Le phare d'Alexandrie guide les bateaux romains ... quand la mer est ouverte
II.
Les liaisons
commerciales à grande distance et la structuration de l’espace impérial
La
majorité des liaisons se font dans un cadre local mais les grandes liaisons ne
sont pas non plus négligeables.
1.
Les liaisons maritimes
Ce
sont de loin les liaisons privilégiées car elles sont moins couteuses que les
transports terrestres.
A.
Les ports de Rome : Ostie
Rome attire des
productions de tout l’Empire. A défaut d’être au bord de la mer, Rome est sur
un fleuve avec des installations portuaires sur le Tibre. Il y a une grande zone
d’entrepôts, les horreas, légèrement à l’écart de la ville. Dans la ville
historique, on trouve des ports plus anciens : le portus tiberinus, le
port historique proche du forum ; l’arsenal
militaire des navalias qui sert
parfois de lieu de déchargement et d’entrepôts ; enfin on trouve l’emporium
au pied de l’Aventin. Ces quatre zones portuaires permettent donc à Rome d’être
en contact avec la mer.
Mais le principal
port de Rome est Ostie à l’embouchure du Tibre. Tout y est entreposé, mesuré,
réparti et ensuite envoyé à Rome par bateau ou par voie terrestre. Ostie est contrôlée précocement
par Rome. Mais ce lieu est régulièrement menacé d’ensablement et doit être
souvent désensablé par des grands travaux. On retient les grands travaux de Claude qui furent prolongés par Néron en
construisant des digues dans la mer. Cette technique restant insuffisante, Trajan va aménager le port d’Ostie à
l’intérieur des terres ce qui réduit le risque d’ensablement. Pour rejoindre le Tibre, un canal est
aménagé entre Ostie et le fleuve.
On a aussi le port
de Pouzzoles
plus proche de Naples qui déclinera face aux travaux qui font d’Ostie le grand
port de Rome. Ostie est aussi une ville
de 60 000 habitants aménagée pour le commerce. Le centre possède la
place des « corporations » qui est en fait une place entourée de
petits comptoirs dans lesquels se trouvent les marchands. C’est le grand lieu
des activités commerciales d’Ostie.
B.
Les grands ports de Méditerranée
Les grands ports
d’approvisionnement sont tous en Orient ou en Afrique (Alexandrie, Cyrène, Carthage,
ports grecs, orient, …). A Alexandrie,
deuxième ville de l’Empire (500 000 habitants) fondée par Alexandre le
Grand en – 361, c’était déjà une capitale importante à l’époque hellénistique.
La ville construite à l’extérieure du delta doit permettre un meilleur commerce
méditerranéen. Un canal est cependant
construit pour relier Alexandrie à la branche canopique, une branche du delta
du Nil. Tout les produits exportés par l’Egypte passent par Alexandrie. Le blé
qui est fondamental dans l’alimentation de Rome, le papyrus qui est le support
écrit et les pierres de granit qui sont uniques. De plus, la ville est un point
de passage des produits venus d’Afrique et d’Asie, en particulier de l’Inde et
les côtes de la mer Rouge. Par son rôle
commercial, Alexandrie encourage le domaine artisanal local dans plusieurs
domaines : la transformation du papyrus en support écrit, la production de
tissus et de tapis ainsi qu’une grande production de pierres précieuses et de
bijoux. Cet artisanat de qualité profite à la ville. Son organisation est
typique de cette époque avec un quadrillage des rues et trois ports distincts.
A
Narbonne, d’abord capitale de la
province de Narbonnaise fut fondée par les Romains en – 118, première colonie
romaine hors d’Italie. Elle devait
permettre de contrôler la route entre l’Italie et l’Espagne qui est très
importante. Cela permet aussi de contrôler les voies qui pénètrent à l’intérieur
de la Gaule avec en particulier les routes partant vers la Garonne. Un port
est alors construit mais sert surtout aux importations à l’époque républicaine
pour les produits italiens travaillés. On constate des exportations de produits
gaulois bruts (plomb, or, argent et fer) et des esclaves gaulois. Les colons
sur place développent un commerce propre notamment avec une viticulture
poussée. Au lieu d’importer le vin romain, les colons finissent par exporter
leur vin gaulois. De plus, le commerce se développe localement et notamment une
forme de poterie de très bonne qualité (sans être de luxe) exportée vers
l’Italie. Enfin durant l’Empire, on constate l’apparition de circuits
commerciaux directement entre l’Espagne et la Gaule (Catalogne – Narbonne –
Garonne). Narbonne n’est alors plus un
port d’importations massives mais un port d’exportations de produits locaux et
qui effectue des échanges commerciaux directement avec d’autres régions. Ce
n’est pas un cas unique du passage
d’une ville importatrice à une ville exportatrice de produits finis. Les
provinces occidentales ont souvent renversé leur balance commerciale.
