samedi 17 mars 2012

Contemporaine 05 - 03 (cours 4)

I- La tourmente révolutionnaire (1910-1917)

1) Les causes de la révolution mexicaine

a) Le régime porfirien

L’état du régime en place, de Porfirio Diaz ou le régime porfirien qui domine au Mexique entre 1876 et 1911, a été baptisé de dictature par les révolutionnaires. Il est régulièrement réélu mais les élections sont contrôlées et sont entachées de multiples fraudes. Le régime est extrêmement personnaliste, véritable fiction de la démocratie où les réseaux de clientèle du chef de l’Etat permettent de le maintenir en place. Du point de vue politique, le régime est autoritaire. Mais le régime est également moderne.
A son arrivée au pouvoir, il était considéré comme un libéral et il prend goût au pouvoir. Il garde cependant la volonté de moderniser économiquement le pays avec l’Europe. Il veut faire du Mexique une nouvelle Europe. Un développement considérable des infrastructures se met en place : explosion des lignes de chemin de fer qui passent de 500 km en 1876 à 10 000 en 1910, construction de véritables aménagements portuaires qui sont capables de faire circuler les marchandises, développement de l’exploitation minière en particulier dans les Etats du nord, essor de l’agriculture d’exportation, début de l’exploitation pétrolière. Ce développement très important est tourné vers l’extérieur, pour l’exportation, grâce à des investissements étrangers.
La modernisation profite à une partie de la population mais en particulier aux classes moyennes. Mais elle ne permet pas l’amélioration des conditions de vie de la majorité de la population à savoir les paysans et les ouvriers. Un symbole de cette différence est l’éducation. On assiste à une explosion du réseau éducatif à tous les niveaux. Les campagnes restent cependant analphabètes et ce sont les villes donc les classes moyennes et la bourgeoisie qui en profitent. 70% de la population est encore analphabète en 1910. On peut parler économiquement, socialement et politiquement, d’un régime oligarchique où un nombre restreint de familles détiennent le pouvoir économique et social et bénéficient des faveurs des proches de l’Etat. Jusqu’en 1900, ce fonctionnement ne rencontre pas d’opposition politique importante.

b) L’aggravation des tensions sociales

A partir de 1900, dans les campagnes, le régime de Diaz va modifier sa politique à l’égard de la propriété terrienne. L’idéal de l’entourage de Diaz, qui était aussi celle des libéraux, est que l’ensemble des droits et des devoirs dans une société sont individuels. Diaz garde donc de son héritage libérale l’idée que les groupes, les corporations ne doivent pas régir la société. La propriété doit donc dans ce sens être individuelle. Par cet imaginaire les libéraux mexicains ont nationalisé les biens de l’Eglise dans les années 1860 et Diaz considère que les collectivités paysannes doivent être réparties en propriétés individuelles. Ces terres sont appelées des ejidos. Mais cette désappropriation des ejidos passent par des lois sans aucune mesure pour que les paysans en aient une parcelle. Cela provoque un accroissement de la propriété terrienne car ce sont les grands propriétaires qui récupèrent ces terres. Ce mode de fonctionnement latifundiaire tombe alors sous le coup des protestations paysannes. Le pouvoir, lié aux grands propriétaires terriens, n’intervient pas.
Une montée du mécontentement se fait également chez les ouvriers. Des enclaves ouvrières se créent mais il n’y a pas de véritable classe. Les ouvriers ont une forte dépendance à l’égard du patron. En 1907, une crise touche ces enclaves ouvrières formées d’individus qui proviennent des Etats-Unis. Les enclaves minières dépendent du marché américain donc ils sont complètement dévastés par cette crise (chômage massif). Cette crise est courte mais elle suffit pour entrainer des pratiques de contestations comme les manifestations publiques, les grèves, les premières organisations syndicales, les premières répressions violentes avec l’intervention de l’armée. Cela crée un état d’esprit de contestation ouvrière.

c) Problème de la succession présidentielle

Ce qui provoque l’effondrement du régime, ce sont des élites qui se retournent contre le pouvoir avec le problème de la succession présidentielle. Le pouvoir politique est monopolisé par l’entourage de Diaz. Les élites à partir de 1908 contestent alors Diaz. Le chef de l’Etat, dans une interview, dit qu’il va ouvrir les élections présidentielles en permettant la création de partis politiques pour les élections de 1910. Il s’inquiète des problèmes de tensions sociales. Il veut ainsi connaître ses adversaires. Ses opposants se prennent au jeu. Francisco Madero, grand propriétaire terrien, se déclare candidat et part en campagne dans le pays pendant deux ans avec pour slogan « suffrage effectif, non réélection ». Madero a un grand succès essentiellement parce qu’il y a une lassitude et parce qu’il y a des tensions sociales importantes. Les paysans et les ouvriers y voient une alternative politique. Des clubs maderistes, club de soutien, se créent. Madero devient très populaire de sorte que les clubs sont fermés, la campagne est interdite par Diaz et Madero est exilé. Le 10 novembre 1910, alors que Diaz s’est fait réélire, depuis les Etats-Unis, Madero lance un appel à l’insurrection qui s’appelle le plan San Luis Potosi. Cette pratique ressemble à un pronunciamento mais c’est un libéral qui lance un appel en vue d’élections.

