mardi 11 octobre 2011

Moderne 11 - 10

Précédemment : Moderne 04 - 10











  1. Les multiples travaux de « service »


Le secteur des services pèse plus que les secteurs de production. Avec les différents sous-secteurs, ont trouve parfois plus de 50% des populations des villes qui travaille dans les services. Les échanges marchands et négociants sont souvent le domaine de la bourgeoisie urbaine.

Tout ce qui à trait au petit commerce de proximité fait l'objet d'activités populaires puisqu'une bonne partie des échanges se font dans les campagnes par le biais du colportage, dans les rues lorsqu'on est en ville. Il existe tout un commerce extrêmement prolifique, fruit d'un commerce qui assure une part d'un revenu. La limite entre activité artisanale et activité de service est extrêmement floue, elle peut se faire au fil des rues dans les grandes villes.


L'autre grand secteur est celui des véritables services, on y trouve les travaux liés aux transports (charretiers, muletiers, convoyeurs, …), ainsi que ce qui est lié au secteur domestique (8% à 10% de la population) qui est le secteur d'emploi le plus important dans les villes.


D'une façon générale, il faut se défendre d'un monde traditionnel où le métier serait stable. Cela existe, mais

c'est une image est largement valorisée à la campagne comme à la ville. En effet, on peut cumuler les activités dans la journée, travailler à la taverne en journée et tisser des pièces en soirée. On peut faire des activités distinctes au cours de l'année parfois dans des lieux différents : paysan en été dans son village, maçon en ville en hiver. Le monde du travail populaire est donc fortement mobile entre les activités, tout comme entre les lieux. En étudiant les parcours individuels, on peut voir les changements de parcours au gré des saisons, des crises, des opportunités, … Bref il est rare qu'on garde tout au long de sa vie les mêmes activités.



  1. Hommes et femmes au travail


  1. Un seul monde


Il faut se défendre que les femmes auraient une activité moindre que les hommes, elles ont toujours travaillé (Les femmes ont toujours travaillé, Sylvie Schweitzer). Cependant elles ont toujours travaillé à moindre prix que les hommes dans la grande majorité des emplois, souvent un tiers de moins que les hommes. En effet, dans l'esprit, on pense que la femme a surtout comme tâche de s'occuper du foyer.

Pour reconnaître le travailleur, généralement on regarde le simple physique qui donne une opinion. Les femmes qui travaillent sont alors très mal perçues car on leur reproche d'avoir un aspect proche de l'homme. L'abbé Jacquin déclare « Ce n'est pas qu'il y ait des femmes, d'un tempérament vigoureux, dont les corps nerveux et la voix mâle annoncent toute la force de l'homme ». Particulièrement décelable dans les commentaires des voyageurs transalpins qui considèrent que les femmes font un métier d'homme. Dans l'autre sens, les hommes travaillant dans les activités perçues comme féminines ne sont pas déconsidérés, des paysans travaillent les dentelles en hiver.

  1. Quel partage des tâches ?


Globalement, si l'on parle des travaux des champs, les hommes prendront en main le fauchage du blé et aux femmes ainsi qu'aux enfants, la confection des gerbes. Dans le travail de la mer, les hommes iront sur la mer pour leurs activités (type pêche en mer), tandis que les femmes s'occupent de travailler sur la grève (ramassage de coquillages et crustacés). Les femmes dans les campagnes sont dirigées vers les travaux les moins qualifiés, la majeure partie du temps : le filage, sous-qualifié, temporaire et peu payé. En ville, de nouveau, les femmes pratiquent les travaux les moins qualifiés alors que les hommes peuvent effectués les tâches qualifiées. Ainsi en étudiant les manufactures, il n'est pas rare que les femmes soient plus nombreuses que les hommes. Dans les manufactures de soie, le tirage de la soie est une activité quasiment toujours féminine. Dans les manufactures de soie lyonnaise, il y aurait 5 fois plus de femmes que d'hommes.


Les représentations du tra

vail (gravures en couleur ou en noir et blanc trouvé dans des livrets ou sur des feuilles volantes) montrent la répartition des tâches chez les « cris du peuple », colporteurs des villes, comme le démontre Milliot. Les hommes sont liés aux travaux de force (porteur d'eau, revendeur de liqueur, revendeur d'épices, …) et les femmes à ceux des métiers de l'alimentation et ceux associés à l'image de la mère (porteuse de fruits et de légumes, revendeuse de lait, revendeuse de poissons, …). Il n'y pas forcément de liens avec la réalité dans ses gravures mais cela représente bien les préjugés de l'époque à l'égard du travail, l'idée que les élites s'en font. Du coup, ce n'est pas le reflet de la réalité et il est difficile d'interpréter ces gravures.


  1. Jeunes et vieux


Dés 7 ou 8 ans, les enfants du peuple so

nt mis au travail, parfois avant, parfois après.

A la campagne, certains travaux sont donnés aux enfants : garder les troupeaux, récolter le petit bois, … En ville, ce sont souvent des aides (rattacheur de fil cassés dans les manufactures textiles, aides tisserands, …) On les trouve aussi dans des travaux plus durs (garçons de forge ou de verrerie). L'enfant ramène donc un revenu à sa famille, mais vu la faiblesse de la rémunération généralement un quart du salaire des hommes, c'est un salaire d'appoint pour la famille.


De l'autre coté, on travaille jusqu'à l'épuisement des forces et sauf le cas particulier des soldats du roi, il n'y a pas de retraites. En revanche, il y a une activité déclinante des forces de l'individu qui font que le salaire diminue avec l'âge et c'est donc à la famille de fournir de quoi survivre à ses aïeux. De plus, les accidents du travail, ou même de la vie, diminuent les capacités de travail compliquent parfois les choses. L'amoindrissement au travail est une situation assez courante.


On peut donc souligner le phénomène de Révolution Industrielle. Les familles européennes semblent aussi ramener sans cesse du travail. De plus, dans tout ces travaux du peuple, il existe une hiérarchisation très forte et donc une échelle de mépris dans ces grandes catégories même.




Travail contraint et domestique




Jusqu'au début du XX° siècle, le salariat est la forme de travail dominante. Ce salariat existe depuis le Moyen-Age avec des significations extrêmement changeantes. Néanmoins, il est intéressant de voir la définition qu'il en est donné à la fin du XIX° siècle. Selon le code du travail, le salarié est un travailleur subordonné effectuant une tâche pour le compte de son employeur. Il reçoit un salaire en échange du travail effectué et le code du travail définit les droits et les devoirs.

En France en 2005, il y a 23 millions de salariés sur 25 millions d'actifs (soit 93%). D'où l'intérêt de voir la naissance du salariat (Robert Castel, La métamorphose de la question sociale. Une chronique du salariat). La fonction de subordination est importante.


Le travail contraint touche quelques esclaves, des serfs (corvées) mais aussi dans les hôpitaux ou les galères. Ces travaux conditionnent la manière dont on perçoit le travail au XIX° siècle. La subordination est la loi de tous. Les frontières entre travail libre et contraint sont alors flous, du fait de cette notion de subordination. Actuellement, les recherches des situations de travail montrent l'effacement de cette limite fixe, le fait que le capitalisme soit l'essor du travail salarié et libre alors que l'Ancien Régime fut celui du travail contraint. Aujourd'hui on réalise que le capitalisme moderne s'accommode facilement du travail contraint.



  1. Les formes variées de travail contraint


  1. Disparition des serfs et des esclaves ?


A. La question de l'esclavage


Théoriquement à partir de Louis X, la coutume veut que le royaume ne tolère pas l'esclavage. C'est ce que dit Furetière dés le XVII° siècle dans son dictionnaire « dés qu'un esclave pouvait aborder en France, il était libre ». Le discours au passé de Furetière révèle le fait qu'avec le développement colonial, l'esclavage revient au goût du jour. Le Code Noir de 1685, remet l'esclavage sous la forme religieuse, obligeant le baptême de tout les esclaves, oblige les maîtres à alimenter correctement les esclaves et leur donner le repos dominical. L'esclavage dans les colonies est reconnu puisque la fuite d'esclaves est un délit pénal, rattrapé, l'esclave est marqué au fer rouge, a les oreilles coupées et en cas de récidive les jarrets coupés. Si un esclave bat son maître, il est tué. L'esclavage concerne alors surtout les colonies, mais par ricochet cela revient en France avec les maîtres qui ramènent des esclaves dans leur pays pour des tâches domestiques. Erik Noël, Être noir en France au XVIII° siècle, cherche à comprendre la réaction des élites et de la monarchie. La monarchie fait plusieurs lois pour réguler ces flux, il faut enregistrer ces esclaves, les limiter à un par personne et finalement les renvoyer dans les colonies. Les esclaves en France posent un problème, la peur du métissage, la peur des révoltes par contraste entre traitement dans les colonies et traitement en France. Leur nombre en France est alors très réduit, 4 000 ou 5 000 au XVIII° siècle et surtout concentré dans les grandes villes, dont les trois quarts à Paris. Les autres étant dans les grands ports négriers, même s'ils restent très marginaux.


B. La disparition du servage


La définition est problématique avec ce terme même si 4 éléments constitutifs se dégagent . Les serfs sont taillables et corvéables à merci, le seigneur à une prise sur ses serfs au niveau du travail. Il peut les contraindre au travail. Les serfs sont de mainmorte, incapables de transmettre la succession de ses meubles à ses enfants sans l'autorisation seigneuriale. Les serfs sont de suite ou de poursuite, ils sont toujours sous la dépendance de ce seigneur où qu'il aille et ses mouvements sont limités par l'autorisation seigneuriale. C'est une mesure contre la fuite des serfs. Enfin les serfs sont de formariage, lorsqu'il se marient avec un conjoint libre, le ou la serf lui communique son état. Le mariage pouvant être soumis à l'autorisation seigneuriale.


Dés le XIII° siècle, le servage n'existe plus théoriquement. Mais des chercheurs ont trouvé des traces de servilité dans certaines régions : Bourgogne, Franche-Comté, Auvergne, Bourbonnais, Nivernais et Marche … Ces traces sont surtout la mainmorte mais concerne un tiers des ??? en Bourgogne. On voit encore des seigneurs faire appel au Parlement de Paris en invoquant le droit de suite pour récupérer les biens de son dépendant, et le Parlement de Paris en 1760 déboute le seigneur. Dans ces années là, il y a de plus en plus de protestations contre les résidus serviles, particulièrement chez les physiocrates y voyant une entrave au travail et à la productivité du travail. De fait, en 1779, toutes traces de conditions serviles sont supprimées sur les domaines personnels du roi. Malgré tout, ces formes de travail servile sont évaluées à 140 000 en 1789 et l'abolition des privilèges le 4 août de la même année, libère de toute servitude ceux qui étaient encore sous le joug seigneurial.


  1. Les formes de corvées


Il existe deux types de corvées : seigneuriale et royale.


A. La corvée seigneuriale


La corvée seigneuriale vient du fait que la plupart des terres sont incluses dans des seigneuries qui définissent des liens anciens de dépendance entre le seigneur et ceux qui travaillent les terres. Ces liens de dépendance sont aussi économiques dont une des matérialisation est la corvée. Dans la corvée seigneuriale, il en existe deux types, la corvée personnelle et la corvée réelle. La corvée personnelle est liée à une résidence dans le domaine seigneurial. La corvée réelle est liée à la possession de terres dans la réserve de leur seigneurie. Les redevances de la corvée réelle peuvent être en argent (cens) en nature (champart) et une part est en corvée de travail non-rémunéré sur demande du seigneur. Ces trois grandes catégories du seigneur sont extrêmement variables et la corvée de travail peut aller de un à deux jours par an à là où la seigneurie est encore forte, plus de trente jours par an. Les formes de cette corvée sont très différentes. Quand la justice royale est saisie sur une affaire de corvée, celle-ci limite à 12 jours le temps de corvées d'un paysan à son seigneur, mais ce n'est qu'une tendance. La corvée est une réalité diffuse dans le paysage français puisqu'il existe peu de terres libres de toute seigneurie, peu d'alleux.


B. La corvée royale selon Anne Conchon


Sur le modèle de la corvée seigneuriale, c'est l'apparition de la corvée royale. Celle-ci se trouve dés le XVII° siècle dans certaines intendances pour effectuer des travaux pour le compte du roi mais ne se généralise que dans les années 1730 et s'introduit sous l'action de certains intendants pour améliorer les routes et les chemins. Pas d'édit mais juste des instructions par l'inspecteur général des finances Orry (ancien intendant de la généralité de Soissons). Ces instructions énoncent des principes généraux mais sans qu'il y ait une uniformisation des charges. Le principe général est que tout les habitants des campagnes, voisins des grands chantiers routiers, doivent fournir un certain nombre de jours de travail au roi et les intendants doivent faire du cas par cas. Cela touche donc les habitants des campagnes proches d'un chantier, s'ils sont éloignés, ils en sont dispensés. Avec le terme de « salariés », on épargne ainsi, les ecclésiastiques, les nobles, les administrateurs et les habitants des villes (sauf en Poitou et en Bretagne) et les domestiques de ces gens là. Cela manifeste les rapports inégalitaires dans une société de privilèges où le travail détermine une position sociale inférieure, selon Anne Conchon. C'est donc un marqueur social à ces yeux. La variabilité des jours à fournir est limitée à 6 jours par an en général mais des cas extrêmes montent à 30 jours par an.


Le débat sur la corvée va réémerger dans les esprits des physiocrates libéraux. La première abolition de la corvée est le fruit de Turgot en 1776. Cette suppression est un échec puisqu'elle est levée avec le renvoie de Turgot. Une nouvelle norme la remplace, le rachat de la corvée devenant général en 1786 – 1787 infligeant une taxe de plus aux paysans. En 1789, elle sera définitivement supprimée mais avec des nostalgies, comme en Saône et Loire « La corvée, la corvée seule peut rendre à la République ses routes superbes, si intéressantes pour son commerce, et qui firent l'admiration des étrangers » et il y a aussi un maintien d'une prestation en argent pour l'entretien des routes jusqu'en 1904.


  1. Le travail contraint des pauvres et des condamnés


A. Le travail contraint des pauvres dans les hospices


Depuis la fin du Moyen-Age, le XIV° siècle débute cela, on voit un pénalisation de la figure du pauvre ne travaillant pas, du vagabondage. Cela se fait à l'échelle européenne, le délit de vagabondage est puni d'une peine de travail forcé, surtout ceux qui récidivent. Il n'est pas rare de voir des vagabonds enchaînés deux par deux dans le travail des villes.

Avec la création de l'aumône général de Lyon en 1531 – 1534, crée après la Grande Rebeyne (révolte conséquente), il y aune centralisation des aumônes avec une instauration d'une taxe sur les pauvres devant remplacer l'aumône privée et volontaire pour mettre au travail tout les mendiants valides sans emplois en les employant dans les travaux publics de voirie ou de fortifications.

De fait, dans la seconde moitié du XVI° siècle, l'idée vient que les pauvres qui ne travaillent pas doivent être enfermer dans des institutions où ils seraient forcés de travailler : le Grand Renfermement selon Foucault. L'édit de 1662 généralise le système de Lyon et Paris à toutes les provinces : les pauvres doivent être enfermés et mis au travail. L'édit de décembre 1666 note que « seront déclarer sans aveu, ceux qui n'auront aucune profession ny métier, ny aucun biens pour subsister ; qui ne pourront faire ... ».

Cela continue au XVIII° siècle, en 1724, une grande ordonnance touche tout le royaume de France. Un bureau central est formé par l'État et doit recenser les dénonciations qui y sont centralisées et gérées par des prévôts de la maréchaussée et des commandants de police. Ces premières mesures de fichage des vagabonds sont fondés sur des relevés, des caractéristiques somatiques des individus pour reconnaître les récidivistes. Ce sont les premières mesures du développement de l'anthropométrie et des formulaires.

Il faut mettre ces vagabonds au travail dans des ateliers ou des bureaux, mais cette mise au travail général est un échec. D'abord par l'incapacité à faire le partage entre les professionnels de la pauvreté qu'on veut faire travailler et les pauvres occasionnels. Il y a une résistance populaire contre la stigmatisation des pauvres. Enfin la monarchie n'a pas les moyens d'assurer ce fichage des pauvres et des vagabonds. Pourtant des intendants vont tâcher de mettre en place dans leurs régions des systèmes d'encadrement des pauvres. Truidaine intendant d'Auvergne met en place des manufactures d'hôpitaux à Clermont, Riom et Saint Flour. Il y mélange des ouvriers libres et des mendiants qui sont assignés à résidence. Cette association pour la développement du travail productif dureront jusqu'en 1764. A cette date, la monarchie forme des dépôts de mendicité qui de nouveau voudraient créer un modèle général d'institutions installées dans tout le royaume. La maréchaussée devrait arrêter les mendiants professionnels et les vagabonds pour les mettre dans ces institutions. Les années 1760 sont une nouvelle vague de lutte contre les vagabonds. Des révoltes vont alors émerger face à cette contrainte royale. Dans de nombreux cas, on trouve aussi des familles voulant travailler dans ces dépôts de mendicité puisque cela permet d'avoir des revenus dans des périodes particulièrement difficiles. Si toutes ces mesures sont globalement des échecs, cela montre que l'oisiveté pour le peuple est condamnable et condamné moralement, ceux qui ne travaillent pas ne le désirant certainement pas. L'autre idée est que le travail régénère et que par le travail on peut obtenir une moralisation du peuple.


A suivre ...

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