lundi 6 février 2012

Etat 09 - 01

Précédemment : Etat 12 - 12





  1. Étudier les institutions

Dans la sociologie française actuelle, on trouve beaucoup de travaux sur des institutions spécifiques (maisons de retraite, école, hôpital, …) Mais peu de travaux sur les institutions analysées de manières transversales. Malgré tout on constate une tendance qui est la résistance ua changement. Dans les institutions et en particulier dans les institutions publiques, il y a des résistances au changement. Deux thèses classiques dominent : les institutions sont monolithiques et ont un caractère invariant, elles sont alors vues avant tout sous l'angle de domination et de l'autre coté on parle d'un déclin et d'une fragilisation des institutions contemporaines. Elles seraient en miettes.

Dans les institutions toutes puissantes, on trouve Bourdieu, Foucault et Goffman. Les institutions totales contrôlent de façon absolues tout les actes des administrés. Il y a donc une notion de rôle et tout les comportements de rôles des individus devraient être encadrés par l'institution. Foucault développe le cas de la prison, dans Surveiller et punir. Il constate leur multiplication au cours du XIX° siècle. La notion importante est celle de la discipline qui s'inscrit dans l'architecture des bâtiments puis dans le détail de la vie quotidienne des prisonniers. La vie quotidienne est chronométrée et régulée ce qui ne lui laisses pas de choix réel, donc une discipline imposée par l'institution. L'individu incarcéré est réduit à son statut de délinquant et devient comme l'institution l'exige. Foucault souligne aussi qu'il y a un contrôle si fort de l'État par ses institutions que cela se marque dans la discipline des corps même. En terme d'architecture cela s'impose par le Panopticon de Bentham qui est un bâtiment construit de telle manière que ses occupants sont toujours vus. Le service pénitentiaire doit d'ailleurs surveiller et rédiger des fiches de détenus pour que derrière on puisse déterminer le caractère de chaque délinquant et adapté les punitions selon la délinquance. Cela sous-entend que le personnel est complice de cette technique. Pour les gardiens aussi le rôle institutionnel est fort. Foucault montre bien le dressage (ou redressement) dans ces institutions totales tant des détenus qu'on doit remettre dans le droit chemin mais aussi dans celui des geôliers.
Goffman dans Asiles analysent les hôpitaux psychiatriques et arrivent à des conclusions analogues avec une définition similaire à Foucault des institutions totales. Par contre Goffman met en évidence la marge d'autonomie des individus, ceux-ci peuvent mettre leur rôle à distance. De même, les malades ont un rôle avec lequel ils jouent.
Pour des institutions plus communes mais toujours puissantes, il y a aussi des analyses comme celle de Bourdieu sur l'école par exemple. Selon lui, les institutions produisent un contrôle généralisé des individus. Il y a une forme de domination matérielle et symbolique qui y a cours. Les populations se voient alors imposer des positions et des trajectoires sociales spécifiques. Vers la fin de sa pensée, Bourdieu parle de « démission de l'État » ce qui est pour lui non pas tant que l'État s'affaiblit mais qu'il renonce à son rôle de lutte contre les inégalités et les ségrégations, l'État devient néolibéral. A ces yeux les notions « travaillent sur autrui » pour façonner leur public et ce de deux manières : par l'assujettissement (règles coercitives ou mécanismes de contrôle) ou par la responsabilisation (les rôles dévolus aux usagers sont d'être responsables).

A l'opposé les visions présentant un déclin des institutions se retrouvent plus chez Dubet qui analyse le rôle de l'école et du travail social. Ce qui change pour lui c'est le fait que les institutions ne peuvent plus aujourd'hui définir un bien commun. Auparavant il y avait un accord sur le bien commun qui faisait que les institutions transforment le public en sujet. Son évolution mouvante laisse des espaces aux individus qui s'en saisissent pour redéfinir plus librement leur attitude. Mais la définition du bien commun est devenue problématique et il y a des contradictions croissantes qui agissent en fonction du bien commun. Au niveau organisationnel, on observe un recul du modèle démocratique et une nouvelle façon de faire, moins traditionnelle (NMP). Au niveau sociétal enfin, les individus ont des identités plurielles, ils ont alors d'autres attentes. On a donc une montée en puissance des usagers qui conteste l'État. Il y a une remise en cause des institutions selon Dubet dans toutes les institutions (école, hôpital, …). Ces évolutions ne sont pas juste le produit du néolibéralisme mais aussi une conséquence du processus de néorationalisation prévu par Weber avec une diversification des tâches plus forte. C'est aussi le fruit d'une société individualiste et d'un processus de laïcisation car pour Dubet, les institutions en France et l'idéologie républicaine qui les soustend sont formées avec la III° république et forme une sorte de religion de l'État. Cette République croissante développe donc des contestations croissantes.

Aujourd'hui on a plutôt tendance à croiser les deux interprétations, les institutions veulent enfermer les individus dans leurs rôles mais en même temps, elles perdent de leur influence.


  1. Faire l'expérience de l'État au quotidien :relations de l'État à ses administrés

L'intérêt de ces travaux sociologiques datent des années 1990. Depuis longtemps les institutions s'intéressaient à ces aspects qui finançaient ce genre de travaux d'études.

