lundi 21 novembre 2011

Médiévale 21 - 11

Précédemment : Médiévale 14 - 11






Le Domesday Book






L'Angleterre va innover en en créant une grande enquête dés le XI° siècle, le Domesday Book dont l'objectif est de recenser l'ensemble des villes et villages et de leurs infrastructures. Il y avait 7 à 9 régions parcourues par les enquêteurs royaux qui devaient s'arrêter dans tout les lieux habités et poser des questions précises à chaque individus (à qui appartenait le comté avant la conquête par Guillaume le Conquérant ? A qui Guillaume l'avait donné ? Combien ce comté comptait de hundred (subdivision territoriale du comté) ? Combien d'habitants dans le village ? Quel est votre statut ? Quel est le statut des terres ? Combien de hide (surface de terre d'un village pour que le roi lève le gueld, impôt exceptionnel)). Les historiens ont démontré à quel point cette liste de questions précises a pu unifier le royaume. Plus que d'enregistrer, les enquêteurs imposaient un vocabulaire venu d'en haut ainsi que l'espace et le territoire comme le concevait les élites. Guillaume le Conquérant l'aurait fait pour savoir combien il existait de hide et en conséquence combien il devait toucher en levant le gueld. Les historiens anglais l'ont répudié, en montrant combien de fois ce domesday book fut recopié et transmis jusqu'au XIII° siècle tend donc à montrer que le but n'était pas simplement fiducier. De plus, cela n'aurait pas été utile de posé tant de questions juste pour déterminer les hides. Il y avait donc pour but une vraie connaissance détaillée de l'état du royaume.

Pourtant Guillaume le Conquérant fut peu imité. C'est seulement au XIII° siècle que cela revient avec par exemple les enquêtes de « réformation » de Louis IX pour connaître les abus des officiers sur les domaines du roi. Dans un second temps, revenu de la croisade, Louis IX voulant connaître la composition des domaines du royaume. Il fut alors imité à son tour au milieu du XIII° siècle avec de nombreuses enquêtes détaillées permettant au roi de connaître son domaine territorial et les revenus que peut fournir le territoire d'un prince. Le Comtat Venaissin le fait en 1253, le Poitou en 1269, …


Nordman, historien médiéviste qui s'intéresse aux frontières du royaume de France a écrit des articles suggérant de mettre en relation la manière dont les hommes du Moyen-Age rédigeaient des textes de listes de lieux et la représentation du territoire. Pour le Comtat Venaissin, les lieux recensés où l'on récupérait l'impôt forme un circuit qui montre que le territoire était perçu comme tel, ce n'est pas une classification alphabétique. Gautier Dalché constate que lorsqu'on représente les territoires sur des cartes au XV° siècle, les souverains médiévaux ne représentaient jamais de frontières. Il lui semble qu'au XIII° siècle des frontières furent réellement délimitées sur le terrains via des opérations de bornage. Du coup, il en conclut que c'est parce qu'on ne sait pas projeter l'espace sur les cartes. Or Alberti, architecte (1404 – 1472) explique que les méthodes géométriques pour représenter des territoires sur des cartes sont bien maîtrisés. Donc problème évident. Gautier Dalché continue son enquête et trouve à Venise un dossier sur des conflit de limites territoriales entre la République de Venise et de la ??? de Padoue. Dans ce dossier, il y une carte qui délimite les territoires de Venise et ceux de Padoue. Or cela semblerait avoir énervé le duc de Padoue vis à vis de l'homme qui fit cette carte car il aurait stabilisé le territoire. Gautier Dalché en conclut que les rois avaient donc une conception expansionniste de leur territoire et ne pas mettre de limites permettait ainsi d'avoir une perspective politique d'agrandissement du territoire. On s'appuie donc depuis longtemps sur des textes et cela reste.


  1. La construction d'un espace politique


Le premier facteur qui favorise un sentiment d'appartenance à un royaume fut la multiplication, fin XI° siècle, de l'envoi des agents royaux sur le terrain. Le royaume d'Angleterre est pionnier avec des shériffs qui doivent représenter le roi et être un intermédiaire entre le roi et la population, un par comté. Mais cela marche difficilement du fait de la transmission héréditaire du titre. Sous Henri II (1154 – 1189) les shériffs furent alors nommés (parfois destitués) par le roi et donc cela fonctionne plus efficacement. De plus, Henri II crée des eyres, des tournées de juges sur le terrain qui doivent tenir des assises royales à tout ceux qui le demande.

En France, à part les prévôts qui relevaient les revenus seigneuriaux, nous n'avions pas atteint ce stade. C'est vers 1190 qu'apparaissent les baillis (nommés et révoqués par le roi) destinés à surveiller les prévôts et à rendre la justice en seconde instance. Ce n'est qu'au milieu du XIII° siècle pour qu'on leur donne un territoire où appliquer leur rôle, fixés dans un bailliage.

