lundi 3 octobre 2011

Etat 03 - 10




L'état nation au XIX° siècle




On a constaté la formation d'un État rassemblé mais pas encore unifié. De nombreuses disparités culturelles et idéologiques existent entre les différents territoires des États. Ce sont ces processus qui poussent à parler d'invention de la nation.
De puis seulement 30 ans, l'État nation est devenu un questionnement chez les sociologues et les anthropologues pour en saisir le processus de création. La forme de l'État nation semblant aujourd'hui évident est aussi le fruit d'une construction historique mais plus tardive que l'État lui-même, fruit du XIX° siècle. Phénomène donc récent, né en Occident et qui n'a pas été de soi. Passé de l'Europe des Princes à celle des nations, à susciter des alliances, des conflits et des révolutions idéologiques et culturelles.
La nation du Petit Robert est un « groupe humain généralement assez vaste qui se caractérise par la conscience de son unité historique, sociale et culturelle et par la volonté de vire en commun ».


  1. Comment définir la nation ?

  1. Une nation née des révolutions du XVIII° siècle

Venu du latin natio, communauté dont les membres ont une même origine. Longtemps, ce mot est utilisé comme un synonyme de pays. Ce n'est qu'au XVIII° siècle qu'elle acquiert son sens moderne, avec la Révolution américaine, la Révolution française et la résistance des populations européennes à l'invasion des troupes napoléoniennes. La nécessité de lutter contre la monarchie a donné un sens à la conception républicaine de la nation. Puisque le roi n'incarne plus la souveraineté, le peuple s'en occupe et il faut donner un sens fort à ce qu'est le peuple, la nation l'exprime bien puisqu'elle sous-entend que le peuple exerce la souveraineté. Sieyès (1748 – 1836) un des révolutionnaires écrivit « la nation c'est le Tiers-État, tout les hommes qui n'ont pas de privilèges et qui forment une communauté d'hommes égaux, des hommes libres qui décident par eux-mêmes de leur vie commune », il parle aussi d'une « nation une et indivisible » formule qui insiste sur la volonté collective unifiant l'ensemble du peuple.

Une autre étape de la définition de la nation c'est le moment où celle-ci se distingue d'une autre nation, il y a une conception identitaire de la nation ce qui s'éloigne de la définition de Sieyès plutôt universaliste. Au moment des occupations napoléoniennes, prétextant libérer les peuples au nom du droit de ceux-ci à se disposer d'eux-mêmes, l'armée pille les pays. Le facteur culturel semble venir à ce moment là pour résister contre l'occupation napoléonienne. Entre 1770 et 1830, la notion nouvelle s'impose dans les discours politiques et se repose alors sur trois éléments majeurs : la notion de liberté par 3 formes d'émancipation (par émancipation coloniale des USA, par émancipation aristocratique de la France, par émancipation impériale de l'Europe), la dimension identitaire (les militants établissent des critères pour distinguer ceux qui font partis du peuple et ceux qui n'en sont pas) et l'analogie avec l'être humain.

  1. L'opposition entre définition allemande et définition française

Deux modèles typiques de la nation existent fin XVIII° siècle défendus par un individu emblématique chacune : Herder coté allemand et Ernest Renan coté français. Herder présente la nation comme un fruit de « la providence [qui] a admirablement séparée les nations, non seulement par des forêts et des montagnes, mais surtout par les langues, les goûts et les caractères ». Les frontières seraient stables et pertinentes. Cette conception est alors déterministe, essentialiste et organiciste. Les frontières correspondent à des unités culturelles naturelles. En conséquence, seuls ceux qui ont des caractéristiques ethniques ou culturelles ont vocation à être des membres de la communauté nationale. Il faut une culture et une histoire.
Renan de son coté préfère dire que « l'homme n'est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni de … ». La nation ne descend donc pas d'une race, d'une religion, d'une langue, d'une économie ou d'une géographie, mais elle dépend surtout de la volonté d'en être membre. Il parle d'ailleurs d'une nation comme « un plébiscite de tout les jours ». Cette conception est davantage volontariste.
La nation de Herder est fermée et la nationalité passe par un droit du sang. Celle de Renan est davantage centrée sur l'individu, on constate un droit du sol, la nation est ouverte.

Quelles sont les applications concrètes de ses définitions ?
Pour acquérir la nationalité allemande, il faut descendre de parents allemands. Pour acquérir la nationalité américaine, il faut naître sur le sol américain. A notre époque en Europe, c'est un mélange de droit du sol et de droit du sang qui s'uniformise de lui-même, comme le montre Patrick Weil.
Dans le nationalisme et la modification des frontières nationales, si un peuple n'a pas la souveraineté sur un territoire et a des revendications d'indépendance, l'un des modèles sera hostile à l'ouverture des frontières mais sera tolérant vis à vis des frontières intérieures, déléguant des pouvoirs aux régions via son statut d'État fédéraliste. En France, moins crispée sur ses frontières les délégations de pouvoir aux régions sont bien moins fortes, le pays forme un tout. Chez Herder, la nationalité précède l'État puisque celui-ci vient d'une histoire et d'une culture commune. Renan lui insiste sur le fait que cela doit se construire dans le cadre d'un projet commun national.


  1. L'instauration d'un projet commun et « l'invention de la tradition » (Hobsbawn)

Aujourd'hui, la définition de Renan a largement pris le dessus dans l'avis général. Tout les avis se rejoignent au moins sur le fait que la nation est une construction historique fondée sur l'invention d'une tradition, d'un socle commun. Il n'y a pas de tradition en soi, il faut la qualifier. Il y a un travail fait par l'État pour trouver le meilleure socle commun, support de la communauté nationale.

  1. La rôle de l'État

Weber souligne le rôle de l'État, la nation n'est pas une réalité objective mais une réalité subjective, elle n'existe pas indépendamment de la croyance du peuple en cette nation. C'est aussi la croyance dans une origine commune.
Pour créer et entretenir cette croyance, le pouvoir politique joue un rôle primordial. Dans Économie et société, Weber écrit que « c'est surtout l'activité communautaire et politique qui produit l'idée de la communauté de sang ». Il faut faire croire au peuple, que les racines communes et culturelles sont naturelles alors qu'elles sont fabriquées de toutes pièces par l'État même. Cette idée d'unité nationale supposée très forte aujourd'hui n'allait pas de soi au XVIII° siècle. C'était même une notion subversive puisqu'elle insistait sur le fait que qui que l'on soit, on était tous les mêmes (aristocrate occitan = paysan ch'ti). La révolution française joue alors un rôle fondateur dans ce système. Cette révolution c'est la redistribution du pouvoir dans la société, remise en question des privilège et des monopoles, le peuple devient souverain. On critique la division sociale qui primait auparavant. A cette époque des mesures sont prises pour que les activités sociales soient effectuées par tout les membres de la société en tout territoire. On unifie poids et mesure, on aplanit les tarifs de douanes, … Bref on construit un imaginaire commun à cette époque.

Pourquoi vivre en commun ? Parce qu'on partage un patrimoine collectif commun, un imaginaire national se construit alors. Cet imaginaire passe par la formation des langues nationales, alors qu'on parlait différents dialectes selon les régions, qu'on avait diverses expressions selon son statut social. Le français était le langage administratif et celui d'élites. C'est sous la République que la langue nationale devient un devoir citoyen, elle indique qu'on appartient à la communauté dont on partage la souveraineté. Tout au long du XIX° siècle et au cours du XX° siècle on lutta contre le patois, bastion de la monarchie. De même, il y a tout un travail autour de la langue.
Autre point l'historiographie, en France on veut souligner le fait que la Révolution française fut un moment fondateur remettant en place certains accents. Il y a donc une cristallisation dans certains lieux de mémoire. Selon Pierre Nora.

Comment se fait alors cette diffusion ? Essentiellement par l'École, qui inculque les valeurs et l'histoire d'un pays. Cela prend aussi comme vecteur les corpus d'œuvres littéraires et artistiques illustrait le patrimoine historique et collectif. L'urbanisme aussi permet aussi de diffuser ce modèle avec la mise en avant de certaines figures plutôt que d'autres. La numismatique, la propagande et le sport sont aussi des moyens de maintenir et d'affirmer cet imaginaire national.
Un très bon exemple de ce sentiment national peut se voir dans Le tour de France par deux enfants de G. Bruno, pseudonyme d'Augustine Fouillée, publiée rapidement après la III° République et connaissant un vrai succès. Les lecteurs vont donc faire un tour de France, illustré par des petites cartes, une dimension conciliatrice puisque ces enfants ne voient ni hommes d'Église, ni militaire, ni pauvre. Le livre accentue les différences en soulignant le fait qu'il y a quand même une unité derrière tout, via notamment le rôle de l'école qui apprend la langue française à tous.

... A SUIVRE

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