samedi 19 novembre 2011

Moderne 15 - 11

Précédemment : Moderne 08 - 11



Le monde des métiers urbains





Le monde de la ville est celui de l'artisanat avec une subdivision impressionnante en corporations qu'à l'époque on nomme plutôt jurande, communauté d'arts et métiers, corps, … Longtemps l'historiographie ne s'est intéressée qu'à ce modèle comme si c'était une mode dominante sous l'Ancien Régime. Depuis les années 1990, une nouvelle historiographie apparaît puisqu'elle aborde autrement le sujet avec une approche révisionniste. Une nouvelle organisation de l'artisanat urbain avec des corporations qui sont un phénomène toujours minoritaire avec une forme d'organisation imbriquée dans de multiples autres formes de travail qui s'avéraient complémentaires.



  1. Le système corporatif


  1. L'aveuglante disparité des métiers


Il y a des statuts juridiques et des organisations extrêmement différentes selon les corporations d'après Coornaert. Toutes ces organisations règlementent l'accès à une profession, les conditions de l'apprentissage, les conditions d'exercice du métier et les frontières avec les autres types de métiers. Il s'agit tout de même de corps privilégiés, d'un exercice en exclusivité d'un travail professionnel. Monopole d'un métier particulier dans une ville, ces métiers ont aussi un tribunal, un gouvernement interne, un droit de justice, un droit de police, un droit de propriété, un droit de blason ou encore un droit de sceau. En échange de cela, leur mission principale est de servir le public en suivant les règles notamment sur la qualité des produits et sur les services sur lesquels ils ont un privilège.


Leurs origines sont relativement incertaines, chaque corps de métier, à l'image des grandes familles, souhaitant avoir une parenté lointaine. La plupart émergent lorsque les métiers de la marchandise et artisanaux contribuèrent à l'autonomie municipale et la définition du droit de la bourgeoisie.

Ce sont aussi des outils politiques que ces corporations. En effet, elles participent de la société de corps de l'Ancien Régime. Elles ont tendance à se multiplier fin XVII° sous Louis XIV, Colbert souhaitant les généraliser mais sans que ce fut effectif.


Les statuts de ces métiers sont extrêmement différents, on différencie les métiers jurés qu'on trouve dans les villes de lois, dépendantes directement du roi par lettre patente de ce dernier. Reconnus par le roi, ces métiers peuvent faire action devant la justice royale.

Les autres sont des métiers dis « réglés » et reconnus par les instances municipales, les parlements, les provinces mais pas par lettre patente royale. Ces formes de métiers sont présentes dans les zones ??? (Lyon, Toulouse, Lille, …). Théoriquement, ces derniers métiers ne forment pas corps et n'ont pas de pratiques juridiques. Au fond, il y a de multiples variations et gradations de statuts, ce sont des métiers statués leur donnant une personnalité juridique effective plus ou moins forte.

D'où cette aveuglante disparité, on va trouver dans une même ville des métiers aux statuts très différents les uns et les autres. Surtout que la forme corporative n'est pas fixe mais évolue selon la force politique des métiers, selon le contexte en général. Ils s'opposent aux métiers libres.


Parallèlement, ils se sont tous dotés d'une confrérie religieuse qui accompagne le métier mais qui en reste bien distincte. Cela témoigne de la prégnance de la vie religieuse dans la vie de tout les jours avec un Saint patron, un bout de chapelle qui lui est dévoué, un jour chômé par métier pour fêter ce saint, des processions en son honneur ont lieu de manière publique et illustrent l'importance de ce métier par cela. De plus, les confrères du métier se prêtent assistance mutuelle, ils cotisent pour assurer les fêtes, les processions, l'entretien des locaux, les besoins des confrères malades, les funérailles des confrères, … La généalogie des associations de secours mutuel est aussi à trouver dans les confréries qui se prêtent mutuelle assistance. Bien sur la confrérie ne prend pas tout les hommes de métier, elle est restreinte en général aux maîtres seulement.


