mercredi 23 novembre 2011

Antique 22 - 11

Précédemment : Antique 15 - 11 (et cours fournit directement par le professeur)






Apollon face à la dragonne



  1. Le rôle pivot d'Apollon à Delphes

A. Apollon archégète, modèle de l'entreprise colonial

Apollon a son sanctuaire à Delphes, c'est lui-même qui a fondé son temple. Cela est raconté par Homère depuis sa naissance sur Délos jusqu'à la fondation du sanctuaire de Delphes. Cette aventure évoque terriblement celle d'un oikiste, d'un fondateur d'une cité. Apollon court donc de Delos à Delphes où il s'y arrête et y jette les fondations à la fois du temenos (enceinte sacrée) et de son futur temple. Cela évoque l'acte de l'oikiste qui définit les bases de la future cité en arrivant. Apollon, tout comme les oikistes définissent les limites mais laisse à d'autres le soin de bâtir.
Le parallèle ne s'arrête pas là. Pour achever la construction Apollon se transforme en dauphin (d'où le nom de Delphes, venu de dauphin, delphinios en grec)
et va détourner un bateau crétois pour le réorienter vers le Parnasse pour y établir des hommes qui lui rendront un culte. Là encore, l'oikiste amène par bateau des hommes qui deviennent les futurs citoyens de la cité.

Or Apollon est aussi un dieu destructeur et il doit se faire un place par rapport à ceux qui habitaient le lieu. La fondation est elle-même toujours violente. On a donc un affrontement entre Apollon et l'animal sur place, une dragonne (drakaina) assistée d'une chimère. Le combat s'engage et Apollon l'emporte, la dragonne agonisant donnant un coup de queue séparant le massif du Parnasse en deu
x. Cette violence de la fondation c'est donc l'élimination des anciens occupants mais qui doit être suivi d'une expiation comme toujours. Apollon va donc devoir expier son meurtre et est contraint de s'exiler pendant des années en Thessalie en se mettant au service du roi Admète. Le cadavre qu'il a laissé pourrir au soleil (pytheuein en grec) lui donne son qualificatif, désormais à Delphes, on révère Apollon pythien.
L'histoire d'Apollon est donc le modèle de l'installation coloniale, mais aussi sa légitimation, puisque par le biais de son oracle,
il apporte sa caution à l'entreprise coloniale et justifie la prise de territoires.

B. Le nécessaire recours à l'oracle de Delphes

Sparte, cité peu fondatrice de colonies, fonda tout de même la cité de Tarente. Phalantos, son oikiste est à la tête d'individus mal intégrés à la cité de Sparte, il va voir l'oracle de Delphes et Apollon via la pythie déclare « Moi, je vous donne Satyrion et Taras, un pays riche pour que vous y habitiez et
soyez un fléau pour les Iapyges ».
Ainsi le territoire est un don religieux, un ordre du dieu Apollon que ce soit à l'installation ou à la persécution des Indigènes. Notons tout de même, qu'il arrive que les récits mettent en scène dans le devenir de la colonie une obligation d'entente avec les Indigènes.




Mythes et tyrannie

Pisistrate et Kypsélos



Les liens entre tyrannie et récits mythiques sont multiformes. Pour comprendre ces liens, il faut avoir en tête les principales caractéristiques de ce régime. La tyrannie archaïque est une forme de pouvoir personnel, établit à la suite d'un coup de force généralement dans un contexte de stasis, de discorde civile (opposée à polémos, la guerre extérieure contre des étrangers). La tyrannie disparaît au début du V° siècle et les sources postérieures montrent cette tyrannie comme formée par une constitution déviante caractérisée par l'illégalité et l'usage excessif de la force.
Dans ce contexte, on comprend le soucis qu'avait les tyrans de légitimer leur prise de pouvoir. Dans ce but, ils ont recourus aux mythes pour légitimer leur pouvoir via des formes de propagandes culturelles et religieuses. On les décrivait parfois comme des héros légendaire (tel Kypsélos, premier tyran de Corinthe) ou encore en montrant qu'ils ont l'aval des dieux (tel les Pisistratides à Athènes soutenu par Athéna).
S'en suivra une contre-propagande forte à la fin de ces épisodes (-V° - -VI° siècles) pour les exécrer. Il y a donc eut la formation d'une légende noire des tyrans transformés en héros maudits par les dieux. Ils auraient bafoué toutes les lois des hommes comme des dieux (tel à Corinthe autour de Périandre nouvel Œdipe). C'est à Athènes que cette contre-propagande prendra un véritable essor aboutissant finalement à l'image des tyrannicides, considérés presque comme des dieux pour avoir assurer la pérennité de la démocratie.


  1. L'usage tyrannique du mythe

  1. Kypsélos à Corinthe : le retour du roi

Les tyrans ont tenu à se présenter comme des héros de mythe pour avoir l'accord populaire. Ils ne prennent le pouvoir qu'après une série d'épreuves qui légitime leur retour au pouvoir.
Hérodote explique qu'à Corinthe existait une oligarchie autour des Bacchiades, famille de 200 à 300 personnes. La ville plus prospère encore qu'Athènes à cette époque, est un passage important pour le commerce de par sa situation. Ces Bacchiades se marient entre eux, principe d'endogamie, mais un d'eux à une fille boiteuse : Labda. Impossible de la marier dans sa famille, on la refuse. Elle est donc mariée à Eétion, descendant d'un Lapithe, Kaineus, être hermaphrodite (tantôt homme, tantôt femme) et immortel par don de Zeus. L'enfant de cette union est Kypsélos, descendant d'une mère boiteuse et d'un fils d'hermaphrodite, donc une double boiterie.
Selon Nicolas de Damas, secrétaire d'Hérode le Grand, avant même qu'il soit né, les oracles auraient dit que cet enfant aurait un destin exceptionnel et prendrait le pouvoir à Corinthe. Les Bacchiades l'apprenant envoient un groupe d'hommes chargés de tuer cet enfant. Manque de bol, l'enfant sourit à ces futurs meurtriers et ceux-ci vont réfléchir à qui devra le tuer. Pendant ce temps, sa mère cache Kypsélos dans un coffre (kypselé en grec). L'enfant introuvable, les mercenaires rentrent bredouillent mais font croire aux Bacchiades au succès de leur mission. Devenu adulte, un oracle de Delphes convainc Kypsélios de reprendre son pouvoir, ce qu'il fait avec l'accord d'Apollon donc, et après avoir été élevé à Olympie donc sous la protection de Zeus.

Cette histoire d'un point de vue fonctionnaliste est calquée sur un groupe de légende, dont la fonction est de justifier l'émergence d'un nouveau chef, un retour du roi. Les mêmes caractéristiques se retrouvent : expositions d'un futur roi encore enfant, survie miraculeuse (parfois avec intervention divine) puis retour au pouvoir suite à une éducation faite à l'extérieure. C'est le même schéma pour Cyrus, Romulus et Rémus, Moïse ou encore Jésus. On dénombre 122 cas identiques en Europe et dans le Proche-Orient.
Sur un point de vue contextualiste, le cadre politique est celui d'une propagande politique religieuse de Kypsélos puis de son fils Eriandre menée dans les grands sanctuaires panhélléniques de Grèce (Delphes et Olympie). Dans l'histoire même, l'oracle de Delphes apporte sa caution à la prise de pouvoir avec deux oracles successifs. Pour remercier ces aides, Kypsélos est alors le premier à construire à Delphes un trésor, petit espace destiné à recevoir des offrandes. Les Kypsélides ont donc voulu monumentaliser leur rapport avec le dieu qui les aide, d'autant plus que les Corinthiens ont développé de nombreuses colonies, donc lien avec Delphes renforcé.
De plus dans la version de Nicolas de Damas, Kypsélos aurait été élevé à Olympie, donc il aurait reçu le soutien de Zeus. A défaut d'en être sur, on sait que Kypsélos a dédié une offrande (statue de Zeus en or) à Zeus ainsi que la kypsele dans lequel il avait été caché, installée dans le temple d'Héra à Olympie. Zeus le roi des dieux lui a donc apporté aussi son soutien.

La prise du pouvoir est donc doublement justifiée par le schéma traditionnel du retour du roi et parce que les dieux Apollon et Zeus lui apportèrent sa caution. Pour diffuser ce récit, on sait que les tyrans de Corinthe payaient des poètes pour chanter leurs louanges. Le plus célèbre de ces poètes à la cour des Kypsélides fut Arion de Lesbos. Périandre malgré sa légende noire était dans certains récits l'un des Sept Sages du monde grec.

  1. Les Pisistratides, Athéna et Héraclès : mythes et propagandes politiques

Hérodote raconte comment la prise de pouvoir de Pisistrate fut longue et difficile. Un premier coup de force en – 561 le mène au pouvoir mais il échoue avec l'alliance de Mégaclès (des Alcméonides, grande famille prestigieuse) et Lycurgue (des Etéoboutades, où l'on prenait les prêtres d'Athéna Polias).
Cinq ans plus tard par une alliance avec Mégaclès, Pisistrate reprend le pouvoir. Dans cette deuxième tentative, il arrive à Athènes avec Phyè du dème de Painia, dans la montagne où Pisistrate avait ses partisans, qu'il habille en tenue d'Athéna. Les citoyens athéniens croient alors à une épiphanie, l'apparition d'un dieu parmi les hommes. Du coup, l'éclat de Pisistrate est énorme et il parvient au pouvoir. Or Lycurgue était donc un des prêtres d'Athéna polias, donc il avait un rapport privilégié avec la déesse. Donc le jeu de Pisistrate et de Mégaclès est de capter l'image d'Athéna pour l'arracher au monopole de Lycurgue. Cependant Mégaclès marie sa fille à Pisistrate, qui accepte le mariage mais ne touchera pas puis qu'il répudiera (les Alcméonides étant maudits depuis qu'ils ont tué des partisans de Cimon dans le sanctuaire d'Athéna polias). Du coup, l'alliance prend fin et Périclès est de nouveau éjecté.
Il revient une troisième fois, par les armes. Il débarque à Marathon (comme son fils menant les Perses le fera ensuite)

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