Apparemment, une des éditions originale de La Nouvelle Héloïse, de Stéphane Jean-Jacques Rousseau
3.
Le contrôle du processus de production des livres
Les auteurs se
seraient désintéressés de la mise en livre puisque cela était associé au
travail. Il n’empêche qu’ils tentent d’intervenir dans le processus de
production qui prend
place dans l’atelier de l’imprimeur et qu’il faut avoir des compétences dans
l’art de l’imprimerie. Ainsi, Jean-Louis Guez de Balzac, spécialisé dans le recueil
épistolaire, il vit près d’Angoulême mais ces éditeurs sont Parisiens. Il fait
alors contrôler ses ouvrages par un ami parisien qui fait le suivi de
correction des épreuves, les premières feuilles imprimés d’un livre que l’on
corrige. Il y a alors des discussions sur l’espacement entre les mots entre
autre, dont Balzac et son ami discutent par lettres. Rousseau au XVIII° siècle
avait une correspondance nourrie avec son éditeur de La Nouvelle Héloïse. Rousseau est alors en province et passe
un contrat moral avec l’éditeur. Rousseau veut avoir la dernière main sur la
correction pour ne pas introduire de fautes. Il lutte pour avoir cela et en
échange il s’engage à renvoyer le plus vite possible ses épreuves. Dès qu’il
les reçoit il les travaille immédiatement. On a donc des écrivains qui
s’efforcent d’assurer la mise en texte.
On a cependant des
auteurs qui sont dominés par les libraires comme les auteurs qui vivent des activités de
traduction, ceux qui s’occupent des almanachs sur commande des libraires ou
encore les collections de romans qui vont jusqu’à publier des dizaines de
titres. C’est les relations quand les auteurs sont rémunérés par les éditeurs.
Luther, ce timbré
Livre et réforme protestante
On dit souvent que
la réforme est la fille de Gutenberg à partir de l’observation entre une
réforme allemande et une invention allemande. Ce rapprochement effectué dès le
XVI° siècle par
un écrivain allemand. Il y a un rapprochement entre les deux qui est fait
puisque l’invention accentue beaucoup la lecture de la Bible, puis le fait que
l’imprimerie sera utilisée pour faire passer les idées protestantes en
Allemagne. Luther fera une déclaration
sur l’imprimerie comme « ultime don
de Dieu » ce qui appuiera cette théorie. Mais pourtant, dans de
nombreuses autres occasions, Luther sera plus sceptique sur l’usage de
l’imprimerie. Affirmer le lien entre la réforme et le livre ne coûte rien mais
de manière générale on ne peut pas aller plus loin. Il faut donc chercher à le
démontrer.
Une
telle idée aboutit à minorer la place du manuscrit et de la circulation des
manuscrits avant la réforme. Au XVI° siècle on a à faire à une religion tissée
de livres et de pratiques d’écriture. La
réforme et le livre ne sont pas distincts. La religion pensée au XVI° siècle
est une religion ou les livres sont présents partout.
I.
Luther et les
livres
1.
Luther et la critique des livres
Pour Luther le
temps présent est sous le signe de la prolifération des livres. Ce processus est ancien et tient
d’une ignorance. En effet, si Adam n’avait pas croqué la pomme, les hommes n’auraient
pas eut besoin de livres. Donc l’invention
du livre est liée à la religion et au péché premier. Il souligne aussi que
cette question des livres est déjà un problème dans les Evangiles puisque la
mise en écrit de la parole de Jésus est contraire à cette parole. Les
Evangiles sont une trahison des idées de Jésus, mais elle était nécessaire pour
vaincre les hérétiques. Autre idée, Dieu
a puni les hommes en leur envoyant plein de mauvais livres dont les écrits
d’Aristote. Pour Luther, ses livres sont appelés à disparaître dans son esprit.
La critique des
livres a pour défense la sola scriptura, la lecture de la Bible seule et
non pas les commentaires de la hiérarchie de l’Eglise et de ses théologiens.
Quant à la Bible ce n’est pas tant un
livre que de la parole. Luther attache certains livres à la parole ce qui
en autorise certains. Tout les autres livres ensemble formeraient en revanche
un brouillard trompeur vis-à-vis de la Bible. Les livres de Luther sont là pour diminuer le brouillard.
2.
Les préfaces de Luther
Luther a écrit de
multiples textes et notamment des préfaces à des éditions (avec un total de 131). Il écrit
aussi des textes de pasteurs et s‘entraîne aussi à la republication d’auteurs
médiévaux pour montrer leurs erreurs. Il édite ainsi des textes d’auteurs
catholiques de son temps pour montrer leurs erreurs. Toute cette activité est
alors contradictoire avec sa condamnation des livres.
