lundi 10 octobre 2011

Contemporaine 10 - 10

Précédemment : Contemporaine 03 - 10


















En 1787, le Congrès est la seule institution fédérale et elle invite aux États à envoyer des délégués pour discuter d'un possible État fédéral. Les délégués se rassemblent, siègent en secret et en petit nombre (Franklin, Edison, Adams, Washington, … ) uniquement des modérés, aucun radical. Ils sont unanimes sur une constitution libérale qui serait une République avec des pouvoirs séparés, un législatif puissant et les libertés fondamentales y seraient garanties. Par contre, ils se divisent sur la plus ou moins grande centralité de l'État fédéral ainsi que la manière dont les nouveaux États seront représentés (certains en fonction de la population, d'autres le même nombre de représentants pour chaque État). Avec le bicamérisme le compromis est fait : la Chambre des représentants est proportionnelle à la population, le Sénat donne deux voies à chaque État. En Europe le bicamérisme est surtout une chambre populaire et une chambre aristocratique, une forme de maintien traditionnel. Ce n'est pas le cas aux USA, en septembre 1787, la constitution est approuvée et signée donnant naissance à la première République moderne, premier État fédéral, premier président de la République, un partage clair des prérogatives entre l'État fédéral et les petits États ainsi qu'un partage équitable et équilibré des pouvoirs. Dans les mois qui suivent, un grand débat public est organisé pour savoir si cette constitution doit être acceptée, mais le débat portent surtout sur le fédéralisme ou l'anti-fédéralisme. C'est le moment de politisation des États populaires. Au final, cela débouche sur la ratification de cette constitution. Une fois acceptée, le Congrès fait passer un document sur les droits fondamentaux du peuple et assure à l'État la fonction de les garder.

Le Congrès vote alors pour élire le premier président Georges Washington, forge une nouvelle monnaie, se donne une capitale (Washington). Les USA connurent très vite une vie politique active et les tendances libérales furent dépassées par un courant démocratique qui dans les années 1820 et 1830 donne le droit de vote à tout les habitants, et élisent au suffrage indirect le président Jackson.


Ce peuple fut longtemps valorisé comme celui qui a choisi son régime et l'a garanti par une constitution écrite, la liberté et la raison furent valorisées et illustrèrent que la révolution est possible. Les textes qui furent rédigés deviennent alors fondamentaux (Jefferson sera en France pour la rédaction de la DDHC).

Cependant, certains esprits tels Mirabeau, Condorcet et d'autres furent bien plus sceptiques face à cette révolution. A leurs yeux, la puissance exécutive est très limitée car les américains redoutent et s'opposent à la monarchie, mais si le président vient du peuple, les poids et contrepoids n'ont rien à faire dans une République. Autre point noir la nation est unique, elle doit alors avoir une assemblée unique, le bicamérisme leur semble aberrant en République. La chambre haute leur paraît être un maintien des élites aristocratiques, il ne saisissent pas le bicamérisme. Ultime point de critique, l'inachèvement de la révolution américaine avec une révolution sociale étouffée.


  1. La Révolution sociale n'aura pas lieu


Pendant la guerre et pendant la rédaction constitutionnelle, la révolution fut sociale toujours présente. De multiples mouvements populaires urbains ou ruraux réclamèrent le blocage des prix face à une inflation. Ils provoquent alors des blocages et des émeutes quand leur proposition est refusée par les élites.

