lundi 10 octobre 2011

Sociologie de la modernité - Cours de L3 de l'année dernière, augmenté des exemples de cette année.

Sociologie de la modernité

La sociologie de la modernité oppose les deux notions de « communauté » et « société ». On s’intéresse ainsi au passage de la société traditionnelle à la société d’ancien régime, ou la société moderne.
Ce qu’il faut savoir, c’est quelle est l’actualité de cette opposition ? Chaque sociologue a son propre point de vue. Ainsi, Weber met surtout l’accent sur la rationalité pour expliquer ce processus, qui selon lui est le désenchantement du monde.
Nous pouvons également nous demander si la modernité est le lieu de l’émergence du social ?
On verra également la notion de culture : qu’est ce que la culture moderne ? Qu’est ce que la culture de masse (d’un point de vue de la production et de la consommation de masse) ? On se posera les mêmes questions en ce qui concerne la communication et la famille.
Puis, on étudiera la modernité esthétique, pour finir avec la notion de totalitarisme qui est une forme de domination spécifique, liée à la modernité.


Chap.1 : Définitions et caractéristiques.

  1. La socio de la modernité : de quoi parle-t-on ?

Parmi les différents auteurs, Peter Wagner (cf. bibliographie) part d’un constat : il existe un caractère paradoxal de l’expression « sociologie de la modernité ». A la base, deux disciplines se sont séparées : la sociologie et l’anthropologie. L’anthropologie étudie les sociétés dites « différentes », « primitives ». La sociologie étudie les sociétés dites « modernes », soit industrielles, technologiques, occidentales). Donc, on retrouve un paradoxe, parce que la sociologie à la base étudie déjà les sociétés modernes, il est donc inutile de rajouter « modernité ». Mais, ce que l’on appelle « modernité » et « sociologie » se sont développés en même temps. Ainsi, la sociologie peut être considérée comme l’auto-observation de la modernité (qui s’observe elle-même).
Il n’est donc pas facile de comprendre, de définir « sociologie de la modernité » parce qu’on parle assez communément des sociétés modernes sans trop de détail, selon le sens commun (les sociétés contemporaines au temps présent) ou le sens complexe (c'est-à-dire le mouvement d’ensembles de transformations des sociétés contemporaines). De plus, le terme « moderne » contient une dimension normative : il exprime une norme centrale, a tendance à comparer ce qui n’est pas moderne par rapport à cette norme centrale. Il porte un jugement moral, une hiérarchie entre ce qui est moderne et ce qui relève du traditionnel. Les sociétés modernes ont connues d’intenses transformations de toutes natures (politique, économique, sociale, culture) depuis plusieurs siècles. Les transformations seraient devenues le mode d’être des sociétés, sociétés dont le changement est la valeur centrale majeur. Les transformations sont valorisées, sont devenues des valeurs centrales des sociétés. Ce sont donc des sociétés qui se modifient en permanence, ce qui les distinguent des sociétés traditionnelles qui, à l’inverse, placent la tradition en leur centre, la stabilité, la pérennité.
On retrouve ici une réalité historique dans les sociétés européennes (société ancien régime/société modernes), ainsi qu’une réalité anthropologique, selon une dimension spatiale (sociétés occidentales/sociétés primitives). On a donc un cadre spatio-temporel, et on ne peut pas aborder la modernité en dehors de ce cadre. Ce qui nous intéresse, c’est la dynamique historique des sociétés européennes depuis le 17e et le 18e. La sociologie de la modernité est un récit de la façon dont les sociétés européennes se sont transformées dans toutes les dimensions. Mais il ne s’agit pas que d’un récit historique, il est également social, économique, politique et culturel. Les premiers auteurs sont les précurseurs, puis les fondateurs. Les précurseurs sont ceux qui ont eu une pensée sociale, qui ont essayé de comprendre les changements (Tocqueville, Marx, Boudhon). Mais ce sont surtout les fondateurs qui ont un point commun : ils vivent dans une société en pleine transformation, en ont conscience et sont donc des intellectuels qui vont chercher à analyser la nature, l’ampleur de ces transformations (Weber, Durkheim). Ils ont tous les deux un regard différent sur la société.

Durkheim met au centre l’idée de la différenciation sociale. Il montre que les organisations sociales sont intégrées dans la solidarité sociale :
  • Mécanique dans le cas de la communauté
  • Organique dans le cas de la société
Weber met l’accent sur l’idée de rationalisation. Selon lui les sociétés sont animées sur cette logique.

Chacun va raconter à sa manière les transformations des sociétés. Parmi les transformations, la révolution française et la révolution industrielle ont été des périodes déterminantes. Mais qui dit transformations, dit souvent aussi inquiétude. Ainsi, certains vont s’en servir pour critiquer les transformations, d’autres pour appeler de ces vœux. Donc, les récits sont non objectifs : les notions de nostalgie, d’idées favorables ou non, etc. prédominent.

Exemples :
  • Le Play (1806-1882) rendu célèbre par une étude sur les ouvriers européens (1885). Il s’intéresse aux formes familiales, et en distingue trois types de formes familiales.
  • Le type patriarcal : système de parenté ancien.
  • La famille souche : le père, la mère, leurs enfants qui ont leur propre famille.
  • La famille instable : règne un individualisme fort, avec un caractère contractuel du lien familial. Il caractérise le type familial dominant de la France pos-révolutionnaire.
Le Play est un sociologue conservateur catholique. Il développe l’idée, l’hypothèse selon laquelle cette instabilité est consécutive à la révolution et qu’il faut revenir à l’ordre ancien.
  • Durkheim tente de comprendre la différenciation sociale, l’individualisme dans la société qui s’oppose à l’exigence d’intégration. Il est donc inquiet mais il n’est pas favorable à un retour à l’ordre ancien. Il cherche à soigner les maux de la société moderne pour trouver une sorte de cohésion.

Ces différents récits vont mettre en avant un certain nombre de concepts. Du côté de la tradition, les concepts de la tradition, du statut, de la communauté, de l’autorité. Du côté de la modernité, les concepts d’égalité, de la société, des individus. C’est autour de ces concepts que se sont construites les analyses sociologiques.

Le processus d’évolution prend une forme de refuge, de rupture avec la tradition. On retrouve un refus de la rupture avec les modèles anciens, que se soit sur un plan historique, mais aussi anthropologique (se différencier des autres sociétés). Le refus se fait soit sur :
  • Un mode continuiste : cherche à dépasser ce qu’il y avait avant.
  • Un mode discontinuiste : pas de référence avec ce qu’il y avait avant, la norme vient avant tout du présent.
La révolution française, industrielle, voir même scientifique prennent vraiment la forme de rupture. L’objectif était de mettre « table raz », alors que le mode continuiste se réfère tout de même au passé.

Le récit de la modernité est profondément ambivalent, il oscille en permanence entre ce qui relève du discours et ce qui relève de l’analyse. Le discours consiste à proclamer l’égalité des citoyens. Mais est-ce réel sur le plan de l’analyse ? On retrouve la notion de désenchantement.
Exemple : l’égalité politique n’est pas acquise, ni l’égalité homme/femme : le discours d’égalité trébuche donc.

  1. Définitions des termes.

  • Moderne= c’est un terme polysémique.
  • Sens commun : renvoie à l’actuel, le contemporain, le temps présent. Adjectif du 14e, étymologie latine modernus qui veut dire « récemment ».
  • Sens comparatif : compare l’ancien au moderne
  • Sens historique (discipline) : ce que les historiens désignent comme moderne est le passage entre le moyen-âge (14e-15e) jusqu’à la révolution française. Les modernistes n’étudient donc pas la période contemporaine. Dans cette période se produit un certain nombre d’éléments qui sont fondateurs de l’identité européenne (la renaissance, la réforme protestante, la découverte de l’Amérique, l’invention de l’imprimerie, etc.). Se met en place en quelque sorte une reconfiguration européenne.
  • Sens sociologique : renvoie à ce bouleversement majeur.
=> plusieurs dates et plusieurs définitions, c'est complexe de trancher.

  • Modernisation= ne faut pas confondre avec « modernité ». La modernisation n’est qu’un volet de la modernité. C'est toute forme de changement par rapport au passé selon BONNY. Elle renvoie aux effets de la révolution industrielle et scientifique à partir du 19e. On parle d’une nouvelle catégorie : le social. Parsons (fonctionnalisme) a établie un schéma d’évolution (plan social), le système des sociétés modernes (voir MARTUCELLI p100 la société moderne et la différenciation), différenciation des subsystèmes : politique, économique, communauté sociétale, culturel.
  • Modernisme= peut être utilisé dans deux sens :
  • Renvoie à une sorte d’orientation positive à l’égard de ce qui est moderne. Adopter une attitude favorable à l’égard des idées nouvelles, etc.
  • Désigne l’ensemble des courants qui naissent essentiellement à partir du 18e et qui cherchent à se détacher de l’Académiste et du classicisme (plan culturel) → cubisme, suprématisme, constructivisme, le futurisme, etc.
Exemple : Brasília qui a la forme d'un oiseau qui prend son envol, on voit la modernité d'en haut, c'est planifié et appuyé sur la raison. C'est une création de la raison, les habitants doivent s'y habitués et s'y conformer et pas l'inverse, elle n'est pas vraiment vivable, les individus en partent tout les WE.

  • Modernité=
Sens commun : caractère de ce qui est moderne
Sens sociologique :
Définition de BONNY « type de société et de civilisation. Manière fondamentalement nouvelle de structurer et d'orienter significativement et normantivement l'ensemble des impacts sociaux qui se développent à partir de la renaissance en Europe.
Mais d’après Giddens, « désigne des modes de vie ou d’organisations sociales apparues au 17e et qui ont progressivement exercé une influence plus ou moins planétaire ». Cette définition met l’accent sur l’idée que la modernité désigne les organisations sociales, les mouvements intenses de recomposition qui nous entraînent vers un nouveau modèle de la modernité. On retrouve l’idée d’universalisation, liée au fait qu’il y a une extension à l’échelle de la planète de ces valeurs et de ces normes sociales. Pourquoi il place le début de la modernité au 17e ? => parce que c’est à ce moment qu’est né le rationalisme. La raison devient une catégorie, une instance profondément centrale. Les hommes se construisent en tant qu’individus, doués d’une raison indépendante. Ils ont la capacité de souscrire un contrat avec la société
Différence entre les deux définitions : moment de démarrage de la modernité entre le XVeme siècle et le XVIIe siècle.
Support de la modernité : support politique avec les Révolutions du XVIIIe, support scientifico-technique, économique et sociale liée aux progrès techniques (révo indus et capitalisme). Support esthétique, support philosophique (rationalité, subjectivité et critique) SLOPERDIJK, le palais des cristaux.

  1. La modernité comme un mouvement (dynamique).

La modernité essaye d’imprimer un mouvement de rupture avec tout ce qui relève de la tradition. Cela conduit ainsi la modernité à prendre la forme de mouvement. Les sociétés modernes sont des sociétés mobiles, évolutives. Pourquoi ? Parce qu’on retrouve au centre des ces sociétés, un certain nombre d’évènements, de processus.
Exemple : la révolution politique, scientifique et industriel. La division du travail participe à cette mobilité de la société, parce qu’en plus d’être une division du travail, c’est une division sociale, et les luttes sociales intensifient le mouvement, c’est une force de l’idée de progrès.

Tous ces éléments contribuent à faire que les comportements, les modes de vie, sont articulés autour du mouvement. Dans les sociétés traditionnelles, la valeur centrale est plutôt la pérennité, la stabilité, la cohésion sociale. Les sociétés modernes valorisent, elles, le changement. Selon Giddens, ce qui caractérise la société moderne c’est la vitesse du changement et la portée du changement. Les sociétés dans lesquelles nous vivons, se sont plus transformées au cours des 2 derniers siècles. Il n’existe pas un seul endroit qui n’est pas été bouleversé par l’ensemble de ces transformations. Dans les sociétés traditionnelles, les cadres sociaux d’interaction sont localisés. Pour qu’il y ait relation, les individus doivent être dans le même cadre. A l’inverse, dans les sociétés modernes, les cadres sociaux vont s’élargir. Cette extension permet la délocalisation des cadres sociaux d’interaction. On retrouve une sorte d’extraction des relations sociales des cadres d’interaction relationnels. Nos sociétés sont organisées de plus en plus autour des relations. Ce qui permet cette amplification est le développement des institutions (cf. R.Nisbet, La tradition sociologique). Idée d’une expansion, on exporte des valeurs et des pratiques. Les sociétés ont tendance à diffuser sur l’ensemble du monde leurs propres pratiques, valeurs, vision du monde : principe d’universalisation, pour le bon mais aussi le pire.

La société moderne est caractérisée par le mouvement donc. L’un des moteurs de ce mouvement est la rupture. Mais à partir du 19e, le moteur va quelque peu changer : il devient interne à la modernité, il est nourrit par une oppositioan entre la modernité sociale et la modernité culturelle (le modernisme). La modernité sociale est l’effet de la révolution industrielle, positif mais surtout négatif. La modernité culturelle est le regard sur la révolution industrielle, regard critique, dénonciateur des conséquences dramatiques des salariés, des effets sur la nature, etc. Le moteur est donc les contradictions internes de la modernité. Castoriadis pense que la société moderne est l’opposition entre :
  • Un processus d’autonomisation (dénonciation des modes d’organisations familiales, de l’accès à la propriété, etc.)
  • Un mouvement de maitrise rationnelle : dimension démesurée, notamment à travers le capitalisme.
Exemple : Ces deux dimensions se sont entrechoquées, opposées, en combat l’une contre l’autre, à travers le monde ouvrier qui constitue la force motrice de la modernité.
Le problème, c’est que dans l’époque contemporaine, une tendance s’est effondrée : celle du processus d’autonomisation.

Conclusion : dimension profondément ambivalente, oscillatoire de la modernité. Existe un mouvement de balancier entre un pôle positif et un pôle négatif. On retrouve l’idée de progrès (médecine, égalité, etc.), mais aussi une dégradation biologique, le développement des instruments de contrôle, forte place de l’organisation bureaucratique, etc. L’un va avec l’autre et vice-versa. On retrouve également l’idée de tension, les uns avec les autres : un jour l’un domine l’autre puis c’est l’autre.

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