vendredi 9 mars 2012

Médiévale 08 - 03 (cours 4)

Précédemment Médiévale 23 - 02



 La main de justice


II.                   Les principes de gouvernement

1.      Du cœur des royaumes vers les frontières

S’il n’est pas pertinent de comparer l’Empire carolingien à l’Empire romain, on peut constater que dans un contexte économique difficile, Charlemagne a passé 30 ans à faire la guerre et à financer d’une part ses campagnes militaires, des villes nouvelles, des bâtiments neufs, des réseaux routiers relativement performants, …
Les historiens expliquent cet Empire par la performance du système qui est unique. Il n’existe pas d’administration en tant que tel, contrairement à l’empire romain ou byzantin. En revanche, l’Empire carolingien possède un système de contrôle de ce territoire grâce à des structures variables et qui s’appuie sur les aristocrates locaux. Karl Ferdinand Werner l’a clairement mis en évidence, cet empire n’est pas centralisé ni même unifié sur le plan administratif. Trois zones se distinguent selon lui :
·         Le cœur de l’empire entre la Loire et le Rhin, lieu de résidence de l’empereur, zone constituée de nombreux palais puisque le souverain se déplace tout le temps. Il y a des comtés qui constituent le territoire de cette zone. Les comtes gèrent les comtés et sont surveiller par un double de la personne du souverain : les missi dominici. Ils cherchent à éviter les abus de pouvoir et font remonter les nouvelles au roi.
·         La zone intermédiaire constituée de regna, anciens royaumes ou duchés qui sont des zones périphériques rattachés par les Carolingiens (Aquitaine, Bavière, Lombardie, …). Ces régions ont leur propre administration avec leur propre palais et souvent leurs propres rois, des fils de Charlemagne. Chacun de ses territoires fonctionne selon ses lois ancestrales. Cela n’empêche pas qu’on puisse y trouver des missi dominici. Cela permet à l’aristocratie de continuer à avoir de l’influence et à conserver son système sans être totalement ingéré par le royaume franc. Seule la Saxe sera le cas à part, incorporée au cœur de l’empire.
Ces territoires ont tous un comte de palais, il est l’interface entre l’aristocratie locale et l’empereur et est le comte le plus puissant comte de la région. Ce système perdurera alors même que les Carolingiens vont disparaître. La Bavière a toujours l’idée d’une unité.
·         Les marges, zones de glacis militaire qui doivent être surveillées théoriquement par le pouvoir. Le problème des frontières de ce territoire est gênant. La conception est très différente de la notre. A cette époque la frontière est une réalité mouvante comme the Frontier en Amérique. Du coup, les médiévistes carolingiens s’inspirent des travaux des historiens américains sur la Frontier, comme Frederik Turner. Il y a un front pionnier qui avance et qui entretient une relation particulière avec ceux qui vivent de l’autre coté. Ils savent bien que d’un coté se trouve les chrétiens et de l’autre les païens. C’est aussi la limite où les armées carolingiennes peuvent effectuer des pillages pour faire du butin. Cette zone est aussi celle du refuge des ennemis des Carolingiens. Il y a donc l’idée d’une zone mouvante qui sépare deux sociétés l’une carolingienne, l’autre plus barbare.

2.      Le Palais et les assemblées

Les Carolingiens ont pris le pouvoir par le Palais en prenant sa tête. Une fois le Palais détenu, les Carolingiens possède le fisc, l’ensemble des ressources publiques. On sait que la densité de leurs biens est très forte entre la Seine et la Moselle, zone qu’on commence à nommer par le concept de Francia, zone de province royale, vers le VIII° siècle. La Francia est aussi la zone où l’on trouve le plus de Palais, ce sont des résidences où le roi séjourne souvent avec sa cour. Même quand le roi n’est pas là. Ce palais exprime l’autorité royale. Le palais est donc aussi l’ensemble des gens qui gravitent autour du roi.

A chaque roi ses palais privilégiés. Charlemagne fera construire Aix-la-Chapelle entre 794 et 798. Ce Palais est le reflet de la conception carolingienne du pouvoir car il répond à une triple fonction politique, religieuse et résidentielle. La fonction politique s’incarne dans la grande basilique, lieu de rassemblement des grands plaids. La basilique est à l’origine une salle publique et non religieuse, cela vient de la Rome antique qui réunit des grandes assemblées dans ce genre de salle. L’Eglise se la réappropriera plus tardivement. Cette basilique d’Aix-la-Chapelle est reliée à la zone des bâtiments religieux par un long couloir interrompu par une grande porte qui permet d’entrée dans le complexe et qui contient le lieu où Charlemagne rend la justice, toujours le pouvoir politique. Au bout on trouve la chapelle, fonction religieuse avec tout un programme politique caché derrière puisque le trône de marbre est situé dans un emplacement stratégique. Enfin la fonction résidentielle est visible à travers des bâtiments disparus puisqu’ils étaient en bois (logements, chancellerie, école, …) sauf les thermes.
Charlemagne par le plan et l’architecture de son palais fait référence à l’empire romain et byzantin tout en développant des arts propres aux Francs. Aix reste cependant un palais exceptionnel, en général les palais sont plus modestes.

