jeudi 22 mars 2012

Médiévale 22 - 03 (cours 6)

Précédemment : Médiévale 15 - 03


Viking incendié


2.      La montée des périls

Cette conception du pouvoir propre à Louis, va précipiter les évènements à la fin de son règne. Cela débute avec les conflits aux frontières. Les frontières sont stabilisées depuis 800, la stratégie n’est plus offensive mais défensive. Au départ Louis manifeste son désir d’expansion franque en particulier vers l’Espagne puisqu’autrefois jeune roi d’Aquitaine, il est parvenu à reprendre Barcelone qu’il a donné à Bernard de Septimanie, fils du comte Guillaume de Toulouse, lui-même ami de Louis le Pieux. Mais en 826, la marche d’Espagne est fragilisée par une rébellion soutenue par l’Emir de Cordoue. Les Musulmans se soulèvent contre les Francs et les armées musulmanes font le siège de Barcelone. Bernard tient le siège, mais appelle tout de même de l’aide auprès de Louis le Pieux. Celui-ci lui envoie le comte de Tours et le comte d’Orléans. Ces deux Grands doivent lever une armée et l’acheminer à Barcelone. Mais peu pressés de s’y rendre, ils arrivent trop tard à Barcelone et Bernard a réussit par lui-même à reprendre Barcelone. Il fait alors des reproches à l’empereur sur le manque d’efficacité de l’aide envoyée. Il reçoit malgré tout les honneurs de la victoire. Louis le Pieux n’a alors plus confiance en ces deux comtes et les dépose rapidement. Bernard et ses alliés prennent alors une grande place à la cour. En revanche les Francs ne parviennent pas à gagner plus que Barcelone en Espagne.

Dans le Nord de l’Europe, nouveau problème avec le Danemark et la Scandinavie. On tente de convaincre les chefs de se convertir. Certains chefs danois sont près à négocier avec les Francs, la preuve en est qu’Harald et ses proches se feront convertir avant de repartir dans leur domaine. On n’envisage pas d’annexer le Danemark mais on pense que le roi du Danemark s’il est chrétien, sera dans la sphère d’influence de l’Empire. Harald repart donc avec Anschaire, moine de Corvey, en charge d’évangéliser le Danemark. Mais cela ne marche pas puisque Harald est repoussé par ses ennemis et se retrouve dans un domaine franc. Anschaire lui fondera en 827 l’église de Brême, et fera de nombreux allers-retours au Danemark et en Scandinavie pour convertir les peuples, sans succès. Donc vers le Nord non plus, les Carolingiens ne dépassent pas les frontières de l’Empire telles que Charlemagne les avait laissées.

Dans ce climat, Louis annonce la renégociation de l’ordinatio imperii lors de l’assemblée de Worms en août 829. Il agit ainsi puisqu’en 823, Louis eut un second enfant de sa seconde femme, Charles qui porte le nom de son grand père. La première enfant se prénommait Gisèle, comme la sœur de Charlemagne. En 829, Charles à 6 ans et on lui donne un morceau de royaume. C’est un duché situé dans le centre de l’Empire (Alemanie, Alsace et Bourgogne) puisque c’est la région dont Judith, mère de ce Charles, est originaire et où se trouve sa famille. Mais cette région est dans le domaine de Lothaire et inquiète surtout l’aristocratie de la région. Lothaire sur le fond reste le seul empereur et Charles n’a qu’un territoire, mais on redoutait que cela n’amène à d’autres renégociations de l’ordinatio imperii.
Face aux doutes de Lothaire et de ses amis, Louis le Pieux évince de sa cour Lothaire et ses alliés qu’il envoie en Italie, tandis que Wala, conseiller de Lothaire, est renvoyé au monastère de Corbie. Ce vide laissé par Lothaire est alors remplit par Bernard de Septimanie qui devient le camérier de l’empereur (qui s’occupe de la chambre). On le dit alors le second homme de l’Empire, à la place de Lothaire. De là, vont émerger dans tout l’Empire des factions : l’une autour de Lothaire et de ses alliés voulant l’unité de l’Empire, l’autre autour de Judith qui serait derrière les intérêts de son fils et qui est alliée à Bernard de Septimanie.

3.      La révolte de 830

Un certain nombre de grands qui se sentent évincés par l’empereur (tels Wala ou d’autres conseillers) vont mener une campagne de diffamation contre l’empereur et l’impératrice avec des petits parchemins de mauvaises qualités qui font des calomnies très efficaces dans tout l’Empire. Les Grands du parti de Lothaire faisant monter la pression, profitent d’un rassemblement de l’armée qui doit marcher sur les Bretons et lancent la révolte. Bernard se sent si menacé qu’il retourne à Barcelone, Judith est enfermée dans un monastère. Cette révolte puissante et violente fait revenir Lothaire d’Italie et immédiatement, il annule les décisions de l’assemblée de Worms et prétend gouverner au nom de son père. Celui-ci ne dit rien, les aristocrates n’osent pas s’attaquer à lui, on le dit sous les maléfices de Judith et il devient trop âgé.
Louis le Pieux après avoir accusé le coup, fait appelle à ses deux autres fils Pépin et Louis de Germanie à qui il promet une renégociation de l’ordinatio imperii. De son coté Lothaire punit certains aristocrates qui doutent finalement de leur idée de mettre Lothaire sur le trône et retournent du coté de Louis le Pieux. Ainsi à l’automne 830 à l’assemblée de Nimègue chacun retourne dans ses rangs et on fait jurer Judith qu’elle n’a eut aucun rapport avec Bernard de Septimanie (comme le disait les parchemins de diffamation). L’opposition à Louis le Pieux est affaiblie et celui-ci en profite pour régler ses comptes et envoie les chefs de la rébellion dans des zones attaquées par les Normands. Lothaire est alors renvoyer en Italie et dans l’ordinatio imperii n’a plus que l’Italie tandis que ses frères ont des parts égales. Mais Louis et Pépin sont aussi frustrés puisque Charles a toujours des terres et que celui-ci n’a pas pu aider son père. Louis le Pieux doit reprendre les armes contre ses deux autres fils. En juin 832, il finit par gagner contre les armées de Louis le Germanique à qui il ne donne plus que la Bavière. En automne 832, Louis frappe encore plus fort contre Pépin qu’il destitue et dont le territoire d’Aquitaine est donné à Charles. Pépin est envoyé à Trêves mais s’échappe en chemin et rejoint son frère en Italie. On plonge alors dans une guerre civile incessante avec des factions unies par des serments qui sont ensuite dissoutes et on recommence de nouveaux serments, … Bref la logique des serments est inefficace.



II.                   L’Empire dans la tourmente

1.      Le bouleversement de 833 – 835

Lothaire et Pépin constituent une armée en tentant de s’allier Louis le Germanique pour destituer leur père et surtout Charles. Ils tentent aussi d’avoir l’appui du pape, qui était Grégoire IV. Pour cela, Lothaire souligne que l’Eglise ne peut reposer que sur l’unité de l’Empire et l’empereur est en train de le diviser. Lothaire lui demande d’intervenir, ce que Grégoire IV va faire en voulant se poser en médiateur, sans succès. Les lettres  adressées aux clercs et aux laïcs sont inefficaces, même l’épiscopat est divisé entre pro-Louis et pro-Lothaire. De plus, on continue à lever des armées de vassaux ce qui conduit à l’affrontement en juin 833 sur le Champ du Mensonge. Tandis que le pape tente de se mettre en médiateur, les trois frères font des pressions militaires énormes sur le camp de leur père et la moitié de celui-ci rejoint le camp des fils de Louis (par pression, par convictions, par discussion, …). Louis réalisant son inefficacité s’il lance l’attaque, préfère céder. Le fait que les serments furent brisés ont donné leur nom à ce champ. L’empereur sans le soutien et les conseils de ses aristocrates n’a donc guère d’influence.

Louis est envoyé dans le monastère de Saint Médard de Soissons, Judith à Tortona en Italie du Nord et Charles à Prüm en Lotharingie. Mais l’empereur doit encore être destitué. Lothaire va donc chercher l’épiscopat pour assurer un procès à Saint-Médard de Soissons. Louis est alors jugé dans un tribunal formé uniquement d’ecclésiastiques dirigé par Ebbon, archevêque de Reims. Ce procès apparaît comme une autocritique. Louis avoue être responsable des violences de l’Empire, avoue avoir trahit l’ordinatio imperii en le renégociant, avoue être responsable des destructions d’Eglises. Il est alors déposé par l’assemblée d’évêque et devra jusqu’à la fin de sa vie faire pénitence dans son monastère. Lothaire est alors nommé à la place de son père.
En revanche, sitôt Lothaire au pouvoir, le partage des territoires entre les frères les fait se déchirer et Louis le germanique ainsi que Pépin font sortir leur père du monastère. En mars 834, Louis est de nouveau réhabilité par Drogon à Metz et il va alors abattre sa vindicte sur ceux qui l’ont enfermé : Ebbon de Reims et Agobard de Lyon qu’il destitue dans un autre tribunal ecclésiastique. Cependant, la lutte contre Lothaire est plus difficile surtout que les frères sont dorénavant divisés. Lothaire va ravager la vallée de la Loire et celle de la Saône, il prend des villes et y massacre les partisans de Louis et surtout de Judith. Le parti de Lothaire n’est pas le plus puissant mais est très efficace.

2.      Le développement de l’insécurité aux frontières

A.     Les Vikings

Pour les Carolingiens, ce sont les Vikings qui font le plus de dégâts durant la guerre civile qui leur est profitable. Les premiers Vikings dataient déjà de Charlemagne qui en conséquence demandait la construction de bateau et des phares sur les côtes, apparemment sans avoir été suivi. Les Vikings s’installent alors sur les côtes franques (Noirmoutier) et dès 820, ils prennent un lieu important : le port de Dorestad plaque tournante commerciale qu’ils incendient.

Ces expéditions vikings sont des expéditions menées par des petits chefs travaillant pour leur compte. Essentiellement Danois et Norvégiens, ils n’ont pas de vraie coordination. Les unités se déplacent à bord des drakkars qui ne sont pas des bateaux de guerre mais des bateaux multifonctions. En effet, les Scandinaves sont avant tout des commerçants bien connus des différents mondes et eux-mêmes connaissent bien la société franque et anglaise. Ils louent ainsi leurs services en fonction des revenus qu’on leur propose.

Lorsqu’on parle de Vikings, on évoque des peuples scandinaves qui ont effectués des expéditions. Viking signifierait l’homme du vik, c'est-à-dire soit l’homme de la baie (Mer du Nord), soit l’homme du comptoir marchand. On parle d’hommes i vikingu, c'est-à-dire on arme un bateau pour faire à la fois du commerce et de la piraterie voire du pillage. On parle à l’époque des Normands puisque Nordmen qualifiait les hommes du Nord. Les Vikings partent de la Mer du Nord et atteindrons les fleuves russes et Byzance, les côtes italiennes et le Groenland. Les historiens distinguent les Vikings, les Scandinaves attaquant à l’Ouest (Danois et Norvégiens), et les Varègues, les Scandinaves s’attaquant à l’Est (Suédois) qui ont fondé les populations Russes et Ukrainiennes.
Ce qui fait la force des Vikings ce sont leurs bateaux longs, qu’on appelle snekkja. Ces bateaux sont très rapides, permettent de faire de grands trajets et les archéologues Danois ont reconstruit ces bateaux avec des techniques à l’ancienne. Chaque chef qui a les moyens de construire un bateau peut alors engager des hommes et partir à l’aventure.

Ces Vikings on les connaît surtout par les écrits ecclésiastiques qui firent les frais des pillages Vikings, non pas tant des pillages contre la religion chrétienne que pour les trésors qui y étaient présents. De plus, nous n’avons pas d’écrits de Vikings. Ils ont certes un alphabet runique mais conservé sur des pierres commémoratives pour valoriser les grands chefs Vikings. Quant à l’alphabet runique, ce n’est qu’une variante de l’alphabet latin.  Les premiers écrits courants se feront plus tardivement et seront en latin.
C’est l’archéologie qui nous apprend le fonctionnement de leurs sociétés. Ainsi on sait aujourd’hui que les Vikings étaient au départ des agriculteurs et leur société se divisait aussi entre esclaves et hommes libres. Ces esclaves sont surtout des hommes razziés d’Irlande et d’Europe du Nord. D’ailleurs les pillages chez les Francs étaient redoutés des Francs de peur de devenir esclaves des Vikings. Les esclaves travaillaient dans le domaine domestique et dans l’agriculture avec des modalités variables selon les familles. On avait aussi des esclaves spécialisés comme les forgerons. De plus, lorsqu’un maître décédait, pour l’accompagner dans son trajet vers la mort, on sacrifiait les esclaves favoris du maître. Les hommes libres pouvaient participer au tribunal, pouvaient se venger, pouvaient participer à l’assemblée du peuple lors du Thing (assemblée générale qui existe à différents échelons et qui se réunit dans certains lieux forcément à ciel ouvert comme le Thingvellir en Islande). On y débattait des affaires, on discutait des lois et on réglait des procès, le tout entre chefs. Les hommes libres devaient donner leur approbation, ce qui était fait en tapant leurs armes l’une contre l’autre. Ce n’est pas vraiment démocratique puisque les chefs discutent entre eux et dominent les débats, les libres se contentant d’appuyer leur chef le plus proche. En revanche, les boendr, les paysans libres sont à la tête de petites exploitations subordonnées à celles des grands propriétaires. L’aristocratie viking est faite de grands propriétaires qui s’imposent aux hommes libres en faisant du commerce. L’ascension sociale se fait sur le commerce et les pillages. Donc les richesses accumulées lors des expéditions vikings ont fini par faire chez les vikings des chefs puissants entourés de guerriers. Ce sont donc des bandes armées composées d’un chef et de fidèles qui attendent des récompenses lors des butins. Ces chefs devenant par leurs pillages de plus en plus puissants, ils rivalisent d’ingéniosité pour dominer les autres et donc cela passe par les attaques du monde franc. La société viking est donc une société de prédation où le pillage et la victoire militaire sur des sociétés non-vikings sont donc nécessaires à l’ascension sociale.

La société viking est sans Etat, il y a certes une royauté présente se revendiquant venir des Dieux, mais il n’y a pas de système de succession organisée. Du coup, quand un roi meurt, les prétendants se battent entre eux pour prendre le pouvoir du roi défunt. Une des solutions pour s’emparer du trône royal est alors de s’appuyer sur un souverain étranger (comme Harald) ou bien de monter une expédition viking et de revenir avec de nombreuses richesses.
Mais puisqu’il n’y a pas d’Etat à quoi sert le roi ? D’abord le roi doit présider les cérémonies religieuses et assurer la bonne marche du cosmos. Il représente aussi plus ou moins le pays dans les relations étrangères mais il ne peut rien décider sans l’avis du Think. On constate qu’entre le VIII° et le XI° siècle, on voit se constituer une royauté viking nouvelle qui prend pour modèle la royauté franque et anglo-saxonne. Il faut alors un roi et un Etat derrière. Harald à la belle chevelure (872 – 931) fut le plus efficace puisqu’il fut le premier roi à s’imposer à l’ensemble des chefs de clans en Norvège. La Norvège l’élevant comme père de la nation.
Une des causes de l’invasion viking, c’est donc aussi de créer des Etats modernes, ce qui passe par l’imposition d’un roi sur les aristocrates, qui peu en accord avec ce nouveau roi préfèrent fuir et vivre des pillages et du commerce.

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