Précédemment : Médiévale 09 - 02
Le mec à la hache, Boniface
De la mairie du palais à la royauté sacrée
I.
Les derniers maires
du palais
1.
La difficile succession de Charles Martel
A
sa mort, Charles Martel est remplacé à la mairie du palais, par ses fils Pépin
le Bref et Carloman.
Charles a procédé
comme un roi mérovingien. Il a en effet partagé ses terres entre ses fils. Les deux premiers sont les fils
légitimes de son épouse Chrotrude. Mais il a un troisième fils, nommé Grifon, fils d’une princesse bavaroise.
Charles le considère comme un fils peu important car non
« légitime ». Il n’obtient que quelques comtés et l’essentiel du partage
se fait entre Carloman (Austrasie,
Alemanie, Thuringe) et Pépin
(Neustrie, Bourgogne, Provence). Le partage est relativement classique, les
rois mérovingiens faisaient de même. La
nouveauté c’est qu’ils font comme s’ils étaient rois, sans l’être selon le
titre. Cela abouti à une coalition de grands princes qui s’opposent à la
puissance des maires du palais entre 743 et 746.
Dans
cette coalition, on a Odilon,
chef des Bavarois qui a épousé Hiltrude, sœur de Pépin et de Carloman. Cependant, il
a enlevé Hiltrude à la cour franque et s’est allié de force à cette famille
Pippinide. Les relations sont donc compliquées, ils sont proches parents mais
sont en compétition. On trouve aussi Hunald,
successeur d’Eudes en tant que duc des Aquitains, Theodebald, le duc des Alamans
et Grifon qui proteste d’avoir été lésé.
Les deux frères
vont faire taire les oppositions d’une part en usant de la force, mais pour
régler les problèmes de légitimité, ils réinstallent un roi mérovingien
fantoche sur le trône, Childéric III. D’autre part, ils soutiennent très
fortement la politique de conversion de Boniface. En particulier, une Boniface
devient très proche de Carloman puisqu’il agit sur ses terres et à proximité.
La construction des cadres ecclésiastiques est le vecteur de la politique
carolingienne.
2.
La décadence de l’Eglise franque ?
Boniface agit
contre la politique de certains évêques et notamment Milon, évêque de Trèves et
de Reims. Milon succède à son père dans cette charge, qui lui-même la tien de
son propre père.
C’est une forme de dynastie épiscopale
contrôlant une partie de la région pendant un bon siècle. En effet, le
successeur de Milon sera aussi de la famille. Ils contrôlent une partie du
pouvoir par les monastères qu’ils ont fondé et sont des alliés des Pippinides.
Notamment le grand-père qui a soutenu Charles Martel. C’est Charles qui assura
le diocèse de Trèves à Milon, mais aussi à Reims. Le problème est là. Pour remercier ses fidèles Charles Martel a
donné des diocèses mais aussi des charges ecclésiastiques comme à Milon. C’est
une pratique qui n’est pas choquante. En revanche, le fait d’avoir deux églises
sous sa charge est inadmissible. Ce n’est pourtant pas un cas unique,
Hugues neveu de Charles Martel, est évêque de Rouen, de Paris et de Bayeux et
est abbé de Fontenelle et de Jumièges. Cette
politique de distribution des charges ecclésiastiques est un moyen d’action
politique qui se heurte à la loi de l’Eglise à laquelle Boniface adhère.
Boniface est
anglo-saxon et les évêques de cette région sont partisans de revenir à la loi
canonique. En plus, Boniface juge ses évêques comme mauvais évêques. Il n’a pas
complètement tort mais cette famille reste malgré tout attachée à la religion. D’ailleurs plusieurs seront sanctifiés.
En revanche, ils ne respectent pas toujours les dogmes de l’Eglise notamment de
ne pas verser le sang (certains pratiquent la chasse comme Milon). Seul
l’évêque de Mayence sera exclu du clergé parce qu’il a pris part à l’assassinat
de l’homme qu’il croyait étant celui qui avait tué son père. Boniface vise donc l’interdiction du cumul
des charges et le problème de l’indignité parce qu’ils ne respectent pas les
interdits du mode de vie cléricale (sang, vie sexuelle, tempérance).
3.
Les conciles réformateurs
En 742 – 743, se déroule le concile germanique qu’on connaît peu. Le 1 mars 744,
le concile des Estinnes eut lieu à Hainaut, puis suivi immédiatement le 3 mars 744
le concile de Soissons chez Pépin donc. Ces conciles veulent rendre
conforme la structure ecclésiastique aux règles de l’Eglise. Celui de Germanie est mené par Boniface
avec des mesures radicales (restitution des biens de l’Eglise volés par
Charles Martel, restitution de la moralité, …). On a aussi un indice des
superstitions, des interdictions sur les pratiques que les chrétiens doivent
arrêter.
Mais ces décisions
ne sont pas promulguées sous forme de canons mais de capitulaires. Ce sont des
textes caractéristiques de l’époque carolingienne énoncés sous forme de
chapitres. Ils émanent de l’autorité du prince qui a réuni le concile (théoriquement le roi ici le
maire du palais). Quand le prince le promulgue,
alors il doit le faire appliquer, c’est une forme d’auctoritas. Carloman et Pépin agissent en référence à l’empereur
romain. On est là pour la première
fois de conciles dont les actes sont promulgués non comme loi de l’Eglise mais
du royaume. On mélange donc l’aspect laïc et clérical.
Les propositions de
Carloman sont très tranchées, celles de Pépin sont davantage conciliantes. Ce dernier pense qu’il ne sert à rien d’affronter en bloc les grandes
familles de l’aristocratie. Il veut travailler par le haut en remettant en
place le clergé par un système d’évêques métropolitains (ancien titre
romain des évêques attachés à un territoire métropolitain), qui ont juste un
pouvoir disciplinaire en plus. Ils veulent remettre des cadres de surveillance
et ce statut retombe à pic. On les restaure d’une nouvelle manière, ces évêques
doivent aller chercher le pallium, un
morceau de tissu signe de reconnaissance, qui est donné par le pape. L’église
franque est indépendante de la papauté mais Boniface est anglo-saxon et ceux-ci
sont rattachés à Rome. Ces évêques
métropolitains bientôt nommés archevêques seront la première structure
d’encadrement sur laquelle les Carolingiens peuvent s’appuyer. D’abord cela
se fait par grandes régions : en Germanie, c’est Boniface et il
s’installera à Mayence, la grande métropole germanique liée à la papauté ;
chez Pépin c’est Grimo, archevêque de Rouen, fidèle de Charles Martel. Pépin
montre qu’il refuse de s’appuyer sur les seuls anglo-saxons, il montre qu’il
veut y associer les aristocrates francs pour que l’entreprise soit un vrai
succès et non un leurre. Pépin leur
demande de mettre en place la réforme progressivement avec Chrodegang,
évêque de Metz, ancien fidèle de Charles Martel mais aussi ancien laïc (chef de
la chancellerie : référendaire). Il sera mieux à même d’agir que Boniface.
Charles Martel qui
a dépossédé l’Eglise au profit de ses fidèles, provoque une contestation des
membres de l’Eglise qui veulent retrouver leurs biens. Cela étant impossible
pour conserver armée et alliés, Pépin instaure la Précaire, céder l’usage d’une
terre pour un temps déterminé. Cela n’est qu’une réactualisation d’une vieille
pratique. En
échange de la terre, un cens recognitif est établi, c’est un cens très faible
qui signifie uniquement que le travailleur se souvienne de celui qui lui a
prêté la terre. Pépin imagine que le roi permet à l’Eglise d’emprunter ses
terres en échange d’un cens recognitif et d’un service militaire. On cède donc
uniquement le droit de propriété à l’Eglise moyennant un cens et un service
militaire, sans pour autant que les locataires aient usage des terres. Cela
renforce les droits du roi avec ce service militaire.
Le compromis est un
succès mais désespère Boniface qui trouve cela injuste. Il sera marginalisé
après l’abdication de Carloman.
Celui-ci abdique et confie son fils à Pépin, son frère, avant d’aller s’engager
au monastère du Mont-Cassin en Italie centrale, sous contrôle du pape. On pense que Carloman fut abandonné par ses
fidèles suite à l’impossibilité de réformer l’Eglise comme le voulait Boniface
et à l’intransigeance dont Carloman fit preuve, ses fidèles auraient
rejoins Pépin. De plus, Carloman a frappé très durement contre certains de ses
fidèles qui se sont soulevés en Alemanie, le massacre de Cannstatt qui a ravagé
l’aristocratie de la région (chose plutôt rare, d’habitude on négocie).
II.
La fondation de la
royauté sacrée et de la dynastie carolingienne
1.
Le coup d’Etat de 751
Dur de savoir
depuis quand les deux frères visaient la chute du roi mérovingien. Cela correspond aussi à la date
de naissance de Charles, futur Charlemagne, qui prend le nom de son grand-père.
Pépin sait qu’il a besoin de garanties pour faire ce coup d’Etat, il va
chercher de l’aide auprès du pape. Il
envoie donc une ambassade auprès du pape Zacharie avec l’évêque de Wurzbourg,
Bouchard, proche de Boniface et Fulrad, abbé de Saint-Denis. Ils demandèrent s’il était normal que le
roi n’est pas de pouvoir. Le pape répondit que le roi était celui qui avait la
puissance. On prétend alors que Zacharie aurait ordonné à Pépin de devenir
roi. Cela reste douteux. Le pape est central mais peut être pas autant.
L’alliance entre le
pape et les Francs passe par les Anglo-saxons mais elle vient de l’influence de
Rome qui sort de l’orbite grecque pour se tourner vers le continent européen et
vers le monde franc. Quand Zacharie donne son ordre, il s’inspire de
Saint-Augustin pour expliquer que le roi est sur Terre pour faire la volonté de
Dieu. Cette théorie politique augustinienne est fondamentale, on construit le raisonnement
politique autour de cela. Il est cependant probable que Zacharie n’ait donné
qu’un conseil. Enfin l’ambassade auprès
de Zacharie visait surtout à délier légitimement Pépin de la sujétion du roi
mérovingien en place.
Pépin convoqua le
pape alors à Soissons,
l’ancienne capitale mérovingienne, où il fut élevé sur le trône par la
consécration des évêques et la soumission des grands avec sa femme. Suite à
cela Chilpéric et son fils furent tondus et envoyé dans un monastère. C’est donc un coup d’Etat mais n’avait pas le
caractère révolutionnaire qu’on lui prête puisqu’il a été ritualisé par des
formes de rituels traditionnels. Cela fut certainement très christianisé et
ils avaient certainement une bénédiction des évêques du royaume. En 751, Pépin
sur conseil du pape a pris la forme traditionnelle par acclamation des grands,
bénédictions des évêques puis la réception des serments de fidélités des grands
présents.
2.
La fondation de la dynastie en 754
Le pape est en
difficulté face au roi des Lombard, Aistulf. L’exorcat de Ravenne est théoriquement dirigé par le
Pape pour l’empire byzantin. Aistulf prend la partie centrale et fait pression
sur le pape pour avoir sa fidélité et veut en échange un tribut. Mais cela
devient avec le temps de plus en plus critique, le gouverneur byzantin de Ravenne à abandonner la lutte pour le
territoire. Assiégé dans Rome, le pape profite de l’invitation de Pépin pour
aller en Francie. Il part pour la première fois de Rome et arrivé le 6
janvier 754, Charles âgé de 7 ans, va l’accueillir au nom de son père.
Le
pape séjourne en France assez longtemps. Au mois d’avril, Pépin tient une
assemblée de ses fidèles à Quierzy-sur-Oise. Il obtient d’eux le serment
d’aller aider le pape pour ces territoires. Il veut convaincre les aristocrates
d’aller guerroyer à Rome pour aider le pape. Mais le pape ne part pas tout de
suite, séjournant assez longuement puisqu’il y est encore en été. Le 28 juillet
754, il fait une nouvelle cérémonie qu’il extorque au pape Etienne
II. C’est une rémunération de son action
future en Italie, qui prend place à Saint-Denis dans l’abbaye qui héberge le
pape. C’est ici que le pape procède à l’onction du roi, de la reine et de ses
deux fils. Après cela, il interdit aux Francs de choisir un roi qui ne serait
pas de la lignée de Pépin. Ce n’est pas un renouvellement de la cérémonie de
751, c’est le premier sacre de Pépin et le premier sacre royal avec l’onction
sainte (probablement venu de la confirmation se fondant sur le modèle de
l’Ancien Testament du roi David par le prophète Samuel). Cette référence à David
et à l’Ancien Testament faiti des
Francs, le nouveau peuple élu de Dieu. Etienne II déclarant par la suite que
cette nation est au dessus des autres. Le roi est alors investi de la notion
eschatologique, il doit préparer les chrétiens à la fin des temps. Donc toute
conquête du roi est légitimée par le fait qu’il faut étendre la chrétienté le
plus loin possible. De plus, Etienne II a aussi reconnu Pépin comme patrice des
romains, protecteur de la ville de Sanit-pierre, obligeant Pépin à venir
batailler en Italie. Pépin à ainsi promis la restitution des territoires pris
par les Lombards. Or en réalité la restitution ne peut se faire qu’à l’empereur
byzantin, mais ici Pépin fonde les Etats du pape par ce serment.
3.
Une nouvelle politique européenne
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