Ce cours est fait avec le privilège du Roy et de la Reine (journée de la femme oblige)
A
Lyon au XVI° et XVII° siècle, un certain nombre de fêtes publiques font une
place aux corporations ou aux diverses associations
et ouvriers du livre jouent un rôle important comme avec le carnaval de
mardi gras. Des associations les prennent en charge sur la base du quartier,
notamment la confrérie de la Coquille qui anime les cortèges de mardi gras et
qui est une corporation d’ouvriers imprimeurs. On les connait car la confrérie
a laissé une demi-douzaine de livrets de fête. A Lyon comme ailleurs, les ouvriers imprimeurs animent la ville.
On a à faire à un
milieu qui est alphabétisé de manière précoce. Ce milieu est acculturant, les imprimeurs sont issus de
milieux humbles ou de tous petits métiers urbains. Ce sont donc bien des
ouvriers, ils viennent du petit peuple urbain ou du petit peuple rural. Ils
accèdent à un métier plutôt bien payé et ont accès à un niveau de culture
supérieur à la moyenne. Ils en tirent une fierté spécifique, levier de leur
action collective.
C’est enfin un
milieu qui sera très touché par la réforme protestante.
I.
Un métier
privilégié
1.
L’instauration d’un contrôle étroit du pouvoir royal sur les
métiers du livre
A.
La naissance de la corporation des libraires imprimeurs
Au début du XVI°
siècle les libraires imprimeurs sont dans la dépendance des universités mais la
tutelle est souple. En revanche dans les années 1750, le pouvoir royal va
intervenir dans
le milieu des imprimeurs. Il faut calmer
l’agitation ouvrière et maîtriser un objet possiblement dangereux : le
livre. Deux édits interviennent directement en 15 ?? et 1541 dans les
conflits et les grèves qui avaient lieu à Lyon et Paris. Ainsi, en 1571, l’édit de Gaillon forme des
interlocuteurs dans la profession. Deux imprimeurs doivent être élus par leurs
pères, de même que deux libraires. Leur mission sera de s’assurer qu’aucun
livre diffamatoire ou hérétique ne sera en circulation.
Par la suite, l’Etat
assurera des statuts dans le métier, qui réglementent l’accès à la maîtrise
pour les ouvriers.
Les fils de maître sont alors très valorisés. On a aussi de fortes peines contre ceux qui produisent des livres
interdits et ceux qui vendent des livres à la sauvette. Cela montre la
confluence entre le pouvoir royal et les libraires bien installés qui se voient
confiés le rôle de police dans leur profession. En échange, ces libraires
bénéficient de forts privilèges. On a donc une mise en pratique de ce
système assez rapide avec des libraires effectuant des visites au sein de leur
corporation.
B.
Les privilèges de libraire et la naissance de la censure
Une lettre patente assure
un monopole de quelques années au libraire qui édite en premier un certain
livre. Il existe
aussi la même pratique avec des auteurs qui vend ensuite ce privilège à un
imprimeur. Paru très tôt, fin XV° siècle, cela
devient rapidement obligatoire en France en 1566.
Du coup, une forme de censure existe : le pouvoir royal octroie une
protection pour un livre et en échange l’éditeur ou l’auteur le soumet au
regard royal.
Dans
les années 1620 et 1630, ce privilège de librairie ???. Il n’a pas seulement un intérêt commercial
mais tient aussi un prestige puisque son détenteur à une faveur du pouvoir
royal. La portée est aussi symbolique pour les auteurs qui cherchent l’approbation
du pouvoir royal. On a des auteurs ou des éditeurs qui s’en passent très bien. Cela
devient malgré tout un élément constitutif du livre lui-même.
2.
La géographie des lieux d’édition en France
Les privilèges ne s’obtiennent
qu’à Paris et seront accordés très majoritairement aux libraires parisiens. Le pouvoir
a un lien fort avec les libraires parisiens. Davantage favorisé que les
éditeurs de province, Paris devient le centre d’édition de nouveautés. Sébastien
Cramoisy, petit-fils d’un libraire, est issu d’une famille qui était
proche de la Ligue (ultra-catholiques) lors des guerres de religions. Cramoisy
sera lui-même proche des jésuites ce qui lui permet d’avoir des commandes des
collèges jésuites. Chargé des ouvrages des collèges, il bénéficie aussi de la
publication des relations de voyages des missionnaires jésuites. En 1614, il
devient le libraire personnel du cardinal de Richelieu. Ce dernier favorisera
Cramoisy en 1633, il devient imprimeur du roi. Il publie alors une partie des
actes officiels. Il parvient aussi à obtenir le marché des méthodes pour faire
fonctionner sa paroisse. Sa réussite sera telle qu’il deviendra échevin de
Partis, un des statuts les plus prestigieux de l’époque.
Socialement, les éditeurs
restent toujours des bourgeois et des négociants et leur statut n’évolue pas
comme c’est le cas pour les artistes et les écrivains. Au XVI° siècle, on est
dans une période ou l’éditeur devient quelque chose comme un artiste, au XVII°
siècle cela se referme pour eux.
Cependant, les
imprimeurs ne bénéficient pas que des ouvrages. Ils ont à gérer les travaux de
ville : les affiches, les avis de décès, les almanachs, … La principale réponse à cette situation des
imprimeurs provinciaux bridés par Paris va consister à se lancer dans la
pratique de la contrefaçon de livres. Cette
pratique apparue simultanément avec le livre, va exploser dans le XVII° siècle,
renforcée par les tentatives de contrôle du pouvoir royal. Cette régulation
est gagnante à Paris, mais perd totalement dans la province. Jean-Dominique Mellot le démontre pour Rouen. Soit
la ville fait des contrefaçons à Rouen,
soit elle bénéficie de contrefaçons venues d’ailleurs et qui circulent à Rouen.
