mardi 25 octobre 2011

Médiévale 24 - 10

Précédemment Médiévale 17 - 10



Au V° siècle, début du Moyen-Age, la plupart des morts chrétiens étaient enterrés dans de vastes espaces à l'écart des habitations. On parlait alors de champs funéraires ou de nécropoles de plein champ. De manière marginale, on trouvait une pratique qui consistait à se faire enterrer à l'écart, près du corps d'un Saint, près d'un sanctuaire ou dans son grand domaine, mais cela était réservé à l'élite. L'Église contrôlait encore très peu l'inhumation.

La première évolution important fut le rapprochement des lieux d'inhumation et le lieu d'habitation, qui se fit à la fin du VII° siècle et surtout au cours du VIII° siècle. Dans ce nouveau cimetière, les morts sont enterrés en pleine terre, on utilise alors plus de sarcophage sans marquer l'emplacement de leur tombe. Tous sont enterrés dans un champ près de l'église et on laboure la terre régulièrement tout les 10 à 20 ans pour enterrer de nouveaux morts. On récupérait les ossements qu'on rangeait alors dans des ossuaires. Ces morts devaient protéger la communauté. L'Église insistait alors au VIII° siècle sur le fait qu'il ne fallait pas être enterré dans l'Église, les nobles trouvant cela plus prestigieux. Les clercs insistaient sur le fait que cela était réservé aux ecclésiastiques. Cela fut inégalement appliqué selon les endroits.

Ce ne fut qu'au X° siècle que l'usage du mot cimetière devint courant dans les usages liturgiques. C'est aussi à cette époque qu'on assiste aux premiers rituels pour consacrer cette terre des morts. Cela n'avait rien d'évident car à l'origine du christianisme, il était interdit de consacrer les terres où se trouvaient des corps inhumés. La plus ancienne consécration d'une terre de cimetière eut lieu en 971 avec Gérard de Tool à Saint-Michel du Mont Bar. Cela fut imité au XI° siècle par les autorités pontificales. Dorénavant, il faut absolument être enterré dans ces terres pour obtenir le salut. Anselme de Laon juge bon de faire croire cela aux fidèles pour les effrayés mais qu'évidemment chacun sait que ce n'est pas vrai. Cela donne un poids au curé local.

Le cimetière n'est pas encore clôt dans les villages et cela se fait du XI° siècle au XIII° siècle, jusqu'alors, on avait des maisons construites sur ce cimetière, les villageois s'y réunissaient pour y tenir des assemblées de justice, des assemblées de communauté villageoise ou encore pour y tenir des marchés (car c'est un espace dégagé dans le village et que cette terre consacrée, faisait redouter aux villageois de mentir, pour les assemblées, ou de voler les gens, pour les marchés). A partir du XIII° siècle, ce genre de pratiques est interdite et cela fonctionne pour les marchés et les constructions, mais beaucoup moins pour l'interdiction des assemblées villageoises qui résistent jusqu'au XV° siècle. Les gens conféraient vraiment à la terre du cimetière des pouvoirs puissants. Les enterrements se faisaient souvent au plus près de l'Église dans ce cimetière pour s'assurer l'aura dégagée par les reliques.


L'espace chrétien s'organise donc autour de pôles importants constitués par l'Église.



  1. Le tournant grégorien : rêve d'un contrôle centralisé de l'espace (XI° - XII° siècle)


  1. Une réforme portée sur le terrain


Cette réforme grégorienne est un moment de profonde transformation du fonctionnement de l'Église, il fallait donner à celle-ci une autonomie vis à vis des seigneurs laïcs et des souverains dont l'Église n'avait jamais disposer auparavant. A cette époque, le pape s'affirme comme le véritable chef de l'Église latine au sens où on ne lui reconnaît plus une simple autorité morale. Le pape prétend en effet, intervenir directement dans le fonctionnement des églises des différents royaumes et donner des instructions au clergé et aux autorités laïques de ces royaumes. Jusqu'alors, ces églises s'étaient organisées de manières complètement différentes autour de leur souverain, ceux-ci nommant souvent de proches aux places cléricales et récupérant les profits dégagés par les églises qu'ils avaient put fonder. Jusqu'au XI° siècle, le pape avait encore moins de pouvoir que les empereurs ottoniens qui avaient imposé de choisir eux-mêmes le pape. Celui-ci devait ensuite prêter serment à l'Empereur. C'était certes une mise sous tutelle du pape, mais c'était aussi un moyen d'être protégé puisqu'entre 888 et 962, huit papes furent assassinés ou emprisonnés par des rivaux. On stabilise ainsi l'autorité papale car l'assassinat du pape provoquerait les foudres de l'Empereur. Cependant, le pape ne pouvait avoir de réel pouvoir, il émettait des recommandations, des condamnations qui n'étaient pas toujours respectées par les laïcs ou les ecclésiastiques. Il pouvait aussi tenir des Conciles, des oecuméniques. Il pouvait aussi assurer sa protection. Le monastère de Cluny fondé par Guillaume d'Aquitaine, Guillaume Le Pieux, est placé sous la protection de Saint Paul et de Saint Pierre. Le pape protégeait cette abbaye et tout les 5 ans, un moine était envoyé à Rome pour donner à la papauté un cens de dix sous d'or, en échange de quoi, la papauté assurait la protection contre les seigneurs locaux. Seul l'émission de privilèges donnait aux clunisiens des dérogations pour échapper à la coupe des religieux locaux. Ces dérogations obligeaient souvent le monastère à devoir le mettre en place et l'imposer aux alentours de lui-même.


