vendredi 4 novembre 2011

CM TIC séance 5 (plein de fautes et autres, dsl)

Séance 5 : Le disque audio.

On l'a longtemps placé sur un électrophone, avant sur un grammophone, et encore avant sur un phonographe. C'est un objet technique un peu différent mais à ses origines, il a impliqué quasiment les mêmes personnages et mêmes techniques que les autres médias que l'on a étudié.
NADAR parlait de daguerréotype acoustique, il est l'un de ceux qui imagine le mot « phonographe ». Quelques années plus tard, il va de nouveau décrire ce projet de machine « comme une boite dans laquelle se fixerait et se retiendrait les mélodies ainsi que la chambre noire surprend les images » : il y a donc pour lui une équivalence avec la camera obscura. Malgré tout, ce n'est pas dans cette direction que les premiers prototypes vont être mis aux points : comme avec le cinéma, le développement est d'abord fait par des savants, c'est la communauté savante qui prend place.

I- Les divers usages du disque audio.

Le premier usage : un portrait audio et une utilisation de bureau.

DUHL (??) en 1857 il construit un premier dispositif d'enregistrement graphique du son, il appelle ça une « sténographie naturelle », l'objectif est scientifique : une fois que l'on a enregistré de façon visuelle le son permet d'étudier la parole humaine.
Vingt ans après, chez EDISON, une expérience a lieu un peu par hasard. En 1876, c'est la première fois qu'EDISON, grâce à l'argent qu'il a collecté avec ses entreprises, construit un véritable laboratoire au dernier étage de son entreprise. Il se concentre principalement sur la télégraphie et la téléphonie. Il tenait un carnet de laboratoire de façon précise car les notes prises servaient juridiquement à prouver que l'on avait eut l'idée d'une invention avant quelqu'un.
EDISON travaille sur un répéteur télégraphique : disque de papier qui tourne sur un plateau, un stylet graveur qui est suspendu à un bras, gravant sur le disque la succession des points et traits qu'il reçoit. C'est donc un récepteur qui grave sur un disque. Ce qui frappe les chercheurs qui travaillent avec Edison, ils se rendent compte que si on fait tourner rapidement le disque gravé avec le stylet qui reste posé dessus, cela émet des sons. Il remplace la gravure des points et des traits par la gravure des vibrations de la voix humaine « Les vibrations de la parole sont exactement enregistrées, il n'y a pas de doute que je serais capable d'enregistrer et reproduire la voix humaine d'ici peu ». Il s'oriente vers une recherche phonographique. En 1877, il fait un schéma de ce qui pourrait être un phonographe qu'il met en œuvre cette année.

En France, Charles CROS, inventeur et poète, travaille su un projet de machine parlante. Il fait paraître en 1877 un article scientifique sur ses projets, on s'aperçoit que contrairement à EDISON, cela ne débouchera sur rien d'autres que des projets écrits car il manque de moyens financiers et il n'a pas un goût prononcé pour le développement technique et la commercialisation.
Ils ont toutefois à peu près le même projet. CROS n'est pas dans un projet de performance technique mais dans la volonté de fixer la mémoire de moments et de personnes qui vont disparaître. Il parle de paléophone.

Louis FIGUIER est un des principaux vulgarisateurs scientifiques de l'époque. Il écrit plusieurs articles à propos du phonographe d'EDISON. En 1899, il explique que l'Académie des sciences a aménagé une bibliothèque où seront déposés des manchons (des cylindres) destinés à enregistrer la voix de ses membres. « Ce ne sera pas un des moindres prodiges de l'avenir que celui de faire parler les morts. » On est dans la même démarche que les portraits photographiques, garder une « image » d'une personne disparue.

La proximité avec la téléphonie va marquer les premiers usages imaginés pour le phonographe. La télégraphie et la téléphonie visaient une utilisation professionnelle. On pensait l'utiliser comme une sorte de message vocale pour le téléphone, pour savoir où est l'individu ou pour laisser un message à la personne qu'on appelle.
BELL s'intéresse au « téléphone différé ». Il essaye de produire un « graphophone », il modifie le procédé d'EDISON basé sur des cylindres en étain en les remplaçant par de la cire et de la paraphine, proposant une utilisation proche de celle du dictaphone. Sur un bureau d'un chef d'entreprise pour dicter des textes. Cela a été un des premiers usages du dictaphone, dicter à une secrétaire en différé. Mais cette utilisation, avec 10 ans d'acharnement technique et publicitaire, se solde par un échec.

Le second usage : l'utilisation musicale dans les lieux publics

On voit émerger une nouvelle tentative très différente de celle de BELL et EDISON qui consiste à laisser de coté le monde du bureau et à installer de telles machines dans les lieux publics.
Avec le cinéma, on a produit des spectacles de divertissement (lanterne magique, panorama) avec son et image. Le contexte américain, vu l'échec du phonographe professionnel, va voir émerger des tentatives de ce genre.
On a des sortes de machine à sous qui permettent d'écouter individuellement ou a plusieurs des morceaux de musique, c'est l'équivalent des juke-box. C'est un immense succès et des gens comme EDISON sont catastrophés par ce succès commercial et il écrit dans le phonographe que ces sociétés« s'apercevront un jour mais trop tard de leur erreur fatale » : il pense que ces machines à sous ont été construites pour détruire l'image du phonographe dans l'opinion public, cela ne serait qu'un divertissement. Les chiffres de vente ont imposé l'évidence qu'EDISON a dut accepter : au début du XXe, les phonographes ne se vendent toujours pas dans l'entreprise mais les machines musicales font gagner beaucoup d'argent. Un phonographe coûte 150$ mais rapporte 50$ par semaine.

Le troisième usage : l'utilisation musicale au domicile.

BERLINER a été un de ceux qui ont investit dans ce marché des phonographes de divertissement : il s'intéressait peu à la télégraphie, c'était un passionné de musique. Avant d'émigrer aux USA, il a mit au point en Allemagne des microphones : appareil de réception de la musique adapté pour une grande qualité de la musique classique. Il met au point un gramophone, il veut proposer un appareil que l'on puisse installer chez soi, à la maison.

Quelques années plus tard, EDISON décide de copier BERLINER pour produire une machine musicale à domicile, remarquant bien qu'il n'avait pas trouver la bonne utilisation de cette technique. Il commence au Xxe siècle à commercialiser des machines qui ont des cylindres pré-enregistrés : il y a déjà la trace du son quand on les vend. Comme on ne sait pas encore faire des copies, tous les cylindres sont des originaux : un artiste pouvait produire jusqu'à 80 cylindres par jour.
On se rend compte que de pouvoir les reproduire automatiquement serait un bon moen de gagner de l'argent. On comme avec un procédé qui consiste à graver un premier cylindre puis à confier à une machine la gravure d'un second cylindre à partir d'un ensemble de stylets liés les uns aux autres, un qui lit et un autre qui grave. Cela permet de produire environ 25 copies à partir d'un original, ce dernier étant ensuite trop abimé. Plus tard, on met au point un procédé de moulage.

II- Explication sociologique et historique des divers usages.

Résumé : on a donc un échec de l'usage dans le monde professionnel, un succès de courte durée dans les lieux publics et un succès de très longue durée au domicile.
Comment expliquer cela ? Utilisation d'approches sociologiques. Pour le cas du disque, celle la plus pertinente est celle des classes sociales.

Premier sociologie mobilisable : la sociologie de la famille.
François DE SINGLY. Il y a une perspective contemporaine mais aussi historique quand il s'intéresse aux transformations de la famille au XIXe siècle. A ces débuts, il était proche de BOURDIEU, dans les 80' on avait une sociologie de la famille centrée sur les inégalités de capitaux. Ses travaux rejoignent ceux d'historiens comme ARIES.
Ils nous apprennent qu'au XIXe siècle, on voit devenir dominante une nouvelle forme familiale qui n'existait que très peu auparavant et qui est resté dominante jusqu'au 60'. Cette nouvelle forme familiale a deux particularités : c'est une famille nucléaire (autonome par rapport au reste de la parenté) et c'est une famille privatisée (il y a une frontière symbolique entre l'intérieur et l'extérieur, l'espace public). La famille des milieux populaires est moins privatisée et moins nucléaire.

Tout au long du XIXe siècle, le domicile va changer de statut, d'image. Ce que disent beaucoup les romans et poèmes de l'époque, c'est que la maison familiale est un « refuge ». Pour les historiens anglais, cela fait émerger une notion « privacy » qui n'a pas d'équivalent en français, vie privée, intimité, etc. Cela correspond pour les anglais à une coupure entre la famille et la participation de production capitaliste. C'est à ce moment là que se consolide une répartition du travail domestique entre l'homme (extérieur) et la femme (intérieur).
On voit apparaître des quartiers dans les villes qui sont résidentiels. L'historienne anglaise HALL a travaillé sur Birmingham : les commerçants doivent signer un bail quand ils veulent acheter ou louer un domicile, stipulant par écrit que leur domicile ne peut pas être un magasin ou un atelier.
Le sociologue WARNER explique que c'est entre 1830 et 1860 qu'une nouvelle organisation de l'espace s'impose dans les villes américaines. Cela suppose que l'individu est d'abord rattaché à sa famille et qu'une société, et notamment la société propre à une ville, n'est rien d'autre qu'un ensemble de famille. C'est la famille avec le père qui accumule du capital.
Le sociologue SENNET s'est intéréssé à la ville de Chicago entre 1870 et 1890. Il y a une disparition progressive de la vie sociale extérieure au foyer. « Le bar, les clubs et le restaurant deviennent de moins en moins nombreux, il devient rare de recevoir des amis. Désormais le milieu familiale remplaçait les cercles associatifs ».
Il y a une montée de la peur de la ville et de la production capitaliste, la famille apparaît comme un lieu refuge préservé des risques et de la dureté du monde extérieur. La vie de famille devient le lieu où se construit l'identité de l'individu et notamment sa créativité personnelle. On est une personne interchangeable à l'extérieur mais en famille on est un individu exceptionnel. Cela est apparu d'abord en Angleterre et chez les classes moyennes (bourgeois) de l'époque. C'est ensuite adopté par l'aristocratie au moment où elle devient une classe déclinente et c'est activement diffusé dans les classes populaires par le milieu associatif.

WARNER écrit qu'a l'époque (1830-1860) le centre de la vie sociale populaire est la rue. Les ouvriers se rassemblaient aux coins des rues, sous les portes, à l'entrée des bâtiments. Il y a un marché pour la musique de rue : orgue de barbarie, orchestre de rue allemand, etc. L'écoute de la musique est donc extérieure.
La sociabilité familiale à l'extérieur est rare et elle se passe dans les guinguettes. On vient en famille pour être ensemble, pour écouter de la musique et pour danser.

Le sociologue DI MAGGIO et l'historien LEVINE aux USA : équivalent. Ils se sont beaucoup intéressé à l'évolution des pratiques culturelles dans les familles, ils ont montré que cela a été profondément modelé par l'évolution de la vie privée. Le piano manifestait le nouveau statut du domicile comme lieu où l'on pouvait apprécier des activités culturelles, où l'on pouvait développer sa créativité en jouant du piano. Le piano est un signe de l'appartenance des classes sociales à la classe moyenne (bourgeois). On voit l'importance de sur quoi ont insisté les sociologues américains : la hiérarchisation des goûts culturels : toute stratégie sociale s'ascension sociale est en partie une stratégie d'acquisition des gouts culturels propres aux classes supérieures.
Le piano devient de plus en plus populaire et se développe pour cette raison un marché de la partition. Les éditeurs demandent de simplifier les partitions, pour qu'elles soient plus brèves et plus proches des goûts des milieux populaires. Se développe des morceaux de musique qui sont proches du bruitage et des onomatopées, reproduisant les bruits d'une scène : forme nouvelle de musique. A partir du piano, on a vu émerger des manières de jouer et d'apprecier, comme le blues et le jazz. Le Le ragtime est à l'origine une musique noire qui a commencée par être une musique non écrite, d'impro, dans des espaces publics, des clubs réservés aux milieux défavorisés, aux noirs. On a une culture populaire de masse : qui vient du bas de l'échelle sociale et qui est prise en charge par les entreprises capitalistes, cela commence par le piano et l'édition massive de partitions.
En 1910, il y avait en Angleterre entre 2 et 4 millions de pianos dans les familles : plus de ¼ des ménages en possédaient un. Aux USA, 20%. Le piano est le premier instrument de loisir de masse, avec son industrialisation aux USA. Cela a permis de diviser en ½ siècle le prix du piano par trois.

Le piano mécanique, qui joue tout seul, un « pianola » apparaît comme quelque chose de nouveau mais en fait cela existe depuis le XVIIe siècle (orgue de barbarie). Se développe dans les milieux populaires l'écoute du piano mécanique. C'est l'existence de ce marché intermédiaire qui a permis le développement, dans une sorte de troisième phase, du marché du gramophone. Un indice de cela, c'est encore une fois la publicité : famille qui se détend chez soi face à un gramophone (division sexuée des rôles). Très forte croissance des familles équipés (aux USA) : 1900 : 3% ; 1910 : 15% ; 1920 : 50%.
Juste après la WWII, le phonographe (gramophone) reste l'appareil le plus répandu dans les ménages en Europe et aux USA. Pour les historiens des industriels culturelles, on considère que le premier grand média de masse est la presse et les journaux, le deuxième étant le disque et le gramophone.

L'apparence de ces objets se transforme, il cesse de ressembler à un objet industriel : les premiers gramophones destinés aux bourgeois sont des meubles qui imitent l'art italien, avec des peintures à la main. D'autres types Louis XVI et d'autres style art-déco.
Pour le contenu, on considère qu'il y a trois grands moments : au début, il y a énormément de chansons populaires interprétées par des musiciens anonymes. Les tous premiers disques n'ont que quatre minutes de son, il y a donc qu'une chanson. Ensuite, un deuxième catalogue est constitué de morceau d'opéra, cela touche surtout une clientèle très aisé, c'est un marché assujetti au droit d'auteur (royalties aux auteurs ou ayant droit, aux chanteurs et musiciens) et l'on peut devenir riche en étant chanteur d'opéra. Le troisième et dernier catalogue commence avant la guerre de 1914, c'est le jazz : c'est pour la première fois un marché du disque propre à la clientèle des noirs, on parle de race labels : éditeurs/producteurs noirs pour des utilisateurs noirs.

Conclusion :
On utilise donc plusieurs sociologies qui se basent sur la stratification sociale, les inégalités et notamment sur les différences d'une classe sociale à une autre sur les organisations familiales et les goûts culturels. Les classes sociales évoluent dans ce genre d'analyse indépendamment des médias : même si le gramophone ou le disque n'avaient pas existé, les classes sociales n'auraient pas été différentes. C'est la différence avec les quatre autres sociologies présentées dans les autres chapitres, où l'on considérait que la technique et le social évoluaient ensemble, se coconstruisant. Ce sont ces dernières approches là qui sont préférées par les sociologues des techniques et des médias tandis que celle de ce chapitre est préférée par les sociologues des classes sociales.

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