Hincmar en vitrail à la basilique de St-Rémi à Reims
Nouvelles
rivalités et recomposition des royaumes (855 – 886)
Lothaire
souhaitant maintenir la paix, il organise des réunions avec de nombreux textes,
qu’on a récupérés aujourd’hui, qui montrent qu’il tente de maintenir la
stabilité et l’amour fraternel. Lothaire
valorise la confraternité mais la coopération entre frères n’est pas concrète.
En conséquence, à la mort de Lothaire en 855,
celui qui maintenait la paix ayant quitté ce monde, l’instabilité revient.
I.
De nouveaux motifs
de tension
1.
Louis le Germanique contre Charles le Chauve
Louis le Germanique
sévit souvent contre les aristocrates qui ne lui ont pas été fidèles. Mais le
problème vient surtout du fait qu’en 858, Charles recrée un royaume de Neustrie
pour son fils Louis le Bègue. Mais une
partie des terres appartiennent au comte d’Angers qui s’est rallié à Charles le Chauve en échange d’un
dédommagement en charges publiques et en biens. Mécontent de voir ses terres menacées, Robert le fort décide de contester
le pouvoir royal en dénonçant l’inefficacité du roi face aux Vikings. A ce
moment là, les Vikings venaient de capturer le cousin du roi et Charles avait
payé une rançon phénoménale pour récupérer son cousin et voir les Vikings
partir. Les Grands ont été pressurisés et mécontents, certains aristocrates se
sont tournés vers Louis qui entrent dans le royaume de Charles tandis que
celui-ci en été 858 avec l’aide de Lothaire II assiège Oissel où se trouvent
les Vikings.
Le 1 septembre
858, les Grands prêtent serment de fidélité à Louis tandis que Charles
tente de rentrer avant de réaliser que ses faibles troupes ne feraient pas le
poids face aux armées de Louis. Pour éviter de perdre bêtement une bataille,
Charles se réfugie chez les Welf
au Nord de la Bourgogne dans la famille de sa mère Judith.
Louis de son coté redistribue les
charges à ses nouveaux fidèles et est sacré roi par Ganelon l’archevêque de Sens.
Il convoque alors un concile pour le 25 novembre 858. Hincmar, l’archevêque de Reims
s’élève contre la convocation
de Louis et demande aux évêques de venir le rejoindre pour discuter des
meilleures conditions pour les évènements à suivre. Ils rédigent alors
communément une lettre de déclinaison de l’invitation de Louis. Charles bénéficie du soutien des évêques.
Ainsi, les évêques conseillent à Louis de retourner en Germanie après sa
trahison vis-à-vis de son frère, qui le discrédite. De plus, Louis n’est
pas le roi des évêques et ces derniers ne peuvent lui répondre positivement. En
revanche, ils donnent des conseils à
Louis et commencent par lui dire de se méfier des traîtres et des parjures
qui, anciens alliés de Charles, ne vont pas tarder à le trahir. Cette vision
est juste à cette époque. Par ailleurs, le roi doit donner l’exemple en
choisissant ses vrais alliés. De plus, les évêques soulignent que seul le roi
est responsable devant Dieu des actes commis en son nom, or cela met Louis en
porte à faux devant Dieu lors du jugement dernier. Certes Louis dispose de la
force militaire, mais s’il agit par son armée, son autorité ne sera jamais
légitimée. Cette autorité reposerait sur la violence. Enfin, les évêques mettent en évidence que seuls les évêques
collectivement peuvent déposer un roi qu’ils ont nommé. Ganelon seul ne pouvait
rien, son jugement est nul et non avenu.
Cette manœuvre permet à Charles
de récupérer ses alliés et de malmener Louis le Germanique et son armée. En janvier 859, Louis est battu et rentre chez lui.
Cette crise de 4 mois est un véritable désordre politique et institutionnel. La crise se solde par 4 mois
d’anarchie complète dans le royaume de Charles. Les liens de fidélité au roi
sont flous, les charges sont partagées par plusieurs comtes, … Bref le royaume
est en pleine confusion. Charles s’en lave les mains et les aristocrates qui
l’avaient trahi sont certainement revenus vers lui se soumettre de manière
humiliante. Charles n’ayant guère le
choix, il doit fonctionner sur l’appui des aristocrates pour diriger son
royaume, les pardonne. En revanche,
il récupère toutes les charges publiques, tout les bénéfices et ne s’engagent à
rien avec eux. Il entend disposer librement de ses acquis. La crise de 858 a donc paradoxalement conforté le pouvoir
royal de Charles. Mais il y avait certaines conditions. D’abord il faut
mater les derniers rebelles, dont Robert le Fort. Ensuite, il faut achever la
lutte contre les Vikings. Dans les années 860,
il va mener ces deux fronts.
2.
L’établissement de grands commandements
D’abord il s’agit de réconcilier
Charles le Chauve avec Louis le Germanique. Hincmar y travaillera beaucoup. Charles obtient alors de Louis
son renoncement à toutes interventions dans le royaume de Charles qui promet
d’abandonner les attaques contre Louis. Du coup, les derniers rebelles abandonnés de Louis doivent entrer en grâce
auprès de Charles.
Parallèlement Charles mène une
politique de cumul des charges comtales, certains aristocrates possèdent alors
un pouvoir public sur des régions entières avec plusieurs comtés. On parle des
charges de Grand Commandements. Ce comte de la marche est donc appelé marchio, il n’a rien à voir avec la
frontière de combat mais là il se place une marche au-dessus des autres comtes.
Ainsi Robert le Fort, rentré en
grâce à en charge toute la région entre la Seine et la Loire ainsi que l’abbaye
Saint Martin de Tours des mains de Charles. La condition est qu’il défende
cette région contre les Vikings et qu’en plus, il reconnaisse le royaume de
Neustrie donc sa vassalité au roi Charles. Du
coup, Louis le Bègue, son fils qui dirigeait la région n’est pas satisfait de
cette décision. Son père, le croyant limité mentalement, ne lui faisait
guère confiance. Il va donc se marier sans le consentement paternel, puisque Charles
ne le voyait pas père de famille. De plus, Louis le Bègue décide de battre
Robert le Fort en recrutant des Vikings. Mais son entreprise échoue car il est
pris en tenaille entre Robert le Fort et Charles. Son père le bat et l’envoie
dans un monastère à Meaux.
Cela révèle l’instabilité du coté
des fils de Charles le Chauve et déstabilise de nouveau Charles. Robert le Fort pour sa part
mourra en défendant la ville d’Angers contre les Vikings avec succès. Sa
famille aura toujours l’abbaye de Saint-Martin.
En Flandre aussi on rencontre des
difficultés. Baudouin, aristocrate flamand profite du conflit en 862 entre Charles et Louis le Bègue pour enlevé Judith,
fille de Charles le Chauve, avec le consentement de celle-ci. Judith est déjà deux fois veuve
d’un roi anglo-saxon et de son fils. Elle a une dot très importante et est fine
dans ses stratégies. Avec l’aide de Louis le Bègue et de Baudouin, elle fuit de
sa forteresse et se marie à Baudouin. Charles tente de faire intervenir le pape
qui prend parti pour sa fille. Charles
est alors contraint de faire la paix avec son gendre et sa fille. Il va lui
pardonner mais va aussi faire sa richesse en lui donnant plusieurs comtés en Flandre
ainsi que la prestigieuse abbaye de Saint-Bertin où on écrit les annales du royaume.
Baudouin sera un des grands fidèles de Charles et est en plus très efficace
dans sa lutte contre les Vikings. Son succès sera tel, que cette région
sous la coupe des Vikings devient, sous le commandement de Baudouin, une des
régions réputée les plus sures du royaume.
On constate aussi que Baudouin ou
Robert le Fort, sont des abbés laïcs. Ils tiennent des revenus liés aux
abbayes, celles-ci détenant des grandes richesses. On a des abbayes royales
protégées par le roi qui peut alors aussi les ponctionner. Le roi se défait de
cette abbaye et la donne à un grand qui est censé la protéger et à ce titre
peut toucher des revenus. Tous les abbés laïcs ne sont pas des sangsues comme
le disent des écrits ecclésiastiques. Le
titre d’abbé ne leur donne aucune autorité religieuse. Ces abbés laïcs ont cependant une assise forte de leur pouvoir grâce
aux revenus élevés de ces abbayes et de plus c’est très prestigieux. Par
exemple, l’abbaye de Saint-Martin est celle du protecteur du royaume franc,
ancien protecteur des Mérovingiens. Dans l’abbaye, on trouve la cape de
Saint-Martin, manteau de militaire romain qu’il aurait donné le jour de noël à
un mendiant qui n’était autre que le Christ. Dans cette abbaye, on a donc la capa, et la famille de Robert le Fort
détenant cette abbaye, ils prendront le nom de Capétiens par la suite.
En Aquitaine, le roi est éloigné
et de vastes régions se constituent sans son accord. Ainsi Bernard de Gothie, fils de Bernard de
Septimanie contrôle la Septimanie, la marche d’Espagne et le Berry. Bernard
d’Auvergne de son coté contrôle l’Auvergne, le Limousin, le Rouergue et
le Toulousain. Enfin on a Ramnulf, comte de Poitiers qui contrôle l’Aquitaine
centrale. Tous exercent leur pouvoir sur
des territoires soit donnés par le roi (Ramnulf), soit reconnus par le roi qui n’a pas le choix pour lutter contre les
Vikings.
Cette politique des grands
commandements va fonctionner. A partir des années 860, Charles voit son pouvoir
renforcé. Lors du capitulaire de Pître en 864,
on observe que le roi parvient à restaurer une partie de son autorité notamment en traitant de la réforme de la monnaie. En effet, il
réaffirme son privilège royal de battre monnaie seul dans son royaume. Il
déclare contrôler les revenus et les agents royaux pour éviter les risques de
corruption. Enfin, il devient le seul à
pouvoir construire des fortifications contre les Vikings, ce qu’il va
d’ailleurs multiplier par des ponts
fortifiés sur les fleuves, et les autres doivent être détruits par le roi. Or à
cette période les châteaux prolifèrent sans l’autorisation du roi. Ainsi on
constate tout de même des fortifications nouvelles comme tours ou Le Mans, qui
confirmerait l’idée que ce capitulaire n’en ait pas resté à de la théorie.
Cette stabilité du royaume de
Charles lui permet d’envisager une extension vers l’extérieur notamment avec un
retour du rêve impérial.
II.
Le retour du rêve impérial
1.
La succession de Lothaire II
En Lotharingie (de la mer du Nord à Bâle
uniquement), Lothaire
II s’appuie sur l’épiscopat mais à un souci majeur, il n’a pas
d’héritier. Il se préoccupe beaucoup de sa succession ceci dit. Marié à Theutberge
à 17 ans par son père, Lothaire II déclare ne l’avoir jamais touchée. En
revanche, il avait deux enfants, Hugues et Gisèle, d’une concubine Waldrade,
un amour de jeunesse qu’il n’a jamais réussit à retrouver ailleurs. Lothaire n’ayant pas d’enfants avec
Theutberge, il va tout faire pour faire reconnaître son mariage avec Waldrade
auprès des évêques et du pape. Mais sans succès. Ses deux oncles font tout
pour convaincre l’épiscopat qu’une concubine n’est pas légitime. En 869, il décède après avoir juré devant le pape à
Rome, n’avoir jamais touché Theutberge. Cela valorise donc ses oncles qui voient
un territoire vide de roi.
Hincmar en profite pour couronner
Charles, roi de Lotharingie, d’autant que Louis le Germanique est malade. Il se
dépêche d’être couronné en 869 dans l’église
de Metz, selon
un rituel préparé par Hincmar lui-même. Charles fait alors don d’un
sacramentaire à l’église où il se représente entouré d’évêques mais est
couronné par Dieu. Cette église est en plus, l’église historique des
Carolingiens. Il va alors s’installer
durant l’hiver à Aix-la-Chapelle. Entretemps, sa femme est décédée et il décide
rapidement de se remarier à Richilde, une fille d’aristocrate de Lotharingie.
Durant cette période, Charles change de tenue et s’habille comme les empereurs
byzantins (ce qui dénote dans la mode de l’époque). Il tente en fait de convaincre son entourage qu’il peut être empereur
puisqu’il tient deux royaumes et qu’il occupe Aix-la-Chapelle. Louis comprenant
le message s’offusque et réclame un partage des terres de Lothaire II.
La négociation se fait en août 870 à Merseen dans une atmosphère tendue. Ce
sont les évêques qui vont renégocier avec les aristocrates pour partager
l’Empire et éviter une autre guerre.
Au final, Charles cède Aix-la-Chapelle et Metz mais garde en revanche, la
vallée de la Meuse, un tiers de la Frise, ainsi que tout le Lyonnais où les
évêques le soutiennent. L’extension pour les deux frères est donc assez forte.
Reste la région de Provence qui
n’est pas partagée. Charles installe son beau-frère Boson dans le Lyonnais pour
contrôler le passage des cls alpins dans l’idée de participer dans la course au
titre impérial.
2.
La rivalité pour le titre impérial
Le titre impérial est détenu par
l’ainé de Lothaire I, Louis II qui avait en charge le royaume d’Italie. Il
meurt en 875 sans fils pour lui succéder. La
question est alors de savoir qui va choisir l’empereur. Le pape Jean VIII
réclame cette fonction puisque l’empereur devant défendre la ville de Rome, il
doit être nommé par le chef de Rome, le pape.
Ce n’est pas Louis le Germanique
qui postule, il est trop âgé. Il pousse alors son fils Carloman, soutenu par la veuve de
l’empereur Louis II, à prendre ce titre. Charles
le Chauve est l’autre prétendant. Jean VIII préfère cependant la candidature de
Charles le Chauve couronné le 25 décembre 875,
soit 75 ans après son père. Il récupère ainsi les terres d’Italie mais doit
rester proche de Rome pour protéger le pape. Charles parvient ainsi empereur
pour son plus grand prestige avec l’accord de quelques évêques seulement. Les Grands aristocrates et Hincmar avec
d’autres évêques sont sceptiques. Charles ne peut pas intervenir militairement
en Italie contre les Sarrasins alors même qu’il lutte contre les Vikings. On a
donc une majorité de Grands hostiles au projet de Charles, mais celui-ci n’en
tient pas compte.
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