L'image d'une armée patriote unie dans la confrontation est fausse. Seules les classes moyennes et populaires y travaillaient. Ces militaires de fortune n'étaient en plus pas payés, et une partie fut décimée par la faim. Les mutineries furent alors légions, surtout dans l'hiver 17?? où les classes populaires, les paysans et les ouvriers s'unissent pour avoir leur argent. Tout les États entrent aussi en insurrection, et les mouvements populaires se multiplient. Les fermiers veulent leur loyer, les esclaves se révoltent et rejoignent les armées britanniques, … La demande générale est l'annulation des dettes où du moins un remboursement en papier monnaie (qui est dévalué), l'accès à la terre et son partage ainsi qu'une meilleure répartition des richesses. Blocage au Congrès on s'y refuse, on fait juste quelques maigres concessions (réduction de quelques taxes, remboursement partiel en papier monnaie, …) et on réprime beaucoup (pendaison des régulateurs du Massachusetts, répression des émeutiers, mise à mort d'esclaves révoltés, …). Les évolutions restent maigres suppression de la noblesse aux USA (pas de la riche bourgeoisie), suppression du droit d'ainesse (qui touche surtout les riches, les pauvres n'ayant pas d'héritage), suppression de la lettre adultère, … Mais toujours aucune réelle répartition des richesses.

Une partie des colons restée fidèle à la couronne, possédait de grands domaines, ceux-ci vendent une petite partie de leurs terres aux paysans moyens et aux paysans les plus pauvres. Pourtant la plus grande partie de leurs terres furent confisquées par l'élite américaine. Face à la quantité de terres récupérées par les élites, celles-ci pouvaient en avoir suffisamment personnellement pour vendre le reste à des classes moyennes de paysans, qu'elles s'attachaient ainsi. D'autre part, les fermiers ne purent améliorer leur niveau de vie mais devinrent propriétaires.

La Révolution n'a pas changé la structure de classe, les élites coloniales passent à la tête des structures étatiques, seul Jackson approfondira un processus démocratique où le suffrage était encore censitaire.

Enfin, cette révolution n'a pas touché l'esclavage qui fut maintenu malgré la déclaration des droits de l'homme. La question ne fut pas même débattue, on prohiba le trafic d'esclave, on mit fin à la traite (qui était déjà arrêtée, à la place on les élevait sur le terrain, on faisait de l'élevage), mais seulement dans les États du Nord. Ceux-ci pratiquaient peu l'esclavage, ils adoptèrent individuellement des abrogations de l'esclavage parfois immédiatement (Vermont, Massachusetts et New Hampshire) tandis que d'autres firent une émancipation progressive (???). Dans le sud avec les cultures de coton en pleine croissance, ce n'est pas le débat. A Philadelphie, où l'on rédige la constitution, des voix s'élèvent contre l'esclavage : Jefferson, Washington, … Mais les États du Sud s'opposent catégoriquement à son abolition dans la constitution. Seulement pour forger un État unis, les fédéralistes réalisent qu'il faut mettre la question de coté. Le Nord a trop besoin de vendre au marché du Sud et ce dernier a trop besoin d'esclave. Un compromis est donc établi, la vente des États du Nord aux États du Sud est acceptée contre l'esclavage maintenu au Sud. La question est ensuite de savoir si les esclaves comptent dans la population pour la chambre des représentants, oui mais pour 3/5, le compromis est de nouveau le chemin suivi. Après la Révolution, il faut souligner que malgré tout le courant abolitionniste prend enfin une place concrète et visible dans le domaine politique grâce à ce débat entre États du Nord et États du Sud. A coté les esclaves blancs, enchaînés à leur contrat demeurent, de même que le statut des Indiens. Avant même la fin de la guerre, les USA commencent le grignotage des terres à l'Ouest, privant les Indiens de leur territoire.


Révolution inachevée en témoignent en 1839, la grande révolte des fermiers refusant de payer leur loyer et prêts à reprendre la Révolution « là où nos pères l'ont arrêtée ». Les causes de cet échec tiennent donc à l'impératif de l'union du pays, au fait que ceux qui impulsent cette révolution sont de riches membres de la société qui ont éliminés les radicaux, ce sont des hommes attachés à la tradition et à leurs intérêts économiques, qui redoutent la barbarie et la sauvagerie populaire, tout en acceptant de l'utiliser à leur avantage. Pourtant ils ont peur et en même temps méprisent le peuple. Le processus de révolution nationale fut utilisé pour aspirer la révolution sociale et la faire taire. De plus, les élites des USA parvinrent habilement à créer une classe moyenne pour faire tampon entre pauvres et riches et à se rallier cette nouvelle classe. Les élites percevant que les plus dangereux sont les fermiers, ils vont faire en sorte de se rallier les couches supérieures des paysans pour étouffer leurs révoltes. De plus, les élites installent un protectionnisme et un marché intérieur pour s'attacher les artisans. Enfin, en réactivant les théories raciales, on évite la collusion entre les blancs, les Indiens et les noirs.









