lundi 3 octobre 2011

Médiévale 03 - 10






La représentation du monde au Moyen-Age



Ce cours cherche à comprendre comment les hommes du Moyen-Age se sont représentés le monde et ont voulu le décrire dans des ouvrages. Il s'agit aussi de voir quelles sont les représentations graphiques des médiévaux. Le plus utilisé est la mappemonde, cela vient de la nappe (en latin mappa) et du monde (mundus). Ce terme désignait tant la description littéraire du monde que de la représentation graphique qu'un texte narratif décrivant le monde. L'auteur de la mappemonde d'Ebstorf au XIII° siècle donne une définition de la mappemonde comme « cf diapo ». On en tire trois usages de la mappemonde : c'est d'abord connaître le monde chez ceux qui lisent les mappemondes, cela est aussi un guide pour le voyageur et enfin elle peut être un guide pour qui la regarde vers une méditation plus haute, une forme de méditation tournée vers l'obtention du salut. Les spécialistes médiévaux de la cartographie (Harley et Woodward) insistent sur le fait que les mappemondes ne sont pas des cartes, elles n'avaient qu'un but philosophique et didactique mais en aucun cas pratique. Pour les auteurs de l'époque, cela pouvait avoir un aspect pratique pourtant avec un moyen d'orientation. En travaillant dessus, les historiens ont réalisé, qu'il y avait une logique propre, on y apprend au moins les positions relatives d'emplacements. Ces mappemondes sont les témoins des premières tentatives de restitution des logiques spatiales. La logique peut être parfois historique, dans le sens de raconter l'histoire du monde vue par des chrétiens. De plus, les dessins prétendaient fournir une vision scientifique du monde (différents peuples, animaux, climats, paysages, architectures, … ). Enfin il y a un but religieux et chrétien. Les mappemondes racontaient souvent un héritage de la vision antique du monde.

On en détermine 1100 mappemondes médiévales dont 900 dans des manuscrits. Seules 175 furent réalisées entre le VIII° siècle et le XI° siècle. C'est à partir du XI° siècle que les hommes de l'époque retrouvent un intérêt pour la géographie (600 entre le XI° siècle et le XIV° siècle).



  1. Évolution et transmission des savoirs sur le monde


  1. La forme de la terre


Dés l'antiquité grecque, les lettrés considéraient tous que la terre était ronde. Les pythagoriciens au VI° siècle avant notre ère semblait l'avoir démontré. A partir du V° siècle avant notre ère, les lettrés ne doutaient plus de ce fait. Ératosthène, mathématicien et astronome, né vers – 276 et mort vers – 194 aurait déduit cela en calculant la circonférence de la terre (39 375 km pour lui, 40 000 et des poussières aujourd'hui). Marynus de Tyr qui a vécu fin II° siècle et I siècle avant notre ère a inventé les premiers systèmes de latitudes et de longitudes. Enfin Ptolémée, (90/100 - 70) qui aurait repris les travaux de Marynus de Tyr, était un astronome qui a laissé un grand traité d'astronomie L'Amalgeste et un traité de géographie intitulé La géographie. Il explique dans ce dernier comment il a put représenter à plat tout les lieux connus à l'époque. En plus de cette méthode qu'il détaille, il fournissait l'ensemble des lieux, populations, … connus à cette époque.

Au Moyen-Age, on connaît l'existence du manuscrit de Ptolémée et on représente alors le monde via sa technique ce qui donne des mappemondes proches de la réalité. Mais cette représentation fut longtemps inapplicable car on avait perdu tout les manuscrits de son traité de Géographie. Maxime Planude (1260 – 1330) qui en découvrit un à Constantinople, le fit recopier au propre pour l'offrir à l'empereur byzantin Andronic II Paléologue. Cet empereur réalisa alors un corpus de cartes du monde ainsi que 26 cartes régionales. Mais le secret ne s'ébruitait pas et l'Occident ne le redécouvrit qu'en avec Manuel Chrysoloras. Son objectif était de convaincre les rois d'Occident de combattre les turcs dans l'Empire byzantin. La situation tendue de l'époque, fit qu'il en profita pour s'exiler à Florence. Il fait alors venir sa bibliothèque de Constantinople et dedans on a le manuscrit grec de Ptolémée, il se charge alors de le traduire en latin, meurt avant son achèvement mais est poursuivit par un de ses étudiants. Dans la seconde moitié du XV° siècle, le manuscrit se propage et tout les princes qui se veulent importants ont un exemplaire des manuscrits de Géographie de Ptolémée ainsi que la réalisation des cartes qu'il propose. Pourtant, même sans en avoir la preuve, tout le monde savait à peu près de quoi traitait ce manuscrit (terre ronde notamment). Pourquoi alors parle-t-on d'une terre plate au Moyen-Age ?


C'est du fait d'individus de l'Antiquité tardive. Lactance en 325 dans Les institutions divines, accuse la terre d'être plate. C'est une science qui se veut absolument chrétienne et rejettent les principes développés et affirmés par des païens. Même si à l'époque on tenait toujours pour sur que la terre était ronde, les élites se renouvelant et oubliant ce principe effacèrent progressivement cette idée (bien qu'elle est toujours demeurée dans l'esprit de certains). L'abbé de Saint Victor, maître de l'École Saint Victor entre 133 et 141 parlait toujours du « globe terrestre ». Jusqu'au XIII° siècle, l'Église organise des démonstrations pour montrer que la terre est bien ronde. Raymond Lulle en fera d'ailleurs une démonstration connue. Au final, on avait trois camps au Moyen-Age, le majoritaire étant celui de ceux qui n'avaient pas d'avis, suivis de ceux qui pensaient la terre ronde. Le mythe de la terre plate du Moyen-Age vient d'un conflit entre les humanistes et les scholastiques, les premiers caricaturant ce trait de l'époque.


  1. Les textes géographiques médiévaux


La base des savoirs géographiques du Moyen-Age leur a été fournit par des auteurs latins surtout. On trouve notamment Macrobe (395 – 436), philosophe et philologue qui a fournit la première description sommaire du monde dans Le commentaire au songe de Scipion, Le Songe de Scipion étant un texte de Cicéron, il évoquait un jeune soldat participant à la troisième guerre punique qui s'endort aviné et rêve de ces ancêtres qui vont lui révéler les secrets du cosmos. C'est en commentant ce texte que Macrobe forme sa vision du monde. Il y aurait trois climats dans le monde, le climat torride au Sud de l'Équateur, deux zones tempérées au Nord et au Sud de la zone torride et aux pôles, la zone froide ou zone frigide. Cette vision reste très présente à l'époque.

Orose (383 – 417) rédige l'Histoire contre les païens, il voulait montrer comment l'humanité est passée d'un stade mauvais lors du paganisme à un stade de bien avec le christianisme. Quand il évoque un des nombreux peuples qu'il cite, Orose décrit énormément les lieux géographiques et leur environnement.

Pline l'Ancien (23 – 79) fit l'Histoire naturelle, composée de 37 volumes, et était aussi très couramment utilisé.


Isidore de Séville (560 – 636) fut l'auteur des Étymologies, ouvrage qui se voulait la seule vraie encyclopédie de l'époque. Dans son livre XIV, il regroupait tout ce qui avait été dit précédemment sur la terre. Saint Jerôme pour les lieux bibliques, Pline, Orose et Macrobe s'y mêlent aussi. Il compile le tout en mélangeant les idées et inscrivant son nom dessus. Son but était de garder à l'écrit, les théories géographiques en masquant les auteurs chrétiens qui reprenaient les auteurs païens. En effet, l'Église voulait faire disparaître les savoirs de l'antiquité, les savoirs des païens. Il y réussit puisque son ouvrage fut recopié tout au long du Moyen-Age. La mappemonde d'Ebstorf est d'ailleurs entourée de textes extraits de ces Etymologies.

Au XII° siècle, l'Occident bénéficie de nouveaux types de savoirs venus d'al-Idrisi, géographe servant de passeur entre la géographie arabe et l'Occident via son Livre de Roger. Né vers 1100 au Maroc, il fut étudiant à Cordoue pour ses études, puis il quitta ses études théoriques et parti parcourir le monde pour assembler les connaissances disponibles sur le monde, les pays, les peuples. En revenant, il a vécu à la cour du roi de Sicile, Roger II (1130 – 1144) qui lui fournit de quoi rassembler ce qu'il avait vu, lu et retenu de ses découvertes. Vers 1157, le livre fut achevé, on y voit à chaque chapitre, une carte et les commentaires d'al-Idrisi a coté. Les cartes récupérées et rangées, on obtient une mappemonde avec le Sud en haut (c'est la norme). Grâce à lui, on a accès à la culture géographique arabe, on a donc accès à la Géographie de Ptolémée. al-Khuwârizmi qui était un de ceux ayant eut l'autorisation de voir les cartes de Ptolémée avait construit un texte pour expliquer comment lire et comprendre la Géographie de Ptolémée.

De plus, dés le IX° siècle se développait une science proprement arabe avec le philosophe et astronome al-Kindî (796 – 873) qui fournit une description du monde et le texte du marchand Sulaymane (né vers 850 - ?) qui raconte le récit de ses voyages et de ce qu'il a accumulé comme connaissances. De même, au X° siècle se développe l'École de la Géographie administrative proposant des itinéraires destinés à aider les agents du pouvoir, envoyés en mission sur de longues distances, à se repérer dans l'espace. Al-Idrisi transmit aussi ces ouvrages à l'Occident.

Autre ouvrage la Descriptio mappae mundi d'Hughes de Saint-victor, théologien d'origine germanique et venu pour étudier à Paris où il resta jusqu'à sa mort en 1141. Il réalisa un texte qui était un vaste compendium des connaissances géographiques de l'époque souhaitant raconter l'histoire du monde. Or cela correspond exactement à ce que l'on retrouve sur la mappemonde d'Ebstorf. Rien ne dit que les deux se firent au même moment, qu'ils forment un exemple cohérent, mais son ouvrage nous permet aujourd'hui de comprendre les mappemondes ressemblant à celle d'Ebstorf.

Enfin De proprietatibus rerum, traduit de l'anglais par Jean Corbechon, et rédiger par Barthélemy l'Anglais, franciscain saxe, mort en 1272, ayant étudié à Paris avant de retourner s'installer en Saxe dans un couvent franciscain. Il rédigea alors entre 1230 et 1240, cette encyclopédie complète en 19 livres comportait de vastes passages sur la géographie. C'est un ouvrage important qui fut très populaire parmi les laïcs au contraire des ouvrages précédents. C'est donc grâce à Barthélemy l'Anglais que le savoir géographique est transmis aux laïcs (parlant le latin) d'abord les princes et les rois puis dans les couches aisées de la population. Jean Corbechon le traduisit ensuite en français vulgaire pour qu'il soit à la portée de tous.


... A SUIVRE

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