- Étudier les institutions
Dans la sociologie
française actuelle, on trouve beaucoup de travaux sur des
institutions spécifiques (maisons de retraite, école, hôpital, …)
Mais peu de travaux sur les institutions analysées de manières
transversales. Malgré tout on constate une tendance qui est la
résistance ua changement. Dans les institutions et en particulier
dans les institutions publiques, il y a des résistances au
changement. Deux thèses classiques dominent : les institutions sont
monolithiques et ont un caractère invariant, elles sont alors vues
avant tout sous l'angle de domination et de l'autre coté on parle
d'un déclin et d'une fragilisation des institutions contemporaines.
Elles seraient en miettes.
Dans les institutions
toutes puissantes, on trouve Bourdieu,
Foucault et Goffman.
Les institutions totales contrôlent de façon absolues tout les
actes des administrés. Il y a donc une notion de rôle et tout les
comportements de rôles des individus devraient être encadrés par
l'institution. Foucault développe le cas de la prison, dans
Surveiller et punir. Il constate leur multiplication au
cours du XIX° siècle. La notion importante est celle de la
discipline qui s'inscrit dans l'architecture des bâtiments puis dans
le détail de la vie quotidienne des prisonniers. La vie quotidienne
est chronométrée et régulée ce qui ne lui laisses pas de choix
réel, donc une discipline imposée par l'institution. L'individu
incarcéré est réduit à son statut de délinquant et devient comme
l'institution l'exige. Foucault souligne aussi qu'il y a un contrôle
si fort de l'État par ses institutions que cela se marque dans la
discipline des corps même. En terme d'architecture cela s'impose par
le Panopticon de Bentham qui est un bâtiment construit de telle
manière que ses occupants sont toujours vus. Le service
pénitentiaire doit d'ailleurs surveiller et rédiger des fiches de
détenus pour que derrière on puisse déterminer le caractère de
chaque délinquant et adapté les punitions selon la délinquance.
Cela sous-entend que le personnel est complice de cette technique.
Pour les gardiens aussi le rôle institutionnel est fort. Foucault
montre bien le dressage (ou redressement) dans ces institutions
totales tant des détenus qu'on doit remettre dans le droit chemin
mais aussi dans celui des geôliers.
Goffman dans Asiles
analysent les hôpitaux psychiatriques et arrivent à des conclusions
analogues avec une définition similaire à Foucault des institutions
totales. Par contre Goffman met en évidence la marge d'autonomie des
individus, ceux-ci peuvent mettre leur rôle à distance. De même,
les malades ont un rôle avec lequel ils jouent.
Pour des institutions
plus communes mais toujours puissantes, il y a aussi des analyses
comme celle de Bourdieu sur l'école par exemple. Selon lui, les
institutions produisent un contrôle généralisé des individus. Il
y a une forme de domination matérielle et symbolique qui y a cours.
Les populations se voient alors imposer des positions et des
trajectoires sociales spécifiques. Vers la fin de sa pensée,
Bourdieu parle de « démission de l'État » ce qui est
pour lui non pas tant que l'État s'affaiblit mais qu'il renonce à
son rôle de lutte contre les inégalités et les ségrégations,
l'État devient néolibéral. A ces yeux les notions « travaillent
sur autrui » pour façonner leur public et ce de deux manières
: par l'assujettissement (règles coercitives ou mécanismes de
contrôle) ou par la responsabilisation (les rôles dévolus aux
usagers sont d'être responsables).
A l'opposé les visions
présentant un déclin des institutions se retrouvent plus chez Dubet
qui analyse le rôle de l'école et du travail social. Ce qui change
pour lui c'est le fait que les institutions ne peuvent plus
aujourd'hui définir un bien commun. Auparavant il y avait un accord
sur le bien commun qui faisait que les institutions transforment le
public en sujet. Son évolution mouvante laisse des espaces aux
individus qui s'en saisissent pour redéfinir plus librement leur
attitude. Mais la définition du bien commun est devenue
problématique et il y a des contradictions croissantes qui agissent
en fonction du bien commun. Au niveau organisationnel, on observe un
recul du modèle démocratique et une nouvelle façon de faire, moins
traditionnelle (NMP). Au niveau sociétal enfin, les individus ont
des identités plurielles, ils ont alors d'autres attentes. On a donc
une montée en puissance des usagers qui conteste l'État. Il y a une
remise en cause des institutions selon Dubet dans toutes les
institutions (école, hôpital, …). Ces évolutions ne sont pas
juste le produit du néolibéralisme mais aussi une conséquence du
processus de néorationalisation prévu par Weber avec une
diversification des tâches plus forte. C'est aussi le fruit d'une
société individualiste et d'un processus de laïcisation car pour
Dubet, les institutions en France et l'idéologie républicaine qui
les soustend sont formées avec la III° république et forme une
sorte de religion de l'État. Cette République croissante développe
donc des contestations croissantes.
Aujourd'hui on a plutôt
tendance à croiser les deux interprétations, les institutions
veulent enfermer les individus dans leurs rôles mais en même temps,
elles perdent de leur influence.
- Faire l'expérience de l'État au quotidien :relations de l'État à ses administrés
L'intérêt de ces
travaux sociologiques datent des années 1990. Depuis longtemps les
institutions s'intéressaient à ces aspects qui finançaient ce
genre de travaux d'études.
- Les guichets, un bon poste d'observation
Pour Dubois c'est un
petit objet qui permet d'observer de nombreux éléments. Ce qui en
ressort c'est que le guichet est un espace matériel qui représente
la bureaucratie avec une barrière matérielle et symbolique qui
marque la différence entre l'État et l'adminsitré marquant
l'autonomie de ce premier. Les guichets sont aussi l'endroit des
réformes avec la modernisation des services et on peut observer
leurs effets. On y voit aussi les pratiques des usagers et les
représentations qu'ils se font des institutions. C'est l'ensemble
des rapports sociau (de pouvoir ou de classe) qui y apparaissent.
