samedi 18 février 2012

Médiévale 16 - 02 (cours 2)


Précédemment : Médiévale 09 - 02


Le mec à la hache, Boniface


De la mairie du palais à la royauté sacrée


I.                   Les derniers maires du palais

1.      La difficile succession de Charles Martel

A sa mort, Charles Martel est remplacé à la mairie du palais, par ses fils Pépin le Bref et Carloman.
Charles a procédé comme un roi mérovingien. Il a en effet partagé ses terres entre ses fils. Les deux premiers sont les fils légitimes de son épouse Chrotrude. Mais il a un troisième fils, nommé Grifon, fils d’une princesse bavaroise. Charles le considère comme un fils peu important car non « légitime ». Il n’obtient que quelques comtés et l’essentiel du partage se fait entre Carloman (Austrasie, Alemanie, Thuringe) et Pépin (Neustrie, Bourgogne, Provence). Le partage est relativement classique, les rois mérovingiens faisaient de même. La nouveauté c’est qu’ils font comme s’ils étaient rois, sans l’être selon le titre. Cela abouti à une coalition de grands princes qui s’opposent à la puissance des maires du palais entre 743 et 746.
Dans cette coalition, on a Odilon, chef des Bavarois qui a épousé Hiltrude, sœur de Pépin et de Carloman. Cependant, il a enlevé Hiltrude à la cour franque et s’est allié de force à cette famille Pippinide. Les relations sont donc compliquées, ils sont proches parents mais sont en compétition. On trouve aussi Hunald, successeur d’Eudes en tant que duc des Aquitains, Theodebald, le duc des Alamans et Grifon qui proteste d’avoir été lésé.

Les deux frères vont faire taire les oppositions d’une part en usant de la force, mais pour régler les problèmes de légitimité, ils réinstallent un roi mérovingien fantoche sur le trône, Childéric III. D’autre part, ils soutiennent très fortement la politique de conversion de Boniface. En particulier, une Boniface devient très proche de Carloman puisqu’il agit sur ses terres et à proximité. La construction des cadres ecclésiastiques est le vecteur de la politique carolingienne.

2.      La décadence de l’Eglise franque ?

Boniface agit contre la politique de certains évêques et notamment Milon, évêque de Trèves et de Reims. Milon succède à son père dans cette charge, qui lui-même la tien de son propre père. C’est une forme de dynastie épiscopale contrôlant une partie de la région pendant un bon siècle. En effet, le successeur de Milon sera aussi de la famille. Ils contrôlent une partie du pouvoir par les monastères qu’ils ont fondé et sont des alliés des Pippinides. Notamment le grand-père qui a soutenu Charles Martel. C’est Charles qui assura le diocèse de Trèves à Milon, mais aussi à Reims. Le problème est là. Pour remercier ses fidèles Charles Martel a donné des diocèses mais aussi des charges ecclésiastiques comme à Milon. C’est une pratique qui n’est pas choquante. En revanche, le fait d’avoir deux églises sous sa charge est inadmissible. Ce n’est pourtant pas un cas unique, Hugues neveu de Charles Martel, est évêque de Rouen, de Paris et de Bayeux et est abbé de Fontenelle et de Jumièges. Cette politique de distribution des charges ecclésiastiques est un moyen d’action politique qui se heurte à la loi de l’Eglise à laquelle Boniface adhère.

Boniface est anglo-saxon et les évêques de cette région sont partisans de revenir à la loi canonique. En plus, Boniface juge ses évêques comme mauvais évêques. Il n’a pas complètement tort mais cette famille reste malgré tout attachée à la religion. D’ailleurs plusieurs seront sanctifiés. En revanche, ils ne respectent pas toujours les dogmes de l’Eglise notamment de ne pas verser le sang (certains pratiquent la chasse comme Milon). Seul l’évêque de Mayence sera exclu du clergé parce qu’il a pris part à l’assassinat de l’homme qu’il croyait étant celui qui avait tué son père. Boniface vise donc l’interdiction du cumul des charges et le problème de l’indignité parce qu’ils ne respectent pas les interdits du mode de vie cléricale (sang, vie sexuelle, tempérance).

