mardi 25 octobre 2011

Etat 24 - 10

Précédemment Etat 17 - 10










  1. Autonomisation du pouvoir politique par rapport aux divers groupes sociaux


Elias et Weber soulignent tout deux que l'État développe une logique qui lui est propre, distincte des intérêts des divers groupes sociaux constituant la société. Cela se distingue de l'analyse de Marx qui préfère voir l'État aux mains d'un groupe social : les capitalistes. On voit alors se développer des expressions « intérêt public », « bien public », … L'État défend un intérêt public propre. Pour autant,

sa construction se développe aussi dans l'apparition de groupes sociaux qui se reconnaissent au travers de l'État. L'État devient un enjeu de lutte pour les différents groupes sociaux qui pourraient en tirer certains avantages.


Quand l'État se met en place, deux logiques se retrouvent : la transmission du pouvoir par hérédité d'un coté et la transmission du pouvoir par compétence de l'autre. Au XV° siècle, un nouveau groupe social apparaît en Europe de l'Ouest : la bourgeoisie. Celle-ci est un groupe social urbain, aisé qui tire sa richesse de l'essor du commerce. Quand elle émerge, les grandes universités médiévales apparaissent en Europe et dans le public de celle-ci, une petite fraction est noble, la majeure partie est bourgeoise. Elle y voit une possibilité d'ascension sociale et pense pouvoir par cette scolarité revendiquer des compétences nouvelles dans la pratique du droit et la gestion de l'État. L'écrit prend aussi une place prépondérante. Elle va donc en grande partie alimenter les fonctionnaires de l'État profitant de la transmission du pouvoir par compétence. On voit donc une distinction progressive entre les proches du roi et un autre corps, celui d'agents spécialisés dans le fonctionnement de l'État. Ce proc

essus se fait sur le long terme.

Même si bourgeoisie et noblesse ont des intérêts divergents et se retrouvent souvent en conflit, l'État ne prend pas partie et se pose en arbitre. Dans la fiscalité, l'État l'applique aux deux groupes en même temps sans faire de distinction. L'État devient l'acteur central dont le rôle est surtout de régulation.


L'État effectue donc de plus en plus les tâches de gestion et de contrôle des finances qui auparavant pouvaient se faire par d'autres agents. De plus, il défend les intérêts de l'État au sens large et non juste des intérêts et enjeux locaux.



  1. Les caractéristiques de l'État bureaucratique


  1. Pouvoir impersonnel régit par des normes uniformes


Weber distingue domination traditionnelle, charismatique et légale-rationnelle. L'État s'appuie sur cette dernière, la légitimité repose sur la légalité et la rationnalité. Les dominés obéissent aux lois qu'ils jugent légitimes. L'exercice de la domination est dépersonnalisé, on n'obéit pas à des individus mais à des règles et des fonctions. Même les rôles politiques sont étroitement encadrés par ses règles et ses fonctions.

Le second élément qui définit pour lui l'État est la bureaucratisation et l'institutionnalisation de l'État. L'institutionnalisation étant le processus par lequel une organisation se constitue en structure différenciée du reste de la société, et la bureaucratisation renvoyant à l'organisation d'une structure selon un certain nombre de règles formalisées et rationalisées. Les deux ne vont pas forcément de paire. Les deux éléments sont aussi des caractéristiques de l'État moderne et cela se constate à travers la figure du fonctionnaire de carrière qui a une tâche anonyme et impersonnelle. Ils ne s'approprie pas les moyens d'administration, leurs intérêts sont distincts de ceux de l'État et ils ne cherchent pas à s'approprier les bénéfices de l'État. Ce système est différent du pouvoir patrimonial, lorsque le pouvoir est un patrimoine, un bien privé pour celui qui exerce le pouvoir, lorsqu'il n'y a pas de distinction entre le personnel et le public. Cet État m

oderne repose sur une ??? juridique de plus en plus précise, une bureaucratisation croissante des charges et des fonctions publiques, une différenciation de plus en plus grande entre les emplois publics et les emplois privés (ni achetables, ni échangeables). De plus, cet État moderne à de plus en plus besoin des compétences de ses agents, car le pouvoir de l'État est devenu si conséquent qu'il a besoin de ressources nombreuses (cartographie, statistiques, démographes, …). Des techniques se développent qui sont liées à ce fonctionnement.