  1. Une structure ternaire


En bas on trouve les apprentis qui rentrent dans le métier à peu près partout par un contrat d'apprentissage en général stipulé devant notaire et approuvé par la justice. Il établit ainsi les clauses des droits et devoirs respectif du maître et de l'apprenti. Cette entrée à l'apprentissage se fait de manière variée, certains enfants rentrant très jeunes, mais généralement il est plus tardif, pour Kaplan, ce serait surtout entre 15 et 16 ans à paris. Le temps d'apprentissage est très variable d'une année à l'autre, il n'est pas toujours en relation avec la difficulté technique du métier (on ne travaille pas très jeune et longtemps à cause seulement de la complexité). C'est surtout la régulation du volume de la main d'œuvre dans le métier qui fixe le temps d'apprentissage. Moins un maître accueille d'apprentis, plus la main d'œuvre est limitée. Les compagnons tentent très régulièrement de limiter le nombre d'apprentis. Ce temps long d'apprentissage permet eux maîtres de bénéficier d'un élève quasiment formé qui travaille plus ou moins gratuitement. C'est donc parfois un échange pécuniaire entre le maître et la famille de l'apprenti. Dans la moitié des cas, la famille paye le maître pour sa mise en apprentissage et l'autre moitié est une petite rémunération du maître vers cette famille, mais sans équivalent avec le salaire des compagnons.


Le maître doit « enseigner son art » sans que d'autres précisions soient fixées, c'est donc un point de tension entre maître, famille et apprenti. On a donc de nombreuses traces de conflit sur un apprentissage inexistant. Pourtant, l'apprentissage se fait beaucoup par l'observation et la répétition. Comme les domestiques, les maîtres doivent souvent blanchir, nourrir et loger leurs apprentis avec une tendance à traiter humainement leurs apprentis. Nouveau point de tension puisque la violence physique fait souvent parti des formes d'apprentissage. On a donc parfois des plaintes d'apprentis vis à vis de leurs maîtres.

L'apprenti doit servir fidèlement son maître, doit lui même se vêtir et la famille est responsable du respect des clauses par l'apprenti. Souvent le contrat est donc assorti de clauses monétaires à la charge de la famille si l'enfant s'enfuit. Ce thème de la fuite est constant et permanent puisque les apprentis ont très régulièrement tendance à vouloir fuir, leur nombre est indécelable mais on pense qu'un tiers des apprentis ne finissent pas leur apprentissage.


Le temps d'apprentissage finit, on devient compagnon, ce compagnon passe avec le maître un contrat de louage de personne, proche du louage des domestiques (mais différent) pendant des temps qui varient très fortement. Il n'y a pas de règles cela va de quelques semaines à plusieurs années, voire pour une tâche donnée. On distingue les contrats à façon (pour une tâche donnée) et les contrats au temps (pour un temps donné). Mais même ici les frontières sont floues, d'autant plus que les contrats d'embauche des compagnons sont oraux donc mal connus. Les formes de rémunérations sont diverses et comportent souvent une partie en nature (souliers, vêtements, alimentation, logement, …). Le modèle traditionnel préférant que les compagnons soient logés dans la maison du maître mais cela semble en recul à Paris, moins en province. Au bout d'un temps variable, jamais fixé, les compagnons peuvent passer maîtres. Pour cela, à partir du XVI° siècle il faut réaliser un chef d'œuvre, très variable, de plus en plus prévu par les textes. Ce travail est évalué par le maître de corporation qui juge si le candidat est apte ou non. Ces œuvres sont très différentes d'une ville à l'autre. Pour les pâtissiers de Lyon, il faut préparer un plat d'oublerie, un plat de cuisine et un pâté de bonne viande. Les éléments sont à la charge du candidat, il doit régaler ses maîtres, doit payer son certificat de catholicité et de bonnes mœurs. Ce passage est aussi l'obligation d'adhérer à la confrérie. Devenir maître suppose souvent des coûts importants, coûts officiels et coûts non-officiels (souvent plus conséquents ces seconds d'ailleurs). De plus en plus, il y a une régulation du nombre de maîtres de métiers, fixé par le gouvernement des métiers.


  1. Le gouvernement des métiers


Ils s'administrent eux-mêmes, définissent leurs règles de statuts. L'instance de décisions repose dans l'assemblée générale des maîtres. Elle a lieu en général une fois par an le jour du saint patron. Elle élit ce qui vont diriger pour l'année à venir le gouvernement de corporation. Cela peut être direct, parfois censitaire et indirect. Il y a aussi un degré d'ancienneté, qui fait que les plus âgés peuvent élire et être élus, les plus jeunes ne pouvant parfois même pas élire. Ce critère de l'ancienneté est crucial et se double de la richesse, de l'assise économique.


Ces membres de l'assemblée sont nommés jurés, gardes, gardes-jurés, syndics, esgards, prud'hommes, … Ils doivent diriger l'orientation du métier, gèrent la police et la justice. Ils peuvent à tout moment, par un droit de visite, intervenir dans un atelier. Ils peuvent aussi effectuer un droit de visite chez des maîtres d'un autre métiers pour vérifier qu'ils n'empiètent pas sur leur corps de métiers. Ils ont enfin un droit de visite dans les lieux d'exercice de métiers libres. Tout cela provoque de grands conflits. C'est une vraie police du métier.

Ces hommes ont aussi un droit politique atténué au XVI° siècle mais pouvant s'avérer important. Un corps de métier peut assurer la défense de la ville (par des hommes en armes venant du métier, …). Ce rôle politique se manifeste dans les processions urbaines. Enfin, ils ont un rôle fiscal, le roi peut leur demander certaines sommes d'argent pour des cas particuliers.


Lors de la mise en place du projet de capitation, les maîtres des métiers sont nommés (par qui ?). Et ils ont un certain nombre de contrôles (poids et mesures, registres, garde des archives, …). Ils ont alors un ensemble de fonction qui ont tendance à devenir des offices du pouvoir royal. On vend donc des charges que les corps rachètent pour ne pas perdre leurs offices. La vénalité des charges touche aussi les corps de métier.



  1. Evaluer les corps de métiers statués ?


  1. Une difficile évaluation


Selon les régions, l'évaluation est différente. Dans certaines régions entières il n'y a aucune organisation des métiers statués à proprement parler (Béarn, Vivaret, Gévaudan, …). Il y a surtout des régions avec une telle organisation très limitée, comme en Auvergne avec trois villes seulement : Clermont, Riom et Thiers. Idem en Berry avec deux villes seulement possédant des métiers statués : Bourges et Issoudun. A l'inverse, dans d'autres régions, le nombre est bien plus conséquent, par exemple, on en comptait 107 en Touraine.


  1. Selon les villes


Il y a de grandes différences entre les villes. A Nevers, mi XVIII° siècle avec 14 000 à 15 000 habitant, il y a une quinzaine de métiers jurés et quelques métiers réglés à coté. C'est peu alors qu'à côté, on trouve à Rennes 24 métiers jurés et environ 759 maîtres en 1755. A Lyon on a 4 métiers jurés mais de multiples métiers réglés. Enfin à Paris, on détermine 110 à 130 métiers réglés mi-XVIII° siècle. Le cas maximal de Paris est bien peu représentatif des autres villes.


A l'intérieur même des villes les différenciations sont de taille. A Paris, dans le métier des tailleurs on estime à 1900 maîtres, et plus encore de compagnons et d'apprentis. Dans les maîtres en fait d'armes, ils sont seulement 14. A Lille en 1777, la communauté des maîtres filetiers (formée en 1691) est constituée de 116 maîtres qui détiennent 413 moulins à retordre, donc un capital fixe important et qui font travailler 2000 personnes sous leur corps. La différence entre l'artisan et le corps est béante, on est loin de l'image du petit entrepreneur.


De plus, on a des différences dans le poids économique et symbolique entre chaque corps. Ainsi dans les 6 corps de Paris, les Six Corps les plus importants de la ville qui ont un poids important en politique, en économie et autres. Ce sont les corps les plus riches de Paris qui même sous l'absolutisme ont un poids politique (draperie, épicerie, mercerie, pelleterie, bonneterie, orfèvrerie). Ces six corps se réunissent souvent pour discuter entre eux. Dans les processions, ils sont toujours devant et se démarquent par leurs emblèmes. Mais ce sont aussi les corps les plus taxés par le roi. En 1759, le roi leur demande 500 000 livres, 700 000 livres en 1762 et plus d'un million de livres en 1782. Leur puissance économique est gigantesque, ces maîtres sont avant tout de la très haute bourgeoisie parisienne.


  1. Un monde uniquement masculin ?


On estime souvent et cela s'avère vrai, on a de nombreux corps masculins. Plusieurs métiers interdisent leur entrée aux femmes. Ils sont donc un processus social de valorisation et de qualification mais des hommes uniquement. Cette valorisation est le fait des hommes seulement.

