mardi 8 novembre 2011

Médiévale 07 - 11

Précédemment : Médiévale 24 - 10















Honorius III sera le premier pape à vouloir fixer des territoires selon les lieux où se rendent les individus. Si au XII° siècle on constate des premières délimitations de paroisses, c'est surtout au XIII° siècle que ce phénomène connaît son essor non sans réticences. Ainsi à Tours, au départ on trouve une seule paroisse autour de l'Église de la cathédrale. Au XII° siècle, de nouvelles églises paroissiales émergent mais ne donnant pas lieu à une délimitation paroissiale. C'est au début du XIII° siècle que l'on commence à délimiter des territoires. Mais cela a eut des conséquences néfastes. Quand les prêtres de Tours définissent d'un commun accord leur cadre paroissial, cela bloque toute émergence de nouvelle paroisse. En effet, une nouvelle paroisse oblige à réduire le territoire de chaque église et en conséquence, les revenus d'après messe des prêtres sont diminués. A Saint Quentin en Picardie, une intervention pontificale divise le centre ville en 12 paroisses. La ville de Londres compte au XIII° siècle une centaine de paroisses, à Rome environ 269, … Mais des villes résistent comme celle de Nuremberg qui malgré obligation pontificale continue de conserver ses paroisses.

Dans les villages, c'est beaucoup plus simple, la paroisse se confondant souvent avec le territoire villageois. Ainsi dans la région d'Arras, 79% des paroisses respectent le territoire villageois. De même, en Beauce ou en Basse-Bretagne.


Le maillage devient donc très serré dans les paroisses avec un approfondissement du contrôle de l'Église puisque quel que ce soit le lieu où l'on habite, on est attaché à une église particulière. Le contrôle des ecclésiastiques est plus efficace avec cette délimitation du territoire. La maîtrise de territoire de l'Église ne fait que s'amplifier au cours du XIII° siècle


  1. La papauté : force et faiblesses d'une institution plus territorialisée (XIV° - XV° siècle)


La papauté a appuyé sa revendication de domination universelle par la délimitation de territoires placés sous sa juridiction ou sous sa protection. Cela n'empêchait pas le pape d'avoir en plus des territoires sous sa domination spirituelle des territoires dont il est le souverain direct. Ces États pontificaux durent être défendus par le pape contre les empereurs de Germanie face à Frédéric Barberousse (1152 – 1198) donnant la ligue Lombarde, et Frédéric II (1220 – 1250) : guelfes (pro pape) / gibelins (pro empereur).

Le pape défendait donc ses territoires mais plus encore l'idée de théocratie, le gouvernement des hommes par Dieu qui ayant autre chose à faire, délègue son pouvoir au pape. Le pape qui régnait sur le pouvoir spirituel était accepté de tous, mais les papes théocratiques soulignaient aussi qu'ils étaient au-dessus des empereurs et qu'en conséquence, ils pouvaient influencer la politique des souverains. Une telle politique a, au tournant des XIII° et XIV° siècle, provoqué une crise occidentale. Ainsi Boniface VIII (12941303), un des plus grand pape théocratique, est entré en conflit direct avec Philippe le Bel (12851314). Cela commence avec la crise de la décime en 1294, un impôt de la papauté sur les ecclésiastiques eux-mêmes et non les fidèles. Or ces revenus étaient régulièrement donnés par le pape au souverain qui promettait de partir en croisade, cela payait son organisation. Or Philippe le Bel face à un État ruiné et ne pouvant vivre du Sien, a décidé de renflouer les caisses avec la décime. Boniface VIII a excommunié le roi, qui a répliqué en empêchant toute sortie d'argent du royaume de France vers un royaume étranger, dont les États pontificaux. Le pape a donc dut céder.

La seconde crise est celle de l'affaire Bernard Saisset. En 1295, le pape décide de former un nouveau diocèse, celui de Pamiers dans le Sud de la France. Il ne prévient pas le roi de France, à la limite ce n'est pas trop grave, mais il choisit Bernard Saisset à la tête de cette paroisse, un opposant politique de Philippe le Bel, alors critiqué par pas mal de monde. En 1301, Philippe le Bel met en accusation Bernard Saisset pour haute trahison. La crise s'amplifie brutalement, le pape et le roi de France se battent pour savoir qui jugera Saisset. L'Église revendique le fait qu'il est ecclésiastique et qu'il accusé d'hérésie. La France déclarant qu'il est jugé de haute trahison et de crime de lèse majesté. Finalement c'est Philippe le Bel qui le juge et exile Saisset qui va se réfugier chez le pape. Celui-ci furieux réunit un Concile à Rome. Un proche conseiller de Philippe le Bel, Guillaume de Nogaret juriste de formation part à Anagni avec des troupes armés, en banlieue de Rome, où il rencontre le pape pour le convaincre de renoncer à ces condamnations contre le roi de France. La discussion tourne court et les troupes pillent le palais et moleste le pape avec une « gifle » qui le condamne à mourir quelques semaines plus tard. Ainsi le roi est victorieux mais à quel prix.


Ces crises montrent les limites de la théocratie, les souverains refusant n'importe quel prétendue légitimité d'un autre souverain sur eux. En France on entend dire « Le roi est empereur en son royaume ». La papauté qui revendiquait sa vocation de souverain universel apparaît comme un statut faible. A cause de cette « gifle », la papauté entre en crise avec un successeur faible et en 1305, un nouveau pape français ancien archevêque de Bordeaux, décide de tirer les leçons de l'échec de Boniface VIII. Le pape Clément V décide d'imiter les autres États européens, en dominant territorialement, uniquement les États pontificaux et en essayant de trouver de nouvelles sources de revenus. Pour légitimer leur pouvoir temporel, l'Eglise cherche à s'appuyer sur un texte « La donation de Constantin ». Constantin aurait fait don de toute l'Italie au pape Sylvestre I pour sceller une alliance avec la papauté. Les papes du début du XIV° siècle prétendent donc dominer toute la région italienne.

De plus, depuis 1214, les papes dominaient la région du Comtat Venaissin, confisquée au Comte de Toulouse et donnée par le traité de Paris-Meaux. Longtemps il fut géré par la France, mais en 1274, le pape réclame son territoire et s'y installe. Clément V s'installe en fait non dans son Comtat Venaissin mais à Avignon, territoire du comte de Provence dont il est l'invité mais proche de territoires riches en ressources. Clément V qui hérite de caisses vides, tire donc des revenus seigneuriaux conséquents. Jean XXII, son successeur s'installe aussi à Avignon et ajoute un certain nombre de lois qui lui permettent de prélever des impôts bien plus important qu'autrefois pour la chrétienté. Le pape peut nommer tout les ecclésiastiques qu'il veut dans l'ensemble de la chrétienté, et à chaque poste important dont un ecclésiastique bénéficie par le pape, il lui doit un an de salaire qui s'étale avec des crédits sur plusieurs années, cet impôts ce sont les annates. En nommant plus de 31 000 ecclésiastiques dans différents diocèses surtout les plus riches, le pape se retrouve à la tête d'une fortune colossale qui est dépensée pour reconquérir les territoires pontificaux de l'Italie centrale, via des mercenaires. Ces troupes sont dirigées par le cardinal Gil Alvarez de Albornoz qui obtient de francs succès. Avec cette combinaison de gouvernance de territoires restreints et l'invention d'une lourde fiscalité ecclésiastique (qui rapporte des revenus au pape et permet de nommer les élites ecclésiastiques), l'Église redevient une puissance majeure en Europe.

En 1360, ce qui semble être l'apogée de l'Église est minée par la guerre de Cent Ans qui s'arrête momentanément. Le problème c'est que les mercenaires payés par les deux armées en lutte se retrouvent au chômage et fondent les Grandes Compagnies, groupes de mercenaires qui parcourent la France, en rançonnant les villages du pays (rançon ou destruction de village). Avignon qui est très riche les attire donc, or les murailles d'Avignon ne sont pas construites et du coup des rançons sont données à ces mercenaires. Mais cela se répète et commence à peser. Du coup le pape décide de retourner en Italie, mais le pape Urbain V est français et arrivé en Italie, l'aristocratie romaine le voit d'un mauvaise œil et décide de faire entendre violemment ces revendications. Cela se passe si mal, qu'Urbain V revient en France. Son successeur Grégoire IX, plus malin, revient à Rome alors qu'il est gravement malade, ainsi il meurt rapidement à Rome et réinstaure la papauté à Rome. Il faut donc un nouveau pape de préférence italien (pression de la foule romaine et de l'aristocratie) qui sera Urbain VI. Mais ce pape entre en conflit avec les cardinaux qui le trouvent hautain. Un nouveau conclave a lieu qui élit le pape Clément VII qui est nommé en 1378 qui décide de s'installer à Avignon en même temps que règne Urbain VI à Rome, c'est le Grand Schisme. Or théologiquement le seul pape réel devrait être Urbain VI. Cela dure jusqu'en 1410 où on aura même trois papes rivaux suite au Concile de Pise, qui nomme un nouveau pape non reconnu par les papes de Rome et d'Avignon. Cette crise est résolue par un concile de très longue durée sur le terrain neutre de l'Empire, à Constance de 1414 à 1417. Les ecclésiastiques importants y viennent, les souverains y passent de temps en temps ou s'y font représenter. En 1417, un nouveau pape est nommé et parvient enfin à s'imposer, deux papes cèdent et le dernier s'enferme en Catalogne et refuse de le reconnaître. Ce pape c'est Martin V qui revient à Rome et la papauté y restera.


Avec cette crise de 40 ans, l'Église a révélé ses failles notamment la fausse humilité du pape. De plus, cela a divisé les pays européens face aux deux papautés. L'obédience s'est répartie sur des bases politiques en contexte de Guerre de Cent Ans : France, Écosse et Espagne s'assurèrent la papauté d'Avignon. Les anglais et ses alliés ont choisis la papauté romaine. Charles IV, l'empereur de Germanie, a monnayé son soutien papal en échange de l'assurance de faire de son fils le futur empereur. Engagement pris par la papauté romaine et donc basculement de la Germanie.