C.
Les conditions de navigation en Méditerranée
La navigation est
saisonnière puisqu’il existe une période où la mer est ouverte (printemps et
été) et une période où elle est fermée (automne et hiver). D’où le fait que les échanges
soient très intenses durant ces périodes, on brave rarement la mer en période
fermée. Le temps de trajet est de 7 jours entre Ostie et l’Espagne et de 15
jours entre Alexandrie et Ostie.
2.
Le commerce fluvial et terrestre
A.
L’importance des axes fluviaux
L’axe Rhône – Saône
– Rhin qui structure la Gaule
fait du Rhône un axe très dynamique avec Lugdunum qui a un rôle essentiel
politiquement et économiquement. Capitale de la Lyonnaise, c’est un lieu de
transport fluvial important avec des nautes, qui sont des transporteurs
maritimes entre Massilia et Lugdunum. On trouve aussi des nautes
sur la Seine.
On
constate aussi que les lieux avec des
transports fluviaux importants développent des activités de commerce comme
sur le Guadalquivir où l’on a retrouvé beaucoup d’ateliers d’amphores. Ces axes
fluviaux sont essentiels à un essor du commerce.
B.
Le développement des infrastructures routières
Les routes sont
avant tout construites pour des raisons stratégiques et militaires. Elles vont aussi servir aux
échanges avec un réseau assez dense et régulier. Ainsi la Via Domitia reliant
le Nord des Alpes au Nord-Est des Pyrénées. Les Via Domitia fut construite en
même temps que la ville de Narbonne. On avait des relais de poste pour les
chevaux, … Cela permet de bien structurer le commerce. Les routes de
Mésopotamie suivent le Tigre et l’Euphrate et amènent dans des régions où on
bénéficie des épices, des bois, … En Inde, on a retrouvé des pièces d’or et de
la céramique romaine.
Beaucoup par la
mer, un peu moins par les routes, on a un commerce mondial centré sur Rome mais
qui pénètre aussi profondément dans les terres par des voies terrestres.
II.
Les produits
échangés : Rome pille-t-elle les provinces ?
L’essentiel
de l’approvisionnement se fait par des cultures vivrières mais il n’y a pas
d’unicité du prix du blé, cela varie d’une région à l’autre et d’une cité à
l’autre. On a aussi une grande production de céramique locale et une fraction
seulement de la production circule.
1.
Commerce vers Rome et commerce inter-provincial
A.
L’afflux des produits du monde à Rome
La trilogie
méditerranéenne qualifie les trois produits de base transportée autour de
la Méditerranée: blé, huile et vin.
Le blé varie selon les périodes mais vient beaucoup d’Afrique proconsulaire et
d’Egypte. Il y a bien entendu le blé fiscal prélevé sous forme d’impôt et le
blé commercialisé. L’huile vient surtout de Bétique, cela mène à des choses
surprenantes comme une colline de débris d’amphores de 35 mètres de haut près
de Rome. Le vin connaît le plus grand retournement avec un vin italien qui
domine le début de l’Empire et qui au fil du I° siècle va être dépassé par les
vins gaulois et espagnols. On trouve d’autres produits venus d’ailleurs dans
l’artisanat de luxe (céramique de qualité, argenterie, bijoux, …).
B.
Le commerce inter-provincial et le développement inégal des
provinces
Des circuits
inter-provinciaux se développent avec un essor général du commerce. Certaines
provinces sont plutôt productrices et d’autres importatrices. L’huile de bétique est exportée
dans tout l’Occident (comme en Bretagne). Au II° siècle, la Bretagne commerce presque
uniquement avec la Gaule, la Germanie et l’Espagne. Ainsi la céramique sigillée (du mot sceau) qui est en relief est au
départ produite en Italie. On voit à la fin du I° siècle des Italiens installés
à Lyon par exemple, puis des potiers locaux qui travaillent cette céramique
sigillée. Progressivement, les artisans locaux vont produire de plus en plus de
ces poteries et voler cette économie aux Italiens. La Gaule devient le centre
principal de ces poteries de bonne qualité. En conséquence, n’y aurait-il pas
un impérialisme manqué de Rome. Domitien prend un édit interdisant la
plantation de vignes en Italie et l’arrachage de moitié des plants en province.
L’Italie est ralentie et stagne dans sa production plus qu’elle ne décline.
2.
Les acteurs des échanges et les « milieux d’affaires »
dans l’Empire
A.
