vendredi 9 mars 2012

Moderne 08 - 03 (cours 4)

Précédemment : Moderne 23 - 02


Ce cours est fait avec le privilège du Roy et de la Reine (journée de la femme oblige)



A Lyon au XVI° et XVII° siècle, un certain nombre de fêtes publiques font une place aux corporations ou aux diverses associations et ouvriers du livre jouent un rôle important comme avec le carnaval de mardi gras. Des associations les prennent en charge sur la base du quartier, notamment la confrérie de la Coquille qui anime les cortèges de mardi gras et qui est une corporation d’ouvriers imprimeurs. On les connait car la confrérie a laissé une demi-douzaine de livrets de fête. A Lyon comme ailleurs, les ouvriers imprimeurs animent la ville.

On a à faire à un milieu qui est alphabétisé de manière précoce. Ce milieu est acculturant, les imprimeurs sont issus de milieux humbles ou de tous petits métiers urbains. Ce sont donc bien des ouvriers, ils viennent du petit peuple urbain ou du petit peuple rural. Ils accèdent à un métier plutôt bien payé et ont accès à un niveau de culture supérieur à la moyenne. Ils en tirent une fierté spécifique, levier de leur action collective.
C’est enfin un milieu qui sera très touché par la réforme protestante.


I.                   Un métier privilégié

1.      L’instauration d’un contrôle étroit du pouvoir royal sur les métiers du livre

A.     La naissance de la corporation des libraires imprimeurs

Au début du XVI° siècle les libraires imprimeurs sont dans la dépendance des universités mais la tutelle est souple. En revanche dans les années 1750, le pouvoir royal va intervenir dans le milieu des imprimeurs. Il faut calmer l’agitation ouvrière et maîtriser un objet possiblement dangereux : le livre. Deux édits interviennent directement en 15 ?? et 1541 dans les conflits et les grèves qui avaient lieu à Lyon et Paris. Ainsi, en 1571, l’édit de Gaillon forme des interlocuteurs dans la profession. Deux imprimeurs doivent être élus par leurs pères, de même que deux libraires. Leur mission sera de s’assurer qu’aucun livre diffamatoire ou hérétique ne sera en circulation.
Par la suite, l’Etat assurera des statuts dans le métier, qui réglementent l’accès à la maîtrise pour les ouvriers. Les fils de maître sont alors très valorisés. On a aussi de fortes peines contre ceux qui produisent des livres interdits et ceux qui vendent des livres à la sauvette. Cela montre la confluence entre le pouvoir royal et les libraires bien installés qui se voient confiés le rôle de police dans leur profession. En échange, ces libraires bénéficient de forts privilèges. On a donc une mise en pratique de ce système assez rapide avec des libraires effectuant des visites au sein de leur corporation.

B.     Les privilèges de libraire et la naissance de la censure

Une lettre patente assure un monopole de quelques années au libraire qui édite en premier un certain livre. Il existe aussi la même pratique avec des auteurs qui vend ensuite ce privilège à un imprimeur. Paru très tôt, fin XV° siècle, cela devient rapidement obligatoire en France en 1566. Du coup, une forme de censure existe : le pouvoir royal octroie une protection pour un livre et en échange l’éditeur ou l’auteur le soumet au regard royal.
Dans les années 1620 et 1630, ce privilège de librairie ???. Il n’a pas seulement un intérêt commercial mais tient aussi un prestige puisque son détenteur à une faveur du pouvoir royal. La portée est aussi symbolique pour les auteurs qui cherchent l’approbation du pouvoir royal. On a des auteurs ou des éditeurs qui s’en passent très bien. Cela devient malgré tout un élément constitutif du livre lui-même.

2.      La géographie des lieux d’édition en France

Les privilèges ne s’obtiennent qu’à Paris et seront accordés très majoritairement aux libraires parisiens. Le pouvoir a un lien fort avec les libraires parisiens. Davantage favorisé que les éditeurs de province, Paris devient le centre d’édition de nouveautés. Sébastien Cramoisy, petit-fils d’un libraire, est issu d’une famille qui était proche de la Ligue (ultra-catholiques) lors des guerres de religions. Cramoisy sera lui-même proche des jésuites ce qui lui permet d’avoir des commandes des collèges jésuites. Chargé des ouvrages des collèges, il bénéficie aussi de la publication des relations de voyages des missionnaires jésuites. En 1614, il devient le libraire personnel du cardinal de Richelieu. Ce dernier favorisera Cramoisy en 1633, il devient imprimeur du roi. Il publie alors une partie des actes officiels. Il parvient aussi à obtenir le marché des méthodes pour faire fonctionner sa paroisse. Sa réussite sera telle qu’il deviendra échevin de Partis, un des statuts les plus prestigieux de l’époque.
Socialement, les éditeurs restent toujours des bourgeois et des négociants et leur statut n’évolue pas comme c’est le cas pour les artistes et les écrivains. Au XVI° siècle, on est dans une période ou l’éditeur devient quelque chose comme un artiste, au XVII° siècle cela se referme pour eux.

Cependant, les imprimeurs ne bénéficient pas que des ouvrages. Ils ont à gérer les travaux de ville : les affiches, les avis de décès, les almanachs, … La principale réponse à cette situation des imprimeurs provinciaux bridés par Paris va consister à se lancer dans la pratique de la contrefaçon de livres. Cette pratique apparue simultanément avec le livre, va exploser dans le XVII° siècle, renforcée par les tentatives de contrôle du pouvoir royal. Cette régulation est gagnante à Paris, mais perd totalement dans la province. Jean-Dominique Mellot le démontre pour Rouen. Soit la ville fait des contrefaçons à Rouen, soit elle bénéficie de contrefaçons venues d’ailleurs et qui circulent à Rouen. Cette présence au XVII° siècle croît au XVIII° siècle. Les éditeurs vivent largement de la contrefaçon notamment du créneau des beaux livres et plus particulièrement des livres jansénistes. Les imprimeurs bénéficient aussi de complicité locale très forte parfois même de religieux, notamment  dans le cas de La Dîme Royale de Vauban. L’Etat va interdire cet ouvrage de Vauban, mais un de ses collaborateurs file à Rouen et après un consortium des éditeurs de Rouen qui sont près à risquer des ennuis avec le pouvoir en échange de l’attrait économique que peut produire un livre. Ils se mettront tous d’accord et la Dîme Royale sera un succès.

3.      Le marché français, aubaine pour les éditeurs étrangers

La grande place des éditeurs au XVI° siècle est Anvers. Au XVII°, les Flandres sont doublées par Amsterdam, Rotterdam, Leyde, … Ces villes produisent surtout pour le marché allemand, mais celui-ci va se fermer dans les années 1620 par des difficultés de commerce. Du coup, les commerçants hollandais publient à destination du marché français. Ils publient donc les livres sans privilèges et interdits sur le marché français. En Suisse, le même phénomène se produit. Avignon suivra. Les Elzevier vont d’abord commencer avec des classiques latins puis vont comprendre que les contrefaçons (livres sous privilège mais édités sans) sont très fructueux. Ils vont donc réimprimer les livres de Corneille. Des saisies de douanes renseignent sur cela. On apprend que beaucoup de livres imprimés en suisse ou en Angleterre sont en fait commandés par des éditeurs parisiens. Souvent, il s’agit d’une production faite à l’étranger mais revendue en France par les éditeurs parisiens. Mais il arrive aussi qu’on ait à faire à des cas légaux. Les éditeurs parisiens sous-traitent parfois un excès de commandes à la province.

4.      Au XVIII° siècle, la permission tacite et la répression des publications interdites

La permission tacite est un droit accordé par l’Etat à un imprimeur qui peut éditer un livre qui n’a pas encore reçu de privilèges. Cela répond à un constat des éditeurs qui dénoncent qu’on peut bien interdire la production de certains livres en France, cela ne fait que renforcer le commerce hollandais, ou suisse. Plutôt que de restreindre, une solution pragmatique est trouvée, la permission tacite permet au pouvoir de laisser imprimer. Celle-ci sera utilisée tout au long au XVIII° siècle pour éditer et rééditer des livres autrefois en publication clandestine.
En même temps, on continue à chercher les livres interdits. Des inspecteurs sont spécialisés dans cette activité. Cela aboutit à des emprisonnements et à des condamnations. Pour Paris 17% des gens embastillés au XVIII° siècle l’ont été pour des raisons de publications. On a d’ailleurs une majorité d’éditeurs.


II.                Les rapports entre éditeurs et auteurs

A cette époque les écrivains n’écrivent pas des livres mais des textes, qui sont imprimés par les éditeurs. Il s’agit aussi d’une attitude de désintérêt pour la manière dont on passe du texte au livre. Cela lié à la valeur négative associée au travail. Les nobles trouvent du loisir à écrire un livre mais sa fabrication tient du négoce et de l’artisanat, de nombreux auteurs rejettent cet aspect du livre.

1.      La question du droit des auteurs sur leurs œuvres

La vente du privilège d’un auteur à un libraire est une forme d’acte de propriété de l’auteur sur son œuvre, celui-ci est plus puissant que son libraire. Mais cela n’est pas lié à la rétribution de l’auteur pour son livre puisque gagner de l’argent de la propriété serait faire une association entre le travail de l’auteur et celui de l’artisan, il serait ignoble. En conséquence, s’ils touchent une somme sur les éditions, ils ne le disent pas pour conserver leur statut et leur succès.

Tout au long du XVIII° siècle, il est devenu commun de voir que les auteurs ne cessent de se plaindre de la mauvaise impression de leur livre. Ils ont donc un attrait et un souci dans cette étape de fabrication quoiqu’ils puissent en dire. Un autre de leur soucis est le plagiat, de nombreux discours et de réflexions se construisent sans que cela se constate dans le juridique.

2.      Les rapports financiers entre auteurs et éditeurs

Edition à compte d’auteur, c’est l’auteur qui paye ce qu’il faut pour l’édition et en retour reçoit toute la production. Une autre méthode est de payer avant une partie des livres et donc de récupérer les premières éditions.
On trouve aussi un cas ou l’auteur apporte le manuscrit, les frais sont à la charge de l’éditeur mais l’auteur n’est payé qu’avec quelques livres. L’auteur reçoit ces livres avant que l’éditeur ne les publie et donc peut tirer un prestige des quelques livres qu’il a récupéré et qu’il fournit aux puissants pour démontrer ses compétences et indirectement avoir de l’argent.
Dans certains cas, dès le départ des auteurs reçoivent quelques ouvrages ainsi qu’une rétribution financière, l’équivalent de nos droits d’auteur.

Ceux qui décident du mode de rétribution c’est de savoir si le livre va ou non bien se vendre et donc rapporter de l’argent au libraire. Si oui, le libraire peut rétribuer l’auteur puisqu’il fera une grosse marge sur le livre. On peut donc distinguer les gros ouvrages de prestige qui rapportent peu et sont peu publiés et les productions de masse ou l’auteur se fait payer et l’éditeur gagne beaucoup d’argent.

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