Précédemment : Photo 05 - 03
Reconstruction de la coupole du Saint Sépulcre, Peter Bergheim
I.
La photographie au
service de l’action diplomatique
1.
Les usages du médium photographique par les diplomates
Parmi
les pionniers on trouve Jean-Baptiste-Louis
Gros (dit le Baron Gros) était un fervent défenseur du daguerréotype et
président de la société héliographique en 1861. Il effectue une longue carrière
diplomatique et photographie ses lieux d’affectation : Bogota, Athènes et
Londres. A chaque fois il prend en photo son lieu de mutation et anime les
cercles photographiques. On lui doit les premières photographies de Colombie.
Ce rentier, baron et diplomate reste un membre de l’élite.
Peu
après cette période, la photographie
prend une place de plus en plus importante dans la colonisation. Les diplomates
commandent des albums pour illustrer telle ou telle action auprès de leur
autorité de tutelle, ils multiplient les photographies dans les rapports.
Ainsi Peter
Bergheim prend la reconstruction
de la coupole du Saint Sépulcre où il illustre l’action du consul de
France à Jérusalem sur commande de celui-ci pour le Quai d’Orsay. C’est aussi
une commande du Second Empire qui mène une politique de conciliation avec le
pape. Plus concrètement les diplomates joignent des photographies à leurs
dépêches souvent pour magnifier l’œuvre
du colonisateur. La photographie vient alors prouver en illustrant ce que
dit la dépêche. C’est le cas pour l’initiation des soldats mandchous au
maniement des armes européennes. D’où on en conclu que les diplomates prennent
des commandes avec des dessins, des estampes et des plans. La photographie continue d’authentifier les rapports, l’attitude de
l’époque reste centrée sur le positivisme de la photographie.
2.
Un bréviaire des regards
Une
pluralité de regards se retrouve autour de ces photos. Ils renvoient à la
période de colonisation. Ces images nous
montrent comment dans un contexte colonial est construit la figure de l’autre.
Les regards sont historiquement
construits en définissant l’image du colonisé par le colonisateur qui se
définit aussi en fond. Le but est de donner une vision acceptable de la
colonisation et du colonisateur.
Datée
de 1887, le Poste télégraphique du point Six montre l’installation d’un poste à
Madagascar où l’on distingue une chambre photographique qui semble assez
archaïque pour l’époque. De même, la plupart des photos mettent en évidence
l’influence du medium photographique sur un cadre, la preuve en est avec la
photographie prise dans une rue de Canton. La
mise en place de l’appareil est un évènement et a des conséquences.
De plus, le choix
des sujets n’est pas anodin. Le photographe va choisir des sujets construits
historiquement. D’où le fait que les images laissées par les diplomates sont
prévisibles et redondantes, puisqu’elles illustrent les spécificités de
l’époque. La métropole a des exigences ethnographiques face à un choc culturel, un
monde très éloigné qu’il faut classifier. L’ethnographe a d’ailleurs un pouvoir
sur le colonisé puisqu’il peut produire un discours sur les colonisés. Le colonisateur a un pouvoir d’action sur
la photographie.
La
mission Pavie (1879 – 1895) est accompagnée d’opérateurs photographes qui
prennent des clichés où l’on retrouve des formes d’appropriation. Ainsi le
photographe Blanc prend en photo le 14 juillet 1889, Panama alors en plein
célébration du centenaire avec un foisonnement d’indicateurs français
(drapeaux, Marianne, …) trahit cette
recherche d’appropriation de territoires
étrangers.
3.
???
Les
photographies servent de plaidoyer pour justifier l’action colonisatrice et
l’appropriation. Les photographies du Canal de Suez illustrent l’œuvre civilisatrice des colonisateurs
en joignant des mers disjointes. On a une quantité impressionnante de ces traces
de grands travaux civilisateurs par des voies de communications (Canaux,
trains, ports, …), les postes (Poste de Tunis), les écoles, …
En revanche aucune
image ne documente les guerres de colonisation, le travail forcé, … De telles
images ne valoriseraient pas l’image des colonisateurs, elles sont donc absentes. On a
malgré tout des photographies qui détonnent de la norme, révélant la réalité
d’une situation. On est presque dans l’idée d’un instantané bien que
techniquement on en soit loin. D’autres
images traduisent la fragilité du statut des colons dans des pays qui ne
sont pas le leur. D’où un effort pathétique pour s’entourer d’un décor européen
devant évoquer la patrie, le chez soi, le lieu qui rassure.
De même le
pittoresque présent dans de nombreuses photos a pour objectif de donner des
images convenues et de s’approprier l’étrange de l’autre mais un étrange qu’on tente de
s’imprimer. On se rassure aussi au travers de photographies qui pastichent les
formes esthétiques de la peinture. On met à voir l’inconnu par une composition
reconnue.
On a donc une
imagerie foisonnante entre appropriation coloniale, image valorisée du
colonisateur et de son action. En mineur, on détecte aussi la fragilité de la
situation du colonisateur dans les colonies et sa volonté d’effacer cela. Comme
avec le grand ouest américain, on voit comment la photographie et
l’appropriation du territoire sont liées.
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