Il existe néanmoins des jurandes féminines ou mixtes, très peu nombreuses ceci dit : 10 / 70 à Rouen, 5 / 120 à Paris, aucune à Lille, à Dijon ou encore à Caen. Le rôle des femmes dans les corporations a souvent été négligée. Dans La fabrication des femmes, Crowston étudie la création à Paris en 1675 d'un corps de couturières uniquement féminine, de même que sera crée le corps plus éphémères des boutiquières. La raison de cela est avant tout financière, le gouvernement royal compte que 3000 couturières payant des droits d'accès au diplôme, peut ramener 90 000 livres au trésor royal. En 1691, il est aussi prévu de crée 9 corps spécifiquement féminin (fruitières, rogatières, coiffeuses, herboristes, …), mais ça ne sera jamais appliqué, tout comme on prévoyait aussi des corps mixtes (blanchisseuses, …) qui n'aboutiront pas non plus. Par contre, on verra apparaître le corps très féminisé de marchandes de mode.

Les 3000 couturières de 1776 : les maîtresses peuvent dirigées leurs affaires sans autorisation maritale et sont donc tenues de se limiter à la production d'habits pour femmes et enfants. Les tailleurs pour hommes vont s'occuper de la couture pour les hommes. Cependant, les maîtres des maîtresses n'ont pas les droits équivalents des femmes des maîtres d'un autre métier. On estime à un tiers ou un quart des apprenties et compagnonnes deviendront des maîtresses. Cela reste constitutif des identités sociales par le travail. Elles s'opposent donc aux hommes, et surtout aux maîtres tailleurs avec qui elles auront de nombreux conflits. Les femmes restent donc marginalisées dans e travail.


En revanche, les femmes de maîtres ont un rôle important dans la gestion de la boutique et du cadre du travail. Elles sont une présence constante aux côtés de leur mari parfois à la place. Elles gèrent souvent l'aide aux compagnons, le rapport aux clients et les comptes. Ce rôle concret et quotidien est néanmoins fragile et ne se double pas d'un statut légal, sauf quand elles deviennent veuves. Les veuves de maîtres ont un statut légal et peuvent reprendre l'activité de son mari et l'exercer durant un certain temps, elles peuvent quelques fois participer aux assemblées générales du métier et peuvent parfois prendre des apprentis. Elles exercent alors une activité dans le cadre des corporations. La majorité des femmes restent en dehors de cette qualification professionnelle et restent plutôt comme la majorité des hommes du coté des métiers libres.



  1. Prégnance sociale du modèle des communautés de métiers


Bien que minoritaire, ces structures imprègnent l'esprit du monde artisanal.


  1. Un langage corporatif


Ce langage imprègne l'ensemble de l'organisation professionnelle, en-dehors mêmes des corporations. Ainsi dans les métiers libres, on trouvera des « maîtres libres ». On retrouve ces termes mais la signification sociale est tout aussi floue que dans les milieux corporatifs. On appelle maître celui qui possède la boutique sans avoir respecté les étapes traditionnelles pour devenir maîtres. Pour les gagne-petits, les ravaudeuses, les porteurs d'eau, les ramoneurs, … On va trouver des compagnons, des maîtres et des apprentis. Les décrotteurs sont hiérarchisés selon la mobilité ou non : les ambulants sont distingués des résidents appelés « maîtres » et de ceux rattachés à une maison particulière.

Sewell parle de la permanence de ce langage corporatif jusqu'à selon lui 1848. Cela a été un élément de division constante du monde du travail avec des conflits très nombreux avec les autres métiers voisins.


  1. Travail libre et « faux ouvriers »


Loin des corporations, ils y sont parfois rattachés. Ainsi les alloués qui se développent dans le XVI° siècle, on des contrats écrits avec les corporations, mais ils ne deviendront jamais compagnons à part entière, encore moins maître. Pour le maître, cela lui permet d'avoir une main d'œuvre supplémentaire, moins rémunérée, plus docile et qui ne leur fera pas concurrence. C'est un élément de conflictualité supplémentaire, les compagnons protestant contre des alloués qui leur font concurrence.

On trouve aussi les chambrelans qui sont parfois compagnons ou alloués mais qui travaillent dans leur chambre, ils n'ont pas pignon sur rue. Ils vendent les objets ou les services sans en avoir théoriquement le droit. Les compagnons qui font du travail en chambre, vont vendre directement aux clients. Ils n'en ont pas le droit, et la qualité n'est pas contrôlée. On peut parler d'une économie de l'ombre dans des lieux secrets et détournés, comme dans les traités de police. C'est connu de tout le monde ceci dit. A Paris ces chambrelans sont très nombreux.