La chancellerie est un lieu important de la vie romaine. Son directeur, l’archichancelier, conserve toutes les archives avec lui en suivant le roi et il valide par son sceau les actes émanant du roi. Il a bien entendu des scribes qui travaillent avec lui. La nouveauté c’est que la chancellerie est aux mains des ecclésiastiques. Auparavant les Mérovingiens la confiait à des laïcs. Les chapelles royales, où toute la cour assiste à la messe, est dirigée par l’archichapelain. Les statuts se combinent rarement. Ces deux hommes sont très importants dans la hiérarchie du pouvoir autour du roi.
Ce ne sont pas les seuls. Le comte du palais, au sommet de la hiérarchie comtale, juge à la place du roi quand celui-ci n’est pas là. Le chambrier, ou le camérier, est responsable de la salle du trésor royale, son rôle est financier puisqu’il gère l’administration financière et est donc en contact direct avec la reine qui a en charge la gestion de la maison royale. A cela s’ajoute tout un tas de conseillers du roi qui n’ont pas de titre mais sont écoutés du roi en fonction de ces humeurs.

Est-ce pour autant un gouvernement ? Pas vraiment, tout ces hommes ne prennent pas de décisions, celles-ci sont prises dans lors des assemblées. Celles-ci rassemblent les grands personnages de l’empire, laïcs et ecclésiastiques. Ils font des dons au roi pour manifester leur puissance et obtenir la faveur du roi et ses largesses. Les anthropologues ont développé l’idée d’échange compétitif entre Grands lors de ces assemblées, et même à l’échelle de l’Empire, ce qui correspond bien à cette époque médiévale, un système toujours en compétition contre plein de monde.
Ces plaids avaient aussi un caractère sacré puisqu’on faisait trois jours de jeûne avant et qu’on y amenait des reliques saintes. De plus, les évêques se réunissaient souvent à part en conciles, devenant des experts de la discussion en assemblée. Las laïcs feront de même avec des plaids généraux.
Les assemblées donnent leurs approbations aux capitulaires proposés par le roi. Le roi valide la version finale, ils sont alors recopiés et diffusés dans l’Empire par les comtes notamment, peut être aussi par les ecclésiastiques.

3.      Les comtes et le fonctionnement de la justice

Le comte est le principal représentant du roi et a des fonctions multiples. En premier lieu, il a un pouvoir militaire. Il doit conduire les hommes libres au combat. Ceux-ci ont tous le droit et le devoir de venir participer au combat, ce n’est pas réservé aux nobles, la conception de noblesse n’existe même pas. Le comte a aussi un pouvoir fiscal puisqu’il lève les impôts dont une partie lui revient et l’autre se dirige vers le roi. Troisième pouvoir, le pouvoir de police et par la suite le pouvoir de justice. Somme toute, le comte a la délégation entière de la puissance publique puisqu’il détient le ban royal (ordonner, punir et contraindre). Il doit donc assurer, lors des tribunaux du comte, la justice lors des plaids ou des mallus comtaux. En dessous, des auxiliaires du comte peuvent lui donner son aide : les viguiers et les centeniers. Ils jugent les causes mineures (sans mise en cause de la vie ou de la liberté d’un homme) lors de petits tribunaux.

Le système juridique se constitue sur une justice d’arbitrage typiquement carolingienne. En Germanie toute famille victime d’une offense à le droit de venger son honneur par la faida, guerre privée qui peut éteindre entièrement des lignées. Les familles les plus puissantes ont donc l’avantage dans ce système. Mais il est aussi possible de négocier une indemnité, le wergeld, le prix de l’homme. Si une famille accepte une compensation pour l’offense alors l’honneur est lavé et on jure de rester en paix avec l’autre famille. Ce système est inscrit dans les lois barbares. Celles-ci assurent aussi que tout homme libre doit être jugé selon sa loi, son origine ethnique. Or l’empire carolingien n’est pas unifié sur ce plan. La loi des Francs, loi salique est rédigée pour la première fois avec Clovis et remodifiée sous Charlemagne, elle domine dans le cœur de l’empire. Au-delà, chaque peuple à ses lois (loi burgonde, loi saxonne, loi lombarde, …). Mais les carolingiens vont un peu intervenir notamment en rendant le wergeld obligatoire pour effacer la faida. L’Empire devant être en paix, le roi oblige la famille a accepté la compensation. Le développement d’une justice publique rejoint davantage la loi romaine que la tradition germanique. Le roi veut imposer le retour de la paix par l’intermédiaire de la justice publique.
La loi romaine n’a pas totalement disparu (Aquitaine, Lombardie, …) puisque le bréviaire (abrégé) d’Alaric, abrégé du code de Théodose permet aux Carolingiens de la connaître. Cette loi doit être écrite en latin et imposée par les pouvoirs publics. La tradition germanique elle, réclame une compensation pour tout délit. Le comte doit alors faire la synthèse de ces deux traditions romaine et germanique, en disant le droit et en rendant la justice.
Le comte à chaque tribunal nomme des juges qui doivent l’aider pour donner la sentence appropriée, ce sont les rachimbourgs. L’idée est que des sages doivent être choisis. Mais les tribunaux ne se font pas avec les mêmes personnes et le roi comprend vite que le comte choisit les rachimbourgs en fonction de la sentence qu’il veut rendre. Charlemagne crée alors les échevins, des hommes nommés à vie par les missi dominici ou par les comtes.

Autre nouveauté, jusqu’alors l’accusé devait apporter la preuve de son innocence mais c’étaient les rachimbourgs qui choisissaient la preuve à amener. Trois types existaient : le serment purgatoire sur des reliques qui peut se faire avec des cojureurs ; l’ordalie unilatérale (soumission du corps à l’épreuve) ou bilatérale (lutte entre deux champions dans un duel judiciaire) ; la preuve écrite plutôt dans les procès civils et peu dans les cas criminels. Les Carolingiens vont faire prédominer le témoignage sous serment et la preuve par l’écrit. On a conservé surtout en Italie des notices de plaids, comptes rendus des jugements, preuves du succès de l’écrit.

Le comte est donc bien un personnage tout-puissant dans sa région. Pour lutter contre les abus, Charlemagne et Louis le Pieux vont donc les surveiller avec la création des missi dominici. Apparus dès les années 780 au cœur de l’Empire, ils sont choisis par le roi. En 802, Charlemagne leur créer des missatica, circonscriptions des actions des missi dominici, toutes dans le cœur de l’Empire.
Ils ont en charge de recueillir les plaintes des administrés et juger en appel du tribunal comtal. Cela est particulièrement vrai quand le comte abuse de son pouvoir. Ils vont donc sanctionner les abus de pouvoir du comte mais aussi de ses viguiers et centeniers. Ils ont de plus, un rôle pédagogique puisqu’ils doivent expliquer la bonne loi et justifier le retour à la loi romaine. En effet, on passe d’une justice arbitrage à une justice répressive qui refuse les arrangements à l’amiable qui amènent à la corruption. En 779, la vengeance privée est interdite et les missi doivent expliquer cela et tâcher de les mettre en œuvre. Ce sont donc des hommes qui représentent le roi dans leur circonscription et ces doubles de la puissance du roi sont plus puissants que les comtes eux-mêmes. Ils peuvent donc commander des enquêtes appelées à des inquisitios. Il s’agit de déclencher des procédures d’enquêtes sans que personne n’ait porté plainte mais dès lors que le pouvoir du roi semble bafoué. De plus, cela permet aux missi d’obliger les hommes libres à faire des serments. Parce que le missus est un double du roi, il peut contraindre les aristocrates qui sont éhontés de cette mesure. En effet, les familles puissantes qui peuvent opprimer les plus faibles en toute impunité, se sentent menacées. Le développement de ces missi répond à un vrai souci d’équité envers les hommes libres les plus faibles puisqu’il est du devoir du roi de rendre la justice et de protéger les faibles, d’autant qu’il devra rendre compte lors du jugement dernier devant Dieu. Malgré tout, la mise en application sera peu efficace malgré le bon vouloir des caroligiens.


III.                Faibles et puissants

1.      Libres et non-libres

Ce clivage est essentiel à l’époque, impossible pour les gens du Moyen-Age d’imaginer l’égalité entre les hommes. L’inégalité est l’ordre voulu par Dieu puisque qu’Adam a croqué la pomme. Dieu a donné à chacun sa place sur Terre et donc a créé les inégalités.

Juridiquement on a donc les libres qui disposent de la plénitude des droits et les non-libres soumis à leur maître selon des degrés divers. En effet, les non-libres sont tous soumis à un maître mais dans des situations très variables. On a des esclaves soumis à leurs maîtres, des dépendants qui sont attachés à la terre (souvent des ancêtres des serfs) et des affranchis qui malgré leur statut restent sous la dépendance de leur ancien maître.
Parmi les hommes libres on trouve essentiellement des propriétaires terriens puisque c’est la garantie sine qua non d’être un homme libre. Ils forment alors la masse de tout les hommes qui portent les armes ce qui est un droit et un devoir de tous. Ils assistent aux assemblées et paient les impôts. Toutes ces conditions ne sont pas à remplir par les non-libres et certains libres préfèrent passer non-libres. Parmi les libres on a des inégalités flagrantes entre les potentes, les puissants qui ne sont pas vraiment la noblesse puisqu’ils ont malgré tout de nombreuses obligations que la noblesse n’avaient pas ; et les plus pauvres.

2.      L’aristocratie

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