mercredi 26 octobre 2011

Antique 25 - 10

Précédemment : Antique 18 - 10


On peut déjà constater que les thébains mélangent les spartoi, Kadmos et Harmonie, donc respectivement l'autochtonie, l'altérité et la divinité. Kadmos est un héros médiateur qui fait passer la cité de la sauvagerie à la civilisation. Le dragon représentant cette sauvagerie et par son meurtre assure à la civilisation d'avenir. C'est aussi un héros civilisateur puisqu'il donne naissance aux futurs citoyens (dents du dragon sauvage donnant les premiers hommes) et en assurant sa propre descendance. Son œuvre civilisatrice vient aussi du fait que Kadmos apporte l'écriture aux hommes. De plus, son œuvre civilisatrice passe dans l'agriculture par le cadeau de mariage de Déméter : le blé. C'est aussi un héros fondateur, dans le sens où il crée la communauté politique. Son nom voulant d'ailleurs signifier « celui qui met en ordre ». Il réunit en lui plusieurs facettes qui sont disjointes dans d'autres cités (comme Athènes).


On trouve tout de même le rôle de la souillure dans ce mythe ambigu, étranger civilisateur et fondateur de la cité qui s'est attaqué et à tuer un serpent pour finir lui même un serpent meurtrier. Cela montre que l'instauration d'un ordre civique implique à sa base une violence, qui doit finir par être expiée. C'est pour ça que Kadmos est exclu de la cité qu'il a fondé, pour assurer la pérennité de sa cité. Beaucoup d'autres récits mettent en valeur cette fondation comme une forme de violence qui souille et doit être expiée d'une manière ou d'une autre.


Tout ces mythes d'origine fournissent une identité collective distincte à chacune des communautés grecques permettant de se distinguer entre elles. Les citoyens revendiquent alors une divinité qui a choisi de les protéger. Ils s'imaginent aussi soit comme venus de la terre par l'autochtonie, soit par l'altérité d'une étranger fondateur, ou encore en réconciliant les deux comme le fait Thèbes.






Les mythes politiques doriens






Avec les Ioniens et les Eoliens, les Doriens sont un des trois peuples du monde grec. Les cités se pensant toutes issues d'une même civilisation, il existe tout de même une subdivision à l'intérieur d'eux : les Ioniens, les Eoliens et les Doriens. Tous se pensent grecs mais sont propre à un de ces trois grands peuple. Le langage est légèrement différent, ils ont chacun leur dialecte. Tous ces ethnè se singularisent entre eux par un dialecte particulier mais aussi par certaines institutions (trois tribus par cité dorienne, quatre tribus par cité ionienne) et par leurs récits fondateurs.


Les Doriens sont un grand sujet de débats aujourd'hui encore. Ils se pensaient eux-mêmes comme des envahisseurs venus s'installer dans le Péloponnèse. On a donc un débat sur le moment où l'on doit placer les invasions doriennes et sur leurs origines (Grecs ou étrangers). Ce débat émerge avec l'historien prussien, Karl-Ottfried Müller qui écrivit Die Dorier en 1824. Le débat se compliqua avec la projection des États du XIX° siècle sur ces zones. Müller projette sur Sparte, la Prusse, État militaire et fort. Les allemands se saisirent de cette histoire pour se concevoir comme des descendants des Doriens. Ainsi, les Doriens furent assimilés à une race supérieure, ancêtre des Aryens. Ces envahisseurs ont permis à la Grèce d'apporter un « sang neuf » de farouches conquérants venus « régénérer la race grecque abâtardie » par un long contact avec l'Orient.

Des thèses ont répliquées à ces explications. Gustave Glotz montrant que les Doriens étaient de farouches guerriers certes, mais ils ne sont pas responsables de l'essor des cités grecques mais au contraire de son entrée dans les Ages Obscures.

Les Doriens furent les projections des historiens prussiens, puis nazis, puis français. Ce furent toujours des conquérants extérieurs au monde grec mais perçus plus ou moins positivement ou négativement selon les courants.


Aujourd'hui, même si l'on manque de sources, on estime que les Doriens étaient des Grecs des Ages Obscures. Ils furent membres de bandes guerrières venues de Thessalie au Nord de la Grèce. Pour s'installer dans le Péloponnèse. On peut y voir des mercenaires grecs qui se seraient sédentarisés dans la Péloponnèse. L'enjeu des Doriens a donc été de justifier l'occupation d'un territoire qui n'était pas le leur, avant eux on trouvait une longue tradition d'habitants déjà installés. Les récits qu'ils ont formés ont pour but de légitimer non pas la fondation d'une cité mais une occupation de territoire.



  1. L'invasion dorienne et le retour des Héraclides : comment justifier le présent ?


  1. Les Doriens et les Héraclides : deux histoires au départ distinctes


Leurs grands récits s'ancraient sur deux histoires différentes celui des invasions doriennes et les descendants d'Héraclès. Les Doriens, notamment les Spartiates, imaginent leur passé et leur arrivée dans le Péloponnèse, menés par des chefs Héraclides, des descendants d'Héraclès. La première justification de ce mythe est très ancienne comme nous ont montré les traces restantes des poèmes de Tyrtée (mi-VII° siècle avant JC). Il écrivit « Car Zeus lui-même, le fils de Cronos, l'époux de la reine Héra, donna cette polis aux Héraclides, avec qui nous quittâmes la venteuse Erinée [en Thessalie] et arrivâmes dans le vaste Péloponnèse ». Tyrtée explique donc que la cité de Sparte est un cadeau de Zeus aux Doriens. Autre point important, les Héraclides se présentent comme les chefs des Doriens, à la tête d'un groupe de combattants de Doriens, chargés de se rendre dans le Péloponnèse. Les rois de Sparte ne se pensaient pas Doriens, ils étaient descendants d'Héraclès, donc deux Héraclides. Les Doriens étant les simples homoioi de la cité.

Le récit fusionne deux histoires donc les Héraclides d'une coté et les Doriens de l'autre.


Les Doriens dans les écrits grecs, semblent montrer que ceux-ci se pensaient Grecs, descendant du premier de tout les Grecs : Hellen. Hellen, fils de Zeus eut trois enfants : Doros fondateur des Doriens, Aiolos fondateur des Eoliens, Xouthos qui avec Créuse donna naissance à Ion, fondateur des Ioniens. Doros est donc le héros éponyme des Doriens et descendant d'Hellen, les Doriens se considèrent comme Grecs.


Le fils de Doros, Egimios aurait installé son peuple au Nord de la Thessalie en Hestiaotide. Les Doriens auraient alors été chassés par les Lapithes, victorieux des Centaures, qui en font donc des nomades. Héraclès serait alors intervenu pour aider Egimios à être victorieux des Lapithes. Avec cette aide d'Héraclès auprès des Doriens, cela légitime par la suite que les Héraclides se réclament chefs des Doriens.


Héraclès de son coté est itinérant dans tout le monde grec et on le retrouve régulièrement dans le Péloponnèse. C'est sa présence et ses actes qui vont servir aux Doriens pour justifier leur occupation du territoire du Péloponnèse.

Sparte au départ est fondée par Lelex, un autochtone primordial. Héraclès arrive alors que plusieurs générations se sont écoulées depuis Lélex, et la génération présente est celle de Tyndare et de son frère Hypokoon. Tout deux se disputent la royauté. L'héritier légitime est Tyndare, mais il a été chassé du pouvoir par son frère qui s'appuie sur ses 20 fils pour prendre le pouvoir. Héraclès va entrer en conflit avec Hypokoon qu'il juge responsable du meurtre de son cousin Oenos. Il prend le parti de Tyndare et massacre les 20 enfants d'Hypokoon ainsi que le tyran. Ainsi il remet Tyndare sur le trône. En échange de l'aide qu'il a apporté, Héraclès demande à Tyndare de laisser le pouvoir à ses descendants le jour où ils viendront à Sparte.

Les Doriens peuvent prétendent à occuper les Péloponnèse et Sparte parce que les Héraclides ne font que réclamer leur dut. Tyndare épouse Léda, une femme distraite qui oublie de sacrifier à Aphrodite son offrande. Aphrodite en colère punit Léda en la faisant s'accoupler, sans que Léda le sache, avec Zeus transformé en cygne. Elle va alors pondre deux œufs avec dans l'un les descendants mortels de Tyndare : Castor et Clytemnestre. Dans l'autre les enfants de Zeus : Pollux et Hélène. Castor et Pollux sont deux frères jumeaux inséparables qui fait que quand Castor meure, Pollux demande à Zeus à le rejoindre qui leur accordera le droit d'être morts un jour sur deux et sur l'Olympe le second jour. Tous deux meurent sans avoir de descendance et seront à l'origine de la constellation des gémeaux. Le royaume revient donc à celui qui épousera Hélène, Ménélas, frère d'Agamemnon, mari de Clytemnestre. Ménélas n'aurait jamais d'enfants mâles d'Hélène (avant ou après son enlèvement par Paris). C'est donc Oreste, neveu de Ménélas et donc fils d'Agamemnon, qui monte sur le trône. Or comme en revenant de Troie, Agamemnon découvrit que Clytemnestre avait un amant Egisthe qui régnait sur sa cité. Pour sauver son amant, Clytemnestre et Egisthe tuent Agamemnon. Oreste le vengera en tuant sa mère et l'amant de celle-ci, donc Clytemnestre et Egisthe ne sont plus. Pour finir, Oreste se marie avec Hermione, fille d'Hélène et de Ménélas. De l'union de ceux-ci, naquit un fils qui sera le trône de Sparte au moment du retour des Héraclides : Tisaménos. (page 13 du fascicule)


  1. Un retour ponctué par de multiples transgressions


Héraclès s'est donc rendu indispensable auprès de divers rois du Péloponnèse.

Le retour des Doriens se fit sur un temps long traversé d'impiétés et de violences que les Doriens doivent expier, différant leur retour. Ainsi, même légitimé par tout les moyens, prendre le territoire d'une autre peuplade pose de nombreux problèmes.


Le premier à vouloir revenir dans le Péloponnèse est Hyllos, fils ainé d'Héraclès. Il veut revendiquer son dut mais va échouer. Hyllos se rend à Delphes pour savoir quand reprendre son dut. Un oracle de Delphes prévient Hyllos qu'il doit attendre la troisième récolte pour attaquer. Il en conclut trois ans. Il arrive à l'isthme du Péloponnèse avec ses troupes doriennes et se retrouve face à Atrée, fils de Pélops. Pour arrêter le conflit, ils organisent un combat entre deux héros et le vainqueur déterminera les conditions de négociations. Hyllos sera son propre héros et Atrée choisit Echémos, fils du roi de Tégée. Hyllos perd et est tué pour ne pas avoir attendu trois générations.


Il faut attendre alors trois générations pour que les arrière petit-fils d'Hyllos : Téménos, Aristodemos et Cresphontès ramènent les Doriens dans le Péloponnèse. Mais ce retour va être long et sans arrêt retardé par des impiétés et des violences à expier.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire