mercredi 21 mars 2012

Antique 21 - 03 (cours 6)

Précédemment : Antique 14 - 03


Le phare d'Alexandrie guide les bateaux romains ... quand la mer est ouverte



II.                   Les liaisons commerciales à grande distance et la structuration de l’espace impérial

La majorité des liaisons se font dans un cadre local mais les grandes liaisons ne sont pas non plus négligeables.

1.      Les liaisons maritimes

Ce sont de loin les liaisons privilégiées car elles sont moins couteuses que les transports terrestres.

A.     Les ports de Rome : Ostie

Rome attire des productions de tout l’Empire. A défaut d’être au bord de la mer, Rome est sur un fleuve avec des installations portuaires sur le Tibre. Il y a une grande zone d’entrepôts, les horreas, légèrement à l’écart de la ville. Dans la ville historique, on trouve des ports plus anciens : le portus tiberinus, le port historique proche du forum ; l’arsenal militaire des navalias qui sert parfois de lieu de déchargement et d’entrepôts ; enfin on trouve l’emporium au pied de l’Aventin. Ces quatre zones portuaires permettent donc à Rome d’être en contact avec la mer.

Mais le principal port de Rome est Ostie à l’embouchure du Tibre. Tout y est entreposé, mesuré, réparti et ensuite envoyé à Rome par bateau ou par voie terrestre. Ostie est contrôlée précocement par Rome. Mais ce lieu est régulièrement menacé d’ensablement et doit être souvent désensablé par des grands travaux. On retient les grands travaux de Claude qui furent prolongés par Néron en construisant des digues dans la mer. Cette technique restant insuffisante, Trajan va aménager le port d’Ostie à l’intérieur des terres ce qui réduit le risque d’ensablement. Pour rejoindre le Tibre, un canal est aménagé entre Ostie et le fleuve.
On a aussi le port de Pouzzoles plus proche de Naples qui déclinera face aux travaux qui font d’Ostie le grand port de Rome. Ostie est aussi une ville de 60 000 habitants aménagée pour le commerce. Le centre possède la place des « corporations » qui est en fait une place entourée de petits comptoirs dans lesquels se trouvent les marchands. C’est le grand lieu des activités commerciales d’Ostie.

B.     Les grands ports de Méditerranée

Les grands ports d’approvisionnement sont tous en Orient ou en Afrique (Alexandrie, Cyrène, Carthage, ports grecs, orient, …). A Alexandrie, deuxième ville de l’Empire (500 000 habitants) fondée par Alexandre le Grand en – 361, c’était déjà une capitale importante à l’époque hellénistique. La ville construite à l’extérieure du delta doit permettre un meilleur commerce méditerranéen.  Un canal est cependant construit pour relier Alexandrie à la branche canopique, une branche du delta du Nil. Tout les produits exportés par l’Egypte passent par Alexandrie. Le blé qui est fondamental dans l’alimentation de Rome, le papyrus qui est le support écrit et les pierres de granit qui sont uniques. De plus, la ville est un point de passage des produits venus d’Afrique et d’Asie, en particulier de l’Inde et les côtes de la mer Rouge. Par son rôle commercial, Alexandrie encourage le domaine artisanal local dans plusieurs domaines : la transformation du papyrus en support écrit, la production de tissus et de tapis ainsi qu’une grande production de pierres précieuses et de bijoux. Cet artisanat de qualité profite à la ville. Son organisation est typique de cette époque avec un quadrillage des rues et trois ports distincts.

A Narbonne, d’abord capitale de la province de Narbonnaise fut fondée par les Romains en – 118, première colonie romaine hors d’Italie. Elle devait permettre de contrôler la route entre l’Italie et l’Espagne qui est très importante. Cela permet aussi de contrôler les voies qui pénètrent à l’intérieur de la Gaule avec en particulier les routes partant vers la Garonne. Un port est alors construit mais sert surtout aux importations à l’époque républicaine pour les produits italiens travaillés. On constate des exportations de produits gaulois bruts (plomb, or, argent et fer) et des esclaves gaulois. Les colons sur place développent un commerce propre notamment avec une viticulture poussée. Au lieu d’importer le vin romain, les colons finissent par exporter leur vin gaulois. De plus, le commerce se développe localement et notamment une forme de poterie de très bonne qualité (sans être de luxe) exportée vers l’Italie. Enfin durant l’Empire, on constate l’apparition de circuits commerciaux directement entre l’Espagne et la Gaule (Catalogne – Narbonne – Garonne). Narbonne n’est alors plus un port d’importations massives mais un port d’exportations de produits locaux et qui effectue des échanges commerciaux directement avec d’autres régions. Ce n’est pas un cas unique du passage d’une ville importatrice à une ville exportatrice de produits finis. Les provinces occidentales ont souvent renversé leur balance commerciale.

