lundi 17 octobre 2011

État 17 - 10


Précédemment : État 10 - 10




Second critère, le rôle de l'État sur la stratification sociale. Selon les sociétés, l'État à un rôle plus ou moins forts sur ces inégalités sociales que ce soit en les compensant par la redistribution des impôts et des prestations sociales. Cela passe par l'éducation où l'État joue un rôle de restructuration sociale.




Andersen définit alors trois types d'États Providence :

  • Libéral ou résiduel : l'État à un rôle secondaire par rapport au rôle du marché, il organise ce qu'il reste auquel le marché ne touche pas. Ainsi le marché économique joue le rôle principal et l'assurance privée joue un rôle essentiel. Il limite donc sa protection au plus faible, selon un plafond de ressources, mais du coup ceux qui bénéficient des aides sont stigmatisés. C'est le système en place aux USA, au Canada et en Australie. Aux USA, la moitié de ceux pouvant toucher le médicaid refusent à cause de la stigmatisation. Les réformes sociales étant bloquées dés qu'elles menacent l'individu dans son retour sur le marché du travail, comme la théorie que pouvant vivre de l'assistance, les pauvres ne voudraient pas travailler.

    En terme de redistribution, l'État à un rôle très faible dans la correction de ses inégalités, l'égalité des citoyens n'est pas son objectif. Cela renforçant ceux qui dépendent de l'État et les autres, donc renforçant la stigmatisation.

  • Assurantiel, qu'il qualifie de corporatiste et conservateur : la croyance dans les vertus du marché est moins importante et les assurances privées sont rares. L'État est considéré comme un pourvoyeur légitime de bien-être, son action dans le domaine social est légitime. L'intervention sociale se fait par le système bismarckien, tout repose sur le principe de l'assurance pour permettre au travailleur de maintenir des revenus minimum, au moins partiellement, lorsqu'il ne peuvent travailler. Le travail est central et l'État compense le manque de travail.

    Le caractère corporatif tient au fait que l'État respecte une série de régimes différents selon les catégories professionnelles. Un des objectifs premier de ce système est de maintenir certains statuts et en conséquence, cela freine la redistribution des revenus, du coup, cela modifie faiblement la stratification sociale. C'est la situation de la France, de l'Allemagne ou de l'Italie.

  • universel, qu'il définit comme plutôt social démocrate : le principe central est l'universalité du droit à la protection sociale. Ce qui caractérise ce modèle, c'est le niveau élevé de protection contre les risques (bonne assurance chômage, maladie, vieillesse, …) ainsi qu'une offre importante de services sociaux (crèches, transports, …). le tout est financer par un impôt important mais fortement progressif.

    La notion de volonté sociale redistributive est très importante. On souhaite un égalitarisme entre employés et ouvriers. C'est ici que le rôle de l'État est le plus marqué, celui ou la démarchandisation est la plus forte. L'État veut lutter contre le corporatisme pour avoir des revendications plus égalitaires. Le salaire de remplacement est proche du salaire obtenu au travail.

    C'est le régime des pays scandinaves : Suède, Norvège, Danemark.

Les réalités, les perceptions de l'État sont à chaque fois très variées. Cela reste des idéaux types puisque la réalité est bien différente.


  1. De l'État protecteur au développement de l'État providence en France


Les deux idées principales sont le point de départ, le modèle d'assistance qui aidait uniquement ceux ne pouvant pas rester sur le marché du travail et le fait que la France fut en retard sur d'autres pays européens.

Pour comprendre ce retard français, on peut mettre en cause des résistances à la fois patronales et mutualistes à l'émergence du droit social.


A. 1898 – 1918 : les avancées limitées du droit social


1898 : première loi sur les accidents du travail. Auparavant, en cas d'accident du travail, le travailleur était présumé responsable. Il pouvait toujours essayé de démontrer que l'employeur était responsable, mais dans un rapport de force inégale, cela marchait peu. Avec cette loi, on part du principe que l'employeur est responsable sauf s'il démontre le contraire. Cette loi fut discutée durant 18 ans avant d'être adoptée. Dans les faits les employeurs contournent un peu cette loi et retardent son application.


1910 : loi sur les retraites ouvrières et paysannes. La vieillesse n'est plus considérée comme relevant de la prévoyance privée et individuelle. Cette loi oblige la création d'un système d'assurance retraite cofinancée à égalité entre employeurs et employés pour les employés les plus pauvres. Pour la première fois, on rend obligatoire la constitution d'une épargne pour sa retraite. De nouveau, il faut une vingtaine d'années avant que cela ne soit voté. Des résistances à la fois patronales et de la CGT qui trouve qu'on aggrave les charges pour les petits salaires. Son application fut aussi très tardive.


B. 1919 – 1939 : l'après Première Guerre Mondiale


1919 : la loi relative aux blessés de guerre. Le mécanisme renverse de nouveau la charge de la preuve. Si on était blessé pendant la guerre, il fallait prouver qu'on avait été blessé sur le champ de bataille. Dorénavant, seul l'État doit montrer comment cette blessure est arrivée. C'est un impact direct de la Grande Guerre qui pose la question de savoir comment doit réagir la collectivité nationale, face à ceux qui ont souffert.


1930 : la loi sur les assurances sociales. L'affiliation à la sécurité sociale est obligatoire pour tout les salariés au-dessous d'un plafond de revenus. Avec la réintégration de l'Alsace et la Lorraine qui de par l'administration prussienne se retrouve obligée d'étendre le système au pays, pour s'aligner sur ce modèle allemand. De nouveau de nombreuses résistances patronales et des médecins surgissent, on redoute une étatisation de la société, il s'écoule une dizaine d'années avant son vote. Cette loi est un succès immédiat.


1932 : les allocations familiales. Auparavant, elles existaient déjà par des initiatives d'employeurs catholiques. On appelait alors cela le patronage, un mode charité et qui permettait de s'assurer la fidélité des ouvriers. Ces suppléments de salaires pour les employés avec des familles nombreuses se mettent en place dés le XIX° siècle. C'est ainsi une protection contre le risque de paupérisation engendré par la procréation, mais aussi dans une perspective où la nation serait reconnaissante aux familles avec des enfants, assurant la perpétuation de la nation. Impact direct de la prise de conscience de la démographie avec la Première Guerre Mondiale. Vichy accentuera ces allocations.


C. 1945 - 1975 : L'après guerre et les Trente Glorieuses


1945 : la sécurité sociale. L'architecte de cela se nomme Pierre Laroque, il est proche du Général De Gaulle et instaure ce système de protection sociale très inspiré du rapport Beveridge et très ambitieux. Il devait couvrir l'ensemble de la population dans un mécanisme unique devant être géré par une structure unique. Le décret de 1945 fonde cette sécurité sociale, mais il est suivit par une avalanche de décrets et d'ordonnance qui vont réaménager ces objectifs. Par exemple, les régimes spéciaux sont maintenus sur pression des agriculteurs notamment suivis par plusieurs autres corporations. On aboutit donc à une mosaïque de régimes particuliers et d'intérêts sectoriels qui sont très loin de l'objectif initial du plan Laroque.


1950 : le Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG).


1958 : l'assurance chômage. La France est l'un des derniers pays industrialisé à avoir pris cette mesure.



Après la Seconde Guerre Mondiale, l'intervention de l'État dans l'économie et la société prend une grande ampleur et cela se traduit à la fois par la généralisation des systèmes d'assurance sociale et l'augmentation des revenus. Ainsi la part des prélèvements obligatoires (impôts, cotisations patronales, …) représente 10% du PIB début XX° siècle, 45% actuellement. Pour les prestations sociales, ce qui est redistribué passe de 16% du revenu des ménages à 24% en 1967. Mais au milieu des années 1970, le contexte de plein emploi chute et remet en cause l'État providence qui est depuis rentré en crise.









De l'État dynastique à l'État bureaucratique






La construction de l'État se fait d'abord par des luttes dynastiques qui font converger vers un centre, la maison royale, les ressources fiscales, militaires, territoriales, … Ce processus amène une transition entre État dynastique et bureaucratique. Selon l'idéal de Weber, le pouvoir se fonde sur trois types de pouvoir et en passant de l'État dynastique à l'État bureaucratique, on passe du pouvoir traditionnel à un pouvoir légal-rationnel. C'est un pouvoir personnel et privé exercé par le roi et ses proches à un pouvoir impersonnel exercé par une élite. Il s'agit donc de voir cette transition et des manières dont les deux se sont rencontrés et côtoyés.



  1. La différenciation de l'État et de la société, l'autonomisation du pouvoir politique


A l'époque féodale, il n'y a pas de séparation nette entre le ménage privé du roi et ses fonctions publiques, on parle d'administration patrimoniale pour désigner que le ménage élargi du roi gère les ressources. Il n'y a donc pas de différenciation entre l'intérêt privé et l'intérêt public. Il y a donc une fusion entre le pouvoir politique et le pouvoir économique. Ce qui ouvre le droit à l'exercice du pouvoir, ce sont les privilèges de l'aristocratie notamment l'hérédité. Le roi n'est pas seul, il a des conseillers et des gestionnaires mais dont la fonction est souvent héréditaire.

Pour Elias, l'État devient de plus en plus complexe a tel point que par effet de seuil, le roi est obligé de distinguer l'espace privé de l'espace public. D'autres explications soulignent la perte d'influence des seigneurs féodaux d'abord car c'est une période d'urbanisation où les villes échappent au pouvoir féodal. La peste élément conjoncturel dévaste une partie de la population dans l'aristocratie et renforce le pouvoir des paysans.

Avec l'influence des crises dynastiques, le risque que l'État puisse être ébranlé est de moins en moins bien accepté. Du coup, l'opinion d'une raison d'État commence à émerger.

Pour Pierre Rosanvallon, au XVIII° siècle, les guerres européennes sont moins nombreuses et les citoyens veulent des comptes sur l'utilisation des finances publiques, accentué par la prise de conscience de la dualité d'intérêts entre le privé et le public.


Ernest Kantorowicz dans Les deux corps du roi publié en 1957. Avec l'expression « Le roi est mort, vive le roi », les historiens et les théologiens conçoivent la royauté et diffusent l'idée que le roi à deux corps, l'un terrestre et mortel, l'autre immortel qui sera transmis à ses successeurs. Il a donc une double nature : humaine et souveraine.

Le corps charnel est celui qui meurt, le corps mythique, celui qui se transmet. Finalement, on distingue le roi mortel de l'institution pérenne. Le trône n'est donc jamais vide. On associe ensuite souvent le corps mortel au roi, à l'État et le corps mythique qui serait l'ensemble de la population.


Cette idée se perçoit dans la cérémonie du sacre qui joue un rôle important dans la transmission de la couronne et c'est le seul moyen de transmission. Par ce sacre, on fixe les règles de succession, on fonde la légitimation du roi en en faisant une affaire publique. On mobilise donc des règles dynastiques dans le but de mêler pouvoir privé et pouvoir public dans cette cérémonie. De plus, au fur et à mesure, un ensemble de législateurs et de spécialistes émergent et commencent à théoriser l'État. Avec leur rôle, ils montrent bien comment l'État devient progressivement indispensable.

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