3.      Les conciles réformateurs

En 742 – 743, se déroule le concile germanique qu’on connaît peu. Le 1 mars 744, le concile des Estinnes eut lieu à Hainaut, puis suivi immédiatement le 3 mars 744 le concile de Soissons chez Pépin donc. Ces conciles veulent rendre conforme la structure ecclésiastique aux règles de l’Eglise. Celui de Germanie est mené par Boniface avec des mesures radicales (restitution des biens de l’Eglise volés par Charles Martel, restitution de la moralité, …). On a aussi un indice des superstitions, des interdictions sur les pratiques que les chrétiens doivent arrêter.

Mais ces décisions ne sont pas promulguées sous forme de canons mais de capitulaires. Ce sont des textes caractéristiques de l’époque carolingienne énoncés sous forme de chapitres. Ils émanent de l’autorité du prince qui a réuni le concile (théoriquement le roi ici le maire du palais). Quand le prince le promulgue, alors il doit le faire appliquer, c’est une forme d’auctoritas. Carloman et Pépin agissent en référence à l’empereur romain. On est là pour la première fois de conciles dont les actes sont promulgués non comme loi de l’Eglise mais du royaume. On mélange donc l’aspect laïc et clérical.
Les propositions de Carloman sont très tranchées, celles de Pépin sont davantage conciliantes. Ce dernier pense qu’il ne sert à rien d’affronter en bloc les grandes familles de l’aristocratie. Il veut travailler par le haut en remettant en place le clergé par un système d’évêques métropolitains (ancien titre romain des évêques attachés à un territoire métropolitain), qui ont juste un pouvoir disciplinaire en plus. Ils veulent remettre des cadres de surveillance et ce statut retombe à pic. On les restaure d’une nouvelle manière, ces évêques doivent aller chercher le pallium, un morceau de tissu signe de reconnaissance, qui est donné par le pape. L’église franque est indépendante de la papauté mais Boniface est anglo-saxon et ceux-ci sont rattachés à Rome. Ces évêques métropolitains bientôt nommés archevêques seront la première structure d’encadrement sur laquelle les Carolingiens peuvent s’appuyer. D’abord cela se fait par grandes régions : en Germanie, c’est Boniface et il s’installera à Mayence, la grande métropole germanique liée à la papauté ; chez Pépin c’est Grimo, archevêque de Rouen, fidèle de Charles Martel. Pépin montre qu’il refuse de s’appuyer sur les seuls anglo-saxons, il montre qu’il veut y associer les aristocrates francs pour que l’entreprise soit un vrai succès et non un leurre. Pépin leur demande de mettre en place la réforme progressivement avec Chrodegang, évêque de Metz, ancien fidèle de Charles Martel mais aussi ancien laïc (chef de la chancellerie : référendaire). Il sera mieux à même d’agir que Boniface.

Charles Martel qui a dépossédé l’Eglise au profit de ses fidèles, provoque une contestation des membres de l’Eglise qui veulent retrouver leurs biens. Cela étant impossible pour conserver armée et alliés, Pépin instaure la Précaire, céder l’usage d’une terre pour un temps déterminé. Cela n’est qu’une réactualisation d’une vieille pratique. En échange de la terre, un cens recognitif est établi, c’est un cens très faible qui signifie uniquement que le travailleur se souvienne de celui qui lui a prêté la terre. Pépin imagine que le roi permet à l’Eglise d’emprunter ses terres en échange d’un cens recognitif et d’un service militaire. On cède donc uniquement le droit de propriété à l’Eglise moyennant un cens et un service militaire, sans pour autant que les locataires aient usage des terres. Cela renforce les droits du roi avec ce service militaire.
Le compromis est un succès mais désespère Boniface qui trouve cela injuste. Il sera marginalisé après l’abdication de Carloman. Celui-ci abdique et confie son fils à Pépin, son frère, avant d’aller s’engager au monastère du Mont-Cassin en Italie centrale, sous contrôle du pape. On pense que Carloman fut abandonné par ses fidèles suite à l’impossibilité de réformer l’Eglise comme le voulait Boniface et à l’intransigeance dont Carloman fit preuve, ses fidèles auraient rejoins Pépin. De plus, Carloman a frappé très durement contre certains de ses fidèles qui se sont soulevés en Alemanie, le massacre de Cannstatt qui a ravagé l’aristocratie de la région (chose plutôt rare, d’habitude on négocie).





II.                La fondation de la royauté sacrée et de la dynastie carolingienne

1.      Le coup d’Etat de 751

Dur de savoir depuis quand les deux frères visaient la chute du roi mérovingien. Cela correspond aussi à la date de naissance de Charles, futur Charlemagne, qui prend le nom de son grand-père. Pépin sait qu’il a besoin de garanties pour faire ce coup d’Etat, il va chercher de l’aide auprès du pape. Il envoie donc une ambassade auprès du pape Zacharie avec l’évêque de Wurzbourg, Bouchard, proche de Boniface et Fulrad, abbé de Saint-Denis. Ils demandèrent s’il était normal que le roi n’est pas de pouvoir. Le pape répondit que le roi était celui qui avait la puissance. On prétend alors que Zacharie aurait ordonné à Pépin de devenir roi. Cela reste douteux. Le pape est central mais peut être pas autant.

L’alliance entre le pape et les Francs passe par les Anglo-saxons mais elle vient de l’influence de Rome qui sort de l’orbite grecque pour se tourner vers le continent européen et vers le monde franc. Quand Zacharie donne son ordre, il s’inspire de Saint-Augustin pour expliquer que le roi est sur Terre pour faire la volonté de Dieu. Cette théorie politique augustinienne est fondamentale, on construit le raisonnement politique autour de cela. Il est cependant probable que Zacharie n’ait donné qu’un conseil. Enfin l’ambassade auprès de Zacharie visait surtout à délier légitimement Pépin de la sujétion du roi mérovingien en place.

Pépin convoqua le pape alors à Soissons, l’ancienne capitale mérovingienne, où il fut élevé sur le trône par la consécration des évêques et la soumission des grands avec sa femme. Suite à cela Chilpéric et son fils furent tondus et envoyé dans un monastère. C’est donc un coup d’Etat mais n’avait pas le caractère révolutionnaire qu’on lui prête puisqu’il a été ritualisé par des formes de rituels traditionnels. Cela fut certainement très christianisé et ils avaient certainement une bénédiction des évêques du royaume. En 751, Pépin sur conseil du pape a pris la forme traditionnelle par acclamation des grands, bénédictions des évêques puis la réception des serments de fidélités des grands présents.

2.      La fondation de la dynastie en 754

Le pape est en difficulté face au roi des Lombard, Aistulf. L’exorcat de Ravenne est théoriquement dirigé par le Pape pour l’empire byzantin. Aistulf prend la partie centrale et fait pression sur le pape pour avoir sa fidélité et veut en échange un tribut. Mais cela devient avec le temps de plus en plus critique, le gouverneur byzantin de Ravenne à abandonner la lutte pour le territoire. Assiégé dans Rome, le pape profite de l’invitation de Pépin pour aller en Francie. Il part pour la première fois de Rome et arrivé le 6 janvier 754, Charles âgé de 7 ans, va l’accueillir au nom de son père.

Le pape séjourne en France assez longtemps. Au mois d’avril, Pépin tient une assemblée de ses fidèles à Quierzy-sur-Oise. Il obtient d’eux le serment d’aller aider le pape pour ces territoires. Il veut convaincre les aristocrates d’aller guerroyer à Rome pour aider le pape. Mais le pape ne part pas tout de suite, séjournant assez longuement puisqu’il y est encore en été. Le 28 juillet 754, il fait une nouvelle cérémonie qu’il extorque au pape Etienne II. C’est une rémunération de son action future en Italie, qui prend place à Saint-Denis dans l’abbaye qui héberge le pape. C’est ici que le pape procède à l’onction du roi, de la reine et de ses deux fils. Après cela, il interdit aux Francs de choisir un roi qui ne serait pas de la lignée de Pépin. Ce n’est pas un renouvellement de la cérémonie de 751, c’est le premier sacre de Pépin et le premier sacre royal avec l’onction sainte (probablement venu de la confirmation se fondant sur le modèle de l’Ancien Testament du roi David par le prophète Samuel). Cette référence à David et à l’Ancien Testament faiti des Francs, le nouveau peuple élu de Dieu. Etienne II déclarant par la suite que cette nation est au dessus des autres. Le roi est alors investi de la notion eschatologique, il doit préparer les chrétiens à la fin des temps. Donc toute conquête du roi est légitimée par le fait qu’il faut étendre la chrétienté le plus loin possible. De plus, Etienne II a aussi reconnu Pépin comme patrice des romains, protecteur de la ville de Sanit-pierre, obligeant Pépin à venir batailler en Italie. Pépin à ainsi promis la restitution des territoires pris par les Lombards. Or en réalité la restitution ne peut se faire qu’à l’empereur byzantin, mais ici Pépin fonde les Etats du pape par ce serment.

3.      Une nouvelle politique européenne

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