Cette présence au XVII° siècle croît au XVIII° siècle. Les éditeurs vivent
largement de la contrefaçon notamment du créneau des beaux livres et plus
particulièrement des livres jansénistes. Les imprimeurs bénéficient aussi de
complicité locale très forte parfois même de religieux, notamment dans le cas de La Dîme Royale de Vauban. L’Etat va interdire cet ouvrage de
Vauban, mais un de ses collaborateurs file à Rouen et après un consortium des
éditeurs de Rouen qui sont près à risquer des ennuis avec le pouvoir en échange
de l’attrait économique que peut produire un livre. Ils se mettront tous d’accord
et la Dîme Royale sera un succès.
3.
Le marché français, aubaine pour les éditeurs étrangers
La grande place des
éditeurs au XVI° siècle est Anvers. Au XVII°, les Flandres sont doublées par
Amsterdam, Rotterdam, Leyde, … Ces villes produisent surtout pour le marché
allemand, mais
celui-ci va se fermer dans les années 1620 par des difficultés de commerce. Du coup, les commerçants hollandais
publient à destination du marché français. Ils publient donc les livres sans
privilèges et interdits sur le marché français. En Suisse, le même
phénomène se produit. Avignon suivra. Les Elzevier
vont d’abord commencer avec des classiques latins puis vont comprendre que les contrefaçons
(livres sous privilège mais édités sans) sont très fructueux. Ils vont donc
réimprimer les livres de Corneille. Des saisies de douanes renseignent sur cela.
On apprend que beaucoup de livres
imprimés en suisse ou en Angleterre sont en fait commandés par des éditeurs
parisiens. Souvent, il s’agit d’une production faite à l’étranger mais
revendue en France par les éditeurs parisiens. Mais il arrive aussi qu’on ait à
faire à des cas légaux. Les éditeurs parisiens sous-traitent parfois un excès
de commandes à la province.
4.
Au XVIII° siècle, la permission tacite et la répression des publications
interdites
La permission
tacite est un droit accordé par l’Etat à un imprimeur qui peut éditer un livre
qui n’a pas encore reçu de privilèges. Cela répond à un constat des éditeurs
qui dénoncent qu’on peut bien interdire la production de certains livres en France,
cela ne fait que renforcer le commerce hollandais, ou suisse. Plutôt que de restreindre, une
solution pragmatique est trouvée, la permission tacite permet au pouvoir de
laisser imprimer. Celle-ci sera utilisée tout au long au XVIII° siècle pour
éditer et rééditer des livres autrefois en publication clandestine.
En même temps, on
continue à chercher les livres interdits. Des inspecteurs sont spécialisés dans cette
activité. Cela aboutit à des emprisonnements et à des condamnations. Pour Paris
17% des gens embastillés au XVIII° siècle l’ont été pour des raisons de
publications. On a d’ailleurs une majorité d’éditeurs.
II.
Les rapports entre
éditeurs et auteurs
A
cette époque les écrivains n’écrivent pas des livres mais des textes, qui sont
imprimés par les éditeurs. Il s’agit aussi d’une attitude de désintérêt pour la
manière dont on passe du texte au livre. Cela lié à la valeur négative associée
au travail. Les
nobles trouvent du loisir à écrire un livre mais sa fabrication tient du négoce
et de l’artisanat, de nombreux auteurs rejettent cet aspect du livre.
1.
La question du droit des auteurs sur leurs œuvres
La vente du
privilège d’un auteur à un libraire est une forme d’acte de propriété de l’auteur
sur son œuvre, celui-ci est plus puissant que son libraire. Mais cela n’est pas lié à la rétribution de l’auteur pour son livre
puisque gagner de l’argent de la propriété serait faire une association entre
le travail de l’auteur et celui de l’artisan, il serait ignoble. En
conséquence, s’ils touchent une somme sur les éditions, ils ne le disent pas
pour conserver leur statut et leur succès.
Tout au long du
XVIII° siècle, il est devenu commun de voir que les auteurs ne cessent de se
plaindre de la mauvaise impression de leur livre. Ils ont donc un attrait et un
souci dans cette étape de fabrication quoiqu’ils puissent en dire. Un autre de
leur soucis est le plagiat,
de nombreux discours et de réflexions se construisent sans que cela se constate
dans le juridique.
2.
Les rapports financiers entre auteurs et éditeurs
Edition à compte d’auteur, c’est l’auteur qui paye ce qu’il
faut pour l’édition et en retour reçoit toute la production. Une autre méthode
est de payer avant une partie des livres et donc de récupérer les premières
éditions.
On trouve aussi un
cas ou l’auteur apporte le manuscrit, les frais sont à la charge de l’éditeur
mais l’auteur n’est payé qu’avec quelques livres. L’auteur reçoit ces livres avant que l’éditeur ne les publie et donc
peut tirer un prestige des quelques livres qu’il a récupéré et qu’il fournit aux
puissants pour démontrer ses compétences et indirectement avoir de l’argent.
Dans
certains cas, dès le départ des auteurs reçoivent quelques ouvrages ainsi qu’une
rétribution financière, l’équivalent de nos droits d’auteur.
Ceux qui décident
du mode de rétribution c’est de savoir si le livre va ou non bien se vendre et
donc rapporter de l’argent au libraire. Si oui, le libraire peut rétribuer l’auteur puisqu’il
fera une grosse marge sur le livre. On peut donc distinguer les gros ouvrages
de prestige qui rapportent peu et sont peu publiés et les productions de masse
ou l’auteur se fait payer et l’éditeur gagne beaucoup d’argent.
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