dimanche 23 octobre 2011

Géo des Suds 19 - 10

Précédemment : Géo des Suds 12 - 10



Pour Jeanne-Marie Amat-Roze, il existe un syndrome subsaharien spécifique qui explique la vulnérabilité des populations aux maladies. Bien après l'indépendance, ces pays montrent le taux le plus élevé de décès liés à ces maladies, qu'on sait pourtant prévenir ou soigner. Les taux de décès liés à ces maladies en Afrique sont de 50%, 25% en Inde.


L'autre expression de ce syndrome subsaharien de vulnérabilité, c'est la réapparition de maladies qu'on croyait terminées. Le choléra par exemple est bien connu mais dans plusieurs régions subsahariennes, il existe toujours mais de plus est devenu endémique. Donc cela indique clairement que les gens ont accès à des eaux polluées. Cette maladie est un indicateur puisqu'il est lié à la pauvreté.

Depuis la fin des années 1970, on a constaté des épidémies de fièvres hémorragiques virales, comme la fièvre ébola qui est insoignable et tue dans 85% des cas. Elle se transmet par des moustiques, infecte en général les animaux sauvages, donc dans un milieu organisé, elle est particulièrement rare. Au Congo, avec la guerre, les gens se sont réfugiés dans les forêts où ils furent piqués. Or la maladie est très contagieuse et en revenant au contact de ville ou autres milieux urbains, cela se transmet. Des thèses ont montré que la mobilité propage la maladie. Le problème tient donc à l'aménagement et l'organisation du territoire plus que la pauvreté.

La chloroquinorésistance indique le développement d'une forme de paludisme résistante aux traitements.

Le SIDA depuis sa découverte est très élevé.


On n'a pas une transition de maladies liées à la pauvreté aux maladies de riches, en fait, il y a un cumul de ces maladies dans cet espace.


  1. Des risques nouveaux ou réactivés


Parmi toutes les maladies dites récentes, le SIDA touche énormément l'Afrique. Plus des deux tiers de la population séropositive du monde est en Afrique. Ce continent est le plus touché par la maladie et c'est aussi ici qu'on en meure le plus. Au sein même de l'Afrique, il y a des inégalités dans cette maladie. En effet, le taux de prévalence le plus élevé touche toute l'Afrique du Sud : Namibie, Zambie, Zimbabwe, Swaziland, Lesotho, Botswana et Afrique du Sud. Donc cela ne tient pas à un niveau de richesse particulier. Plus au Nord, la maladie est mieux maîtrisée et enrayée. En Afrique de l'Ouest notamment, le SIDA est largement moins présent.

Cela s'explique par la pauvreté qui empêche l'accès au médicaments contre les MST, on a donc des malades non-soignés, qui aggravent ce facteur de vulnérabilité. De plus, les situations de polygamie font empirer cette situation d'autant qu'il y a une grande mobilité. Ainsi, des hommes peuvent rester 5 à 6 ans en ville, voir des prostituées et en revenant dans leur village ils affectent leurs femmes, souvent très jeunes, qui vont aussi transmettre la maladie à leurs enfants. Il ne faut pas y voir un déterminisme, mais généralement cela est le cas.

Enfin, le SIDA est en Afrique une maladie essentiellement hétérosexuelle or les femmes par leurs constitutions biologiques, y sont plus exposées. Or les femmes ont des relations sexuelles très tôt ce qui explique une explosion de la maladie.


D'autres phénomènes sont inexplicables, on trouve dans la vallée du Sénégal de nombreux séropositifs mais très peu de malades. Cela dure parfois 20 ans à 30 ans.


En plus, des morts directs, de manière indirecte, le SIDA permet aux maladies opportunes de tuer son porteur, dont la tubercolose est la principale cause de décès.

Au delà de cela, le SIDA bouleverse la société. Les principales classes d'âges touchées sont les hommes et les femmes adultes. On a donc des familles sans adultes mais avec des vieux et des jeunes. Certaines grand-mères pouvant avoir 10 enfants à charge jusqu'à ce qu'elle décède à leur tour. Du coup, sans parents, sans cultures, sans leçons, ces enfants se retrouvent souvent dans les guerres. On a donc une raison de la prévalence des enfants soldats dans les armées.

Enfin, il y a un impact dans l'économie, avec des adultes qui meurent du SIDA, il y a un déficit dans de nombreux emplois : professeurs d'Afrique du Sud, mineurs en Zambie, … Du coup, les grandes compagnies minières dépensant tellement dans les obsèques, les maladies, les absences, etc qu'elles ont elles-mêmes mis en place des systèmes de prévention et la trithérapie pour stabiliser leur main d'œuvre et s'assurer une productivité forte.


Dire que le SIDA n'est que la peste du Moyen-Age est une erreur. La maladie se maintient et se transmet très facilement très longtemps et à des conséquences humaines mais aussi économiques. Ainsi en Afrique du Sud, en 5 ans (1990 – 1994) les enfants qui y sont nés avaient 20 ans d'espérance de vie en moins que leurs parents. Pareil au Botswana (70 ans en 1980, 34 ans en 2010) et au Zimbabwe. Le SIDA n'est pas un régulateur démographique mais une réelle catastrophe pour l'Afrique subsaharienne.

L'autre problème est le coût du traitement. Au Mali, ça coûte un mois de salaire de cadre ce qui est énorme. Sans sécurité sociale, il faut être riche pour se le payer, en admettant qu'on soit au courant. Dans de telles conditions, à quoi sert-il de se faire dépister, de se protéger, … Si on a le SIDA et qu'on est pauvre, on se considère condamné.



On connaît donc en Afrique un vrai défi sanitaire puisque le syndrome de vulnérabilité atteint l'économie et que sans l'économie qui va avec, les maladies de la pauvreté se propagent.







Afrique subsaharienne : Les encadrements, entre tradition et modernité








Dans tout les enjeux de l'Afrique, quelle est la position de l'État ? D'une manière générale, quels sont les encadrements ? Pour Pierre Gourou, il s'agit de tout les procédés, les moyens, les techniques, les structures de pouvoir, … tout ce qui permet à une société de se reproduire dans le temps et dans l'espace. Les encadrements sont donc nombreux et cela permet aux géographes de traiter le politique en géographie. Mais on ne précise pas quels sont concrètement les encadrements, du coup, le sujet d'étude est vaste : la famille, le village, le lignage, les collectivités territoriales, l'État, les religions, la culture, …



  1. L'État : une entité en crise et une échelle d'action remis en cause


Une idée domine, l'État est un produit d'importation en Afrique et ne prendrait pas. Cette explication est fausse. Si l'État serait né de la colonisation, est artificiel, est déconnecté des populations, des frontières aussi, … Goran Hyden défend cette idée d'une extranéité de l'État, qui deviendrait prédateur et en même temps impuissant à agir.

Si cette définition de 1970 reste c'est qu'elle n'est pas complétement fausse. Un État prédateur et impuissant venu de la colonisation, tout le monde s'accorde. En réalité, la greffe étatique est le problème, l'État colonial en pleine dégradation fut bien réapproprié par les africains.


Une seconde thèse est apparue alors, pour Bayart, l'État est un hybride qui ne se serait pas assez bureaucratisé et institutionnalisé. Il soutient que l'État africain est un pur produit de l'Afrique dans son histoire. On aurait donc un État, produit de l'histoire local avec des responsabilités très partagées entre colonisateurs et élites africaines. Ce n'est pas un État extérieur, pas un pur produit d'importation, l'État a des origines.


  1. Royaumes et empires pré-coloniaux


Il y a eut de nombreuses structures étatiques pré-coloniales en Afrique dans deux foyers principaux : l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique des Grands Lacs (royaume d'Éthiopie, royautés du lac Victoria, royaume Shona, …). Il a existé en Afrique à partir du XII° - XIII° siècle des structures étatiques de différentes formes qui ont duré jusqu'à la veille de la colonisation.

Si ses royaumes furent niés, c'est à cause notamment de l'absence de vestiges archéologiques du fait que beaucoup des bâtiments étaient fait de terre. Une des seules exceptions est au Zimbabwe avec les vestiges du royaume de Shona. De plus, le décalage entre la perception des premiers européens et l'aspect de ces royaumes était énorme.


Cependant, on ne devrait pas sous-estimer la force de ces structures étatiques, puisqu'après leur déclin, ces structures connaissent un retour aujourd'hui. Le président de l'Ouganda prête serment au roi du Buganda. Depuis, les années 1960 les élites se sont battues contre le colonisateurs pour leur indépendance et n'avaient aucun intérêt à évoquer l'ancien royaume. Certains voulaient même supprimer le pouvoir archaïque. Puis avec les années 1990 et 2000, cela est revenu assez puissamment. Des chercheurs réveillent cette mémoire et constatent la rénovation d'anciens lieux importants, les rois réaffirment leur titre dans un nouvel État, retour de traditions locales oubliées, … En regardant qui étaient ces rois, on s'est aperçus que loin d'être de vieux analphabètes éloignés du monde, ce sont des élites modernes éduquées à l'étranger, intégrées, ayant un fort capital social, membre du parti dominant et souvent élus (roi et député), hommes d'affaires aussi parfois, … Ces descendants d'anciens rois pratiquent un straddling, ils ont plusieurs casquettes et plusieurs types de ressources pouvant changer de casquette quand ça les arrange. Ainsi le roi des Mankon, au Cameroun, est un jeune homme ingénieur agricole qui ne prend sa fonction que lors des cérémonies dans son fief. Il a fait ces études aux USA et est certainement quadrilingue (français, anglais, langues locales). Il a aussi un pied dans l'État avec un statut de fonctionnaire proche du ministre de l'agriculture. Il a financé des bourses aux étudiants, construit une association d'aide à son peuple, a lancé des projets avec les ONG internationales (pisciculture, laboratoire zootechnique, projet d'eau potable, réseau internet établit, …). Étant parlementaire, il est député de sa région et a l'oreille du président du pays. Ce n'est pas une exception, le roi du Buganda fait de même mais par son âge a partagé les tâches à ses fils. Ces structures étatiques royales et impériales sont aujourd'hui réactualisées dans un nouveau contexte. Leur effacement durant plusieurs décennies n'a jamais réussis à totalement les faire disparaître.

Au Ghana, une royauté ashanti existe. Les familles sont organisées selon leur proximité au roi. On trouve un roi, une reine mère et un conseil des anciens. On trouve aussi à coté, un gouvernement étatique avec son président, son gouvernement, ses gouvernements régionaux et locaux, … Pour l'État, on élit les représentants, pour le royaume, l'élection est souvent indirecte. Les deux systèmes sont légitimes et cohabitent difficilement. Malgré la tentative de suppression de la version coutumière fut un échec puisque ceux-ci restait cachés. Dans les années 1980, un accord fut passé pour conserver les deux et qu'un individu puisse être membre des deux fonctionnements. D'ailleurs, certains membres du gouvernement coutumier sont parfois des individus qui n'étaient pas entrés dans cette tradition.

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