La papauté se renforce dans cette période et avec Léon IX (1049 – 1054) qui interdit la simonie (paiement de charges ou de sacrements) et le nicolaïsme (vie en concubinage). Mis en place dans Pavie en 1022, Léon IX va en fait pour la première fois mettre en place la réforme sur le terrain. Ainsi, il se déplaça dans toute l'Europe pour promouvoir cette réforme. Il part alors de Pavie et se rend ensuite à Reims, haut lieu du lien entre pouvoir religieux et pouvoir politique. Il décide d'y diriger un Concile et demande à Henri I, le roi de France d'y venir mais en restant sous la direction de Léon IX. Le roi convoque alors l'ost royal, qui évite aux évêques et aux archevêques de payer une taxe et de rejoindre les rangs de l'armée royale, en échange de quoi si le roi convoque l'ost, ils doivent venir. Du coup, Léon IX entre dans une fureur et dépose tout les évêques et archevêques partis à l'ost royal avant de revenir sur sa décision et de faire pénitence. Il part alors en Germanie voir son ami Henri III qui accepte sa réforme tout en sachant qu'une fois le pape parti, il ne l'appliquera pas. Léon IX lors de son voyage a consacré de nombreuses églises et considère alors que celles-ci sont reliées à Rome. Il instaure donc des relais dans sa politique réformatrice et fait aussi des points d'ancrage qui l'informeront aussi sur l'évolution du contexte dans ces régions.


On a ensuite pour la première fois des territoires placés sous l'influence du pape avec en 1080 Grégoire VII (1073 – 1085) qui envoie un légat à Cluny pour régler un conflit entre les moines de Cluny et les chanoines de Mâcon. Ces derniers accusaient les moines de Cluny de leurs voler des biens et l'évêque de Mâcon avait excommunié un certain nombre de moines clunisiens. Le légat tranche en faveur des moines clunisiens. Il définit aussi un territoire protégé de trois kilomètres de diamètre autour du Cluny dans lequel, aucune autorité laïque ne peut exercer le moindre pouvoir.

Cela évoque les sauvetés du Sud-Ouest de la France, territoire délimité par des bornes autour d'un monastère ou d'une église à l'intérieur desquels on devait laisser la paix des moines locaux. Cela était à la charge des comtes et ducs locaux, les grands laïcs.

Dans notre cas de Cluny, seul le pape et ses envoyés ont le droit d'intervenir sur ce territoire sacré, les autorités laïques sont dépossédées. Urbain II (1088 – 1099) lors de son voyage à Cluny définit un second banc sacré plus vaste (5 kilomètres) et dont les bornes sont désignées comme les bornes tendant vers les villes importantes des environs (une borne est tendue vers une ville). Cette définition devient floue et assure la vocation de ce territoire à devenir de plus en plus vaste, étendant le pouvoir du pape sur cette zone. Dans la suite de son voyage en France, Urbain II va lui aussi consacrer des églises en France. Tout cela montre par des exemples pédagogiques aux souverains européens que la pape peut intervenir dans ces territoires pour y mener la politique qu'il lui plaît.


  1. La re-territorialisation du diocèse


Michel Lauwers dans L'espace du diocèse rédige l'article Territorrium non facere diocesim : conflits, limites et représentations territoriales du diocèse. Il remet en cause la carte classique représentative des diocèses. Au départ, les évêques instauraient un « diocèse » dans les grandes villes impériales romaines, le terme désignait alors l'espace ???. Les archevêques, évêques installés dans une métropole romaine, exerçaient leur pouvoir dans toute la province de la métropole.

A partir du V° siècle, les textes des Conciles multiplier les appels à respecter les territoires des évêques et des archevêques. Cela montre que ce territoire est de moins en moins bien respecté par les laïcs. Le pape Gélase (492 – 496) déclare qu'il ne convient pas qu'un diocèse soit définit par des limites ou des ??? déterminés, « Ce n'est le territoire qui fait le diocèse ». Il développe alors l'idée que le diocèse ce sont les liens personnels, la convergence de fidèles autour d'un évêque. Par la suite, quand il y a conflit entre deux évêques, on fait une enquête pour savoir l'influence de chaque évêque et quels prêtres furent ordonnés par tel ou tel évêque, chaque zone d'influence de prêtre étant rattachée au prêtre. On ne réfléchit pas en terme de lieu mais de réseau social. On commence alors à évoquer la notion de distance, l'église ne devant être trop éloignée des fidèles, mais on parle en distance temps (être sur une grande route vers une église est plus proche que d'être à l'écart des chemins de cette église, même si la distance physique montre le contraire). Otton I érige la ville de Magdebourg en siège de capitale, de province ecclésiastique. En même temps, il établit pour la première fois une divisio terre, qui définit les limites d'une province ecclésiastique. Les empereurs qui suivent font de même, l'Église laisse faire, elle n'est pas assez puissante à ce moment là. Grégoire VII dans son Dictatus Pape déclare qu'il appartient au pape uniquement, et non aux laïcs, de créer de nouveaux évêchés, de les supprimer ou de les diviser. Il ne pourra pas la mettre en application et le premier à le faire sera Urbain II en créant le diocèse d'Arras en 1093. La lutte entre la papauté et l'Empire permit de créer des diocèses, ces territoires sous le commandement de l'autorité pontificale. Les textes antiques demandant aux laïcs de ne pas interférer dans ces diocèses sont alors réactualisés dans la réforme grégorienne. Lors des XII° et XIII° siècles, on met en application ces textes visibles par les textes de bornages de ces territoires. Un système territorial remplace ce système social.

Cela ne se fait pas sans heurts entre évêques. L'évêque de Vienne et celui de Grenoble se disputent sur les limites de leurs diocèses. En 1116, le pape Pascal II intervient et demande le nombre de châteaux dans les environs et partage en deux le nombre de ces châteaux, chaque limite territoriale des châteaux servant de territoire aux évêques.


Il n'y a donc pas eut de continuité entre les diocèses romains et les diocèses médiévaux.



  1. La fin d'une Église universelle (XIII° - XV° siècle)


  1. La territorialisation de la paroisse


La paroisse fut créée après le diocèse historiquement, mais en historiographie, la paroisse fut étudiée avant le diocèse. Zadora-Rio et Iogna-Prat travaillèrent de concert sur cette notion de paroisse que tout les historiens considéraient comme un territoire. Avec La paroisse en France, des origines au XV° siècle, de Michel Aubrun en 1986. Au départ, on disait que en histoire la paroisse avait les limites des villae des grands domaines romains. A l'époque mérovingienne Aubrun démontre qu'on avait ajouter de vastes paroisses dans les endroits encore non christianisés dont les limites s'inspiraient des territoires naturels. Enfin entre les XI et XII siècles, on voyait se multiplier les petites paroisses aux limites tourmentées qui correspondaient à la volonté de mieux encadré les fidèles.

Pour les deux historiennes, il est étrange que les autres historiens ne prennent pas en compte les travaux des archéologues de l'époque qui démontraient que l'habitat des hommes était très mobile et que ces regroupements changeaient de dix ans en dix ans. Or cela était peu compatible avec une stabilité de la paroisse. Ce n'est pas parce qu'il existe des églises paroissiales que la paroisse est forcément conçue comme un territoire. Pour compliquer encore les recherches, elles ont démontré que le terme latin de parochia dans les sources, servait pour le Haut Moyen-Age, du V° siècle au X° siècle, comme synonyme de diocèse, certains inversant même le rapport. Toutes ces sources définissant la paroisse comme une assemblée de fidèles. On nommait ainsi parfois les paroisses, les plebs (peuple), terme conservé en Corse encore aujourd'hui (pieve = peuple). La paroisse c'était alors l'ensemble des fidèles qui suivaient la messe autour d'un prêtre dans une église paroissiale, qui s'y font baptiser et font inhumer leurs morts dans le cimetière paroissial.

Lorsque la dîme est instaurée, les paroissiens sont alors rattachés à la paroisse où ils payent la dîme. C'est toujours une logique de conception sociale. La plus ancienne acceptation territoriale trouvée à ce jour se fit à Marseille en 1096, les moines de Saint-Victoire de Marseille évoquent le territoire d'une paroisse qui coïncide avec le territoire du castrum. Les allusions à la paroisse comme le territoire d'une église se fit au XII° siècle, probablement suite à la définition similaire qu'en avait fait l'Église pour le diocèse.

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