2) Guerres civiles et révolutions

a) L’insurrection, le régime de Madero et sa chute (1910-1913)

Les soutiens de Madero prennent les armes. Les paysans insatisfaits du démantèlement des ejidos partent en campagne militaire pour faire tomber Diaz. Le leader de ces paysans est Emiliano Zapata. Les réseaux libéraux nord-américains les fournissent en armes. L’armée fédérale est rapidement vaincue. En mai 1911, les révolutionnaires gagnent et renversent le gouvernement. Diaz part en exil. Madero accède alors au pouvoir comme chef du gouvernement provisoire dans un premier temps puis comme chef de l’Etat élu. L’accession au pouvoir de Madero est une véritable révolution démocratique et libérale car au terme d’un processus électoral régulier. Madero rétablit les dispositions de la constitution de 1857. La liberté de la presse apparaît, notamment d’opposition à Madero, socialiste ou réactionnaire. Le droit d’association est rétablit. On assiste alors à la création de partis politiques, de syndicats officiels notamment la COM (Casa del Obrero Mundial). Il n’y a pas vraiment d’instauration d’un ordre nouveau car la constitution existait déjà mais elle n’était pas appliquée. Mais rapidement toutes les forces sociales qui ont appuyé Madero, surtout les paysans, vont considérer que leurs revendications ne sont pas entendues. Les paysans attendent de Madero la restitution des ejidos et une réforme agraire. Mais Madero n’a pas de préoccupations sociales. Il est libéral autant politiquement qu’économiquement. L’incompréhension entre Madero et les groupes paysans et ouvriers débouchent sur le démembrement des groupes maderistes. Zapata en novembre 1911 propose le plan de Ayala où il ne reconnaît plus le gouvernement de Madero. C’est le début d’une nouvelle insurrection qui aboutit à la chute de Madero en février 1913. Cette chute ne profite pas aux paysans qui n’ont pas de leader politique. Huerta à la tête des libéraux profiriens parvient au pouvoir. Ce général est très contesté par la population comme le montre la chanson populaire la cucaracha (le cafard à qui il ressemblait).

b) Les forces révolutionnaires en guerre contre Huerta (1913-1914)

Le retour de ce général de l’armée porfirienne entraîne la continuité de la guerre. Trois grands groupes ont les armes à la main :
* Les zapatistes : paysans volontaires qui prennent les armes pour défendre une cause.
* Les forces de Pancho Villa : il est le deuxième grand leader paysan. Zapata est un petit propriétaire, maire de son village et est un militant politique. Pancho Villa est un brigand. Il a l’imaginaire du robin des bois. Il organise des groupes de brigandages qui vont voler les grandes propriétés terriennes et avec l’argent il paye des mercenaires. Il crée ainsi une armée, appelée la division du nord, composée de paysans. Elle atteint en 1914, 40 000 hommes soit plus du double de l’armée zapatiste.
* Les constitutionnalistes : ce sont de grands propriétaires terriens libéraux qui ont été maderistes qui ne l’ont pas défendu et qui désormais sont mécontents du retour au pouvoir des porfiriens. Ce mouvement est fondé par Venustiano Carranza. Ils lancent un mouvement libéral qui est l’armée la plus riche et qui vont avoir l’intelligence politique de s’allier avec différents membres. Ils sont opportunistes.
On est dans une situation de guerre civile de ces trois groupes contre Huerta. En juillet 1914, Huerta tombe.

c) La guerre entre révolutionnaire (1914-1917)

Au moment de leur apogée militaire, Zapata et Pancho Villa prennent ensemble Mexico en décembre 1914. Dès 1915, les constitutionnalistes mettent en place une nouvelle stratégie politique avec deux aspects :
* Ils mettent en place la réforme agraire sur toutes les terres qu’ils ont conquises
* Ils se mettent les ouvriers dans la poche en mettant en place des réformes sociales ambitieuses
Les ouvriers prennent les armes et des bataillons rouges sont crées à la COM. Ils vont aller se battre contre les zapatistes et les villistes. Le général Obregon mène l’armée constitutionnaliste. En 1917, ils sont en bonne posture pour gagner et ils décident de se proclamer pouvoir légitime et ils rédigent une nouvelle constitution.

II- L’institutionnalisation de la révolution

1) La constitution du 5 février 1917

Les constitutionnalistes, à l’origine cousin de Madero et de sa révolution démocratique, vont opérer autrement. Ils tiennent compte des mesures qu’ils ont prises depuis 1914, des soutiens qu’ils se sont attachés et créent un modèle social totalement improvisé avec l’idée que pour se maintenir au pouvoir ils ont besoin de s’attacher les masses donc les paysans et les ouvriers et leurs revendications. Au Mexique, des personnes différentes idéologiquement s’associent pour construire un consensus politique. La constitution est une des plus originale qui :
* réaffirme les grands principes libéraux
* annule toutes les réappropriations de terres collectives qui ont eu lieu entre 1876 et 1917
* l’article 27 dit que le sol et le sous-sol appartiennent à la nation mexicaine. Cette appartenance de principe instaure un droit moral de la nation de se réapproprier les terres. Les très grandes propriétés des étrangers vont pouvoir être contestés par cette loi. C’est le symbole du nationalisme de la révolution mexicaine. Ce sentiment est très fort chez les ouvriers. Le nationalisme est anti-impérialiste et notamment anti-américain.
* L’article 123 crée un Etat social par la constitution. Des mesures sociales sont prises. L’avancée sociale est considérable.
La révolution mexicaine est donc sociale et nationaliste.

2) L’âge des Sonoriens

Le général Obregon est le premier président qui succède à Carranza. Celui qui lui succède est Calles. Les Sonoriens pacifient le pays en sortant de la guerre civile. Le pays est en ruine après presque 10 ans de guerre civile. 1 millions de personnes sont mortes par la guerre ou par la grippe espagnole sur 13 millions d’habitants. Le pays est très militarisé. Tout au long des années 1920, des troubles militaires perturbent le pouvoir qui sont en fait des divisions du groupe au pouvoir. Les Sonoriens mènent une politique de laïcisation forte de l’Etat au point de chasser l’intégralité des envoyés du Vatican. Cela est mal vécu par la paysannerie cléricale et catholique. La guerre des « Cristeros » sont des paysans qui partent mener une guerre révolutionnaire religieuse. Celui qui parvient à restaurer la paix est Calles président entre 1924 et 1928. Il trouve un outil de régulation des conflits entre les révolutionnaires. Il crée un parti.

3) Le parti national révolutionnaire

Le parti est crée en 1928. Il est conçu comme un espace de conflit politique entre les révolutionnaires qui selon Calles va permettre de créer un espace de lutte politique. De fait, le parti devient unique jusqu’à la fin du XXème siècle. Il permet d’accorder des faveurs, des audiences, des concessions, mais aussi de définir qui est dans la révolution et qui ne l’est pas.

III- L’œuvre révolutionnaire

1) Nationalisme et réforme socio-économique

a) La réforme agraire et l’intégration des masses rurales

La réforme agraire à l’échelle du pays est menée dans la deuxième moitié des années 1930 par Lazaro Cardenas qui est très populaire. Il invente la figure du grand chef populiste à la fois homme fort, charismatique, adoré et qui mène une politique sociale très ambitieuse à l’égard des plus pauvres. Entre 1934 et 1940, Cardenas est au pouvoir. Il exproprie des grands propriétaires terriens et nationalisent les terres. Il crée des ejidos forme de terres collectives organisées par l’Etat, contrôlée par un commissaire et où les villageois travaillent en plus de recevoir une terre chacun. C’est une mesure qui améliore considérablement les conditions de vie paysanne notamment au niveau de l’alimentation. C’est également un outil de pouvoir de l’Etat sur ces populations. La révolution assure son emprise sur les paysans avec les commissaires. Cette politique est parvenue à gagner et à s’installer et perdurer. Ce n’est pas une dictature dans le sens où les individus ne sont pas opprimés mais ils ne sont pas libres. La propagande y est très importante.

b) Organisation du monde ouvrier sous la tutelle de l’Etat

Dans les années 1920, des transformations du principal syndicat révolutionnaire s’opèrent. La COM devient CROM (Confédération régionale des ouvriers Mexicains). Il devient un syndicat unique, quasi obligatoire de fait.

c) Assurer leur dépendance économique

Les mesures sociales, et dans le cadre d’un accroissement du rôle de l’Etat dans l’économie, accélèrent considérablement la croissance industrielle mexicaine.

2) Le nationalisme culturel

Le nationalisme n’est pas seulement économique et anti-impérialiste mais il a aussi la volonté de créer une unité culturelle unique. Cela passe par une politique d’éducation très volontariste à destination de ceux qui n’y était pas intégrés avant. Cette politique va jusqu’à représenter 18% du budget fédéral et prend la forme de multiplication des écoles, de missions culturelles dans les campagnes. L’école a été aussi un instrument de laïcisation important. Cela se traduit par l’interdiction de l’enseignement religieux et de l’enseignement par les prêtres. Cela suscite un mouvement paysan contre les instituteurs qui vont leur couper les oreilles car ils sont considérés comme des antéchrists. L’intégration nationale se fait aussi par une mise au service des institutions d’artistes. Le muralisme est inventé. La forme est importante dans le sens où elle popularise l’art puisqu’il se trouve dans la rue. Les deux artistes phares de ce mouvement sont Diego Rivera et Daniel Alfaro Siqueiros. C’est de la propagande dans le but de parler au peuple.

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