lundi 10 octobre 2011

Moderne 04 - 10






Pesée globale du monde du travail








Le rapport au travail est très différent du notre et la multiplicité des métiers d'autrefois ont souvent aujourd'hui disparus. Cette complexité des différents travails doit rester présent à l'esprit. On part alors du fait que tout le peuple (ou presque) travaille. Néanmoins, la population active dés qu'elle put être mesurée des historiens représente toujours moins de 50 % de la population totale. Jean-Claude Toutain estime que le taux d'activité général de la France représenterai 37% de la population totale du royaume et serait de plus, toujours supérieur à la campagne qu'en ville. Actuellement, le taux d'activité de la population est de 69% alors qu'on connaît des retraites et que sous l'Ancien Régime on travaillait tant qu'on le pouvait, de même, nous avons une scolarité obligatoire alors que l'Ancien Régime valorisait peu les études des enfants. Ces chiffres sont approximatifs puisqu'on les construit à partir de sources, jamais faites pour recenser la population active, on a donc un sous-enregistrement de la population qui travaille de façon ponctuelle. La population active sous l'Ancien Régime n'est pas un pourcentage fixe de la population totale du fait de ces allers-retours entre période de travail et période d'inactivité.

Le travail dépend d'offres et de demandes variables durant l'année, surtout dans les campagnes avec le secteur agricole, de même dans les activités de transformation dépendant des marchés internationaux souvent. On a un système proche de celui de flux tendu qui existe chez nous aujourd'hui. Enfin, on a des offres de travail variables selon les familles et cela dépend beaucoup de la composition des noyaux familiaux particulièrement. Toujours est-il que ces offres de travail varient souvent selon le niveau de salaire et le niveau de vie.

Jusqu'à la seconde moitié du XIX° siècle, les économistes sont persuadés que pour que le peuple travaille, il faut maintenir des salaires bas ce qui les pousserait à travailler plus pour gagner leur vie. Avec des salaires hauts, ils leur faut moins travailler pour gagner leur vie et donc deviendrait feignant. Le rapport au travail est différent, il sert à gagner son pain : si on peu vivre une semaine en travaillant trois jours, alors on ne travaille que trois jours. On ne consomme pas plus que ce que l'on a besoin. Dés l'époque moderne, une révolution industrieuse se développe selon De Uries, pour consommer plus les familles vont offrir plus de travail salarié et vont inciter tout leurs membres à offrir leur force de travail sur le marché du travail. Si la révolution industrieuse à bien lieu à l'époque moderne, néanmoins ce rapport au travail n'est pas le point central de définition de l'individu.



  1. Le problème des sources


Les registres paroissiaux à partir de Louis XIV obligent le curé à indiquer une profession. Ce témoignage est crucial pour la monarchie qui juge l'activité professionnelle importante. L'identité professionnelle devient un repère essentiel de classement au sein des classes populaires. Le père déclarant son enfant, l'époux d'un mariage, l'enterrement d'un mort, … à chaque fois, on demande le travail masculin, les femmes sont encore sous-représentées avec une prédominance masculine dans les sources du travail. Mais l'autre soucis est que celui qui déclare doit être sincère, ce qui n'est pas souvent le cas tandis que le curé doit de son coté classifier le travail.

Avec les mêmes problèmes, les sources fiscales d'une monarchie multipliant les taxes, obligent à indiquer la profession du chef de famille qui détermine le montant à payer. Toujours pas de femmes en chef de famille.

Les sources notariées, très intéressantes en histoire sociale, obligent aussi à préciser son métier. De plus, avec des remises de diplôme, des legs, … on peut déterminer le niveau de vie voire le travail. Seulement, il faut pourvoir se payer un notaire et dans certaines régions, le notaire n'est absolument pas monnaie courante. A Paris et dans le Sud de la France en tout cas, les notaires sont présents.

Les sources d'entreprises, celles des registres de marchands, des contrats passés, … ses sources d'ordre privé ont très largement disparu, mais il en reste. Surtout qu'en cas de faillite d'une entreprise, on récupère toute les traces écrites que l'État analyse.


Un problème majeur est celui de la taxinomie, ce que les mots veulent signifier. Le langage de l'Ancien Régime est très variable, très varié d'une région à l'autre (pressorier = brasseur, maître de coche = cocher, lingetier = toilier, chartier = roulier, …). D'autres activités ont totalement disparues (boyautier, bibelotier, frangier, …) tandis que de nombreux métiers naissent à l'époque (retordeur, machineur, oiseleur, …). Pour nous aider, L'Encyclopédie (1751 – 1772) de Diderot et d'Alembert devient alors une source majeure. Cet ouvrage lancé comme processus en 1750 devait traduire un ouvrage anglais, mais son but change et il devient plus philosophique. Il est interdit dés 1753 mais les volumes reparaissent avec la librairie de Maleserbes mais en 1759 avec l'attentat de Damien, les volumes de planches sont interdits et circulent officieusement grâce à Diderot car d'Alembert se retire. Plus de 160 auteurs pour 71 818 articles avec des planches de Louis-Jacques Goussier entre autres. L'Encyclopédie fait l'objet d'un supplément chez Panckouke en 1776. Elle donne des exemples précis et illustrés sur le fonctionnement d'un métier. Elle entre dans les ateliers et veut changer la perception de la politique, de la religion mais aussi du peuple. Les arts mécaniques entrent dans le cercle des connaissances. L'inventaire est la divulgation des secrets de fabrication des métiers. Ce n'est pas un simple glossaire, mais un effort pour penser une langue des arts et métiers. Diderot est un des premiers hommes de lettre trouvant que la technique banale peut se rapprocher des arts. Ainsi, ceux qui écrivent les articles pensent une langue des arts en dehors du discours des travailleurs pour revaloriser le travail manuel, l'utilité sociale du travail mais pas les travailleurs eux-mêmes. Ces travailleurs sont souvent perçus comme des automates qui agissent sans forcément savoir comment l'expliquer. Cynthia Koepp en déduit qu'il s'agit de mettre des instruments dans les mains des entrepreneurs pour qu'ils contrôlent mieux leurs travailleurs. Sewell montre la différence entre les planches de l'encyclopédie et de celles qui les précèdent. Des pages divisées en deux, en bas des schémas techniques, en haut une illustration souvent des mains manipulant un objet et rarement une représentation d'un groupe de travailleurs en commun. Sewell parle d'une « vision capitaliste utopique précoce » surtout dans les planches qui sous-entendent la parcellisation du travail.

L'Encyclopédie réhabilite les arts, tout comme elle prend possession de ce monde du travail pour le fournir aux entrepreneurs. Notons que selon les secteurs d'activités et les rédacteurs de l'article, les connaissances des métiers sont inégales.



  1. Les grands secteurs d'activités principales et les formes d'organisation


  1. Le primat agricole


En priorité vient forcément le secteur agricole dans une société où nourrir la population est le principal problème à cause d'une agriculture généralement faible et de rendements incertains. On pense qu'environ 70% de la population active travaillait dans ce secteur. Le recensement de 1851 recense plus de 56% d'agriculteurs. Le travail y est extrêmement varié et divers, allant du mendiant au gros laboureur (même riche, il travaille de ses mains) avec de fort écarts sociaux. Le plus important est de souligner cette pluriactivité très largement dominante (paysans et colporteurs, laboureurs et entrepreneurs, …).


  1. Le monde varié des métiers artisanaux


Cela commence avec l'importance des artisans ruraux bénéficiant des matières premières. Les meuniers, les tanneurs en sont de bons exemples. On trouve aussi les artisans chargés d'habiller les habitants qui produisent sur place selon la demande. Il existe aussi les artisans s'occupant du matériel agricole et des bêtes (maréchal-ferrand). Enfin on trouve bien entendu les artisans qui vendent les matières premières transformées pour la consommation (bouchers, aubergistes, tonneliers, …), ceux de la construction (charpentiers, menuisiers, maçons, …). Leur dénombrement reste tout de même largement problématique et au mieux, on a des résultats régionaux. En Alsace, il semblerait qu'un tiers des familles rurales travailleraient dans l'agriculture. Cela ne les empêchent pas non plus de devenir artisans selon les périodes de l'année. D'où l'importance là aussi de la pluriactivité. L'activité artisanale prenant de la place, souvent les maisons sont vaste pour héberger l'outillage. Mais aucun de ces métiers ruraux, n'est contrôlé ou organisé par une quelconque institution nationale (municipale ou étatique). Les règlements, s'il y en a sont alors très locaux. Les intendants qui devraient pourtant s'en charger sont occupés à plus importants. L'artisanat en province va faire alors l'objet d'encadrement très différents. En ville, on est généralement inclus dans un corps de métier (dit aussi corporation) qui fixe les règles des prix de vente par exemple. A Paris, on dénombrait 127 métiers organisés sous Colbert en 1691, avec 4 grandes classes hiérarchiques correspondant à des degrés de reconnaissance sociale. Cette organisation en métiers jurés du monde artisanale reste un phénomène minoritaire et est très différemment développée selon les villes et les régions.


Le monde de l'artisanat est un monde du geste et de l'outil, Pierre Chaunu parle d'un « temps de l'outil parfait, manié à la perfection », appris par transmission. L'artisan maîtrise l'ensemble de sa production et on trouve peu de machine chez lui (processus complexe effectuant un mouvement ou un ensemble de mouvements). Ce monde n'est pas immobile même s'il s'appuie sur la routine et la reproduction du savoir-faire. Il existe des innovations techniques propres aux régions aussi. C'est un poids dominant dans le monde du travail productif puisqu'il représenterait 2,7 fois celui de l'industrie en 1835 – 1844.



  1. Les manufactures et les fabriques


Dés le Moyen-Age, manufactures et fabriques se développent. On parle avec un large vocabulaire de ces milieux : fabrique pour une forme de travail concentrée, réunie dans un même lieu ; usines pour les établissements utilisant des machines hydrauliques (les grandes forges) ; manufacture renvoie à ce lieu où le travail est morcelé. Diderot et d'Alembert écrivent que « par le mot manufacture, on entend communément un nombre considérable d'ouvriers, réunis dans le même lieu pour faire une sorte d'ouvrage ??? » rajoutant « il est vrai que comme il y en a plusieurs de cette espèce et que de grands ateliers surtout frappent la vue et excitent la curiosité, il est naturel qu'on ait ainsi réduit cette idée ». Mais un autre sens existe, la manufacture désigne aussi une fabrique au mode dispersé, n'étant pas réunie dans une seule enceinte ou une seule ville. L'entrepreneur étant le dénominateur commun, on parle de manufacture dispersée. Ce n'est pas nouveau à l'époque moderne mais cela va se développer à partir du XVII° siècle.

Très tardivement, la royauté autorise le travail à la campagne via un édit en 1762, le retard de réaction est comme souvent énorme. On observe une double organisation de concentration et de dispersion puisqu'il existe un nombre d'opérations conséquent dans chaque travail. Un drap nécessite pas moins de 30 opérations du filage à la campagne, au tissage en ville. Notons aussi que les premières machines (machine à foulon, métiers à tricoter, machines à imprimer sur les étoffes, …) apparaissent parfois dés le Moyen-Age.


C'est dans ce milieu qu'on trouvera les premières formes de prolétarisation du travail même si elle est rarement accomplie au XVIII° siècle. De même, les manufactures imposent une discipline du travail reprise au cours du XIX° siècle dans de nombreux autres milieu de travail (surveillance, contrôles, …).


  1. Esquisse d'une géographie nationale du labeur industriel


L'idée de base est qu'on trouve de tout partout, les productions se trouvent dans toute la France. Il existe tout de même des spécialisations de certaines régions que l'on constate dans les enquêtes des intendants fin XVII° siècle, ainsi que dans les grandes enquêtes statistiques lors de l'époque révolutionnaire et impériale.

Paris apparaît comme le domaine de l'artisanat multiforme avec une spécialisation dans l'artisanat de luxe au plus près de la clientèle aristocratique et de la cour. Des formes d'industrialisation précoce via les faubourgs existent comme à Saint Antoine et Saint-Marcel avec des fabriques de verre, de papier, … Les manufactures qui s'y trouvent montrent les nouvelles formes de production. Il existe la fonderie Périer à Chaillot et fin XVII° siècle, le secteur de la chimie prend son essor à Gravelle et à Grenelle (eau de soude).

L'industrie de la toile se concentre surtout aux alentours de Rouen, capitale toilière du royaume. La Normandie est la première région productrice de toile mais aussi très présente dans le Nord de la France en Bretagne, liés à la matière première, le lin qui pousse dans le milieu pluvieux océanique.

L'industrie de la laine cardée est située à Sedan, Louviers, Elbeuf et le Languedoc qui les exporte vers l'Orient. La laine peignée est elle produite surtout sur Lille, Amiens et Reims. Partout ce sont des productions imitées de l'étranger et produites sur place. La laine classique est elle produite partout.

L'industrie de la soie se concentre surtout à Lyon qui a pris le dessus sur Tours et avec un monopole. Lyon fixe ainsi la mode européenne en soie. Pour de la soie de moindre qualité, on en trouve plutôt à Nîmes et Tours.

L'industrie du coton se développe surtout en Normandie (en plus de la toile) et en Alsace.


La métallurgie qu'on trouve partout se spécialise un peu plus en Bretagne et en Normandie. Pour les armes et munitions de l'armée, cela est implanté par le pouvoir au centre du pays dans le Nivernais mais aussi en Champagne et en Bourgogne.

L'industrie du verre se trouve en Normandie et en Lorraine pour sa part.

L'industrie coutelière, toujours connue aujourd'hui s'implantent à Thiers, où c'est une monoactivité dominante qui fait vivre la région.


A suivre ...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire