Viking incendié
2.
La montée des périls
Cette conception du
pouvoir propre à Louis, va précipiter les évènements à la fin de son règne.
Cela débute avec les conflits aux frontières. Les frontières sont stabilisées
depuis 800, la stratégie n’est plus offensive
mais défensive. Au départ Louis manifeste son désir d’expansion
franque en particulier vers l’Espagne puisqu’autrefois jeune roi d’Aquitaine,
il est parvenu à reprendre Barcelone qu’il a donné à Bernard
de Septimanie, fils du comte Guillaume de Toulouse, lui-même ami de
Louis le Pieux. Mais en 826, la marche d’Espagne est fragilisée par une rébellion
soutenue par l’Emir de Cordoue. Les Musulmans se soulèvent contre les Francs et
les armées musulmanes font le siège de Barcelone. Bernard tient le siège,
mais appelle tout de même de l’aide auprès de Louis le Pieux. Celui-ci lui
envoie le comte de Tours et le comte d’Orléans. Ces deux Grands doivent lever
une armée et l’acheminer à Barcelone. Mais peu pressés de s’y rendre, ils
arrivent trop tard à Barcelone et Bernard
a réussit par lui-même à reprendre Barcelone. Il fait alors des reproches à
l’empereur sur le manque d’efficacité de l’aide envoyée. Il reçoit malgré tout
les honneurs de la victoire. Louis le Pieux n’a alors plus confiance en ces
deux comtes et les dépose rapidement. Bernard
et ses alliés prennent alors une grande place à la cour. En revanche les Francs
ne parviennent pas à gagner plus que Barcelone en Espagne.
Dans le Nord de l’Europe,
nouveau problème avec le Danemark et la Scandinavie. On tente de convaincre les
chefs de se convertir. Certains chefs danois sont près à négocier avec les
Francs, la
preuve en est qu’Harald et ses
proches se feront convertir avant de repartir dans leur domaine. On n’envisage
pas d’annexer le Danemark mais on pense que le roi du Danemark s’il est
chrétien, sera dans la sphère d’influence de l’Empire. Harald repart donc avec Anschaire, moine de Corvey, en charge d’évangéliser
le Danemark. Mais cela ne marche pas puisque Harald est repoussé par ses
ennemis et se retrouve dans un domaine franc. Anschaire lui fondera en 827 l’église
de Brême, et fera de nombreux allers-retours au Danemark et en Scandinavie pour
convertir les peuples, sans succès. Donc
vers le Nord non plus, les Carolingiens ne dépassent pas les frontières de l’Empire
telles que Charlemagne les avait laissées.
Dans ce climat, Louis
annonce la renégociation de l’ordinatio
imperii lors de l’assemblée de Worms en août
829. Il agit ainsi puisqu’en 823, Louis eut un
second enfant de sa seconde femme, Charles qui porte le nom de son grand père.
La première enfant se prénommait Gisèle, comme la sœur de Charlemagne. En 829,
Charles à 6 ans et on lui donne un morceau de royaume. C’est un duché situé
dans le centre de l’Empire (Alemanie, Alsace et Bourgogne) puisque c’est la
région dont Judith, mère de ce Charles, est originaire et où se trouve sa
famille. Mais cette région est dans le
domaine de Lothaire et inquiète surtout l’aristocratie de la région. Lothaire
sur le fond reste le seul empereur et Charles n’a qu’un territoire, mais on
redoutait que cela n’amène à d’autres renégociations de l’ordinatio imperii.
Face aux doutes de
Lothaire et de ses amis, Louis le Pieux évince de sa cour Lothaire et ses
alliés qu’il envoie en Italie,
tandis que Wala, conseiller de Lothaire, est renvoyé au monastère de Corbie. Ce vide laissé par Lothaire est alors
remplit par Bernard de Septimanie qui devient le camérier de l’empereur (qui s’occupe de la
chambre). On le dit alors le second homme de l’Empire, à la place de Lothaire. De là, vont émerger dans tout l’Empire des
factions : l’une autour de Lothaire et de ses alliés voulant l’unité de l’Empire,
l’autre autour de Judith qui serait derrière les intérêts de son fils et qui
est alliée à Bernard de Septimanie.
3.
La révolte de 830
Un certain nombre
de grands qui se sentent évincés par l’empereur (tels Wala ou d’autres
conseillers) vont mener une campagne de
diffamation contre l’empereur et l’impératrice avec des petits parchemins
de mauvaises qualités qui font des calomnies très efficaces dans tout l’Empire.
Les Grands du parti de Lothaire faisant monter la pression, profitent d’un
rassemblement de l’armée qui doit marcher sur les Bretons et lancent la révolte.
Bernard se sent si menacé qu’il retourne à Barcelone, Judith est enfermée dans
un monastère. Cette révolte puissante et
violente fait revenir Lothaire d’Italie et immédiatement, il annule les
décisions de l’assemblée de Worms et prétend gouverner au nom de son père.
Celui-ci ne dit rien, les aristocrates n’osent pas s’attaquer à lui, on le
dit sous les maléfices de Judith et il devient trop âgé.
Louis le Pieux après
avoir accusé le coup, fait appelle à ses deux autres fils Pépin et Louis de
Germanie à qui il promet une renégociation de l’ordinatio imperii. De son coté Lothaire punit certains aristocrates
qui doutent finalement de leur idée
de mettre Lothaire sur le trône et retournent du coté de Louis le Pieux. Ainsi à l’automne
830 à l’assemblée de Nimègue chacun retourne dans ses rangs et on
fait jurer Judith qu’elle n’a eut aucun rapport avec Bernard de Septimanie
(comme le disait les parchemins de diffamation). L’opposition à Louis le Pieux
est affaiblie et celui-ci en profite pour régler ses comptes et envoie les
chefs de la rébellion dans des zones attaquées par les Normands. Lothaire est
alors renvoyer en Italie et dans l’ordinatio
imperii n’a plus que l’Italie tandis que ses frères ont des parts égales.
Mais Louis et Pépin sont aussi frustrés puisque Charles a toujours des terres
et que celui-ci n’a pas pu aider son père. Louis
le Pieux doit reprendre les armes contre ses deux autres fils. En juin 832, il finit par gagner contre les
armées de Louis le Germanique à qui il ne donne plus que la Bavière. En automne 832,
Louis frappe encore plus fort contre Pépin qu’il destitue et dont le territoire
d’Aquitaine est donné à Charles. Pépin
est envoyé à Trêves mais s’échappe en chemin et rejoint son frère en Italie.
On plonge alors dans une guerre civile incessante avec des factions unies par
des serments qui sont ensuite dissoutes et on recommence de nouveaux serments, …
Bref la logique des serments est inefficace.
II.
L’Empire dans la
tourmente
1.
Le bouleversement de 833 – 835
Lothaire et Pépin
constituent une armée en tentant de s’allier Louis le Germanique pour destituer
leur père et surtout Charles. Ils tentent aussi d’avoir l’appui du pape, qui était Grégoire IV. Pour
cela, Lothaire souligne que l’Eglise ne peut reposer que sur l’unité de l’Empire
et l’empereur est en train de le diviser. Lothaire lui demande d’intervenir, ce
que Grégoire IV va faire en
voulant se poser en médiateur, sans succès. Les lettres adressées aux clercs et aux laïcs sont
inefficaces, même l’épiscopat est divisé entre pro-Louis et pro-Lothaire. De
plus, on continue à lever des armées de
vassaux ce qui conduit à l’affrontement en juin 833
sur le Champ du Mensonge. Tandis que le pape tente de se mettre en médiateur,
les trois frères font des pressions militaires énormes sur le camp de leur père
et la moitié de celui-ci rejoint le camp des fils de Louis (par pression,
par convictions, par discussion, …). Louis réalisant son inefficacité s’il
lance l’attaque, préfère céder. Le fait
que les serments furent brisés ont donné leur nom à ce champ. L’empereur sans
le soutien et les conseils de ses aristocrates n’a donc guère d’influence.
Louis est envoyé
dans le monastère de Saint Médard de Soissons, Judith à Tortona en Italie du
Nord et Charles à Prüm en Lotharingie. Mais l’empereur doit encore être
destitué. Lothaire va donc chercher l’épiscopat pour assurer un procès à
Saint-Médard de Soissons.
Louis est alors jugé dans un tribunal formé uniquement d’ecclésiastiques dirigé
par Ebbon, archevêque de
Reims. Ce procès apparaît comme une autocritique. Louis avoue être responsable
des violences de l’Empire, avoue avoir trahit l’ordinatio imperii en le renégociant, avoue être responsable des destructions
d’Eglises. Il est alors déposé par l’assemblée
d’évêque et devra jusqu’à la fin de sa vie faire pénitence dans son monastère. Lothaire est alors nommé
à la place de son père.
En revanche, sitôt
Lothaire au pouvoir, le partage des territoires entre les frères les fait se
déchirer et Louis le germanique ainsi que Pépin font sortir leur père du
monastère. En mars 834, Louis est de nouveau
réhabilité par Drogon à Metz et il va alors abattre sa vindicte sur ceux qui l’ont
enfermé :
Ebbon de Reims et Agobard de Lyon qu’il destitue dans un autre tribunal
ecclésiastique. Cependant, la lutte contre Lothaire est plus difficile surtout
que les frères sont dorénavant divisés. Lothaire va ravager la vallée de la Loire
et celle de la Saône, il prend des villes et y massacre les partisans de Louis
et surtout de Judith. Le parti de
Lothaire n’est pas le plus puissant mais est très efficace.
2.
Le développement de l’insécurité aux frontières
A.
Les Vikings
Pour les Carolingiens,
ce sont les Vikings qui font le plus de dégâts durant la guerre civile qui leur
est profitable. Les
premiers Vikings dataient déjà de Charlemagne qui en conséquence demandait la
construction de bateau et des phares sur les côtes, apparemment sans avoir été
suivi. Les Vikings s’installent alors
sur les côtes franques (Noirmoutier) et dès 820,
ils prennent un lieu important : le port de Dorestad plaque tournante
commerciale qu’ils incendient.
Ces expéditions
vikings sont des expéditions menées par des petits chefs travaillant pour leur
compte. Essentiellement Danois et Norvégiens, ils n’ont pas de vraie
coordination. Les unités se déplacent à bord des drakkars qui ne sont pas des
bateaux de guerre mais des bateaux multifonctions. En effet, les Scandinaves
sont avant tout des commerçants bien connus des différents mondes et eux-mêmes connaissent bien
la société franque et anglaise. Ils louent ainsi leurs services en fonction des
revenus qu’on leur propose.
Lorsqu’on parle de
Vikings, on évoque des peuples scandinaves qui ont effectués des expéditions. Viking signifierait l’homme du vik, c'est-à-dire soit l’homme de la
baie (Mer du Nord), soit l’homme du comptoir marchand. On parle d’hommes i vikingu, c'est-à-dire on arme un
bateau pour faire à la fois du commerce et de la piraterie voire du pillage. On
parle à l’époque des Normands puisque Nordmen
qualifiait les hommes du Nord. Les Vikings partent de la Mer du Nord et atteindrons
les fleuves russes et Byzance, les côtes italiennes et le Groenland. Les historiens distinguent les Vikings,
les Scandinaves attaquant à l’Ouest (Danois et Norvégiens), et les Varègues, les Scandinaves s’attaquant
à l’Est (Suédois) qui ont fondé les populations Russes et Ukrainiennes.
Ce qui fait la
force des Vikings ce sont leurs bateaux longs, qu’on appelle snekkja. Ces bateaux sont très rapides,
permettent de faire de grands trajets
et les archéologues Danois ont reconstruit ces bateaux avec des techniques à l’ancienne.
Chaque chef qui a les moyens de
construire un bateau peut alors engager des hommes et partir à l’aventure.
Ces Vikings on les
connaît surtout par les écrits ecclésiastiques qui firent les frais des pillages Vikings, non pas tant des pillages
contre la religion chrétienne que pour les trésors qui y étaient présents. De plus, nous n’avons pas d’écrits de
Vikings. Ils ont certes un alphabet runique mais conservé sur des pierres
commémoratives pour valoriser les grands chefs Vikings. Quant à l’alphabet
runique, ce n’est qu’une variante de l’alphabet latin. Les premiers écrits courants se feront plus
tardivement et seront en latin.
C’est
l’archéologie qui nous apprend le fonctionnement de leurs sociétés. Ainsi on
sait aujourd’hui que les Vikings étaient
au départ des agriculteurs et leur société se divisait aussi entre esclaves et
hommes libres. Ces esclaves sont surtout des hommes razziés d’Irlande et d’Europe
du Nord. D’ailleurs les pillages chez les Francs étaient redoutés des Francs de
peur de devenir esclaves des Vikings. Les esclaves travaillaient dans le
domaine domestique et dans l’agriculture avec des modalités variables selon les
familles. On avait aussi des esclaves spécialisés comme les forgerons. De plus,
lorsqu’un maître décédait, pour l’accompagner dans son trajet vers la mort, on
sacrifiait les esclaves favoris du maître. Les
hommes libres pouvaient participer au tribunal, pouvaient se venger, pouvaient
participer à l’assemblée du peuple lors du Thing
(assemblée générale qui existe à différents échelons et qui se réunit dans
certains lieux forcément à ciel ouvert comme le Thingvellir en Islande). On
y débattait des affaires, on discutait des lois et on réglait des procès, le
tout entre chefs. Les hommes libres devaient donner leur approbation, ce
qui était fait en tapant leurs armes l’une contre l’autre. Ce n’est pas vraiment démocratique puisque les chefs discutent
entre eux et dominent les débats, les libres se contentant d’appuyer leur chef
le plus proche. En revanche, les boendr, les paysans libres sont à la
tête de petites exploitations subordonnées à celles des grands propriétaires. L’aristocratie
viking est faite de grands propriétaires qui s’imposent aux hommes libres en
faisant du commerce. L’ascension sociale se fait sur le commerce et les pillages.
Donc les richesses accumulées lors des expéditions vikings ont fini par faire
chez les vikings des chefs puissants entourés de guerriers. Ce sont donc des
bandes armées composées d’un chef et de fidèles qui attendent des récompenses
lors des butins. Ces chefs devenant par leurs pillages de plus en plus puissants,
ils rivalisent d’ingéniosité pour dominer les autres et donc cela passe par les
attaques du monde franc. La société
viking est donc une société de prédation où le pillage et la victoire militaire
sur des sociétés non-vikings sont donc nécessaires à l’ascension sociale.
La société viking
est sans Etat, il y a certes une royauté présente se revendiquant venir des
Dieux, mais il n’y a pas de système de succession organisée. Du coup, quand un
roi meurt, les prétendants se battent entre eux pour prendre le pouvoir du roi
défunt. Une des solutions pour s’emparer du trône royal est alors de s’appuyer
sur un souverain étranger (comme Harald) ou bien de monter une expédition
viking et de revenir avec de nombreuses richesses.
Mais
puisqu’il n’y a pas d’Etat à quoi sert le roi ? D’abord le roi doit présider les cérémonies
religieuses et assurer la bonne marche du cosmos. Il représente aussi plus ou
moins le pays dans les relations étrangères mais il ne peut rien décider sans l’avis
du Think. On constate qu’entre le VIII° et le XI°
siècle, on voit se constituer une royauté viking nouvelle qui prend pour
modèle la royauté franque et anglo-saxonne. Il faut alors un roi et un Etat
derrière. Harald à la belle chevelure
(872 – 931) fut le plus efficace puisqu’il fut le premier roi à s’imposer à l’ensemble
des chefs de clans en Norvège. La Norvège l’élevant comme père de la nation.
Une des causes de l’invasion
viking, c’est donc aussi de créer des Etats modernes, ce qui passe par l’imposition
d’un roi sur les aristocrates,
qui peu en accord avec ce nouveau roi préfèrent fuir et vivre des pillages et
du commerce.
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