  1. Le fonctionnariat moderne


Les fonctionnaires sont des hommes libres obéissant seulement au devoir que déterminent leur fonction et la loi.

Ils sont recrutés par contrat et à partir d'une sélection ouverte à tout les citoyens, le concours. C'est ce qui doit garantir l'égalité d'accès de tous les citoyens à la fonction publique puisque cela est permis par la compétence professionnelle qui prime. Le concours devient ainsi le mode de recrutement par excellence pour définir l'État

moderne.

La rémunération est fixée à l'avance selon une échelle de salaire strictement définie et qui se fait selon l'ancienneté. Cela permet aux fonctionnaires d'être indépendants de leurs supérieurs. Rien ne doit influer sur le fonctionnaire.

Enfin les fonctionnaires ne peuvent pas s'approprier leur fonction et leur emploi.


Pour Weber tout ces fonctionnements font du fonctionnariat l'organisation la plus rationnelle et la plus juste. D'abord dans le mode de recrutement, on recrute sur les compétence et non l'origine sociale. Cela permet de rendre adéquat la personne qui doit accomplir une tâche à cette tâche. C'est aussi le mode de recrutement le plus juste car le plus égalitaire. Cela reste un système considéré comme légitime. Enfin l'action des pouvoirs publics est encadrée par la loi et les citoyens sont protégés des décisions arbitraires.


La bureaucratie remplace une gestion sur le mode du clientélisme par une gestion organisé par des experts eux-mêmes caractérisés par leurs compétences. Cela permet enfin une plus grande prévisibilité de l'administration puisqu'elle

obéit à la loi. Cela augmente l'outil administratif et permet de mieux contrôler les libertés, mais aussi aux gouvernés qui ont accès à de plus en plus à des biens publics.

Toutefois, ce fonctionnement optimale de l'administration est loin d'être absolu et possède ses dysfonctionnements. C'est un idéal type que propose Weber, loin de la réalité.


  1. La sélection du pouvoir politique : une « noblesse d'État »


On peut voir dans les grands principes l'évolution des corps politiques passant d'une aristocratie à une méritocratie devant aller de paire avec la démocratisation de l'accès à la fonction publique. Or ce n'est pas véritablement le cas. Il semblerait qu'au sommet de l'État se constitue une nouvelle élite. Les études qui s'y intéressent ont tendance à étudier les hauts fonctionnaires, les plus petits, ont part du principe que la mixité y a effectivement lieu.

Y a t-il corrélations entre élite politique, élite économique et élite administrative où existe-t-il une vraie autonomie de l'État vis à vis de ses élites ? Cette question est récurrente sur toutes les époques.


Concernant l'idée d'une présélection par l'origine sociale, cela renvoie au rôle joué par l'État dans une présélection. La plus célèbre étant Les héritiers de Pierre Bourdieu. En principe, l'institution scolaire parle biais des diplômes et des concours sanctionne de façon égalitaire les individus aptes à entrer dans le corps de l'État. Au delà de ce principe, la réalité montre que l'école oriente les stratégies de reproduction des élites dominantes pour lesquelles l'école est un nouvelle contrainte, en même temps qu'il s'agit d'un nouveau système de légitimation. Le concours plus facile à obtenir pour certaines classes sociales que pour d'autres permet aux classes dominantes de masquer leur domination (comme le grand oral de l'ENA). Tout ça forme selon Bourdieu, une noblesse d'État.

Sur la question des activités même des fonctionnaires et le fait qu'il côtoient et soient membres d'une élite, on constate, en tant que spécificité française, qu'il y a un cumul des mandats, dans différentes domaines d'activités (grande entreprise privée et cabinet ministériel par exemple). Un cas est très représentatif : le pantoufl

age, ce processus de passage des hauts postes de l'État à un haut poste dans le secteur privé. Pour l'interpénétration entre élite administrative et élite politique, on constate que le fait d'être haut fonctionnaire, c'est une voie d'accès au mandat électif. En France, entre 1958 et 1978, près de 30% des députés proviennent du secteur public. En 1981, c'était 51%, en 2002 on est tombé à 27%. D'où l'apparition d'une nouvelle figure dans l'État : le technocrate, celui qui a le pouvoir par la science, une sorte d'expert de l'État mis en place par De Gaulle lors de la V° République, qui voulait renouveler le personnel politique.