Ses
préfaces ont une tonalité autobiographique en revenant sur lui pour montrer le
chemin parcouru depuis la Réforme. Il
montre combien le monde était dans l’erreur avant et comment on peut s’en
sortir. Il évoque son style, sa manière d’écrire comme celui d’un écrivain de
combat, un écrivain bucheron qui abat les forêts d’erreurs de ses
adversaires. Il y a plusieurs autres bons écrivains bucherons, selon Luther.
Il y a dans ces
ouvrages un motif eschatologique : la fin du monde est pour bientôt. Cette
fin du monde est très souhaitée « J’espère
que le jugement est pour bientôt. Amen. ». S’il affirme si fort la fin
du monde, c’est pour polémiquer contre Rome et sa pratique des indulgences
entre autres.
C’est le moment où un certain nombre de chrétiens se convertissent au
protestantisme suite à leur aveuglement. Cela donne la clé de la
contradiction : puisque la fin du
monde est proche, tant pis pour la prolifération des livres qu’ils soient bons
ou mauvais puisqu’ils sont tous appelés à disparaître. Les croyances de
Luther relatives à la fin du monde interviennent dans ses choix d’éditeurs et
de préfaciers. Inversement, ses croyances intègrent le fait du livre :
Luther raconte la chute de l’homme et le livre y prend une place centrale.
On trouve aussi
l’idée qu’il existe une longue chaîne de réformateurs. C’est un sujet polémique puisque
l’Eglise dénonce un homme qui n’est pas le seul critique de l’Eglise et
souligne les échecs des prédécesseurs de Luther. Ce dernier déclare alors que
certes ils ont existé, mais que le temps n’était pas encore venu pour eux de
faire tomber l’Eglise. Cette chaîne
restée longtemps invisible doit alors apparaître au grand jour et c’est une des
missions de Luther que de les mettre en évidence. A leurs époques, ils
n’étaient pas dans un contexte favorable pour exprimer leurs critiques. C’est à
Luther de les intégrer à sa pensée.
II.
Le livre réformé
Sur le contact
direct avec les évangiles, les Protestants s’opposent directement aux
Catholiques qui ne lisent pas la bible
jusqu’au XIX° siècle. Il y a cependant un
problème de perspective puisque l’insistance théorique sur le contact direct à
l’évangile ne s’est produit que lentement. Au
XVI° siècle, il y eut une résistance à
mettre la bible entre les mains des réformés. Il faut faire avec ce
phénomène social plutôt long au cours duquel le peuple a eut accès aux livres.
Ce n’est pas une spécificité religieuse des Protestants mais un phénomène
social général.
1.
Les Protestants et la Bible
« Chaque chrétien étudie par lui-même
l’écriture et la parole de Dieu » selon Luther. On a donc un retour aux origines du christianisme par
delà tous les siècles ou la pureté du christianisme a été pervertie par
l’Eglise. Pour autant Luther ne
demandera pas que la Bible soit mise entre les mains de tout les Chrétiens. Calvin
sera encore plus réservé. L’idée étant que la Bible pourrait se prêter à de
mauvaises lectures lorsqu’elle serait aux mains du peuple. La réforme n’est pas
un mouvement aux conséquences religieuses mais aussi aux conséquences sociales
avec des insurrections la Bible à la main. Luther condamnera certaines de ces
insurrections.
En Angleterre
protestante, en 1543, Henri VIII
accepte la diffusion de la Bible en anglais et il distingue trois catégories de
personnes pour
son accès. Les Nobles et les Gentilshommes qui peuvent la lire et en faire la
lecture à haute voix pour ceux vivant sous leur toit. La lecture de la Bible
est interdite aux femmes, aux apprentis, aux compagnons, aux agriculteurs et
aux petits propriétaires. Les femmes nobles peuvent lire la Bible mais
uniquement pour elle, donc sans pratiquer l’interprétation. Lors du concile de
Trente, plusieurs personnes mettent en valeur le fait que lire seul la Bible
permet de développer un avis et de d’élever son esprit.
Il va donc y avoir
un travaille de retraduction de la Bible par Luther et elle parait en 1534 comme première
traduction allemande, première Bible hollandaise en 1526, première Bible
italienne 1532, première Bible française 1535. La Bible allemande de Luther a
connu 400 rééditions entre 1534 et 1546. La
Bible de Luther était davantage destinée aux pasteurs et aux clercs plutôt que
directement aux fidèles. La Bible calviniste en revanche par son petit format
n’est pas exclusivement réservée aux clercs.
2.
Les ouvrages de la Réforme
A.
Le cas de Wittemberg
A Wittemberg, la ville
de Luther, on a un bon exemple de l’intense activité éditoriale. Cette petite
ville universitaire n’a qu’un modeste
imprimeur. En quelques années, la ville deviendra un grand centre d’édition. Pareil avec l’installation de
Calvin à Genève. Luther va faire venir des imprimeurs d’autres villes
allemandes pour que les éditions suivent la production de Luther et de ses
disciples comme Melanchthon. Ils représentent un marché très important et
Wittemberg se spécialise dans la diffusion protestante. Pareil à Strasbourg à
une moindre échelle. On a aussi des
phénomènes de réimpressions sauvages, sans permissions. Face à cela Luther
agira d’une manière ambivalente car cela souligne son succès et diffuse sa
pensée tout en craignant une déformation de sa pensée par des éditeurs peu
scrupuleux. Il va alors créer sa propre marque d’éditeur en apposant son nom.
B.
La multiplicité des types de livres
On publie donc la
Bible avec de multiples déclinaisons,
on retrouve aussi des catéchismes, des recueils de cantiques, des ouvrages de
consolation (à propos de la mort) et les
pamphlets. Ces derniers ont une certaine unité par leur mauvaise qualité
typographique car ils sont imprimés rapidement. Dans les pamphlets on a des
sermons, des dialogues, des lettres, des thèses universitaires ou des traités
savants. Ces pamphlets défendent la
réforme en condamnant les pratiques catholiques des indulgences au culte des
saints et des reliques en passant par la croyance en le purgatoire.
Il y a aussi le
problème des langues.
On parle le bas allemand dans le Nord et un quart des livres publiés sont dans
ce jargon. Avec les années 1530, le déclin du bas allemand se ressent dans la
chute des publications dans ce patois.
C.
La question de l’adhésion des ouvriers du livre à la Réforme
Le fait qu’une
ville devienne un foyer de l’édition n’est pas donné. Lorsqu’un centre
d’édition devient protestant, cela se sent sur la pratique. Ainsi à Paris, tenu
par le pouvoir royal, pas de souci. Les villes touchées seront Strasbourg qui publie surtout en allemand, Genève puis Lyon. A Lyon se forme un
milieu militant d’éditeurs et d’ouvriers protestants dans les années 1550. Des
imprimeurs défilent dans les rues en chantant des psaumes. Dans ces années, des
assemblées clandestines réunissent ouvriers et éditeurs protestants lyonnais.
On a donc un milieu professionnel fortement marqué par la réforme.
Il faut pourtant
distinguer l’adhésion individuelle à la réforme, éditions protestantes et
militantisme. A Lyon cela fusionne mais souvent cela reste séparé : adhérer à la Réforme ce
n’est pas toujours travailler dans les officines protestantes.
3.
Vivre sa foi à travers les livres : Magdebourg (1548 –
1551)
La Saxe est reprise
en main par les Catholiques et Magdebourg devient le lieu de résistance des Protestants.
La ville a lutté contre l’évêque en place avec face à lui la municipalité bourgeoise
luthérienne. Magdebourg devient le lieu de refuge de tout les réformés radicaux
de la région. La ville devient un bastion et se sent menacée de disparition. En
1551, la ville sera assiégée par l’empereur
qui la prendra, fin de l’aventure luthérienne. Pendant ces trois ans, la ville est sous une activité de l’écriture
intense car on redoute le crépuscule de la Réforme. Tous les réformés
protestants de Magdebourg vont s’efforcer de témoigner par la formule « Devenir la chancellerie du Seigneur ».
La chancellerie étant le lieu de production des lois. Des livres et des pensées
veulent témoigner de la vraie foi avant la venue de l’antéchrist (pour eux
l’empereur). Ainsi, vivre sa foi c’est
témoigner de sa foi et donc écrire et imprimer ce qu’on écrit. Il y a une
collaboration intense entre auteur et éditeur. Une forte croyance est placée
dans l’imprimé qui va durer. C’est leur dernière arme alors qu’ils se sentent
tomber.
On a donc vu
combien la pratique et la réflexion sur l’écriture et l’imprimerie tient une
place centrale dans la réforme et la pensée de Luther. Face à l’intense
production des Protestants, les Catholiques vont répondre et toute une partie de la
réflexion et des débats des conciles de Trente visent à répondre sur le terrain
de l’écriture, les Chrétiens doivent bien lire.
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