  1. Les guichets, un bon poste d'observation

Pour Dubois c'est un petit objet qui permet d'observer de nombreux éléments. Ce qui en ressort c'est que le guichet est un espace matériel qui représente la bureaucratie avec une barrière matérielle et symbolique qui marque la différence entre l'État et l'adminsitré marquant l'autonomie de ce premier. Les guichets sont aussi l'endroit des réformes avec la modernisation des services et on peut observer leurs effets. On y voit aussi les pratiques des usagers et les représentations qu'ils se font des institutions. C'est l'ensemble des rapports sociau (de pouvoir ou de classe) qui y apparaissent. Cette sociologie est intéractionniste mais aussi des sociologie de organisations.

  1. Les rapports de domination entre administrations et usagers

Il existe deux formes de domination : impersonnelle et interpersonnelle. La première c'est la violence symbolique produite par les catégorisations, le fait que l'administration traduise en normes administratives des situations personnelles (la complexité d'une vie est réduite à certains traits : chômeurs, mère célibataire, handicapé, …). On remarque aussi que certaines catégorisations ne sont pas que de la catégorisation, elles ouvrent aussi à des droits définis collectivement qui ont été obtenus par des luttes sociales. Elles marquent la reconnaissance de ce statut social.
La domination interpersonnelle permet de montrer que la bureaucratie n'est pas juste anonyme. Ces individus qui sont dans une situation de supériorité vont se permettre d'établir des jugements moraux sur les personnes sous leur domination d'autorité. Cette asymétrie des positions au guichet rend ce jugement possible. Ca reste aussi à nuancer puisque le rapport peut être tempérer selon les écarts de pouvoir. De plus, cela ne prend pas en compte les usagers qui ne sont pas que passifs ou dominés (leur énervement ou leur engueulades peuvent faire avancer leur dossier et ils le savent).

  1. Le cas des usagers issus des milieux populaires

Yasmine Siblot qui étudie la CAAF, la Poste et l'administration d'un quartier défavorisé particulier. Les classes populaires sont hétérogènes, on est plus ou moins proches des classes moyennes et il existe de grandes variations selon qu'on habite un quartier stigmatisé ou que l'on soit d'origine immigrée. Elle se demande alors si ces classes ont un rapport spécifique aux institutions publiques.

Siblot constate que les relations aux administrations publiques sont plus fréquentes que d'autres milieux sociaux soit par nécessité économique, soit par obligations (chômeurs, immigrés devant renouveler leurs documents, …). Il y a des formes de dominations culturelle et symboliques qui peuvent être renforcée quand les usagers ne comprennent pas toujours les démarches administratives ou quand celles-ci maîtrise mal l'écrit et/ou le français. Cela effectue une distance entre les classes populaires et l'administration (nous/eux). Il y a un fort attachement à la situation sociale d'une part la nécessité ??? Il y a une grande différenciation dans les représentations entre les institutions donnant des droits, plutôt valorisée, et celle n'en donnant pas qui sont perçues comme dégradantes. Enfin elle remarque enfin que dans les relations de face à face avec les agents au guichet, il y a des proximités qui se créent car ils sont parfois eux-mêmes des gens de classes populaires, parfois du quartier et aussi par des relations d'habitudes qui se nouent entre la personne au guichet et celle qui s'y rend. Il peut y avoir des pratiques d'entraides. Pour Siblot la distance au guichet est partiellement abolie par la proximité du voisinage.

La relation est donc ambivalente entre des usagers très exigeants envers leurs institutions parce que celles-ci leur distribue de la reconnaissance sociale ou bien les en privent. Les institutions ont donc une fonction intégratrice et socialisatrice qui s'avère très importante.

  1. Les pratiques administratives domestiques, un partage des tâches genré

Au sein de la famille, il y a un partage domestique de ce qu'on appelle faire la paperasse. Les tâches administratives supposent des compétences (lecture, écriture, classification, relationnelle, sociabilité, …). Mai surtout cela demande de maîtriser les catégories administratives et de comprendre le fonctionnement des institutions. Dans les analyses classiques de Robert Hoggarts et Olivier Schwartz, on découvre que les tâches administratives sont plutôt prises en charge par les femmes dans les classes populaires. Siblot nuance cette idée entre les tâches qu'on fait et celles qu'on valorise. Elle distingue trois cas de figures :
  • Les femmes font tout le travail administratif en général quand il y a un décalage scolaire entre femme et mari. Mais elle le mette pas en avant en général.
  • Les hommes font tout le travail administratif, là encore, il y a un fort décalage scolaire au bénéfice de l'époux. Mais dans ce cas, ils le valorisent comme un savoir-faire.
  • Le partage des tâches administratives au sein du foyer est la norme la plus courante. Ainsi les hommes remplissent les déclarations d'impôt, tâche annuelle mais très importante et donc avec un prestige symbolique. Par contre les démarches couteuses en temps et quotidiennes sont plutôt le fait de femmes qui se déplacent plus facilement sauf en cas de situations conflictuelles.

Un autre point intéressant est le rôle des filles ainées en particulier dans les familles immigrées mais pas seulement. Siblot voit un cas de figure se répéter, le père gère les affaires administratives seul puis il se décharge sur la fille ainée si elle est assez grande. La fille ainée devenant la « secrétaire de la famille ». Mais ces tâches sont aussi des ressources pour les filles ainées. En premier lieu se sont des ressources symboliques dans la reconnaissance sociale, certaines à force de côtoyer les institutios forgent des liens. En second temps, les femmes identifiées comme telles se voient demandées des conseils, des coups de main par rapport à ces compétence administratives. De plus, pour certaines contrôlées par leur époux, c'est l'occasion de sortir légitimement. Enfin, quand cela va de paire avec la croissance des compétences scolaires comme compétence valorisée.
Siblot tempère tout de même cela car ce genre de compétences ne sont pas très reconnues professionnellement dans la société.

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