A la même époque, en Espagne, des officiers royaux apparaissent, les merinos, installés dans les merindades (1230 en Castille, 1250 à peu près en Navarre et en Aragon). En revanche, au Portugal, il faut attendre les années 1330 pour voir apparaître des officiers royaux sur le terrain.


Un autre facteur est celui des systèmes d'imposition permanent. En France, la Guerre de Cent Ans va le permettre d'autant que depuis un siècle, régulièrement les souverains anglais et français étaient en déficit sans pouvoir rien faire. Avec la guerre on combine l'impôt direct aux impôts indirects. La taille, impôt direct, remplace le fouage (impôt sur le foyer), mais on conserve voire on ajoute de nouvelles taxes indirectes. En Angleterre, il en est de même. L'impôt direct le dixième (1/10 des revenus) ou le quinzième est complété d'un impôt indirect sur les exportations de la laine.

Dans les pays non en guerre, cela fut plus progressif. Au Portugal, Jean I forme un impôt indirect sur les échanges de produit en ville (la sisa) qui représente les 3/4 des revenus de l'État.


Même si cela devient automatique, cela oblige constamment les souverains à dialoguer avec le peuple via des assemblées représentants la population : en Angleterre, le Parlement, en France les États (provinciaux ou généraux lorsqu'ils se réunissent à Paris), en Espagne ce sont les Cortes, … Toujours est-il que le roi doit en plus agir dans l'optique de restaurer un bien public pour conserver une forme d'accord tacite. Pour Genet, un État moderne est un État dont la base matérielle repose sur une fiscalité publique acceptée par la société publique et qui concerne tout les sujets. Le roi doit donc assurer des services à sa population, en priorité celui d'assurer la défense de leur production.


Enfin le dernier facteur d'unification est dans le terme de nation, utilisé dans une réalité régionale avant la guerre de Cent Ans, qui devient la désignation de tout les gens qui se battent du même côté. La nation française se définit contre la nation anglaise. Colette Beaune dans naissance de la nation France étudie en détail le fonctionnement de cette construction nationale sous l'effet de la guerre de Cent Ans. Cela se fait avec la désignation de nombreux stéréotypes de l'ennemi par exemple. Dans Le débat des hérauts d'armes de France et d'Angleterre, qu'on trouvait en langue vulgaire en français et en anglais, ce texte présentait un dialogue entre un héraut français et un autre anglais chacun justifiant pourquoi sa nation est meilleure que l'autre. A cette époque, le terme d'« Anglais » devient une insulte monumentale après la guerre de Cent Ans. Les textes sur la psychologie des peuples connaissent un franc succès.

Par imitation, les pays exclus de cette guerre vont imiter les pratiques des Français et des Anglais en matière de nation. En Germanie en 1438, au Reichstag on trouve pour la première fois l'expression « natio germanica », puis le terme germanicus se propage à son tour au XV° siècle. Même si l'échelle locale reste prédominante chez les individus, la réalité territoriale d'une échelle plus grande commence à apparaître au XIII° siècle.






Les transformations de l'espace et des paysans ruraux (XI° - XV° siècle)








L'apport archéologique est très utile dans ce cours. Burnouf explique que les archéologues dans les années 1970 n'assumaient pas leurs découvertes et pour s'affirmer comme science, ils durent donner du matériel pour alimenter les discours des historiens. Les archéologues furent longtemps au service des historiens des textes comme Marc Bloch. Dans les années 1980, l'archéologie s'affirme avec une multiplication des sous-courants (archéo-zoologie, …) et l'étude d'espaces naturels pour étudier sur le temps long l'évolution de ces espaces. Aujourd'hui, il n'existe plus d'immenses chantiers de fouilles sur un village entier et ses tendances sur plusieurs dizaines d'années. Aujourd'hui tout entrepreneur souhaitant faire des travaux doit faire des fouilles préventives auparavant. On a donc eut la multiplication de petits sites de fouilles un peu partout, ce qui alimente le débat de l'organisation de l'espace.



  1. Les formes d'habitat rural


  1. Des villages plus précoces qu'on ne le croyait


Un premier stade est celui des habitats dispersés qui sont ensuite qualifiés d'instables, puisqu'on habite un lieu un certain temps, puis on part vivre un peu plus loin. L'habitat très dispersé gallo-romain, devient des pôles toujours dispersés mais plus gros, puis voire l'abandon de ses pôles pour un nouveau site mieux placé qui se fixe et se stabilise. C'était la première théorie qui avait aussi tendance à souligner que les gens vivaient dans des fonds de cabane (structures légères à couverture végétale et légèrement enfoui dans le sol, cf image ci-dessus).