La révolution Atlantique ?





Concept inventé par Godechot (français) et Palmer (américain) en 1955. Ils partent d'un constat, l'étude de la Révolution française est trop centrée sur ce pays, il faut ouvrir sur un contexte plus large de révolutions occidentales avec notamment la Révolution anglaise et surtout la Révolution américaine. Toutes ces révolutions ne formant qu'un processus en chaîne où les révolutions de chaque pays ne seraient que des éléments dans ce processus essentiellement impulsé par la Révolutions des USA. C'est un véritable tollé historiographique qui s'explique par le contexte. Les deux auteurs venaient de lancer dans la guerre froide un moyen de répondre au mythe de la révolution russe et sociale, avec cette révolution atlantique. Aujourd'hui un tel point de vue n'est plus de rigueur.


Entre la Révolution Américaine et la Révolution Française, il existe tout un tas de révolutions politiques qui se succèdent, se répondent et se ressemblent. Après les USA, les premiers à s'agiter sont les Irlandais dont le statut est proche de celui des Américains. Malgré un Parlement irlandais, les anglais dominent la contrée. Curieusement, ils soutiennent les anglais mais demandent ensuite un allègement de la fiscalité et ???. Ce mouvement contre les anglais se nomme le mouvement patriote, composé avant tout des élites protestantes, accompagnées d'individus plus populaires. On va dans le sens d'une Révolution. L'Irlande veut une émancipation, une égalité des religions. L'Angleterre prend une fin de non-recevoir et joue des contentieux protestants et catholiques pour faire avorter cette non-révolution, cette agitation.


En Angleterre même, l'impact des USA lance des agitations populaires menées par John Wilkes. Wilkes s'en prend au Parlement britannique et au roi, le tout au nom des droits de l'homme. Il se présente aux élections parlementaire (?) est élu, mais le Parlement est cassé, le tout trois fois avant qu'il ne soit exilé à ca use de son succès populaire puis qu'il ne rejoigne les conservateurs. Des dissidents demeurent, dénoncent des élites corrompues alors qu'il y a une crise sociale (violences, manifestations, pillages, …) conséquence du succès des USA. Cependant, la couronne va fermement réagir et réprimer ces agitations. Notons que tout au long du XIX° siècle, l'Angleterre restera à l'écart des mouvements révolutionnaire et incarnera la solution réformiste.


Dans l'espace suisse, il y a de très grandes inégalités sociales qui se traduisent par des inégalités de représentations (comme en Autriche). Il y a une grande insurrection à Genève mais qui échoue et est réprimée.


Dans les Provinces-Unies, il y a un chef de l'État (le stathouder) qui d'une certaine façon est un monarque puisque son statut est héréditaire et que les stathouders venaient essentiellement d'une même famille. Le stathouder est à la tête des différentes provinces du pays. Ces provinces ont des assemblées tenues par la noblesse et les élites urbaines. Ils détiennent un pouvoir local et on les nomme les régents. Vers 1780, un déclin militaire se fait sentir et les Provinces-Unies se font avoir sur le plan diplomatique. A cela, le stathouder souhaite augmenter son pouvoir et veut réduire l'impact et la puissance des assemblées. Les régents se révoltent et poussent à l'action contre cet tentative absolutiste. A coté, un courant se développe, non en faveur du stathouder ou des régents, mais du peuple. Il se prénomment les patriotes. Les régents représentent un mouvement aristocratique qui visent à limiter les pouvoirs du roi pour maintenir ou augmenter les pouvoirs aristocratiques. Seuls les patriotes ont une visée démocratique. Insurrections, violences politiques, barricades, … Le stathouder est menacé car régents et patriotes se rallient, prennent des villes et tiennent quelques régions. Les patriotes profitent de ce succès pour radicaliser leur position qui est mettre en place un régime démocratique (fiscalité allégée, droit de vote, égalité des richesses, …). Les régents sont effrayés et se rapprochent du stathouder. Il y a scission du pays entre les royalistes (???) et les patriotes. Or aux élections des Parlements les patriotes gagnent les places. Intervention immédiate de l'armée prussienne avec l'accord anglais qui écrasent les patriotes et censure la presse.


Les Pays-bas autrichiens (actuelle Belgique) connaît sa révolution. Les Belges se dressent eux contre l'Empereur d'Autriche, un despote éclairé. Cet empereur veut moderniser l'administration et encourager l'industrialisation et effecteur un changement dans la formation du Clergé. Bref les réformes éclairées du libéralisme économique autrichien révolte les belges. Ceux-ci font une révolte conservatrice et s'allient avec les indépendantistes. Ils se soulèvent au sein d'un mouvement : La République des États-Belgiques-Unis. C'est un succès mais les deux camps se déchirent après leur victoire, la pays se divise entre démocrates et conservateurs, l'Autriche de son coté réunit ses armées et en trois mois met fin à la Révolution brabançonne.


Ce qu'on constate c'est que ces révolutions ont de forts liens et des points communs récurrents. Il y a aussi des points communs dans les idées : désirs de réformes, rejet d'une société traditionnelle, volonté démocratique et parfois répartition des richesses, … Le vocabulaire est souvent le même. Partout des unions ont lieu entre conservateurs et démocrates contre la monarchie avant de se diviser et d'être réprimé.

Pour les deux auteurs il n'y a qu'une révolution atlantique qui serait bourgeoise, libérale, contre la monarchie, impulsée par les élites qui ont put s'enrichir et qui ne supportent pas de perdre leurs privilèges. De plus, elles ont lues les mêmes textes issus des Lumières. Le tout provoquerait ces révolutions. Autre interprétation, la Révolution américaine est la base qui formerait alors un processus d'enchaînements de petites révolutions (dont celle de la France).


Les critiques viennent de l'amalgame rapidement fait par ses auteurs, car si les fondements et le déroulement de ces révolutions sont souvent proches, il y a des spécificités à chaque mouvement qu'il ne faut pas négliger. Autre point de critique, la théorie des élites enrichies ayant lues les œuvres des Lumières et qui provoquent la Révolution ne se déroule pas en Espagne et en Russie, où malgré ces élites, il ne se passe rien. Autre soucis, les élites éclairées ne sont pas les seules dans la Révolution, le peuple intervient dans un contexte socio-économique qui est négligé dans cette théorie. Enfin, le vocabulaire employé est toujours le même mais il ne veut pas dire pour autant que les gens de l'époque y mettaient le même sens. La similitude du discours ne veut pas dire similitude des processus.


Alors certes les idées des Lumières se sont propagées un peu partout, certes une conscience révolutionnaire naît du succès américain, certes il y a une bourgeoisie qui s'enrichie à l'époque via le succès des échanges commerciaux. Pourtant cela ne suffit à dire qu'il y des révolutions qui s'enchaînent, les mouvements dans cet espace sont hétérogènes, ne s'enchaînent pas logiquement, …Bref, il faut étudier ces révolutions chacune dans un contexte isolé puis les mettre en rapport avec le contexte mondial. Amérique et Europe sont alors traversées par des questions semblables (peuple, liberté, droits de l'homme, …) mais les réponses sont variées et ancrées dans un contexte particulier, dans des contextes locaux.

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