dimanche 15 avril 2012

Médiévale 12 - 04 (cours 9)

Précédemment : Médiévale 05 - 04


Hincmar en vitrail à la basilique de St-Rémi à Reims



Nouvelles rivalités et recomposition des royaumes (855 – 886)


Lothaire souhaitant maintenir la paix, il organise des réunions avec de nombreux textes, qu’on a récupérés aujourd’hui, qui montrent qu’il tente de maintenir la stabilité et l’amour fraternel. Lothaire valorise la confraternité mais la coopération entre frères n’est pas concrète. En conséquence, à la mort de Lothaire en 855, celui qui maintenait la paix ayant quitté ce monde, l’instabilité revient.


I.                   De nouveaux motifs de tension

1.      Louis le Germanique contre Charles le Chauve

Louis le Germanique sévit souvent contre les aristocrates qui ne lui ont pas été fidèles. Mais le problème vient surtout du fait qu’en 858, Charles recrée un royaume de Neustrie pour son fils Louis le Bègue. Mais une partie des terres appartiennent au comte d’Angers qui s’est rallié à Charles le Chauve en échange d’un dédommagement en charges publiques et en biens. Mécontent de voir ses terres menacées, Robert le fort décide de contester le pouvoir royal en dénonçant l’inefficacité du roi face aux Vikings. A ce moment là, les Vikings venaient de capturer le cousin du roi et Charles avait payé une rançon phénoménale pour récupérer son cousin et voir les Vikings partir. Les Grands ont été pressurisés et mécontents, certains aristocrates se sont tournés vers Louis qui entrent dans le royaume de Charles tandis que celui-ci en été 858 avec l’aide de Lothaire II assiège Oissel où se trouvent les Vikings.

Le 1 septembre 858, les Grands prêtent serment de fidélité à Louis tandis que Charles tente de rentrer avant de réaliser que ses faibles troupes ne feraient pas le poids face aux armées de Louis. Pour éviter de perdre bêtement une bataille, Charles se réfugie chez les Welf au Nord de la Bourgogne dans la famille de sa mère Judith.
Louis de son coté redistribue les charges à ses nouveaux fidèles et est sacré roi par Ganelon l’archevêque de Sens. Il convoque alors un concile pour le 25 novembre 858. Hincmar, l’archevêque de Reims s’élève contre la convocation de Louis et demande aux évêques de venir le rejoindre pour discuter des meilleures conditions pour les évènements à suivre. Ils rédigent alors communément une lettre de déclinaison de l’invitation de Louis. Charles bénéficie du soutien des évêques. Ainsi, les évêques conseillent à Louis de retourner en Germanie après sa trahison vis-à-vis de son frère, qui le discrédite. De plus, Louis n’est pas le roi des évêques et ces derniers ne peuvent lui répondre positivement. En revanche, ils donnent des conseils à Louis et commencent par lui dire de se méfier des traîtres et des parjures qui, anciens alliés de Charles, ne vont pas tarder à le trahir. Cette vision est juste à cette époque. Par ailleurs, le roi doit donner l’exemple en choisissant ses vrais alliés. De plus, les évêques soulignent que seul le roi est responsable devant Dieu des actes commis en son nom, or cela met Louis en porte à faux devant Dieu lors du jugement dernier. Certes Louis dispose de la force militaire, mais s’il agit par son armée, son autorité ne sera jamais légitimée. Cette autorité reposerait sur la violence. Enfin, les évêques mettent en évidence que seuls les évêques collectivement peuvent déposer un roi qu’ils ont nommé. Ganelon seul ne pouvait rien, son jugement est nul et non avenu.

Cette manœuvre permet à Charles de récupérer ses alliés et de malmener Louis le Germanique et son armée. En janvier 859, Louis est battu et rentre chez lui. Cette crise de 4 mois est un véritable désordre politique et institutionnel. La crise se solde par 4 mois d’anarchie complète dans le royaume de Charles. Les liens de fidélité au roi sont flous, les charges sont partagées par plusieurs comtes, … Bref le royaume est en pleine confusion. Charles s’en lave les mains et les aristocrates qui l’avaient trahi sont certainement revenus vers lui se soumettre de manière humiliante. Charles n’ayant guère le choix, il doit fonctionner sur l’appui des aristocrates pour diriger son royaume, les pardonne. En revanche, il récupère toutes les charges publiques, tout les bénéfices et ne s’engagent à rien avec eux. Il entend disposer librement de ses acquis. La crise de 858 a donc paradoxalement conforté le pouvoir royal de Charles. Mais il y avait certaines conditions. D’abord il faut mater les derniers rebelles, dont Robert le Fort. Ensuite, il faut achever la lutte contre les Vikings. Dans les années 860, il va mener ces deux fronts.

2.      L’établissement de grands commandements

D’abord il s’agit de réconcilier Charles le Chauve avec Louis le Germanique. Hincmar y travaillera beaucoup. Charles obtient alors de Louis son renoncement à toutes interventions dans le royaume de Charles qui promet d’abandonner les attaques contre Louis. Du coup, les derniers rebelles abandonnés de Louis doivent entrer en grâce auprès de Charles.
Parallèlement Charles mène une politique de cumul des charges comtales, certains aristocrates possèdent alors un pouvoir public sur des régions entières avec plusieurs comtés. On parle des charges de Grand Commandements. Ce comte de la marche est donc appelé marchio, il n’a rien à voir avec la frontière de combat mais là il se place une marche au-dessus des autres comtes. Ainsi Robert le Fort, rentré en grâce à en charge toute la région entre la Seine et la Loire ainsi que l’abbaye Saint Martin de Tours des mains de Charles. La condition est qu’il défende cette région contre les Vikings et qu’en plus, il reconnaisse le royaume de Neustrie donc sa vassalité au roi Charles. Du coup, Louis le Bègue, son fils qui dirigeait la région n’est pas satisfait de cette décision. Son père, le croyant limité mentalement, ne lui faisait guère confiance. Il va donc se marier sans le consentement paternel, puisque Charles ne le voyait pas père de famille. De plus, Louis le Bègue décide de battre Robert le Fort en recrutant des Vikings. Mais son entreprise échoue car il est pris en tenaille entre Robert le Fort et Charles. Son père le bat et l’envoie dans un monastère à Meaux.
Cela révèle l’instabilité du coté des fils de Charles le Chauve et déstabilise de nouveau Charles. Robert le Fort pour sa part mourra en défendant la ville d’Angers contre les Vikings avec succès. Sa famille aura toujours l’abbaye de Saint-Martin.

En Flandre aussi on rencontre des difficultés. Baudouin, aristocrate flamand profite du conflit en 862 entre Charles et Louis le Bègue pour enlevé Judith, fille de Charles le Chauve, avec le consentement de celle-ci. Judith est déjà deux fois veuve d’un roi anglo-saxon et de son fils. Elle a une dot très importante et est fine dans ses stratégies. Avec l’aide de Louis le Bègue et de Baudouin, elle fuit de sa forteresse et se marie à Baudouin. Charles tente de faire intervenir le pape qui prend parti pour sa fille. Charles est alors contraint de faire la paix avec son gendre et sa fille. Il va lui pardonner mais va aussi faire sa richesse en lui donnant plusieurs comtés en Flandre ainsi que la prestigieuse abbaye de Saint-Bertin où on écrit les annales du royaume. Baudouin sera un des grands fidèles de Charles et est en plus très efficace dans sa lutte contre les Vikings. Son succès sera tel, que cette région sous la coupe des Vikings devient, sous le commandement de Baudouin, une des régions réputée les plus sures du royaume.

On constate aussi que Baudouin ou Robert le Fort, sont des abbés laïcs. Ils tiennent des revenus liés aux abbayes, celles-ci détenant des grandes richesses. On a des abbayes royales protégées par le roi qui peut alors aussi les ponctionner. Le roi se défait de cette abbaye et la donne à un grand qui est censé la protéger et à ce titre peut toucher des revenus. Tous les abbés laïcs ne sont pas des sangsues comme le disent des écrits ecclésiastiques. Le titre d’abbé ne leur donne aucune autorité religieuse. Ces abbés laïcs ont cependant une assise forte de leur pouvoir grâce aux revenus élevés de ces abbayes et de plus c’est très prestigieux. Par exemple, l’abbaye de Saint-Martin est celle du protecteur du royaume franc, ancien protecteur des Mérovingiens. Dans l’abbaye, on trouve la cape de Saint-Martin, manteau de militaire romain qu’il aurait donné le jour de noël à un mendiant qui n’était autre que le Christ. Dans cette abbaye, on a donc la capa, et la famille de Robert le Fort détenant cette abbaye, ils prendront le nom de Capétiens par la suite.



En Aquitaine, le roi est éloigné et de vastes régions se constituent sans son accord. Ainsi Bernard de Gothie, fils de Bernard de Septimanie contrôle la Septimanie, la marche d’Espagne et le Berry. Bernard d’Auvergne de son coté contrôle l’Auvergne, le Limousin, le Rouergue et le Toulousain. Enfin on a Ramnulf, comte de Poitiers qui contrôle l’Aquitaine centrale. Tous exercent leur pouvoir sur des territoires soit donnés par le roi (Ramnulf), soit reconnus par le roi qui n’a pas le choix pour lutter contre les Vikings.

Cette politique des grands commandements va fonctionner. A partir des années 860, Charles voit son pouvoir renforcé. Lors du capitulaire de Pître en 864, on observe que le roi parvient à restaurer une partie de son autorité notamment en traitant de la réforme de la monnaie. En effet, il réaffirme son privilège royal de battre monnaie seul dans son royaume. Il déclare contrôler les revenus et les agents royaux pour éviter les risques de corruption. Enfin, il devient le seul à pouvoir construire des fortifications contre les Vikings, ce qu’il va d’ailleurs multiplier  par des ponts fortifiés sur les fleuves, et les autres doivent être détruits par le roi. Or à cette période les châteaux prolifèrent sans l’autorisation du roi. Ainsi on constate tout de même des fortifications nouvelles comme tours ou Le Mans, qui confirmerait l’idée que ce capitulaire n’en ait pas resté à de la théorie.

Cette stabilité du royaume de Charles lui permet d’envisager une extension vers l’extérieur notamment avec un retour du rêve impérial.


II.                Le retour du rêve impérial

1.      La succession de Lothaire II

En Lotharingie (de la mer du Nord à Bâle uniquement), Lothaire II s’appuie sur l’épiscopat mais à un souci majeur, il n’a pas d’héritier. Il se préoccupe beaucoup de sa succession ceci dit. Marié à Theutberge à 17 ans par son père, Lothaire II déclare ne l’avoir jamais touchée. En revanche, il avait deux enfants, Hugues et Gisèle, d’une concubine Waldrade, un amour de jeunesse qu’il n’a jamais réussit à retrouver ailleurs. Lothaire n’ayant pas d’enfants avec Theutberge, il va tout faire pour faire reconnaître son mariage avec Waldrade auprès des évêques et du pape. Mais sans succès. Ses deux oncles font tout pour convaincre l’épiscopat qu’une concubine n’est pas légitime. En 869, il décède après avoir juré devant le pape à Rome, n’avoir jamais touché Theutberge. Cela valorise donc ses oncles qui voient un territoire vide de roi.

Hincmar en profite pour couronner Charles, roi de Lotharingie, d’autant que Louis le Germanique est malade. Il se dépêche d’être couronné en 869 dans l’église de Metz, selon un rituel préparé par Hincmar lui-même. Charles fait alors don d’un sacramentaire à l’église où il se représente entouré d’évêques mais est couronné par Dieu. Cette église est en plus, l’église historique des Carolingiens. Il va alors s’installer durant l’hiver à Aix-la-Chapelle. Entretemps, sa femme est décédée et il décide rapidement de se remarier à Richilde, une fille d’aristocrate de Lotharingie. Durant cette période, Charles change de tenue et s’habille comme les empereurs byzantins (ce qui dénote dans la mode de l’époque). Il tente en fait de convaincre son entourage qu’il peut être empereur puisqu’il tient deux royaumes et qu’il occupe Aix-la-Chapelle. Louis comprenant le message s’offusque et réclame un partage des terres de Lothaire II.

La négociation se fait en août 870 à Merseen dans une atmosphère tendue. Ce sont les évêques qui vont renégocier avec les aristocrates pour partager l’Empire et éviter une autre guerre. Au final, Charles cède Aix-la-Chapelle et Metz mais garde en revanche, la vallée de la Meuse, un tiers de la Frise, ainsi que tout le Lyonnais où les évêques le soutiennent. L’extension pour les deux frères est donc assez forte.
Reste la région de Provence qui n’est pas partagée. Charles installe son beau-frère Boson dans le Lyonnais pour contrôler le passage des cls alpins dans l’idée de participer dans la course au titre impérial.

2.      La rivalité pour le titre impérial

Le titre impérial est détenu par l’ainé de Lothaire I, Louis II qui avait en charge le royaume d’Italie. Il meurt en 875 sans fils pour lui succéder. La question est alors de savoir qui va choisir l’empereur. Le pape Jean VIII réclame cette fonction puisque l’empereur devant défendre la ville de Rome, il doit être nommé par le chef de Rome, le pape.
Ce n’est pas Louis le Germanique qui postule, il est trop âgé. Il pousse alors son fils Carloman, soutenu par la veuve de l’empereur Louis II, à prendre ce titre. Charles le Chauve est l’autre prétendant. Jean VIII préfère cependant la candidature de Charles le Chauve couronné le 25 décembre 875, soit 75 ans après son père. Il récupère ainsi les terres d’Italie mais doit rester proche de Rome pour protéger le pape. Charles parvient ainsi empereur pour son plus grand prestige avec l’accord de quelques évêques seulement. Les Grands aristocrates et Hincmar avec d’autres évêques sont sceptiques. Charles ne peut pas intervenir militairement en Italie contre les Sarrasins alors même qu’il lutte contre les Vikings. On a donc une majorité de Grands hostiles au projet de Charles, mais celui-ci n’en tient pas compte.

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