C.     Les conditions de navigation en Méditerranée

La navigation est saisonnière puisqu’il existe une période où la mer est ouverte (printemps et été) et une période où elle est fermée (automne et hiver). D’où le fait que les échanges soient très intenses durant ces périodes, on brave rarement la mer en période fermée. Le temps de trajet est de 7 jours entre Ostie et l’Espagne et de 15 jours entre Alexandrie et Ostie.

2.      Le commerce fluvial et terrestre

A.     L’importance des axes fluviaux

L’axe Rhône – Saône – Rhin qui structure la Gaule fait du Rhône un axe très dynamique avec Lugdunum qui a un rôle essentiel politiquement et économiquement. Capitale de la Lyonnaise, c’est un lieu de transport fluvial important avec des nautes, qui sont des transporteurs maritimes entre Massilia et Lugdunum. On trouve aussi  des nautes sur la Seine.
On constate aussi que les lieux avec des transports fluviaux importants développent des activités de commerce comme sur le Guadalquivir où l’on a retrouvé beaucoup d’ateliers d’amphores. Ces axes fluviaux sont essentiels à un essor du commerce.

B.     Le développement des infrastructures routières

Les routes sont avant tout construites pour des raisons stratégiques et militaires. Elles vont aussi servir aux échanges avec un réseau assez dense et régulier. Ainsi la Via Domitia reliant le Nord des Alpes au Nord-Est des Pyrénées. Les Via Domitia fut construite en même temps que la ville de Narbonne. On avait des relais de poste pour les chevaux, … Cela permet de bien structurer le commerce. Les routes de Mésopotamie suivent le Tigre et l’Euphrate et amènent dans des régions où on bénéficie des épices, des bois, … En Inde, on a retrouvé des pièces d’or et de la céramique romaine.

Beaucoup par la mer, un peu moins par les routes, on a un commerce mondial centré sur Rome mais qui pénètre aussi profondément dans les terres par des voies terrestres.


II.                Les produits échangés : Rome pille-t-elle les provinces ?

L’essentiel de l’approvisionnement se fait par des cultures vivrières mais il n’y a pas d’unicité du prix du blé, cela varie d’une région à l’autre et d’une cité à l’autre. On a aussi une grande production de céramique locale et une fraction seulement de la production circule.


1.      Commerce vers Rome et commerce inter-provincial

A.     L’afflux des produits du monde à Rome

La trilogie méditerranéenne qualifie les trois produits de base transportée autour de la Méditerranée: blé, huile et vin. Le blé varie selon les périodes mais vient beaucoup d’Afrique proconsulaire et d’Egypte. Il y a bien entendu le blé fiscal prélevé sous forme d’impôt et le blé commercialisé. L’huile vient surtout de Bétique, cela mène à des choses surprenantes comme une colline de débris d’amphores de 35 mètres de haut près de Rome. Le vin connaît le plus grand retournement avec un vin italien qui domine le début de l’Empire et qui au fil du I° siècle va être dépassé par les vins gaulois et espagnols. On trouve d’autres produits venus d’ailleurs dans l’artisanat de luxe (céramique de qualité, argenterie, bijoux, …).

B.     Le commerce inter-provincial et le développement inégal des provinces

Des circuits inter-provinciaux se développent avec un essor général du commerce. Certaines provinces sont plutôt productrices et d’autres importatrices. L’huile de bétique est exportée dans tout l’Occident (comme en Bretagne). Au II° siècle, la Bretagne commerce presque uniquement avec la Gaule, la Germanie et l’Espagne. Ainsi la céramique sigillée (du mot sceau) qui est en relief est au départ produite en Italie. On voit à la fin du I° siècle des Italiens installés à Lyon par exemple, puis des potiers locaux qui travaillent cette céramique sigillée. Progressivement, les artisans locaux vont produire de plus en plus de ces poteries et voler cette économie aux Italiens. La Gaule devient le centre principal de ces poteries de bonne qualité. En conséquence, n’y aurait-il pas un impérialisme manqué de Rome. Domitien prend un édit interdisant la plantation de vignes en Italie et l’arrachage de moitié des plants en province. L’Italie est ralentie et stagne dans sa production plus qu’elle ne décline.

2.      Les acteurs des échanges et les « milieux d’affaires » dans l’Empire

A.     Négociants romains et italiens : une présence continue

On trouve à la fois à Rome et en Italie, des Italiens et des Romains installés qu’on nomme en général negotiatores, mais qui gardent des contacts avec Rome ou leur ville d’origine en Italie. On a une continuité entre la République et l’Empire. Ils forment un groupe reconnu comme tel. On trouve aussi des banquiers et des gens liés à ??? Ce sont par ailleurs les mêmes qui font les prêts d’argent, des échanges, … Le grand-père de Vespasien, fondateur des Flaviens, était un petit banquier local, son père était employé d’une société de publicain en Asie, devient prêteur d’argent chez les Helvètes et son fils sera Empereur.

B.     Un renouvellement : les négociants provinciaux

Un milieu de négociants autochtones se développe en Occident quand en Orient cette activité commerciale se maintient puisqu’elle existait déjà. En Occident cela se voit beaucoup par les collèges professionnels qui sont des associations d’artisans et de commerçants avec de nombreux affranchis qui témoignent de l’élargissement de ce milieu commerçant. Ces négociants provinciaux vont aussi se déplacer : certains à Rome, d’autres dans des provinces différentes (des Gaulois s’installant en Espagne, des commerçants orientaux venant à Lyon, …). Cela provoque donc un brassage linguistique et culturel.

Cela modifie aussi la façon de produire dans les provinces. Ainsi, cela se constate parfaitement dans l’extension du modèle de la villa romaine. Cette unité de production naît en Italie, est liée à l’agriculture spéculative destinée au commerce avec une grande production et un modèle esclavagiste. Ce modèle de la villa comme grande propriété se développe dans tout l’Occident mais pas l’esclavage, comme en Gaule où se seront des fermiers libres. Cela va de pair avec l’artisanat. On peut parler d’une forme de romanisation économique qui ne touche que l’Occident et l’Afrique mais ni l’Egypte, ni l’Orient.


C.     Tâches publiques et entreprises privées

Une partie des échanges à longue distance est contrôlée par l’Etat romain avec un système plutôt original mélangeant acteur romain public et acteur privé. Cela en particulier dans l’approvisionnement de Rome comme en blé. Le service de l’annone est organisé sous Auguste en 8. Ce préfet a son administration et se situe à Rome. Il est en charge de centraliser mais pas d’expédier et de transporter. Il passe des contrats avec des commerçants privés qui ont un contrat avec l’Etat et doivent transporter le blé fiscal. Les naviculaires, propriétaires des navires, passent un contrat avec l’Etat et se mettent au service de celui-ci pour une durée déterminée et ne travailler que pour celui-ci. Ces contrats sont fiables mais rapportent moins que les entreprises risquées. Rome tente donc de garder les hommes sous contrats travaillant pour l’Empire par une amélioration de leur statut et des exemptions fiscales. En cas de crise à Rome, la ville leur demande d’aller chercher des ressources, mais l’Empire se porte garant des remboursements en cas d’accident.
Ce préfet a des branches en province. Par exemple, il existe un procurateur des rives du Baetis qui doit travailler pour l’annone en donnant des ordres pour assurer que le fleuve ne s’encombre pas. Ce procurateur n’agit pas de lui-même mais contrôle la mise en application des demandes romaines. L’intervention étatique ne concerne que les cas exceptionnels, les cas de commerce inter-provincial ne sont pas contrôlés si ce n’est par une taxe indirecte.


Il y a incontestablement des éléments d’intégration liés à la politique de Rome d’une part (monnaie, infrastructures, …) et aux progrès de la production dans les provinces d’autre part. Or ces progrès sont la conséquence de l’unification politique qui implique la paix et pour cela, le vaste empire va pendant trois siècles ne pas connaître de guerre intérieure. Cela entraîne les possibilités de développement économique qui assure un échange méditerranéen.
Cette évolution économique tend à créer des inégalités au sein de l’Empire notamment entre les régions. L’Italie stagne mais les provinces ne sont pas à égalité : l’Espagne et la Gaule dominent mais la Bretagne reste une zone marginalisée et très endettée. Le bilan est donc variable, si partout le commerce se développe par la paix intérieure, certaines provinces n’en bénéficient pas.
Pour Rome, peut-on parler de pillages ? Oui dans le cas des fiscalités extrêmement lourdes qui assurent à toute la population citoyenne d’être nourrie, donc Rome vit de ses provinces. En revanche, la prospérité provinciale est réelle dans certaines régions. Ainsi le Nord de la Gaule s’est développée donc s’il y a pillage, il n’est pas total puisque son développement permet de compenser le pillage romain.
Ce qu’on ne distingue pas c’est le développement technologique, puisqu’on voit surtout une extension du modèle italien.

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