Entre le Moyen-Age et le XVIII° siècle, on passe d'une concurrence pour le territoire à une concurrence pour des ressources et l'accès à des postes au sein de l'État. Il y a un double processus d'autonomisat

ion et de complexification de l'État. Cela soulève plusieurs question : y a-t-il une nouvelle féodalité qui se reproduit ? L'extension du nombre de fonctionnaire et de l'administration, surtout depuis le milieu du XIX° siècle, aura-t-il une fin (1850 : 200 000 de fonctionnaires, 1900 : 500 000 de fonctionnaires, 2000 : 2,5 millions de fonctionnaires, surtout les administrations sociales et culturelles) ?







L'État et ses trajectoires







On peut voir quatre générations d'États. La première s'est faite en réaction aux structures médiévales et qui deviendront des États nations au XIX° siècle. La seconde génération naît au XX° siècle sur les ruines des empires Ottoman, Allemand et Austro-Hongrois, l'entre-deux guerres étant marquée par l'édification et la maintenance de ses nouveaux États. La troisième générations d'États naît de la décolonisation du XX° siècle et l'État a pour charge de bâtir la nation. La quatrième génération viendrait de l'implosion du bloc soviétique et ses répercussions dans les Balkans. On remarque donc une grande diversité d'origine de ses États. Leurs points communs à tous, sont un centre politique spécialisé, institutionnalisé, différencié et autonome du reste de la société. Au delà de cela, chaque État à sa constitution spécifique, même si on constate des grands axiomes généraux dans leur construction.



  1. Facteurs explicatifs de différentes trajectoires étatiques


  1. La guerre


Charles Tilly, historien américain, considère que la guerre et le renforcement militaire constituèrent les États nations. Plusieurs raisons sont mises en avant pour justifier ce lien. Pour construire et maintenir les forces armées, les agents de l'État durent construire des administrations puissantes composées de fonctionnaires. En temps de paix, la capacité administrative de l'État est transformée soit pour maintenir les activités guerrières de l'État ou bien pour s'en servir dans d'autres domaines (???). De plus, après la guerre, les conscrits et les participants à l'effort de guerre revendiquent les droits qu'on leur a promis et que l'État doit garantir. Enfin, pendant la guerre l'État accumule des dettes et pour le gérer, il doit créer une bureaucratie au service de la dette ou intervenir dans l'économie pour accumuler les ressources.

Cette analyse ne tient pas compte de la dimension culturelle, de la religion ou du nationalisme. De plus, elle ne donne pas assez de poids aux origines internes de l'État.


  1. L'économie


L'idée principale met en avant le rôle de capitalisme marchand sur la structure de l'État. Ce marché capitaliste se développant au XV° siècle donne une structure à l'État selon la place qu'il occupe dans ce système économique. Deux cas se démarquent. Celui où se développe un capitalisme industriel intensif (France, Grande-Bretagne, Pays-Bas) où se développe une puissance bureaucratique étatique. A l'inverse les pays où les activités de production traditionnelles sont conservées avec une intervention étatique plus faible. L'État à moins de ressources à capter et donc les rentrées sont plus modestes.


  1. La religion


Une différence existe entre les pays de tradition catholique et ceux de tradition protestante. La Réforme qui a scindé ces deux groupes sous Luther en 1517. Il milite pour que les croyants ait un accès direct aux textes bibliques sans passer par un intermédiaire ecclésiastique. Critiquant ainsi la bureaucratie pontificale, il critique aussi toute forme de bureaucratie la parole divine étant supérieure à la parole politique.

Dans les pays protestants, une méfiance vis à vis de l'État subsiste, le cantonnant à des fonctions minimales. A l'opposé, l'Église ébranlée par la Réforme va aller chercher des appuis auprès des structures étatiques en créant avec elle des alliances, accroissant son autonomie et sa légitimité.

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