On trouve aussi les marchands et les artisans selon la cour. Ce statut privilégié accordé par le roi à tous ceux censés le fournir en biens ou en services. Leurs litiges sont traités par le prévôt du roi et en appel par le Grand Conseil. Ils peuvent ouvrir boutique partout où le roi séjourne (là où il a une demeure, un domaine, …). Ces artisans privilégiés peuvent exercer leur activité. Le roi peut toujours accorder des lettres patentes de privilèges à tel ou tel individu, soit pour l'inclure hors de la carrière normale de la corporation, soit pour l'autoriser à travailler en dehors de cette corporation.


On a donc jamais des frontières très nettes entre les différents statuts. Ça se voit surtout bien à Paris, où toutes les complexité éclatent à nos yeux. On trouve en effet, de nombreux lieux privilégiés, des espaces où les organisations corporatives n'existent pas car elles peuvent s'organiser comme elles le souhaitent (Parvis de Notre-Dame, faubourg Saint-Antoine, …). Thillay étudia le cas du faubourg Saint-Antoine, privilégié par le roi en 1667 et qui devient entièrement libre sans que les corporations puissent intervenir. Malgré des attaques continues et répétées des corporations, le roi maintient son application. Dans ce faubourg, on mélange à la fois les vrais et faux ouvriers qui seraient, selon les corporations, moins bien formés, moins bien payés, travaillant moins bien, … Mais on trouve aussi des vrais maîtres qui utilisent de faux-ouvriers, font payer aussi cher leur production, mais rémunèrent moins leurs salariés et produisent parfois des produits de très bonne qualité. On trouve des maîtres sans capacité économique et donc qui s'installe comme compagnon. Le métier est organisé, mais devient un instrument aux mains des acteurs économiques. D'où une nouvelle historiographie des corporations.


  1. Historiographie renouvelée


Dans de nombreux manuels vieillis, on trouve la légende dorée des corporations construites a posteriori et qui les présente de manière idéalisée avec un modèle familial très prégnant où maîtres et compagnons s'entendent tels un père et ses enfants. C'est Sonescher qui développa cet idéal et qui fut repris chez les Sans-culottes. Cette idéalisation perdure au XIX° siècle et fut récupérée mi-XIX° siècle par le catholicisme social mais anti-révolutionnaire. Au XX° siècle, des corporations très élaborées sont mises en place par les régimes autoritaires (Pétain, Franco, Mussolini) comme idéal pour dépasser la lutte des classes.

Si le modèle familial existe bien, les conflits sont extrêmement nombreux et les corporations, dés qu'elles se développent, sont aussi des instruments de domination et donc l'objet de contestations et de multiples conflits surtout autour de la mobilité. La mobilité des compagnons entre les boutiques va être constamment dénoncée jusqu'à ce que le billet de congé devienne obligatoire en 1749 sur rôle royal.


La légende noire des corporations née au XVIII° siècle, apparu avec le développement politique des physiocrates et des libéraux. Selon cette légende, les corporations avaient une politique malthusienne de restriction de l'accès aux professions donc une restriction des effectifs de la main d'œuvre. De plus, elles se reproduisaient avec une tendance endogamique très forte (les fils de maître devenaient maîtres dans le même métier). Enfin, contre toutes les innovations et les nouveautés, les corporations auraient freiné la modernisation et le développement économique. Ce fut repris au cours du XX° siècle.


Les années 1990 s'opposent aux deux courants à la fois avec une naissance plutôt anglo-saxonne. Ainsi Shepard qui étudie les corporations à Dijon, se pose les questions classiques des deux courants. Il en arrive à la conclusion que les maîtres reçus à Dijon, ne sont généralement pas de la ville mais s'y insèrent. Le taux de renouvellement est croissant avec seulement 9% des fils de maîtres devenant maître. Il y a une importante mobilité, le tout dans une ville pourtant atone sur le plan économique. Il y a donc une stabilité économique dans le renouvellement et la mobilité. Ce système fonctionnait donc à Dijon. Son étude révéla le fonctionnement très différent d'une ville à l'autre et d'un métier à l'autre. Ces corporations étant des instruments aux mains des grands marchands fabricants.



Des corporations minoritaires en France, mais minorité favorisée pour ceux qui y travaillent par leur statut reconnu, pouvant les classer haut dans la hiérarchie sociale. Ce n'est pas un lieu de pacification sociale, bien au contraire. Enfin elles ne sont pas le lieu d'une fermeture sociale et technique du monde du travail sous l'Ancien Régime.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire