samedi 26 novembre 2011

Géo des Suds 23 - 11

Précédemment Géo des Suds 16 - 11





La vente informelle d'essence (frelatée)





  1. Pauvreté et économie informelle


Les sociétés ont trouvé des modes de survie de type économie informelle. On retrouve cela à la campagne, mais aussi en ville. Jusqu'au milieu des années 2000, la vision macroéconomique semble catastrophique. Pourtant ces sociétés ont une énergie réelle pas vraiment formelle.


A. Une pauvreté généralisée


D'après une carte du seuil de pauvreté par pays, on constate un recul de l'Afrique sur d'autres pays. En prenant un ménage moyen et en regardant le panier monétaire des biens essentiels (nourriture avec un seuil calorique, frais de santé, transports, frais de logement, frais de scolarité, frais d'habillage, …). Une fois cela fait, on obtient une carte où les deux tiers des pays africains à l'échelle nationale sont sous le seuil de pauvreté, alors même que la définition est très restrictive.

Un autre indicateur est celui du taux de population vivant avec moins de 1,25 $ par jour ou moins de 2$ par jour. Quoiqu'il en soit, l'Afrique ressort encore clairement comme majoritairement pauvre, puisque souvent plus de 80% de la population vit avec moins que cette somme. Cette mesure économique fut contestée.


Avec l'IDH (espérance de vie, alphabétisation et ), plus pertinent on constate que les 20 dernières places internationales sont 20 pays africains. Il y a tout de même des exceptions notamment le sud de l'Afrique.

De même, dans le classement des PMA, 50 pays sont recensés, essentiellement africains. Depuis la création de ce statut vers 1970, le seul pays africain qui a quitté ce statut est le Botswana.

Enfin en se limitant au taux d'alphabétisme des populations de plus de 15 ans, on constate qu'en général 50% à 80% de la population des pays africains n'ont pas appris à écrire ou même à lire. C'est peut être un des handicaps majeurs de ces pays africains.


Pour s'en sortir dans les années 1960 – 1970, on a donné des subventions pour aider les paysans, les industries, les populations, … En Côte d'Ivoire, au Ghana cela eut un certain succès. Mais au tournant des années 1980, on est revenu sur ces projets aux bilans mitigés. La pauvreté a alors connu un nouveau regain énorme, les pauvres le sont devenus encore plus, les classes moyennes ont quasiment disparu. L'idée cachée derrière cette vision est celle du trickle down, ou théorie des miettes. Nous ne pouvons faire vivre des populations au-dessus de leurs moyens, pour avoir des politiques sociales, il faut en amont avoir des recettes. Il faudrait en réalité augmenter la richesse collective pour qu'il y ait des retombées naturelles sur les pauvres, un jour. Cela n'a pas marché évidemment, la richesse ne se partage pas spontanément, il faut l'y aider. Dans les premières années, aucune richesse n'apparaissait, puis dans les années 1990, on a remis des mécanismes de régulation qui ont relancé la richesse économiques mais pas son partage. Depuis la fin des années 1990, on a donc rétabli de nouvelles politiques sociales fixées sous condition de résultats.


B. Informalisation et transgression : des stratégies de survie ?


La survie des sociétés africaines passe par la survie en-dehors des institutions africaines. Traduit de l'anglais informal, en français l'équivalent est décontracté, sans suivre les règles strictes. En Afrique, l'économie n'est pas stricte comme on peut y avoir droit en Europe. Cela n'est pas calqué sur la corruption, il y a des techniques illégales ou amorales, mais ce n'est pas tout, on trouve surtout des économies informelles du type de la vente de ses surplus sur le pas de sa porte.


C'est donc un ensemble d'activités hétérogènes à haute intensité de main d'œuvre (par opposition à l'officielle, qui est une activité à haute intensité capitalistique avec de gros investissements mais peu de main d'œuvre). Elle requiert peu voire pas de qualification. On a aussi une économie de l'apprentissage, on fournit par les apprentis une main d'œuvre gratuite, qui est en contrepartie formée à un métier en plus du fait d'être hébergé.


