jeudi 15 mars 2012

Photo 12 - 03 (cours 8)


 Précédemment : Photo 05 - 03


Reconstruction de la coupole du Saint Sépulcre, Peter Bergheim


I.                   La photographie au service de l’action diplomatique

1.      Les usages du médium photographique par les diplomates

Parmi les pionniers on trouve Jean-Baptiste-Louis Gros (dit le Baron Gros) était un fervent défenseur du daguerréotype et président de la société héliographique en 1861. Il effectue une longue carrière diplomatique et photographie ses lieux d’affectation : Bogota, Athènes et Londres. A chaque fois il prend en photo son lieu de mutation et anime les cercles photographiques. On lui doit les premières photographies de Colombie. Ce rentier, baron et diplomate reste un membre de l’élite.

Peu après cette période, la photographie prend une place de plus en plus importante dans la colonisation. Les diplomates commandent des albums pour illustrer telle ou telle action auprès de leur autorité de tutelle, ils multiplient les photographies dans les rapports. Ainsi Peter Bergheim prend la reconstruction de la coupole du Saint Sépulcre où il illustre l’action du consul de France à Jérusalem sur commande de celui-ci pour le Quai d’Orsay. C’est aussi une commande du Second Empire qui mène une politique de conciliation avec le pape. Plus concrètement les diplomates joignent des photographies à leurs dépêches souvent pour magnifier l’œuvre du colonisateur. La photographie vient alors prouver en illustrant ce que dit la dépêche. C’est le cas pour l’initiation des soldats mandchous au maniement des armes européennes. D’où on en conclu que les diplomates prennent des commandes avec des dessins, des estampes et des plans. La photographie continue d’authentifier les rapports, l’attitude de l’époque reste centrée sur le positivisme de la photographie.

2.      Un bréviaire des regards

Une pluralité de regards se retrouve autour de ces photos. Ils renvoient à la période de colonisation. Ces images nous montrent comment dans un contexte colonial est construit la figure de l’autre. Les regards sont historiquement construits en définissant l’image du colonisé par le colonisateur qui se définit aussi en fond. Le but est de donner une vision acceptable de la colonisation et du colonisateur.

Datée de 1887, le Poste télégraphique du point Six montre l’installation d’un poste à Madagascar où l’on distingue une chambre photographique qui semble assez archaïque pour l’époque. De même, la plupart des photos mettent en évidence l’influence du medium photographique sur un cadre, la preuve en est avec la photographie prise dans une rue de Canton. La mise en place de l’appareil est un évènement et a des conséquences.

De plus, le choix des sujets n’est pas anodin. Le photographe va choisir des sujets construits historiquement. D’où le fait que les images laissées par les diplomates sont prévisibles et redondantes, puisqu’elles illustrent les spécificités de l’époque. La métropole a des exigences ethnographiques face à un choc culturel, un monde très éloigné qu’il faut classifier. L’ethnographe a d’ailleurs un pouvoir sur le colonisé puisqu’il peut produire un discours sur les colonisés. Le colonisateur a un pouvoir d’action sur la photographie.
La mission Pavie (1879 – 1895) est accompagnée d’opérateurs photographes qui prennent des clichés où l’on retrouve des formes d’appropriation. Ainsi le photographe Blanc prend en photo le 14 juillet 1889, Panama alors en plein célébration du centenaire avec un foisonnement d’indicateurs français (drapeaux, Marianne, …) trahit cette recherche d’appropriation de territoires étrangers.

3.      ???

Les photographies servent de plaidoyer pour justifier l’action colonisatrice et l’appropriation. Les photographies du Canal de Suez illustrent l’œuvre civilisatrice des colonisateurs en joignant des mers disjointes. On a une quantité impressionnante de ces traces de grands travaux civilisateurs par des voies de communications (Canaux, trains, ports, …), les postes (Poste de Tunis), les écoles, …

En revanche aucune image ne documente les guerres de colonisation, le travail forcé, … De telles images ne valoriseraient pas l’image des colonisateurs, elles sont donc absentes. On a malgré tout des photographies qui détonnent de la norme, révélant la réalité d’une situation. On est presque dans l’idée d’un instantané bien que techniquement on en soit loin. D’autres images traduisent la fragilité du statut des colons dans des pays qui ne sont pas le leur. D’où un effort pathétique pour s’entourer d’un décor européen devant évoquer la patrie, le chez soi, le lieu qui rassure.

De même le pittoresque présent dans de nombreuses photos a pour objectif de donner des images convenues et de s’approprier l’étrange de l’autre mais un étrange qu’on tente de s’imprimer. On se rassure aussi au travers de photographies qui pastichent les formes esthétiques de la peinture. On met à voir l’inconnu par une composition reconnue.

On a donc une imagerie foisonnante entre appropriation coloniale, image valorisée du colonisateur et de son action. En mineur, on détecte aussi la fragilité de la situation du colonisateur dans les colonies et sa volonté d’effacer cela. Comme avec le grand ouest américain, on voit comment la photographie et l’appropriation du territoire sont liées.

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