Négociants romains et italiens : une présence continue
On trouve à la fois
à Rome et en Italie, des Italiens et des Romains installés qu’on nomme en
général negotiatores, mais qui gardent des contacts avec Rome ou leur ville d’origine en
Italie. On a une continuité entre la République et l’Empire. Ils forment un
groupe reconnu comme tel. On trouve aussi des banquiers et des gens liés
à ??? Ce sont par ailleurs les mêmes qui font les prêts d’argent, des
échanges, … Le grand-père de Vespasien, fondateur des Flaviens, était un petit
banquier local, son père était employé d’une société de publicain en Asie,
devient prêteur d’argent chez les Helvètes et son fils sera Empereur.
B.
Un renouvellement : les négociants provinciaux
Un milieu de
négociants autochtones se développe en Occident quand en Orient cette activité
commerciale se maintient puisqu’elle existait déjà. En Occident cela se voit beaucoup par les collèges professionnels
qui sont des associations d’artisans et de commerçants avec de nombreux
affranchis qui témoignent de l’élargissement de ce milieu commerçant. Ces négociants provinciaux vont aussi se
déplacer : certains à Rome, d’autres dans des provinces différentes
(des Gaulois s’installant en Espagne, des commerçants orientaux venant à Lyon,
…). Cela provoque donc un brassage
linguistique et culturel.
Cela
modifie aussi la façon de produire dans les provinces. Ainsi, cela se constate
parfaitement dans l’extension du modèle de la villa romaine. Cette unité de
production naît en Italie, est liée à l’agriculture spéculative destinée au
commerce avec une grande production et un modèle esclavagiste. Ce modèle de la villa comme grande
propriété se développe dans tout l’Occident mais pas l’esclavage, comme en
Gaule où se seront des fermiers libres. Cela va de pair avec l’artisanat. On peut parler d’une forme de
romanisation économique qui ne touche que l’Occident et l’Afrique mais ni
l’Egypte, ni l’Orient.
C.
Tâches publiques et entreprises privées
Une partie des
échanges à longue distance est contrôlée par l’Etat romain avec un système
plutôt original mélangeant acteur romain public et acteur privé. Cela en particulier dans
l’approvisionnement de Rome comme en blé. Le
service de l’annone est organisé sous Auguste en 8. Ce préfet a son
administration et se situe à Rome. Il est en charge de centraliser mais pas
d’expédier et de transporter. Il passe des contrats avec des commerçants privés
qui ont un contrat avec l’Etat et doivent transporter le blé fiscal. Les
naviculaires, propriétaires des navires, passent un contrat avec l’Etat et se
mettent au service de celui-ci pour une durée déterminée et ne travailler que
pour celui-ci. Ces contrats sont fiables mais rapportent moins que les
entreprises risquées. Rome tente donc de
garder les hommes sous contrats travaillant pour l’Empire par une amélioration
de leur statut et des exemptions fiscales. En cas de crise à Rome, la ville
leur demande d’aller chercher des ressources, mais l’Empire se porte garant des
remboursements en cas d’accident.
Ce préfet a des
branches en province.
Par exemple, il existe un procurateur des rives du Baetis qui doit travailler
pour l’annone en donnant des ordres pour assurer que le fleuve ne s’encombre
pas. Ce procurateur n’agit pas de lui-même mais contrôle la mise en application
des demandes romaines. L’intervention
étatique ne concerne que les cas exceptionnels, les cas de commerce
inter-provincial ne sont pas contrôlés si ce n’est par une taxe indirecte.
Il y a
incontestablement des éléments d’intégration liés à la politique de Rome d’une
part (monnaie, infrastructures, …) et aux progrès de la production dans les
provinces d’autre part.
Or ces progrès sont la conséquence de
l’unification politique qui implique la paix et pour cela, le vaste empire
va pendant trois siècles ne pas connaître de guerre intérieure. Cela entraîne
les possibilités de développement économique qui assure un échange
méditerranéen.
Cette évolution
économique tend à créer des inégalités au sein de l’Empire notamment entre les régions. L’Italie stagne mais les provinces ne sont pas à égalité :
l’Espagne et la Gaule dominent mais la Bretagne reste une zone marginalisée et
très endettée. Le bilan est donc variable, si partout le commerce se développe
par la paix intérieure, certaines provinces n’en bénéficient pas.
Pour Rome, peut-on
parler de pillages ? Oui dans le cas des fiscalités extrêmement lourdes
qui assurent à toute la population citoyenne d’être nourrie, donc Rome vit de
ses provinces. En revanche, la prospérité provinciale est réelle dans certaines
régions. Ainsi
le Nord de la Gaule s’est développée donc s’il y a pillage, il n’est pas total
puisque son développement permet de compenser le pillage romain.
Ce
qu’on ne distingue pas c’est le développement technologique, puisqu’on voit
surtout une extension du modèle italien.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire