de la bourgeoisie

Dans ce cours, lorsque l’on parle de « riches », on parle de bourgeoisie et même de grande bourgeoisie : les détenteurs des moyens de productions, qui possèdent les entreprises et plus généralement, le capital productif. Ceux qui font travailler les autres à leur profit. Car effectivement, la richesse est très relative. On est plus ou moins riche par rapport aux autres.
Les bourgeois sont aussi ceux qui décident de l’économie. Ils choisissent comment ils emploient leur argent et comment on travaille. Ce n’est pas donc de la richesse mais aussi du pouvoir. Employer le terme de bourgeoisie est donc quelque chose  de plus large que de parler des gens « riches » dans le sens avoir de l’argent.
Il y a plusieurs types de capitaux : la richesse est multiforme

-         --Capital économique (patrimoine)
-        -- Capital culturel (la culture dite légitime, le « bon gout » qui est bourgeois)
-       --  Capital social : avoir dans son carnet d’adresse des personnes importantes. C’est avec ce capital que se noue des liens très nets entre le monde des affaires et  le monde politique. Lorsque ces liens sont très nets on parle d’oligarchie.
-        -- Capital symbolique : Le prestige.

La richesse est donc loin d'être que de l’argent. Le capital culturel et capital social sont donc indispensables pour la reproduction sociale du pouvoir des classes bourgeoises. La reproduction sociale fonctionne dans toutes les classes sociales mais pour les grands bourgeois il n’y a pas de mobilité possible hormis le déclassement.

Il y a une reproduction de l'aristocratie de fait et une ancienneté de la richesse. La grande bourgeoisie tente de ne jamais se faire infiltrer par les « nouveaux riches » qui ne connaissent pas les codes de la grande bourgeoisie. 
Aujourd’hui, s’est pourtant reformée une nouvelle élite héréditaire qui reproduit sa richesse depuis pas mal de temps (et ce n’est pas facile d’entrer dans cette grande bourgeoisie).

Les individus qui ont au-dessus de 8 milles euros de revenus représentent 560 milles foyers fiscaux soit 2% des contribuables. Il y a de plus en plus d’individus qui sont riches et d'ailleurs, ils sont de plus en plus riches.

En 2004 : les 10% des ménages qui ont les revenus les plus élevés, détiennent la moitié de la richesse du pays.

La bourgeoisie est donc une classe très minoritaire de la société. Cette classe est donc bien plus étroite que celle des personnes aisées.
Mais la particularité de ces individus est de ne pas avoir de contrainte pour l’achat de leur logement. Si l’espace était neutre, qu’il n’y avait de ségrégation, on trouverait des grands bourgeois un peu partout dans l’espace. Cette classe minoritaire est hyper concentrée.

1 contribuable sur 3 de l’I.S.F habite en Ile de France et plus particulièrement à Neuilly-sur-Seine, Saint-Maure des Faussé, Boulogne Billancourt. Dans Paris même, les endroits les plus ségrégés par les riches sont le 7-8 ème arrondissements, 16ème nord. 
Il y a donc une très forte agrégation qui est volontaire. C’est un choix extrêmement couteux car ils habitent là où les loyers sont les plus chers du pays. 
C’est une logique d’entre soi et d’exclusivité sociale qui est nécessaire à la reproduction sociale et à la logique dominante.
Il y a un lien entre la position sociale et la position spatiale
Le lieu où l’on habite renseigne sur la place que l’on a dans la société. Il y a un lien entre la « surface sociale » d’un individu et la surface concrète que l’on occupe.
Le fait de vivre dans l’aisance modèle son rapport au monde. C’est un rapport que l’on acquière depuis tout petit.

Pour les Pinçon-Charlot dans Les ghettos du Gotta :La ségrégation est largement dû à l’agrégation des plus riches et cela renforce les injustices sociales.
Le fait d’habiter les beaux quartiers ne suffit pas à l’entre soi.

2-     Entre soi et exclusivité sociale

v  Comment fait-on pour garantir davantage l’entre soi ?

Dans ces beaux quartiers il y a aussi des espaces de loisirs : cf : les clubs.
Ex : Le Rotary-Club, le Jockey Club. Pour entrer dans ces clubs il faut être coopté mais aussi payer une adhésion à l’année (plus de 1000 euros).
Ce qui assure efficacement l’entre soi ce sont les normes sociales, les règles de vie en société qui sont difficiles à acquérir pour d'autres classes. Ce qui permet de faire beaucoup de filtres pour les individus qui ne font pas partie de cette classe bourgeoise.

Pour les Pinçon-Charlot il y a  deux capitaux spécifiques à la grande bourgeoisie :
-         - Le capital patrimonial : mélange entre capital culturel, symbolique, social. Mais c’est aussi du capital familial. Ce n’est pas juste du patrimoine mais tout un ensemble de choses qui permet aux individus d’avoir du pouvoir.
-         - Le capital mondain : Entrer dans le « beaux monde ». Comme par exemple les rallyes qui sont fondamentaux pour éviter la mésalliance et favoriser la reproduction sociale.
Pour les sociologues, la grande bourgeoisie bénéficie d’une richesse collective.  Les capitalistes sont en concurrence mais mettent d’un point de vue symbolique leurs richesses en commun. En mettant leurs enfants dans les mêmes écoles par exemple. La transmission de la richesse se fait donc collectivement.
La reproduction de la richesse est donc un élément très important pour ces classes.

« l’entre-soi grand-bourgeois est décisif pour la reproduction des positions dominantes, d’une génération à l’autre, parce qu’il est un éducateur efficace. Il incite à éviter les mésalliances et permet de cultiver et d’enrichir les relations héritées ».

L’agrégation spatiale est un facteur de reproduction du pouvoir de classe absolument nécessaire.

II-                Les beaux quartiers, construction et défense d’espaces privilégiés

v  Quelles sont les caractéristiques de ces beaux quartiers ?

1-     Origine et caractéristiques des beaux quartiers parisiens

La localisation des beaux quartiers à évoluer dans le temps. Le premier quartier aristocratique identifié comme tel est celui du Marais aux 15 ème-16ème siècles. Le Marais est donc un quartier qui a été mis en valeur à la renaissance et qui a été renforcé par le pouvoir royale avec la création de la place des Vosges proche du Louvre : palais royale. Il  y a déjà un lien entre richesse économique et pouvoir politique

Lorsque Louis XIV a déménagé le palais royal à Versailles, les quartiers des grands bourgeois se sont installés à l’ouest.  L’évolution du bâtie suit l’évolution sociale.
L’installation du palais royal explique pourquoi aujourd’hui les lieux de pouvoirs de la république se trouvent dans les beaux quartiers. L’ancienneté de la division sociale de l’espace est liée à l’origine au déplacement du palais royal vers l’ouest.

La caractéristique fondamentale des beaux quartiers c’est qu’ils sont toujours construits ex-nihilo pour et par les grands bourgeois. Ce ne sont pas quartiers planifiés par les pouvoirs publics mais par les individus qui vont y habiter.

Les grands-bourgeois maîtrisent entièrement le droit à la ville, c'est à dire le fait que les habitants d’une ville contrôle eux-mêmes l’organisation et la construction de leurs logements. Il y a par là une remise en cause de la propriété privée et une gestion horizontale des quartiers.
Dans ces beaux quartiers, ce sont les grands bourgeois qui aménagent leur quartier. Ce sont les seuls qui ont véritablement le droit à la ville.

  • Qu’est-ce qui fait la qualité urbaine d’un beau quartier ?

Des immeubles avec tout le confort mais aussi un quartier qui n’est pas trop dense, sans trop d’encombrements du fait d’importants espaces verts. On est aussi pas très loin des hauts lieux de cultures et des commerces de luxes.

Ces quartiers sont duales avec deux groupes distincts : 
- le personnel : les domestiques, les gardiens 
- les grands bourgeois. 

Comment se passe la coexistence de ces deux groupes ? 
Les individus ne se rencontrent pas hors du cadre de leur travail.
Ex : escalier de service permet de ne pas croiser les bonnes de maisons qui sont dans les pièces étroites au dernier étage.
Caddy-boys : services adaptés aux modes de vies  bourgeoise : une personne est là pour pousser le caddy des individus grands bourgeois qui font leurs courses.

Tendance à la privatisation de l’espace public
Des petits passages sont fermés voir même des quartiers entiers qui sont privés.
Ex : La Villa Montmorency : quartier d’un kilomètre carré, surveillé jour et nuit par des gardiens. Sont prohibés les bruits et les fêtes.
Privatisation d’un espace privé dans le bois de Boulogne ou dans les tribunes des stades et des hippodromes.

Les choix des manuels dans les écoles de Neuilly sont effectués par les parents des quartiers bourgeois.


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