Cette sociologie est intéractionniste mais aussi des sociologie de
organisations.
- Les rapports de domination entre administrations et usagers
Il existe deux formes de
domination : impersonnelle et interpersonnelle. La première c'est la
violence symbolique produite par les catégorisations, le fait que
l'administration traduise en normes administratives des situations
personnelles (la complexité d'une vie est réduite à certains
traits : chômeurs, mère célibataire, handicapé, …). On remarque
aussi que certaines catégorisations ne sont pas que de la
catégorisation, elles ouvrent aussi à des droits définis
collectivement qui ont été obtenus par des luttes sociales. Elles
marquent la reconnaissance de ce statut social.
La domination
interpersonnelle permet de montrer que la bureaucratie n'est pas
juste anonyme. Ces individus qui sont dans une situation de
supériorité vont se permettre d'établir des jugements moraux sur
les personnes sous leur domination d'autorité. Cette asymétrie des
positions au guichet rend ce jugement possible. Ca reste aussi à
nuancer puisque le rapport peut être tempérer selon les écarts de
pouvoir. De plus, cela ne prend pas en compte les usagers qui ne sont
pas que passifs ou dominés (leur énervement ou leur engueulades
peuvent faire avancer leur dossier et ils le savent).
- Le cas des usagers issus des milieux populaires
Yasmine Siblot qui étudie
la CAAF, la Poste et l'administration d'un quartier défavorisé
particulier. Les classes populaires sont hétérogènes, on est plus
ou moins proches des classes moyennes et il existe de grandes
variations selon qu'on habite un quartier stigmatisé ou que l'on
soit d'origine immigrée. Elle se demande alors si ces classes ont un
rapport spécifique aux institutions publiques.
Siblot constate que les
relations aux administrations publiques sont plus fréquentes que
d'autres milieux sociaux soit par nécessité économique, soit par
obligations (chômeurs, immigrés devant renouveler leurs documents,
…). Il y a des formes de dominations culturelle et symboliques qui
peuvent être renforcée quand les usagers ne comprennent pas
toujours les démarches administratives ou quand celles-ci maîtrise
mal l'écrit et/ou le français. Cela effectue une distance entre les
classes populaires et l'administration (nous/eux). Il y a un fort
attachement à la situation sociale d'une part la nécessité ??? Il
y a une grande différenciation dans les représentations entre les
institutions donnant des droits, plutôt valorisée, et celle n'en
donnant pas qui sont perçues comme dégradantes. Enfin elle remarque
enfin que dans les relations de face à face avec les agents au
guichet, il y a des proximités qui se créent car ils sont parfois
eux-mêmes des gens de classes populaires, parfois du quartier et
aussi par des relations d'habitudes qui se nouent entre la personne
au guichet et celle qui s'y rend. Il peut y avoir des pratiques
d'entraides. Pour Siblot la distance au guichet est partiellement
abolie par la proximité du voisinage.
La relation est donc
ambivalente entre des usagers très exigeants envers leurs
institutions parce que celles-ci leur distribue de la reconnaissance
sociale ou bien les en privent. Les institutions ont donc une
fonction intégratrice et socialisatrice qui s'avère très
importante.
- Les pratiques administratives domestiques, un partage des tâches genré
Au sein de la famille, il
y a un partage domestique de ce qu'on appelle faire la paperasse. Les
tâches administratives supposent des compétences (lecture,
écriture, classification, relationnelle, sociabilité, …). Mai
surtout cela demande de maîtriser les catégories administratives et
de comprendre le fonctionnement des institutions. Dans les analyses
classiques de Robert Hoggarts et Olivier Schwartz, on découvre que
les tâches administratives sont plutôt prises en charge par les
femmes dans les classes populaires. Siblot nuance cette idée entre
les tâches qu'on fait et celles qu'on valorise. Elle distingue trois
cas de figures :
- Les femmes font tout le travail administratif en général quand il y a un décalage scolaire entre femme et mari. Mais elle le mette pas en avant en général.
- Les hommes font tout le travail administratif, là encore, il y a un fort décalage scolaire au bénéfice de l'époux. Mais dans ce cas, ils le valorisent comme un savoir-faire.
- Le partage des tâches administratives au sein du foyer est la norme la plus courante. Ainsi les hommes remplissent les déclarations d'impôt, tâche annuelle mais très importante et donc avec un prestige symbolique. Par contre les démarches couteuses en temps et quotidiennes sont plutôt le fait de femmes qui se déplacent plus facilement sauf en cas de situations conflictuelles.
Un autre point
intéressant est le rôle des filles ainées en particulier dans les
familles immigrées mais pas seulement. Siblot voit un cas de figure
se répéter, le père gère les affaires administratives seul puis
il se décharge sur la fille ainée si elle est assez grande. La
fille ainée devenant la « secrétaire de la famille ».
Mais ces tâches sont aussi des ressources pour les filles ainées.
En premier lieu se sont des ressources symboliques dans la
reconnaissance sociale, certaines à force de côtoyer les
institutios forgent des liens. En second temps, les femmes
identifiées comme telles se voient demandées des conseils, des
coups de main par rapport à ces compétence administratives. De
plus, pour certaines contrôlées par leur époux, c'est l'occasion
de sortir légitimement. Enfin, quand cela va de paire avec la
croissance des compétences scolaires comme compétence valorisée.
Siblot tempère tout de
même cela car ce genre de compétences ne sont pas très reconnues
professionnellement dans la société.
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