C. Productions illicites des campagnes et des villes


Presque tout le monde fait fonctionner cette économie : couches populaires et couches moyennes voire parfois des couches élevées. Elle est donc très présente dans plein de domaines. Les ventes de biens comme celle de l'essence faite de multiples illégalités : essence venue du Nigéria à monnaie faible, esquive de la douane et revente dans un pays à monnaie forte, en plus on la mélange à de l'huile en les revendant sur un point de vente non payé. Malgré tout cela bénéficie aux acheteurs qui y trouvent leur utilité. La vente de nourriture souvent faite sur le pas des portes se fait au détail, on peut acheter des demis ou des quarts de légumes. C'est une forme d'adaptation au pouvoir d'achat des gens, souvent des personnes vivant au jour le jour. Alors certes l'achat au micro détail vaut bien plus cher à la fin du mois que l'achat en gros. Mais cela permet d'éviter l'endettement qui est perçu par la population comme la pire des solutions. Pareil dans les marchés, économie moins informelle mais où on trouve des vendeurs à très petites unités. Les transports aussi sont dans cette économie informelle (à pied, charrettes à bras, minibus indépendants, …). Cela provoque des congestions phénoménales avec des politiques très particulières (sectionnement des lignes). Enfin les services sont aussi dans l'économie informelle (coiffeurs, réparateurs de montres, de mobylettes, d'ordinateurs, de circuits du froid, …). Le meilleur de ces secteurs informels est le textile avec de nombreux tailleurs (qui cousent les vêtements) et les brodeurs (finition et détails). L'artisanat fonctionne auprès des touristes aussi.


Ces activités échappent au cadre légal, ne sont pas recensées et ne payent donc pas d'impôts (que ce soit sur le lieu d'emplacement, la masse salariale, …). Ils échappent aussi au code du travail forcément. Ses petites activités se limitent souvent avec deux personnes et demi (le demi pour la famille ou l'apprenti). Le taux de rotation est donc extrêmement élevé et ils sont durs à recenser, l'échec du Burkina Faso le montre. Cela représente toujours plus de 20% des activités, en moyenne 70% à 80%.


D. Une mondialisation par le bas ?


C'est un jeu entre l'informel et l'État. Cette économie est nécessaire et donc l'État tolère ou ferme les yeux. Cela fluctue cependant selon les politiques. On a des phases de « nettoyage » de ces activités puis d'inaction (surtout à l'approche d'élections).


A l'international, dans les années 1970 – 1980, on dénonçait ce système archaïque, peu fructueux et illégal. On a donc tenté de construire un espace commercial plus organisé, de financer des programmes pour devenir entrepreneur, … Cela n'a jamais marché.

Le tournant des années 1980, réalise alors que ce sont des formes entrepreunariales très dynamiques et qu'on peut les pousser à devenir des petites PME. On a donc dit aux États de ne rien faire et de les favoriser. Les subventions qui leur furent fournies, furent investies, dans des transports et des terres. Les Africains sachant que la pauvreté fluctue ont eut l'intuition qu'en augmentant leurs prix (pour de nouveaux coûts, pour de la qualité, …) ils seraient éjectés du marché africain. Ils investissent donc dans d'autres domaines pour en tirer des bénéfices complémentaires, pas pour se développer.


Pour les optimistes, cette économie informelle est preuve du dynamisme africain plus que notre regard européen qui y voit de l'illégalité. Effectivement, cette économie est très inventive mais elle empêche de sortir de la pauvreté malgré tout. Il n'y a pas de profonde évolution de cette économie. L'invention et l'innovation reste inscrite dans un contexte de pauvreté qui bloque toute évolution. D'autant qu'échappant aux impôts étatiques, cette économie ne finance pas les biens publics qui devraient assurer les bases du développement du pays.

Pour les pessimistes, les Africains font de l'économie informelle car ils ne veulent pas payer d'impôts. C'est bien évidemment faux puisque les cadres ne sont pas appropriés à un développement d'entrepreneurs, de plus en échappant aux taxes, les Africains s'assurent un revenu et la pérennité de leur activité. Ce n'est pas culturellement dans leurs gènes.


Il existe cependant des milieux plus fortement illégaux, de véritables trafics : revente de drogues, de médicaments sans boîtes, sans conditionnement, … Cela ne rentre pas cependant dans l'économie informel. La crise des années 1980, des gens dans l'économie informelle ont pu basculé dans les activités illicites, les trafics de toutes sortes (enfants, prostitution, drogues, contrebande, …). Le seul contre lequel le Nord luttent véritablement ce sont les trafics de contrefaçons qui vont à l'encontre de leurs intérêts. Du coup, la culture de plantes à drogues traditionnellement au Maroc s'est répandue puisque 10 ares de cannabis rapportent autant que 30 hectares de cacao. De même avec le khat (type de coca appelée thé d'Abyssinie) en Éthiopie, autrefois bien maîtrisé et qui sous l'effet de la demande extérieure croît considérablement et se propage en Afrique. Notons aussi l'importance croissante des trafics d'hommes comme les enfants-esclaves.

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