Avec les fouilles préventives, on remet cela en cause. D'abord on constate que la plupart des villages construits jusque là avaient été abandonnés à la fin du Moyen-Age et il s'agissait toujours des lieux d'habitation tardifs. Avec les fouilles préventives dans les villes importantes, on redécouvre des traces d'habitat parfois très anciennes. Dans le site de la Grande Paroisse en Seine et Marne, on a retrouvé l'organisation du village et on y découvre que les fonds de cabane sont autour de bâtiments plus importants. On pense donc qu'ils servaient d'ateliers ou de lieux de stockage plus que d'habitations. Certains historiens ont dénoncé un faux-village, un vrai village étant fixé et constitué d'une communauté d'individus. Les archéologues ont donc encore cherché et ont trouvé le village de Planchebaut (seconde moitié du IX° siècle). Ce village s'organisait autour d'une place avec des habitations autour et plus loin, une aire de travail pour les cultures (structures de séchage, …). De même dans le village de Rentilly, deux zones apparaissent : celle d'habitats et celles d'activités collectives (fours, sillots, puits, …).


Les archéologues remirent en cause le dogme d'incastellamento, ils ne le contestent pas mais montrent plutôt que ce système d'habitat date de bien avant ce qu'on pensait (VIII° siècle au moins). En Angleterre dés les années 1980, 200 villages furent fouillés et les archéologues précisait que le village fixe existait bien avant ce qu'on pensait. Du coup, on parlait d'une civilisation foncièrement différente en Angleterre pour expliquer cela. En réalité, c'est son système de fouilles archéologiques qui lui donnait ce statut. Aujourd'hui on sait de plus une nouveauté : les villages groupés existent avant le XI° siècle, mais en plus, ils n'effacent pas les systèmes d'habitats dispersés, les deux se côtoient pendant longtemps. Le village n'est plus progrès débutant au XI° siècle.



  1. Un bâti qui s'organise et progresse en qualité


Un premier élément notable de transformation concerne le regroupement progressif du bâti à l'intérieur des villages. Dans le village de Tremblay (qui semble exister depuis le X° siècle), les habitations étaient très dispersées au centre de parcelles et de vergers. Au fil des siècles, ce village se transforme avec l'apparition d'une rue et l'organisation de bâtiments jointifs qui sont plus en communications et qui s'accompagnent de petits jardins à l'arrière. De plus cela se double d'un changement des matériaux avec le passage de maisons de bois des maisons de pierres. Le village de Wawne en Angleterre montre que le vieux village est dispersé et fait de constructions en bois avec une seule pièce, au XIV° siècle, un nouveau village s'organise le long d'une rue avec des maisons jointives avec des jardons à l'arrière et ces maisons sont dorénavant en pierre avec plusieurs pièces. Les maisons en bois sont abandonnées en tant que lieu d'habitat mais pas en tant que lieu d'atelier.


La pétrification de l'habitat ne veut pas dire qu'on entre dans un monde plus fixe. Le village de Wharram Percy en Angleterre toujours, montre que les maisons sont reconstruites au même endroit à l'intérieur du village malgré le fait que la maison était faite de pierre. En moyenne dans ce village on reconstruit sa maison tout les 9 ans. Cela suivit aussi le rythme de la conjoncture. Dans le village de Rougiers en France, zone escarpée, avec un château en hauteur et un village en contrebas, en temps difficiles au XIV° siècle (grande peste), en plus de la croissance démographique, des paysans vinrent s'y réfugier ou y trouver un travail qui rémunérait (verrier pour Rougiers) et on a une réorganisation de l'habitat en détruisant les murs devenus inadaptés même si l'espace de vie des familles sont un peu réduit. On a donc un effet de concentration dans des villages facile à défendre, les mieux placés le long des voies de communications, les endroits avec des terres arables ou un métier spécifique.

Cela provoque donc une tendance à la désertification de certains autres villages (Rougiers sera déserté plus tard) ce qui a développé les grandes archéologies françaises sur ces villages abandonnés, mais qui étaient faussées car peu représentatives.



  1. L'organisation du terroir


  1. L'essor de l'espace mis en valeur XI° - XIII° siècle


C'est dans un contexte de croissance démographique qu'on aménage de nouvelles terres, elles-mêmes favorisant la croissance démographique. Le monde médiéval était très organisé autour des forêts qui couvraient 50% à 70% du territoire de l'Europe. On avait de vastes ensemble forestiers continus et denses qu'on ne connaît guère aujourd'hui. A l'époque ce saltus s'opposait à l'ager. On développa alors la pratique de l'essart (défrichement) qui permit de faire reculer l'importance de la forêt. La Picardie à vu sa forêt disparaître en deux temps 1150 – 1170 puis 1220 – 1250. Ce défrichement est tardif par rapport au reste de l'Europe mais massif.

Cela s'est accompagné d'un autre développement des terres avec l'assèchement des terres pour en faire des zones cultivables : polders en bord de mers et assèchement de terres ou régulation de rivières dans les terres (via des canaux ou des levées).

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