Avec cette scission, les clergés locaux se sont auto-dirigés sans tenir compte des changements de la papauté. Les critiques à l'égard des pressions fiscales furent très nombreuses. On critique aussi la prétention du pape a nommé les clergés des royaumes d'Occident. De plus, avec l'apparition d'un sentiment national suite à la guerre de Cent ans, des mouvements revendiquent l'organisation de l'Église non plus par le pape mais fonctionnant de manière autonome sous l'égide du souverain du royaume : gallicanisme en France et anglicanisme en Angleterre. Le pape est un souverain comme un autre et ne doit pas se mêler des politiques des autres pays, qu'il se limite à ses États pontificaux. Ainsi le Parlement anglais va définir des limites très strictes au pouvoir du pape (limites dans la nomination d'ecclésiastiques par le pape, compensé par le fait que le roi le peut dans certains cas). Le Parlement émet des textes qui limitent aussi les jugements des tribunaux pontificaux. Finalement, la monarchie anglaise finit par imposer un concordat à Martin V, où le roi devient désormais le gouverneur de l'Église dans ses domaines. En France pareil, le roi veut lutter en passant par l'hérésie associé au crime de lèse-majesté. Ces affaires doivent revenir au roi. Charles VII en 1438 émet sa Pragmatique Sanction, où il explique la création d'une Église de France et rejette la suprématie pontificale. Le pape n'a plus le droit de nommer évêques et archevêques en France et c'est au roi de recommander son candidat à un poste même si les chanoines ont la décision finale de nouvel élu. Mais ce texte très dur, n'a jamais complétement rompu avec la papauté, des tensions fortes en résultent mais c'est tout. En revanche en 1530, l'Église d'Angleterre rompt définitivement avec l'Église papale et s'inspire beaucoup du protestantisme.

Autre conséquence du Grand Schisme, ce sont les appels à la réforme de l'Église par les fidèles et par certains ecclésiastiques. Pour que le pape arrive à être un bon souverain, celui-ci devrait selon le peuple renoncer à ses États et à ses territoires. Il doit devenir un exemple spirituel qui ne doit pas être paralyser par un statut souverain. Plusieurs courants émergèrent sur ces revendications. Les réformateurs évangéliques (reprenant les évangiles) recommandaient des petites communautés de prières avec un faible contrôle de ces communautés où le prêtre serait un simple guide spirituel. Beaucoup de ces courants évangéliques furent poursuivis pour Hérésie à l'image de Jean Hus, le prédicateur praguois. En Angleterre ce furent les lollards autour de Jean Wycliff, protégé par la monarchie anglaise. Mais quand ce mouvement devint populaire, le pouvoir étatique redoutait que ça se retourne contre lui (critique de l'Église → critique des richesse de l'Église → critiques de toutes les richesse dont la noblesse anglaise) et donc a réprimé de concert avec l'Église et les nobles, ce mouvement. Toutes ces idées furent reprises un siècle plus tard par les prédicateurs protestants vers 1570.


Le mouvement humaniste qui s'est développé au XV° siècle en Italie a aussi critiqué l'Église depuis le Grand Schisme avec certains humanistes très chrétiens revenant aux premiers textes de l'Église et d'autres faisant émerger un pensée athéiste. L'humanisme est constitué de nombreux courants. Leur but est de retrouver l'accès à une compréhension des textes de base de l'Église et font un gros travail de réapprentissage des langues anciennes grec et latin, dans lesquels sont exprimés les textes antiques. Ils deviennent alors des philologues, pour retrouver les versions les plus proches des originaux des textes à travers des critiques textuelles. Un des plus éminents de ces humanistes fut Lorenzo Vallas (14071457), Sur la donation de Constantin a lui faussement attribué et mensongère qui démontre que le texte de donation de Constantin est un faux construit de toutes pièces. En effet, la qualité de la langue utilisé dans ce texte publié par l'Église n'est pas compatible avec les langues de l'époque de Constantin (latin réformé / latin ancien) et dénonce un texte du milieu du VIII° siècle élaboré par les premiers carolingiens. De plus, de nombreux lieux ne pouvaient exister à l'époque de Constantin (Constantinople n'était encore qu'une petit ville et non une capitale rayonnante, …). Ce texte est donc un faux construit par l'Église mais Vallas sait bien qu'il ne peut agir seul avec ce texte. Le pape garde malgré tout son pouvoir temporel sur ses États malgré cette dénonciation. Ce n'est qu'en 1870, que le pape ne gardera que le Vatican, reliquat de souveraineté de la politique territoriale ambitieuse de la papauté au Moyen-Age.



Tout au long du Moyen-Age, l'Église n'a de cesse de contrôler le territoire d'abord en l'imaginant puis en devenant souverain sur ces territoires. L'Église a donc connut une croissance en puissance malgré des coups durs. Mais cela n'a cessé de s'écrouler depuis le Grand Schisme et explique l'apparition de mouvements réformateurs qui scinderont l'Église par la suite. Sans cette politique violente de domination territoriale du pape et de l'Église, les critiques n'aurait peut être jamais émergées si radicalement.

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